Lulu baissa les yeux sur sa tasse de thé... et plus que son breuvage, elle observa un silence. Pas un mot, pas une respiration autour d'elle. Le domaine enchanté s'était tu en ce jour de deuil, qui arrivait quelques jours après un autre. Elle sentit son coeur battre et secouer sa poitrine, lentement mais d'une triste manière. Y avait-il un chant de fête dans les prières d'Etro, pour des jours si moroses ? Mais davantage que la tristesse, elle ressentait un vide. Restait-il encore quelque chose de son âme, de son coeur ? Elle avait prémédité le massacre de Swain et de ses hommes, revenait seulement au domaine enchanté pour profiter d'un simulacre de liberté, et déjà la citadelle était attaquée. Son père lui avait répété des encouragements sincères, car pour lui, elle avait non seulement agi alors qu'elle n'y était pas obligée, mais bien plus encore avait sauvé le Sanctum de ce dragon.
Mais Angeal était mort. Le Sanctum avait montré son plus noir visage au plus noir moment. Tuer Swain avait rendu la pitié que l'on pouvait avoir pour eux, croyants damnés, bien inaccessible. Elle ne regrettait pas d'avoir commandé cela. Seuls les idiots pouvaient décemment penser que le Sanctum aurait du agir plus tard ou plus tôt contre le Stratège, conseiller du roi. Mais elle avait peur pour elle. Peur d'être condamnée par son Roi, par l'Éclaireur, par le peuple, pour avoir osé agir. Le Sanctum ne la soutiendrait plus... Le Sanctum n'existait plus pour personne, à présent que son siège était en cendres, que son primarque était tombé, aussi lamentable chef fut-il. Le culte resterait, les prêtres communieraient, mais l'Institution était morte.
« Et si Fitzgerald existait ? » demanda-t-elle à son père, qui fut surpris de l'entendre poser une question, bien habitué à avoir ce monopole dans la famille. Il était assis en face d'elle, sur son lourd fauteuil, avec comme elle une tasse de thé à la main. Il était particulièrement bien habillé, ce jour-là, et bien que ses traits fatigués le vieillissaient un peu, de tout le domaine enchanté, il devait être l'un de ceux qui avait la meilleure mine. Cherchant sa montre à gousset dans la poche de son veston, nerveusement, il répondit sans même regarder l'heure, d'une voix tremblante.
« Oh je... ne te fais pas de faux espoirs, Lou. »
Ils avaient parlé le matin même de ce qu'ils avaient vu à la télévision. L'éclaireur, devant le porte-parole du Consulat, rapportant l'existence du nouveau Primarque du Sanctum qui aurait refusé l'aide des artistes, qui étaient arrivés la veille pour combattre l'incendie et soigner leurs blessés. Et ils en étaient arrivés à la même conclusion, le Sanctum avait sans doute prétendu dans la précipitation avoir un nouveau primarque pour que les croyants ne commettent pas d'actes inconsidérés en pensant leur église abattue.
Mais c'était maladroit, elle ne se laissait pas duper par cette nouvelle. Un nouveau Primarque, un vrai du moins, serait une curieuse aubaine
« Mais. » Elle fit une pause en regardant les yeux pourpres de son père. « S'il existait. »
« Ce serait m... merveilleux. » Il lui fit un sourire timide et détourna ses yeux des siens. Elle n'ajouta rien, convaincue que dans quelques secondes, il analyserait plus en détails l'éventualité. Son père était un homme intelligent qui avait construit sa richesse notamment parce qu'il ne se contentait pas d'une superficielle réflexion. « Mais. » Elle sourit légèrement, reconnaissant son père qui, petit homme dégarni et incertain, répondait bien à ses attentes. « On ne peut justifier la déclaration de guerre faite au Consulat. Le Clergé n'aurait jamais du prendre cette décision et... ils auraient du te demander ton avis. »
L'institutrice hocha la tête, sans savoir si elle était d'accord. Bien entendu, le Sanctum aurait eu tout intérêt à attendre son conseil, vu ce que cela donnait quand il s'en passait... mais elle n'était pas certaine de vouloir encore continuer ce jeu-là.
