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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Prologue

Station Shin Ra de Port Royal

Naran s’était éclipsée au petit matin, un ordre de mission à la main. Elle s’était faufilée jusqu’à la station des vaisseaux Shin Ra, et avais patienté là quelques heures en attendant le prochain convoi vers le monde de la Conquête de l’Ouest.
La Conquête de l’Ouest. Un nom qui claque : Un nom conquérant, ambitieux. Une mission intrigante aussi, qui promettait certes du dur labeur, mais aussi un mystérieux sentier d’acier. Une nouvelle technologie mystérieuse peut être ?
Enfin, il fallait être honnête. Naran avait pris cette mission pour une raison au-dessus de toute les autres : Sa durée. De petites vacances loin de Port Royal lui feront le plus grand bien…

Alors que la mercenaire profitait une dernière fois du soleil tropical, elle entendit les appels des agents Shin Ra, annonçant le départ prochain. Elle se leva prestement, un sac de voyage sur le dos. En route !
Monter dans le vaisseau lui rappela l’angoisse qu’elle avait senti lors de son premier voyage. La tôle craquait sous ses pas, là où elle n’était pas glissante d’une huile inidentifiable. Une forte odeur de cheval planait sur le pont des passagers. Ces derniers étaient peu nombreux, et peu bavards. Un homme à l’air important, engoncé dans quantité de couche de chemise, veste et veston, arrangeait ses papiers. Trois autres jouaient au dé en silence, l’air sombre. Une vielle dame fixait son regard noir sur l’agent de sécurité, furieuse qu’il lui ait interdit de sortir et polir son fusil pendant le trajet.

Une fois le vaisseau eu décollé, la mercenaire se désintéressa de la compagnie, pour coller son nez à un hublot. Il y avait un attrait presque psychédélique au paysage qui se dévoilait sous ses yeux. Des spirales poussiéreuses, des fractales de rose, violet et bleu qui se poursuivaient jusqu’à l’horizon…
Quand, finalement, elle arracha son visage à la vitre, elle découvrit que la plupart de ses compagnons de voyages était affalé sur leurs bagages, plongés dans des sommeils plus ou moins profond. Seul l’agent de la Shin Ra veillait encore, avachit à côté de la porte.
Profitant de l’occasion, Naran fit un tour de l’endroit. Elle sentait le regard soupçonneux de l’agent sur ses moindres gestes, et pourtant il lui laissa caresser le métal froid du bastingage, examiner les lourds écrous qui tenaient en place les hublots et les rambardes intérieures, détailler les tubes graisseux qui traversaient la cabine de part en part… Mais quand Naran essaya de glisser un coup d’œil vers le couloir de la salle des machines, elle fut vertement rembarrée.
Déçue, la mercenaire se rassit devant un hublot, se laissant bercer par le grondement sourd du vaisseau et les nébuleuses violacées qui tournoyait à sa fenêtre.

Station Shin Ra de la Conquête de l’Ouest

Le débarquement fut assez chaotique. A son atterrissage, le vaisseau avait cramé une partie de sa future cargaison, à la fureur du fermier commanditaire. L’homme, gras et coiffé d’un chapeau à bord large, couvrait d’insulte les agents. L’odeur de ses vaches carbonisées flottait dans l’air, un parfum bien agréable qui donna à Naran un large sourire.
La mercenaire ignora le flot de menace du fermier et sortit de la station.
Dans la distance, elle pouvait apercevoir la ville de Hill Valley, un petit hameau perdu au milieu d’une plaine aride. Mis à part les quelques bicoques, une terre rouge et sèche s’étendait à perte de vue. Seul quelques rochers et buisson sec agrémentaient le paysage.

Hill Valley

Naran se retrouva face au panneau d’entrée de la ville. Il était orné de quelques traces de balles et d’un crâne de vache, joliment agencé sur son coin droit. Un avertissement étrange y étais inscrit : Naran n’y accorda qu’un bref coup d’œil.

Elle dépassa le panneau pour prendre la grande rue. Toute la ville semblait construite autour de cette large avenue, qui séparait des maisons de bois d’un ou deux étages. L’architecture était rustique, plus utilitaire que jolie, malgré quelques porches et balustrades ornementé.

Naran marqua un temps d’arrêt devant l’écurie. La compagnie des chevaux lui manquait, et elle fut intrigué de voir que ce monde semblait rempli de ces braves bêtes. La mercenaire s’approcha des deux juments qui buvait dans l’auge devant l’établissement. C’était des animaux robustes et rapides. Leur selle était de cuir, en plusieurs couches rembourrée et dotée d’un pommeau proéminent à l’avant. Leur poil était dru et court, leurs sabots ferré-
« Qu’est c’qu’vous foutez à mes bêtes ?? » Un vieil ivrogne qui dormait sur le porche voisin s’était relevé de sa sieste, un long fusil à la main. Naran laissa lentement retomber la jambe du cheval qu’elle examinait.
« Uh... » Vite, une excuse… « Je… cherche la diligence ? » Raté.

Le vieil homme plissa les yeux. « Allez au Saloon comme tout le monde au lieu de trainer dans les pattes de mes ch’vaux. Si j’vous reprend à les toucher j’vous ‘verrai une salve dont vous vous souviendrez… » D’un geste de son arme, qu’il avait braqué sur Naran, l’homme lui intima de poursuivre sa route sans discuter.
Pas commode les gens d’ici… Naran s’écarta et repris son chemin, cette fois gardant bien ses mains pour elle.

Hill Valley, Saloon du Double Colt

Quand elle passa le petit portillon, Naran fut presque renversé par l’épais nuage de fumée et d’alcool qui régnait à l’intérieur. Préférant respirer par la bouche le temps de s’en remettre, elle scanna l’endroit de ses yeux plissés.
Il faisait sombre : Les rares fenêtres non barrées de planches avait des carreaux épais qui ne laissaient pas filtrer grand-chose. Les bouteilles alignées derrière le bar reflétaient les rares rayons qui traversaient la pièce, là où le large miroir au-dessus d’elles restait terne, tant il était encrassé.
Le grand bar de frêne était recouvert d’une fine couche d’étain soigneusement astiquée. Quelques tabourets et une demie douzaines de tables et de chaises meublait la pièce. Au fond de la salle, une estrade se dessinait, flanquée d’un petit piano.