« Le Primarque te considérait comme sa conseillère, il te l'a dit. »
La voix de son père se brisa légèrement. Il reposa sa tasse de thé, ajusta ses lunettes et fit semblant de ne pas être touché. Si le Sanctum mourrait en ce jour, elle aurait au moins apprécié de voir son papa au quotidien, fier d'elle et de son statut. Non seulement son père aimait le Sanctum, son Roi et son Primarque, mais il avait aimé savoir sa fille auprès des trois.
Mais il ne la voulait plus là-bas et elle... n'était plus certaine d'y avoir une place.
« Il me manquera. » avoua-t-elle sobrement, en buvant une dernière gorgée de sa tisane. « C'était un idiot mais il était gentil. » Et le voir mourir avait été difficile pour elle. Elle aurait aimé lui parler une dernière fois, en bonne santé et sans préoccupation. Ensemble, ils avaient eu des projets, voulaient faire avancer le Sanctum, découvrir de nombreuses choses. Et un jour, leur attention toute entière avait été prise par les machinations, les guerres. Et après ? Lui était mort. Elle, coupable.
Lulu ne releva pas le nez en entendant son père sangloter discrètement.
Si venir au Sanctum avait eu un intérêt, à part celui de respecter la dernière volonté de sa mère mourante, ce fut d'avoir pu être proche de son père quelques mois, ceux où elle n'avait pas été captive.
Et à présent, contrairement à ces jours d'antan de son adolescence et de sa vie de jeune adulte, elle comprenait qu'elle n'avait plus l'envie de s'éloigner durablement de lui.
Quelques dizaines de minutes passèrent. Elle avait repris le labeur qu'elle avait entrepris la veille, avant que le château ne fût attaqué : relire des mois et des mois de gazette de l'éclaireur et lire son courrier. Elle ne retenait pas tout mais... avait le besoin de rattraper le retard que la prison lui avait fait prendre sur le monde. Une dizaine des lettres qu'elle avait reçues était écrite en alphabet arabe. Tout cela lui venait de son contact à Agrabah, à qui elle devait à présent un certain montant. Elle se promit de les étudier plus tard... un marchant vivant près du palais aurait beaucoup à lui raconter sur la nouvelle situation de ce monde, maintenant que le sultan Armand avait été éliminé.
Son père lui-même, était dans une pièce adjacente, à quelques mètres de là, son bureau, où il travaillait sur des plans. Mais pour quelques minutes, il revint vers elle, toqua légèrement à la porte du salon dans lequel ils prenaient souvent le thé.
« Je voulais... »
La sorcière regarda son père avec attention.
« te dire que je suis heureux que tu sois de retour. Je n'ai pas eu l'occasion de te le dire mais... que les éternels cachent leurs yeux et bouchent leurs oreilles... qu'importe le Sanctum, la seule chose qui compte pour moi, c'est que tu sois vivante et libre. »
Elle ne lui sourit pas en retour mais hocha la tête sombrement. Depuis son évasion de sa cellule, rien ne la rendait heureuse. Quelqu'un toqua à la porte, elle se leva aussitôt sans y réfléchir et se dirigea vers celle-ci.
En l'ouvrant, elle découvrit un jeune visage qu'elle n'avait jamais vu jusqu'ici, ou du moins auquel elle n'avait pas prêté attention. C'était une belle jeune femme aux cheveux roux, qui la salua militairement. Son teint était rougi par l'effort, ses cheveux ébouriffés témoignaient d'une chevauchée récente. Elle portait ne veste tâchée de boue et de sang pendant à sa ceinture et une chemise blanche.