Le lieu était vide, à l’exception d’une figure en retrait et du tavernier. Ce dernier était assis au bar, et faisait ses comptes. Il leva la tête en voyant Naran arriver.
« Mademoiselle. Que puis-je faire pour vous ? » L’homme s’était glissé derrière le bar pour l’accueillir.
Naran répondit d’une voix assurée : « Je cherche à prendre la prochaine diligence vers le chantier du chemin de fer. »
Son interlocuteur la détailla, l’air interrogateur. « Elle partira d’ici, mais seulement demain matin. Nous pouvons vous pourvoir une chambre en attendant si vous le désirez… »
Naran jura sous sa barbe. Encore des frais… Elle avait déjà peiné à payer le vaisseau de la Shin Ra… « Combien prenez-vous pour la chambre ? »
« 20 munnies. » L’air calme mais ferme du tenancier dissuada Naran de négocier.

Quand, au soir, Naran descendit de sa chambre pour diner, elle fut accostée par trois hommes déjà bien éméché.
« Eh bien, ce n’est pas souvent qu’on voit des Coolie par ici ! » Coolie ? Leur ton n’était pas agressif, donc ce n’était probablement pas une insulte… Et pourtant Naran n’aimait pas le terme. La mercenaire leur répondit froidement : « Qu’est-ce que vous voulez ? »
« Oh mais rien ma mignonne, on se disait juste que, eh bien, on avait besoin d’aide pour finir cette bouteille, et qu’tu semblais manquer de compagnie… » Naran les aurait bien renvoyés, mais elle ne put réprimer sa curiosité. Le liquide qu’ils lui proposaient était ambré, brillant… Intriguant.
« Soit. »

Quelques heures plus tard, Naran entamait la troisième bouteille. Avec adresse, elle tira le bouchon, aux grands éclats de rire de ses compagnons de beuverie. C’était des bons gars, dans le fond. Des hommes qui, comme elle, avaient renoncé à leur patrie pour partir à l’aventure.
Le blond, Gareth, était un gallois, chassé du lit matrimonial par sa femme qui lui reprochait ses affections volages. Il était bon tireur, mais ne savais pas boire : Après une demie bouteille, le pauvre homme s’était affalé sous une table pour y ronfler comme tous les diables.
Jesse et Carter, les deux autres, étaient frères. Nés d’une famille de sept d’une ville voisine, ils étaient partis chasser leur fortune dans l’Ouest sauvage. Ils se présentaient comme cowboys, mais Naran avait la distincte impression qu’ils devaient leur survie plus au banditisme qu’à l’élevage.

Mais peu importait. Ce soir, autour de leur verre, les trois hommes étaient ses frères. Elle écouta leurs aventures, et raconta certaines des siennes. Elle rit avec eux, rembarrant leurs avances maladroites sans malice, pour ensuite les défier au tir. Ils s’essayèrent d’abord aux couteaux, puis aux colts.
Pour la première fois, Naran tint un pistolet entre ses mains. L’arme était lourde, un peu rouillé, et sentait fort la poudre et la sueur. Le bruit du tir perçait les tympans, mais l’efficacité de l’arme était redoutable. Après quelques essais, elle ne pouvait toujours pas rivaliser avec les deux frères, qui cherchèrent alors un autre défi.

Alors que la troisième bouteille versait ses derniers verres, Naran avais enfin compris les rudiments du poker. Si, au début, Naran peinait à suivre, elle se fit vite au jeu. Après une dizaine de parties endiablée, et le début d’une quatrième bouteille, Naran avait l’avantage. Ses deux comparses encore debout peinaient à garder les yeux ouverts, alors qu’elle avait encore l’esprit vif.
Au petit matin, Naran était fière de sa soirée. Elle avait plumé ses camarades, mais les trois hommes ne semblaient pas trop lui en vouloir, ronflant qu’ils étaient sur le sol du saloon. En plus d’une belle cuite (finir la dernière bouteille à elle seule avait été le coup de grâce), la mercenaire avait récolté une cinquantaine de munnies, ainsi qu’un vieux flingue au chargeur plein. Elle partit donc se coucher à l’étage, son butin à la main.

Après quelques heures de sommeil, Naran était bien moins enthousiaste. Elle se tira du lit avec un râle, et tangua jusqu’au broc d’eau qui lui avait été préparé. Elle plongea son crane douloureux dans l’eau glacé, et l’y maintiens une bonne minute.
En maugréant, elle fit sa toilette et s’habilla. Après un bref regard dans le miroir, elle grimaça. Ses yeux étaient cernés et rougis, et sa mine bouffie par les excès de la veille. Plus qu’à espérer que cela passerait d’ici à qu’elle atteigne le chantier…

La diligence arriva à une heure, brinquebalante carriole couverte tirée par quatre bais bien fatigués. Naran et ses trois compagnons de la veille payèrent leur place, tandis qu’un couple âgé descendaient de voiture. Les deux autres passagers vinrent se restaurer à l’auberge pendant des préparations.
Le temps que la diligence soit déchargée, chargée, déchargée à nouveau parce que Mme Jenny avait oublié une malle, chargée encore, et prête à partir, l’après-midi se finissait.
Le cocher grognait sous sa barbe que la diligence était supposée partir à midi, mais pris son mal en patience. Le nouvel attelage de pies fringuant s’ébrouait sous le soleil.
Naran saisi l’occasion pour s’accaparer la place voisine du cocher. Elle se vu confier un long fusil, qu’elle accepta sans question. Puis, enfin, la diligence grinça, et s’élança sur la route.

Le voyage se déroula sans accroc. La diligence filait à travers la plaine, sur la seule route à des lieu à la ronde. Aucune trace des redouté Indiens, ni même d’un puma ou d’un petit troupeau de bison. Le paysage regorgeait pourtant de vie : Coyotes, chien de prairies, rapaces et serpents à sonnettes se disputait la plaine.
Le cocher n’avait pas allumé les lanternes depuis plus d’une heure qu’ils arrivaient en vue d’énorme montagnes, qui dentelaient l’horizon nocturne. La diligence retrouva alors le suivi du Chemin de Fer, un tracé rectiligne de deux barres de fer liées par des cales de bois, qui s’étendait à l’infinie d’Est en Ouest. Encore quelques heures de courses à côté de cet étrange sentier, et la diligence atteint le pied des massifs.
Dans la pénombre, on devinait des tentes, et de haut tas de sable et de pierre. « Tsssk, ils n’ont pas avancé ! » Crachat le cocher.  Naran souleva un sourcil, pas très rassurée par cette remarque. Elle fut la seule à descendre à cet arrêt, et fit donc ses adieux à ses compagnons d’un soir.

Chantier du Chemin de Fer

Dans la pénombre, la mercenaire n’arrivait pas à discerner la taille du camp, ni la logique dans son agencement. Tout ce qu’elle percevait était la respiration lente des chevaux et des hommes endormis, l’odeur de cuir et de sueur, et le sable qui pénétrait ses moindres pores.
Quand, finalement, elle atteignit la tente de l’intendant, personne n’était là pour l’accueillir. Elle se servit donc, prenant sous le bras une tente et quelques draps. Naran alla la planter en bordure du camp, se reposant sur ses sens pour ne marcher sur personne. Elle s’endormi en un instant, terrassée par la fatigue.
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Premières Instructions

Au matin du premier jour, Naran fut réveillé par un méchant coup de pied dans les côtes. Son voisin s’était vautré sur sa tente, surpris de la trouver soudainement sur son chemin. Après une bordée de juron, l’homme avait poursuivi son chemin sans se retourner.
Une odeur familière de riz et de haricot flottait sur le campement. On aurait dit… Alors que Naran se relevait, elle comprit tout à coup. C’était le parfum des soupes de riz de son ancien pénitencier.

Le camp autour d’elle était plus large qu’elle ne l’aurait deviné. Au centre, une étrange machine de fonte et d’acier dominait la troupe. Un grand nombre de chariot s’entassait derrière le camp, rempli de vivres, d’énormes barres de fer, ou encore de larges planches de bois. Quelques ateliers préparaient les matières premières nécessaires aux travaux. En périphérie, une demie douzaine de chevaux étaient étrillés et brossés en préparation de la journée de travail. Puis, au loin, les montagnes se dessinaient, de plus en plus hautes.

Une quarantaine de silhouettes faisaient la queue devant la cantinière de fer, où bouillonnait la soupe honnie. Les travailleurs étaient tous des hommes, et une grande majorité d’entre eux avait les mêmes yeux bridés que Naran. La mercenaire en était assez surprise : A Port Royal, ses traits étaient considérés comme exotiques.
A leurs visages, Naran devinait que la plupart venaient de l’Empire. Mais pourquoi avoir quitté les fertiles vallées chinoises pour trimer ici dans la poussière ? Clairement, ces hommes n’étaient ni riches ni puissants. C’est tout juste s’ils pouvaient se vêtir et se nourrir. Des va-nu-pieds en quête de richesse, peut-être ?

Ignorant la cohue autour du repas, Naran s’en alla trouver la tente du maître d’œuvre. C’était une des rares structure haute de plus d’un mètre, parmi le champ de tente à peine suffisamment grande pour laisser un homme s’y allonger. On était toutefois bien loin du confort d’une yourte.

Elle fut saluée par un homme austère et voûté. Ses cheveux gris étaient strictement peignés en arrière, découvrant un front dégarnissant. Son visage pâle presque translucide, son menton imberbe veiné de bleu, et son frac noir donnait une allure de vautour. Cette image était contrastée par la tasse de thé qu’il avait à la main, une merveille de porcelaine blanche et rose, peinte de motifs floraux.  La théière, posée sur son bureau, avait un motif similaire. Naran y avisa aussi trois plateaux d’argent, chargées de sucreries, un sucrier élaboré, trois plumes, quantité de cartes, et deux encriers soigneusement refermés.

L’homme posa délicatement sa tasse de thé sur une coupelle assortie, et sourit. Son sourire avait quelque chose de terrifiant. Peut-être était est-ce ses dents jaunies, semée de plombage noircit ; Sa gencive mise à nue ; Ou encore l’air sinistre que prenait son visage par cette gymnastique ?
« Vous êtes notre envoyé mercenaire, n’êtes-vous pas ? » Sa voix était… Surprenament moins grinçante que Naran aurait présumé.
« En effet. Narantuyaa, pour vous servir. » La mercenaire s’inclina, réprimant un frisson.
« Très bien. Je suis Mallory Gilbert, superviseur de ce chantier pour la Compagnie Fédérale des Chemins de Fer. Nous avons besoin de vous pour une mission un peu délicate. » Le superviseur s’empara d’un biscuit sur un plateau, qu’il commença à grignoter.
« Mais encore ? » Naran essayait de ne pas fixer la mâchoire tombante de son hôte, qui pendait et s’affaissait avec chaque mastication.

« Nos travaux sont bloqué par une montagne particulièrement escarpée, le Pic de Zebulon. La poudre explosive que nous utilisons habituellement s’est révélée inutile, et nous avons donc décidé d’employer de la nitroglycérine. C’est une substance plus efficace, plus facile à déclencher... Plus instable aussi. » Le superviseur s’essuya la bouche d’un mouchoir immaculé, puis repris une gorgée de thé. « Il nous faut quelqu’un d’habile pour escalader la montagne, placer les explosifs et allumer les mèches. » Énuméra-t-il sur ses doigts décharnés.
« J’ai convoqué deux spécialistes pour déterminer où placer les explosifs. Je vous ai également fait trouvé une indigène pour vous guider. Finalement j’ai fait venir un chimiste pour créer la substance, et vous former dans son maniement. » Le superviseur finit son biscuit. « Vous commencez demain. » Ses yeux verts, ridé, fixaient Naran sans ciller.

« Pourquoi ne pas employer un de vos travailleurs ? »
« Pour éviter la perte de moral et la mauvaise publicité que sa mort pourrait créer. » Le superviseur lui tendit un plateau. « Un biscuit ? »
Perplexe du silence de Naran, Mallory repris : « Ne vous en faites pas, vous autres Mercenaires avaient la peau dure. » Il émit un halètement sec et éraillé. Un rire ? « Et puis, vous serez bien payé. »

Naran avait été envoyée rencontrer l’équipe responsable des explosifs, qui travaillait déjà sur place. Elle s’engagea donc sur le sentier de terre rouge qui serpentait vers les pics, suivant la file de travailleurs.
La végétation était ici bien plus présente : Arbrisseaux, buissons de baies, fougère… À mesure que la mercenaire avançait, la flore devenait plus abondante, même si elle ne vit aucun arbre adulte. Elle comprit, en apercevant les multiples souches et à travers l’odeur de sciure de bois ambiante, qu’ils avaient tous été abattu par la Compagnie.
Et, en effet, à la gauche de Naran se dessinait un complexe échafaudage de bois et de fer, qui élevait le chemin de fer au-dessus des premières hauteurs. La structure avait quelque chose d’impressionnant, de par sa taille d’abord, mais aussi par son apparente fragilité. Ponctuellement, des wagonnets remplis de roches et de débris étaient renvoyé vers le camps, et le bois grinçait et se tordait sous le poids des lourdes voitures de fer.

Une fois arrivée au camp avancé, Naran fut présenté aux membres de l’équipe.
Le chimiste, Thomas Clay, lui fit un accueil chaleureux. Trop, peut-être. Sa tente était une véritable fournaise, couverte d’alambics et de brasiers, si bien que l’air y était irrespirable. L’homme lui-même était tout aussi ardent : Une belle stature, un visage aux traits droits et à la peau métissée, et un charme solaire irrésistible, tant et si bien que Naran repartit les joues en feu.