« Aubrey Lockhart, templier du Sanctum. Vous êtes bien la Dame Lulu ? » La sorcière hocha simplement la tête. « J'ai mis beaucoup de temps à trouver où vous habitiez, m'dame. Le Primarque vous convoque. »
« Et bien... » Elle pivota sur elle-même et tendit un bras vers un meuble près de la porte, duquel sauta le mog en peluche, coiffé de sa toque. Si elle devait recevoir des félicitations, voilà la peluche qui en méritait tout autant. « Allons-y. »
Mer 18 Oct 2017 - 13:00Mais Angeal était mort. Le Sanctum avait montré son plus noir visage au plus noir moment. Tuer Swain avait rendu la pitié que l'on pouvait avoir pour eux, croyants damnés, bien inaccessible. Elle ne regrettait pas d'avoir commandé cela. Seuls les idiots pouvaient décemment penser que le Sanctum aurait du agir plus tard ou plus tôt contre le Stratège, conseiller du roi. Mais elle avait peur pour elle. Peur d'être condamnée par son Roi, par l'Éclaireur, par le peuple, pour avoir osé agir. Le Sanctum ne la soutiendrait plus... Le Sanctum n'existait plus pour personne, à présent que son siège était en cendres, que son primarque était tombé, aussi lamentable chef fut-il. Le culte resterait, les prêtres communieraient, mais l'Institution était morte.
« Et si Fitzgerald existait ? » demanda-t-elle à son père, qui fut surpris de l'entendre poser une question, bien habitué à avoir ce monopole dans la famille. Il était assis en face d'elle, sur son lourd fauteuil, avec comme elle une tasse de thé à la main. Il était particulièrement bien habillé, ce jour-là, et bien que ses traits fatigués le vieillissaient un peu, de tout le domaine enchanté, il devait être l'un de ceux qui avait la meilleure mine. Cherchant sa montre à gousset dans la poche de son veston, nerveusement, il répondit sans même regarder l'heure, d'une voix tremblante.
« Oh je... ne te fais pas de faux espoirs, Lou. »
Ils avaient parlé le matin même de ce qu'ils avaient vu à la télévision. L'éclaireur, devant le porte-parole du Consulat, rapportant l'existence du nouveau Primarque du Sanctum qui aurait refusé l'aide des artistes, qui étaient arrivés la veille pour combattre l'incendie et soigner leurs blessés. Et ils en étaient arrivés à la même conclusion, le Sanctum avait sans doute prétendu dans la précipitation avoir un nouveau primarque pour que les croyants ne commettent pas d'actes inconsidérés en pensant leur église abattue.
Mais c'était maladroit, elle ne se laissait pas duper par cette nouvelle. Un nouveau Primarque, un vrai du moins, serait une curieuse aubaine
« Mais. » Elle fit une pause en regardant les yeux pourpres de son père. « S'il existait. »
« Ce serait m... merveilleux. » Il lui fit un sourire timide et détourna ses yeux des siens. Elle n'ajouta rien, convaincue que dans quelques secondes, il analyserait plus en détails l'éventualité. Son père était un homme intelligent qui avait construit sa richesse notamment parce qu'il ne se contentait pas d'une superficielle réflexion. « Mais. » Elle sourit légèrement, reconnaissant son père qui, petit homme dégarni et incertain, répondait bien à ses attentes. « On ne peut justifier la déclaration de guerre faite au Consulat. Le Clergé n'aurait jamais du prendre cette décision et... ils auraient du te demander ton avis. »
L'institutrice hocha la tête, sans savoir si elle était d'accord. Bien entendu, le Sanctum aurait eu tout intérêt à attendre son conseil, vu ce que cela donnait quand il s'en passait... mais elle n'était pas certaine de vouloir encore continuer ce jeu-là.