Ensuite vint le tour des Douglas, le couple chargé du calcul du placement des explosifs.
Maya était presque aussi sulfureuse que Thomas, avec ses formes voluptueuses et ses denses boucles noires. Elle avait une énergie intarissable, tourbillonnant autour de Naran pour lui parler, l’interroger, l’examiner. Sa peau mordorée ruisselait de bijoux de nacre ou de corail, qui tintaient à chacun de ses pas et faisaient oublier les rigoles aux coins de ses yeux, et les quelques cheveux grisonnants de sa chevelure.
Peter pâlait en comparaison. Sa peau couleur craie était marquée des cratères de la variole, et son costume anthracite laissait deviner un corps massif et malhabile. Il cachait un menton en retrait derrière une barbe cuivrée, et sa calvitie sous un chapeau gris et arrondi. Toutefois, sa voix calme et rocailleuse s’avérait très rassurante. Il énonça avec patience ses instructions pour Naran, lui adressant un sourire affable à son départ.

Finalement, Naran fit la rencontre de la dernière membre du groupe. Ehawee, d’après ses collègues ; Une Sioux au visage fermé. Ses peintures de guerre noires et brunes soulignaient ses nombreuses cicatrices mais dissimulait son regard farouche. Ehawee ne daigna pas se présenter, préférant se tenir à l’écart du campement, mais elle glissât quelque coup d’œil curieux à la nouvelle arrivante. Naran n’insista pas.
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Bleus et Brûlures

Naran était à l’agonie. Ses bras gisaient à ses côtés, couvert de boue et d’écorchures. Ses jambes étaient encore enroulées dans leurs gaines, trempée par la sueur et l’humidité. Les lanières de son baudrier formaient une boule désagréable dans son dos. Toutefois, même en conjurant toute son énergie, la mercenaire n’arrivait pas à bouger ne serait-ce qu’un orteil. Résignée, elle ferma les yeux et s’abandonna au sommeil.

Pour sa première journée, le rythme avait été rude.

Après l’avoir fait lever à l’aube, Thomas lui avait confié une tenue spéciale pour l’escalade. Ses cuisses, mollets et avant-bras y étaient protégés contre les arrêtes coupantes de la roche, et son torse et bassin ceint d’un épais baudrier de cuir.
Ensuite, Peter et Maya l’avait mené jusqu’au premier terrain d’excavation. Là, elle avait découvert une corniche à flanc de montagne, plus de 50 mètre au-dessus du sol. Une dizaine d’hommes montaient et descendaient la falaise, encordés à quelques rares pitons. Avec un grand sourire, Maya lui avait donné un sac et des cordes. Après l’avoir lié à l’un des relais, elle lui avait ordonné de monter au sommet de la montagne, « pour s’échauffer ».

Naran était peut-être habile et athlétique, mais elle n’avait que peu d’expérience avec l’escalade : Tout au plus avait-elle escaladé les murailles et greniers à blés chinois. En conséquence, ce premier échauffement fut un véritable cauchemar. Après une dizaine de mètre, plus aucun ancrage : Naran avait dû se contenter des prises naturelles, souvent rien de plus que de fines fissures ou aspérités. Elle devait de plus enfoncer des broches scellées que lui avait confié Maya, pour pouvoir redescendre aisément, et assurer ses chutes.

Ses mains, laissée à nue pour plus de finesse, perdaient peu à peu leur sensibilité. Ses jambes faiblissaient, peu habitué à l’effort intense de hisser son corps à répétition. Par six fois, elle perdit sa prise, glissa, ou son poids fit craquer la racine qu’elle avait pris pour appui. Venait alors la chute, moment de terreur pure et absolue. Le temps semblait comme ralenti, alors qu’elle cherchait frénétiquement une autre prise, un support, une main tendue pour la retenir. Puis elle sentait son corps tomber en arrière, inexorablement attiré par le vide. La chute était un moment d’abandon. De peur, oui, de panique même, mais aussi de sentiments bruts. C’était dans ces moment qu’elle ressentait plus que jamais sa rage de vivre, comme ravivé par sa terreur.

Ces chutes étaient brutalement interrompues par son baudrier et sa corde, qui la ramenait à la réalité par un claquement sonore. Naran se réceptionnait violemment sur les rocher, ou pendouillait un instant au bout de sa corde. Reprenant alors ses esprits, la mercenaire se stabilisait sur une corniche, et prenait de grandes inspirations. Après une longue pause, elle reprenait prudemment son ascension.

Même si Naran concentrait toute son attention sur la roche qu’elle escaladait, elle crut percevoir une étoffe rouge du coin de l’œil. Elle mit cela sur le compte d’hallucination causée par l’épuisement qui la submergeait peu à peu. Le soleil avait commencé à décliner, que Naran se hissait péniblement sur une dernière corniche, et s’affalât sur le dos. Après une dizaine d’heure, elle était terrassée par la fatigue, incapable de bouger. Sa tête lui tournait, tandis que le vent d’Ouest sifflait à ses oreilles. Elle peinait à ouvrir les yeux, et les garda donc clos.

Elle avait atteint le sommet de la montagne. D’ici, elle se sentait comme au centre des Mondes. Elle entendait le chant du vent entre les montagnes ; Le pépiement d’un nid de rapace perché sur un pic voisin ; Le lointain frisson des pins ; Le souffle tranquille de-
Surprise, Naran ouvrit les yeux. A quelques mètres d’elle, Ehawee la fixait, l’air grave.
« Qu’est-ce que- » croassât Naran.
« Tu as encore des progrès à faire. » Le ton de l’Indienne était plat, factuel. Elle ne portait pas de baudrier, ni de corde, mais se tenait perchée sur une minuscule corniche avec une aisance inconcevable. Sa tenue d’escalade se résumait à sa tunique noire brodée de motif géométrique, des chausses qui lui montait jusqu’aux genoux, et un foulard rouge, noué à son avant-bras. La Sioux vit l’air hébétée de Naran, et continua : « Mais c’est un bon début. »

La mercenaire répondit par un murmure inaudible.
« Je vais te laisser dormir un peu, puis te restaurer. Dans deux heures nous redescendrons. »
Naran s’endormis avant même d’entendre la fin de sa phrase.


Elle se réveilla dans un sursaut, alors que Ehawee s’apprêtait à la piquer avec une brindille coupée en pointe. « Debout ! Il nous faut rentrer avant la nuit ! »

Naran voulu s’étirer, mais ses muscles douloureux lui arrachèrent une grimace. Engourdie par le froid qui commençait à tomber et sa sieste sur les rochers, Naran était désorientée. Son ventre criait au famine, et sa bouche était sèche et pâteuse. Elle ouvrit le paquet de Maya, pour y trouver une deuxième gourde, du pain et de la viande séchée, qu’elle mastiqua avec soin.
Ehawee eut tôt fait de lui rappeler son objectif. Maintenant qu’elle avait gravit la montagne, il lui fallait la redescendre, et rapidement pour éviter de le faire dans le noir. Même si Naran avait maintenant des relais pour l’aider dans sa tâche, l’idée ne l’enthousiasmait pas. Mais elle finit par entamer sa désescalade, le corps endolori par son ascension.

Ses mouvements étaient raides, maladroit, surtout comparé à ceux d’Ehawee qui dévalait la montagne sans difficulté. Naran pris donc exemple sur les mouvements fluides et avisés de sa guide. Toutefois, par esprit de préservation, elle n’imita pas les chutes contrôlées qu’Ehawee employait pour dévaler cinq ou six mètres à la fois, et se contenta de descendre en rappel les parties les plus abruptes.

Toute les heures environ, Ehawee s’arrêtait pour la laisser reprendre son souffle. L’Indienne fixait alors les environs. Malgré leurs efforts, la nuit tombait lentement sur la chaine de montagne. Les sapins qui recouvraient le flanc de la montagne apparaissaient orangés sous le soleil couchant, un spectacle à couper le souffle. Naran, qui avait déjà le souffle coupé, ne put qu’en rester bouche bée.
Naran atteignit le terrain d’excavation autour de 20h. Elle remit ses cordes à Maya, et s’affaissa à terre avec soulagement. Peter et Maya la soutinrent pour la ramener à sa nouvelle tente dans le camp avancé. Thomas lui y avait laissé un bol de soupe au riz. Malgré la révulsion que le plat inspirait à Naran, elle l’avala sans un mot, avant de s’effondrer pour de bon sur sa couche.


Ainsi se déroula le premier jour de Naran, et quelques-uns des quinze suivant : Maya choisissait un flanc de montagne à escalader, et Naran s’y adonnait. Ehawee venait la rejoindre en pleine ascension, et Naran pouvait observer les mouvements adeptes de la jeune femme. Finalement, Naran retournait au camp, morte de fatigue, et s’endormait immédiatement.

Mais les jours où Naran était incapable de se lever, et encore moins de se hisser en haut d’une montagne, durent être dédiés aux apprentissages théoriques. Thomas et Peter se mirent donc en tête de lui enseignait l’art de l’explosif.

Pendant la matinée, Thomas lui expliquait avec passion le procédé utilisé pour créer la nitroglycérine, pendant que Naran somnolait dans un fauteuil. Puis ils testaient le produit, en petite dose : Comment l’allumer, comment le transporter, comment faire pour qu’il n’explose pas en pleine poire… La mercenaire dû apprendre par cœur des données abscondes, comme la puissance en joule d’une explosion de trois milligrammes de nitro, et reçu un bon nombre de brulures et autre blessures superficielle suite à ses premiers essais.

Le chimiste lui enseigna les différents facteurs qui pouvaient mener à la détonation du produit. Comme l’avais affirmé Mallory, l’explosif était hautement instable. Toute source de chaleur menaçait de le faire détoner, en plus, bien sûr, de toute flamme ouverte. Parce que ce n’était pas suffisant, la nitroglycérine était extrêmement sensible aux chocs, qui pouvaient causer des combustions instantanées. Pour finir, La substance était périssable. Sauf que, au lieu de pourrir avec une odeur pestilentielle, comme tout bon légume qui se respecte, la nitroglycérine… explosait. Oui, il fallait s’y attendre, venant d’un produit pareil…

Le plus énervant dans tout c’était la fascination totale que Thomas vouait à la substance. Il semblait incapable de tenir une conversation plus de dix minute sans revenir à son sujet fétiche, sujet qui pourrait bien exploser à la figure de Naran et la désintégrer instantanément. En conséquence, la mercenaire se fatigua bien vite de ses leçons, tout aussi attirant que soit le professeur.

Peter quant à lui, était bien plus pédagogue. Il lui expliquait, en bon géologue, la dureté et solidité de telle ou telle roche, et lesquelles cibler en priorité. Toutefois, il préférait agrémenter ses leçons d’anecdote et de jeux de mots, plutôt que de gaver Naran d’information.
Il lui confia une perceuse un peu spéciale, faite pour trouer la roche et y déposer de l’explosif, et la lui fit tester sur différentes strates. Il lui apprit aussi les différentes catégories de roches ; Volcanique, sédimentaire ou métamorphique, friable ou poreuse…

Un soir que leur conversation avait dévié des roches pour s’intéresser à la psychologie de leurs compagnons, Naran osa une question.
« Pourquoi entrainer un mercenaire pour cette mission, alors qu’Ehawee est déjà plus que compétente ? »
Peter eu un silence. « Ehawee n’est pas une employée de la Compagnie. » Il eut un faible sourire. « C’est une otage. Elle garantit le traité signé avec Sioux, selon lequel nous avons le droit de tracer le chemin de Fer à travers ces terres. »
Maya, qui rédigeait une carte à côté d’eux, ajouta d’une voix douce : « Si elle reçoit ne serait-ce qu’une égratignure, nous violons le traité. Et, même si elle est prisonnière dans les faits, nous devons la considérer comme une invitée. En conséquence, elle ne peut pas être contrainte à travailler pour la Compagnie. »
« Pourquoi est-ce qu’elle me guide sur la montagne alors ? »
L’air pensive, Maya répondit : « Je pense qu’elle s’ennuie. » Elle soupira. « Elle est loin de sa famille, sur ses terres mais parmi des étrangers… »


Au seizième jour, Naran réussit à atteindre le sommet désigné avant midi. Ehawee l’y attendais, toujours perché à un angle impossible. Elle lui tendit deux sucreries au miel.

« Ce sera suffisant, je pense, pour ta mission. » Sa voix était plus amicale qu’à leur première rencontre. Avec le temps, et leurs escapades régulières, Naran avait fini par apprécier la jeune fille. Elle parlait peu, mais savait se rendre utile. Fière de ses capacités d’escalade, elle rayonnait aux compliments de Naran sur sa technique. A son comportement, et ses traits qu’elle distinguait mieux sous ses peintures, la mercenaire réalisait que la gamine était plus jeune qu’on aurait pu penser. Pas encore sortie de l’adolescence, elle était encore capricieuse, tantôt acide puis dévorée de curiosité.