« Le Primarque te considérait comme sa conseillère, il te l'a dit. »
La voix de son père se brisa légèrement. Il reposa sa tasse de thé, ajusta ses lunettes et fit semblant de ne pas être touché. Si le Sanctum mourrait en ce jour, elle aurait au moins apprécié de voir son papa au quotidien, fier d'elle et de son statut. Non seulement son père aimait le Sanctum, son Roi et son Primarque, mais il avait aimé savoir sa fille auprès des trois.
Mais il ne la voulait plus là-bas et elle... n'était plus certaine d'y avoir une place.
« Il me manquera. » avoua-t-elle sobrement, en buvant une dernière gorgée de sa tisane. « C'était un idiot mais il était gentil. » Et le voir mourir avait été difficile pour elle. Elle aurait aimé lui parler une dernière fois, en bonne santé et sans préoccupation. Ensemble, ils avaient eu des projets, voulaient faire avancer le Sanctum, découvrir de nombreuses choses. Et un jour, leur attention toute entière avait été prise par les machinations, les guerres. Et après ? Lui était mort. Elle, coupable.
Lulu ne releva pas le nez en entendant son père sangloter discrètement.
Si venir au Sanctum avait eu un intérêt, à part celui de respecter la dernière volonté de sa mère mourante, ce fut d'avoir pu être proche de son père quelques mois, ceux où elle n'avait pas été captive.
Et à présent, contrairement à ces jours d'antan de son adolescence et de sa vie de jeune adulte, elle comprenait qu'elle n'avait plus l'envie de s'éloigner durablement de lui.
Quelques dizaines de minutes passèrent. Elle avait repris le labeur qu'elle avait entrepris la veille, avant que le château ne fût attaqué : relire des mois et des mois de gazette de l'éclaireur et lire son courrier. Elle ne retenait pas tout mais... avait le besoin de rattraper le retard que la prison lui avait fait prendre sur le monde. Une dizaine des lettres qu'elle avait reçues était écrite en alphabet arabe. Tout cela lui venait de son contact à Agrabah, à qui elle devait à présent un certain montant. Elle se promit de les étudier plus tard... un marchant vivant près du palais aurait beaucoup à lui raconter sur la nouvelle situation de ce monde, maintenant que le sultan Armand avait été éliminé.
Son père lui-même, était dans une pièce adjacente, à quelques mètres de là, son bureau, où il travaillait sur des plans. Mais pour quelques minutes, il revint vers elle, toqua légèrement à la porte du salon dans lequel ils prenaient souvent le thé.
« Je voulais... »
La sorcière regarda son père avec attention.
« te dire que je suis heureux que tu sois de retour. Je n'ai pas eu l'occasion de te le dire mais... que les éternels cachent leurs yeux et bouchent leurs oreilles... qu'importe le Sanctum, la seule chose qui compte pour moi, c'est que tu sois vivante et libre. »
Elle ne lui sourit pas en retour mais hocha la tête sombrement. Depuis son évasion de sa cellule, rien ne la rendait heureuse. Quelqu'un toqua à la porte, elle se leva aussitôt sans y réfléchir et se dirigea vers celle-ci.
En l'ouvrant, elle découvrit un jeune visage qu'elle n'avait jamais vu jusqu'ici, ou du moins auquel elle n'avait pas prêté attention. C'était une belle jeune femme aux cheveux roux, qui la salua militairement. Son teint était rougi par l'effort, ses cheveux ébouriffés témoignaient d'une chevauchée récente. Elle portait ne veste tâchée de boue et de sang pendant à sa ceinture et une chemise blanche.
« Aubrey Lockhart, templier du Sanctum. Vous êtes bien la Dame Lulu ? » La sorcière hocha simplement la tête. « J'ai mis beaucoup de temps à trouver où vous habitiez, m'dame. Le Primarque vous convoque. »
« Et bien... » Elle pivota sur elle-même et tendit un bras vers un meuble près de la porte, duquel sauta le mog en peluche, coiffé de sa toque. Si elle devait recevoir des félicitations, voilà la peluche qui en méritait tout autant. « Allons-y. »