Elle ne parlait pas de sa famille ou de son lieu d’origine. Naran avait bien essayé de l’y amener, narrant ses souvenirs de sa vie dans les steppes ou de la Chine du Nord : Sans succès. Son mutisme avait toutefois ses limites. Quand les deux femmes se retrouvaient au sommet d’un des pics, Ehawee s’arrêtait parfois pour conter une des légendes de son peuple.

Ainsi Naran appris l’histoire d’Inktomi, l’Esprit Araignée. Ancien dieu de la sagesse, il avait été démis de ses fonctions pour ses trop nombreuses farces, et, avec son compagnon Mica, Esprit Coyote, il troublait dieu et mortels. Toutefois, c’était aussi lui qui apportait la technologie aux humains, leur enseignant à monter à cheval ou à poser des pièges.
Un autre jour, ce fut le tour des Wakinyan, Esprits du Tonnerre. Ces énormes oiseaux voyageant au gré du Vent d’Ouest dans les nuages orageux. Des éclairs leur sortait des yeux, et leur voix invoquait le tonnerre ; Armes qu’ils utilisaient dans leur éternel combat contre Unktehi, les terribles Esprits Serpents à Corne.

C’est des histoires drôles et cruelles, des contes que l’on raconte au coin du feu. A mesure qu’elle racontait, Ehawee pointait du doigt les rivières créés par le sang d’Inyan, indiquait lorsqu’ils se levaient lesquels des quatre vents étaient maléfique, ou encore les falaises créées par la colère d’un héro légendaire. Son visage se faisaient alors plus nostalgique, comme perdu dans l’histoire.
Puis le moment privilégié prenait fin. Ehawee se murait dans un silence absolu, et dévalait la montagne bien trop vite pour que Naran puisse la suivre. Elle disparaissait ensuite dans sa tente, pour n’en ressortir qu’à la nuit tombée.

Toutefois, en ce seizième jour, quelque chose était différent. Ehawee avait l’air inquiète. L’Indienne passa en revu toute les techniques d’escalade que Naran arrivait à utiliser, et vérifia son matériel. Quand vint le moment de partir, elle pris soudainement la mercenaire dans ses bras, dans une étreinte brève mais puissante.
Sur le chemin du retour, Ehawee précédais Naran avec patience, et lui faisait remarquer toute erreur ou mouvement inutile. A son arrivée en bas, la mercenaire en avait ras le bol de ces constantes remontrances. Mais, à la vue de l’angoisse de la jeune fille, elle accepta stoïquement quelques derniers conseils.

Naran se retrouva finalement au camp avancé avant le coucher du soleil, une expérience inédite. Chacun vaquait à ses occupations : Un des ingénieurs réparait une des machines de la locomotive à grand renfort de jurons, la tente de Thomas émettait une étrange fumée brune, tandis que les Douglas revenait de leur dernière expédition dans les montagnes. Ehawee s’était à nouveau évaporée dans la nature.
Le rythme tranquille du camp avait quelque chose d’apaisant. Naran alla s’enfoncer dans l’unique fauteuil du camp, un vieux meuble qui avait bien vécu, et observa le remue-ménage, les yeux mis clos. Personne ne vint la déranger.

Au soir, alors qu’elle venait chercher son repas, Maya vint s’assoir à côté d’elle. A son expression grave, Naran devina que les choses sérieuses allaient commencer. Et, en effet, Maya lui annonça que la pose des explosifs commencera dès demain.
La mercenaire finit son repas en silence, et se coucha de bonne heure. Son visage restait impassible, mais ses entrailles étaient en plein tumulte. Ce n’était pas la première fois qu’elle risquait sa vie, mais… Il y avait quelque chose d’étrange à se voir confier une bombe à retardement. Surtout aussi aléatoire que cette foutu nitroglycérine. L'explosif avait intérêt à être efficace…
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Explosions

Suspendue à plusieurs centaines de mètres au-dessus du sol, Naran oscillait doucement. Douuuucement. Une sueur froide s’était pernicieusement glissée sous sa chemise et dans ses paumes, rendant ses mains glissantes et maladroites.

Il avait suffi d’un faux mouvement, pour qu’elle se voit glisser, tomber, et finalement rebondir au bout de sa corde. Naran entendait son cœur battre à toute vitesse, encore sous le choc. Tremblante, elle s’empara de la corde qui la retenait. Ses mouvement lent et réfléchi, elle reprit son ascension. Son cœur ne semblait pas vouloir s’arrêter.
Si elle s’était réceptionnée sur un rocher plutôt que de tomber dans le vide… Naran visualisait très bien le petit cratère de débris et de chair cramée qui serait resté d’elle. Dans son dos, emballé autant que possible, trois doses de nitroglycérine attendaient leur heure, comme trois faucheuses prêtes à lui trancher la gorge à la moindre erreur.

Derrière elle, le bout du chantier du Chemin de Fer. L’espace avait été évacué en attendant la fin de sa mission, pour éviter tout accident. Les rails longeaient le flanc de montagne, serpentant le long des massifs défigurés pour le laisser passer.
Mais le Pic de Zébulon était trop massif pour être contourné. Les ingénieurs avaient donc devisé un tunnel. Ce tunnel devait être creusé à même le granite de la montagne, à un angle quasi vertical. Et Naran était chargé de placer les premières charges.

Ehawee lui avait indiqué quelle route prendre : Monter au sommet par le flanc ouest, puis descendre en rappel jusqu’à ses cibles. La route n’était pas aisée, mais pas non plus insurmontable. Même le challenge additionnel de devoir faire le trajet avec le moins de choc ou chute possible n’était pas, en soit, irréalisable. La vraie difficulté était de placer et d’allumer les trois charges explosives, puis de décamper le plus rapidement possible.
Et pourtant, Naran peinait à ne serait-ce que grimper le flanc ouest. Ses mouvements étaient automatiques, raides, pendant que son estomac se tordait dans tous les sens. Elle avait été incapable d’avaler quoique ce soit au matin, fort heureusement car la nausée la prenait régulièrement.
Pourquoi tant d’angoisse pour de l’escalade, quand risquer sa vie en combat lui était habituel ?

A mesure que Naran avançait, elle entendait le grondement sourd de la rivière en dessous d’elle. L’Arkansas, un des affluents du Missouri. C’était cette rivière qui avait tracé les gorges que Naran escaladait. Les quelques milliers de mètre-cubes d’eau par seconde se déversaient avec fracas à travers ses gorges étroites, façonnant les canyons et falaises abruptes du massif.
Le mugissement de l’eau se mêlait aux battement sourd de son sang à ses tempes. Naran sentait le vertige venir. Il lui fallait retrouver son calme si elle voulait mener sa mission à bien. Après quelques mètres périlleux, elle se nicha entre deux rochers. Elle poussa lors un long soupir, et pris le temps d’observer le chemin qui l’attendait.

Neuf cent mètre de granite rose la séparait du sommet du pic. C’était une pierre particulièrement solide à la couleur rouge rosée, commune de la région. Naran avait l’habitude de sa texture granulée, car la plupart des montagnes du coin était faites de la même roche. Elle était moins familière avec la façon dont les rocher partait dans tous les sens, dans des dièdres et arêtes lisses et presque absente de prises. La rareté de la végétation, réduite à de minuscules broussailles ou de vielles souches creuses, n’aidait pas.
Sur sa route, l’inclinaison n’était pas uniforme : La route que Naran avait choisi avait une pente plus douce, et du coup plus longue. Mais même cette route incluait quelques passages obligés en surplomb, soit des pans de roche à l’horizontale particulièrement difficile à escalader.

Malgré la difficulté du trajet qui l’attendait et les circonstances pas tout à fait idéales, Naran eut un regard pour la vue qu’offrait son refuge. Les Rocheuses s’étendaient à perte de vue. D’abords collines, puis douces montagnes aux reliefs érodés, et enfin pics et falaises abruptes, traversé par d’étroites rivières. Loin de la terre rouge de Hill Valley, les montagnes étaient soit de granite rosé mis à nu, soit couvertes de pins et de buissons verdoyants. Si, aux pieds des montagnes, se côtoyaient ours, marmottes et wapiti, en altitude c’était à peine si Naran pouvait espérer croiser une chèvre des montagnes.

La mercenaire s’était un peu calmée. Elle reprit son ascension, tentant de garder sa sérénité. Sans qu’elle s’en rende compte, les habitudes acquises pendant ce demi mois d’entrainement se manifestèrent. Bientôt elle agissait instinctivement, concentrée dans la tâche de sélectionner le meilleur passage, de tester les prises, et de se hisser en une impulsion soigneusement calculée.

Alors qu’elle progressait avec régularité, Naran eut un quasi arrêt cardiaque en apercevant avec un cougar et ses petits. Fort heureusement, les fauves étaient à une bonne distance, et la mercenaire put les dépasser rapidement avant que la mère ne vienne lui chercher des ennuis. Pas rassurée, elle accéléra le rythme. Malgré les quelques frayeurs que lui causèrent cette hâte, elle ne tomba pas : Il n’était pas encore midi, qu’elle avait rejoint le point de départ de sa descente en rappel.

Fébrilement, Naran fixa les multiples relais qui allaient supporter sa descente. Elle palpa très précautionneusement son sac à dos, vérifiant la présence des charges. A ses hanches pendaient six petits pics reliés à des cordes, et sa foreuse. Son visage était déterminé, presque exalté par les émotions et l’effort qu’imposait sa mission.

Naran vérifia une dernière fois la solidité de sa corde, et se laissa tomber de quelques centimètres. Sa réception devait, à chaque fois, être la plus souple possible. Ses jambes absorbèrent le premier contrecoup aisément, et Naran poussa un soupir de soulagement. Elle descendit ainsi la première centaine de mètre.
Deux fois, ses mains poisseuses laissèrent glisser la corde, qui se tendit brutalement jusqu’à ce que son baudrier ne la coince. Naran avait alors quelques millisecondes pour trouver un moyen d’atténuer la chute, avec ses jambes, coudes ou doigts de pieds. Qu’elle ait correctement absorbé les chocs, où que les chutes soient trop bégnine pour affecter les explosifs, en tous les cas Naran ne fut pas réduite en purée.

Après près de 3 heures de descende horriblement longue et prudente, Naran était au premier lieu de pose. Elle se stabilisa, attachant un relais au-dessus de sa cible. Puis la mercenaire sorti sa foreuse. Elle plaça le mandrin entre deux strates, où il put se loger de façon plus ou moins stable. Naran vérifia ses appuis, et commença à forer. Après vingt minutes d’effort, le trou avait une longueur suffisante. Naran passa ensuite au deuxième site, une vingtaine de mètres sur sa gauche, puis au troisième en contrebas.

Encore une heure d’effort, et tous les trous étaient en place. Naran se plaça au-dessus du dernier trou. Elle jeta un coup d’œil vers le sol. Parmi les rochers éparses et aiguisés qui ornaient le flanc de montagne, un mince pont de corde surplombait la rivière grondante. C’était sa porte de sortie, pour éviter les débris et projectiles de l’explosion. Il semblait si loin…

Naran prit un instant pour se répéter la marche à suivre. Sortir un explosif. L’introduire profondément et délicatement dans le trou, de façon à ce qu’il soit bien à l’ombre. Placer la mèche. Naran répéta l’opération trois fois, le plus rapidement possible. Avec la chaleur et le soleil, la nitroglycérine était susceptible d’exploser toute seule. La période d’exposition devait être la plus courte possible….
Elle sorti un briquet à pétrole de sa poche, et alluma la mèche du haut. Elle se laissa tomber souplement au deuxième trou, puis au troisième, faisant de même.

Puis, submergée par le stress, elle se laissa glisser en contrebas sur plusieurs mètres. Il fallait faire vite. D’après les tests avec Thomas, elle en avait pour moins d’une demi-heure avant que les mèche n’allument les explosifs, et encore, si ces derniers ne décidaient pas de le faire plus tôt.
Sur la première centaine de mètres, la descente se passait bien. Enfin, aussi bien qu’une désescalade en fuite d’une explosion prochaine. Naran se laissait tomber avec abandon, quitte à ce que ses atterrissages ne soient pas des plus gracieux : Elle ne craignait plus les chocs.

Mais, alors que Naran se glissait entre deux rochers dans sa descente, sa corde se bloqua dans sur une arrête. Peut-être était-ce la panique, ou l’effort, ou un trauma crânien dû à ses réceptions de plus en plus chaotiques : Toujours est-il que Naran décida, plutôt que de récupérer sa corde calmement, de s’en détacher.
Elle était à quelques centaines de mètres du pont de cordes mis en place pour son retour. Les prises étaient nombreuses, mais instable : Ce flanc du pic était connu pour sa fragilité, raison pour laquelle elle l’avait évité à l’aller. Naran avait perdu la notion exacte du temps, et commençait à paniquer. Elle se lança dans une descente désespérée, sans cordes ni assurance.

Naran décida de suivre une large fissure qui zébrait la roche, se contorsionnant pour prendre appuis sur les deux bords de la fente. Mais la fissure se réduisait de plus en plus, pour ne laisser que la place pour quelques verrous de doigts à peine suffisant pour la soutenir. Sa descente était bien plus lente sans ses cordes, et ses mains fébriles peinaient à se cramponner. Une prise, puis deux, s’effritèrent sous ses doigts.
Enfin, elle était à portée de main du pont. Elle empoigna la corde de chanvre, euphorique. Evidemment, c’est à ce moment précis que la foutu nitroglycérine décida que son heure était venue.

Une charge explosa en premier, bien avant qu’elle puisse être déclenchée par sa mèche. Le bruit était impressionnant, comme une centaine de canons tirant en même temps. Naran en resta sonné, tandis que les deux autres charges restantes faisaient trembler la montagne.
Aux abois, Naran cherchait un moyen de s’en tirer. Au-dessous d’elle, la rivière grondait, percée de toute part par des débris qui fusaient de la montagne. Dans un dernier espoir, elle accrocha un mousqueton et une corde au pont, et se jeta à l’eau, jambes en avant.

Le choc fut brutal. Ses jambes semblaient se briser à l’impact, avant qu’elle ne soit immergée dans l’eau gelée et torrentielle. Le choc thermique failli lui faire perdre connaissance. Avant qu’elle ne coule trop loin, son baudrier se tendit et l’arrêta net. Le pont tenait encore ? Pas pour longtemps, puisque la corde qui la retenait se relâcha progressivement.
Naran se laissa entrainer par le courant au centre du lit de la rivière, pour éviter les rochers qui tombaient d’en haut comme ceux qui jonchaient les berges. Elle se laissait bercer par le courant incessant, les poumons en feu. Après quelques minutes, le manque d’oxygène et la température glaciale de l’eau lui firent perdre connaissance.
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Epilogue

Naran se réveilla à l’horizontale, et au sec. Elle avait l’esprit brumeux. Ses jambes la lançaient, des pics de douleurs qui peinait à atteindre sous cerveau engourdis. Elle entendait autour d’elle les discussions quotidienne du campement, mais était incapable d’ouvrir les yeux. Désorientée et épuisée, elle retomba vite dans un sommeil lourd.

Quelques jours plus tard, elle arrivait enfin à rester éveillée pendant plus d’une heure. L’infirmier, un homme au visage sombre marqué d’une large brûlure, lui tendis un bol de soupe, et fit venir Maya. Cette dernière vint lui expliquer comment elle et Ehawee l’avait retrouvé à moitié noyée, pendouillant au bout de sa corde et des restes du pont sur la rive de l’Arkansas.

Par une combinaison de chance et de bonne constitution, la mercenaire n’avait que de fine fracture des tibias, et un grand nombre de coupures et bleus, superficielles pour la plupart. Elle était immobilisée pour quelques semaines, mais pourrait continuer sa convalescence au Centurio quand ses jambes seraient à peu près remises.
Une fois Maya partie, Naran avala trois gorgées de soupe, eut un haut le cœur, et retourna dormir.
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On commence par le début ! Alors... j'ai toujours du mal avec ta manie de hachurée tes rps mais ça a l'avantage d'être pratique puisque moi, je suis feignant et ta mission est assez longue. Grâce à tes mini-titres, je sais que là tout de suite, je commente du début jusqu'au "Chantier du Chemin de Fer" !

Pour tes qualités... c'est grosso modo les mêmes que celle que j'ai déjà noté. Une foule de détail qui pose bien l'ambiance. J'veux dire, ta description du transport shinra de port royal est excellente et pareil pour Hill Valey, on est vraiment en plein Far West. Toujours des personnages ici et là, qui ne sont pas juste là pour être là... enfin, si, ils sont là pour être là mais tu leur donne une identité.
Genre la petite vieille qui regarde l'agent de sécu d'un regard noir et vénère ? Cette mamie a la pure classe, j'te promet qu'elle ressortira dans un rp de Surkesh un de ces quatre.

Bref... quelques choses m'ont gênés, cependant.

Déjà, commençons par la devise de Hill Valey... "Ici on aime pas les étrangers, étrangers". Et pire que tout ? Naran' est mongole et me semble que les mongoles ont des traits... quand même assez marqué. Donc voilà, pour les gens du coin, t'es une étrangère et une chintok en plus. Alors certes, tu nous montres avec le vieux des chevaux qu'on rigole pas dans le coin... mais je trouve que tu t'intègres un peu trop facilement, les gens sont censés être tout le contraire d'accueillant dans le coin en plus d'avoir la gâchette facile.
Perso, je n'imagine pas qu'on puisse débarquer à Hill Valey sans se faire braquer et devoir se justifier... encore plus quand on est chinoise. Mongole pardon... mais bref.

Donc la partie de poker, ça picole et... c'est mignon tout ça.

Au départ, je pensais que tu lancerais toi-même le chantier du chemin de fer et j'ai été un peu déçu de voir que c'était déjà sur les rails. Après, tu décris vraiment quelque chose qui n'avance pas et qui a à peine commencé donc... ouais, pourquoi pas. Ca ne me dérange pas tellement. Pour ne rien te cacher, pour l'instant... j'aime bien mais c'est tout, ça ne me fait pas vibrer. Après tout, c'est normal, on est pas encore rentré dans le vif du sujet !
C'est toujours sympa de voir Naran' qui découvre, s'étonne et tout, le côté découverte me plait assez.

Voilà ! J'ai tout lu et... j'ai kiffé. Quand même, j'ai trouvé ça franchement bon. L'histoire de la compagnie fédérale qui traite un signé avec les sioux, ca a été mon coup de cœur même si je trouve ça un peu bizarre. J'aurais imaginé les indiens vachement plus hostiles à l'idée que ça. Puis c'est marrant... pas un seul combat mais c'est rude.

J'ai un peu ressenti... l'ambiance d'un chantier. Parce que ouais, c'est quand même dangereux ces conneries d'escalades et d'explosifs... même si bon, ca reste un chantier de l'époque Far West. J'aime aussi que t'as évité cette erreur de faire la mission en une fois puisque le chemin de fer, ca doit selon moi être long à faire, très long... c'est pour moi d'aussi grande ampleur que la colonisation du nouveau monde.

Bref, c'est un bon début et j'ai particulièrement aimé cette mission. Je ne donnerais pas de bonus, cependant parce que... et bah... tu es dans ton style et c'est bon. Peut-être même très bon mais pas assez pour que je me dise "WOAH SA RACE". Après, franchement, tu peux être fier de toi quand même.

J'estime que cette mission était... périlleuse.

35 points d'expérience + 300 munnies + 3 PS... et comme t'en a chier (peut-être même un peu trop pour tes stats ? Bof, si abus il y a, il reste léger et tu insistes bien sur tes blessures donc voilà) ca sera trois PS en défenses !
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