Prologue
Station Shin Ra de Port Royal
Naran s’était éclipsée au petit matin, un ordre de mission à la main. Elle s’était faufilée jusqu’à la station des vaisseaux Shin Ra, et avais patienté là quelques heures en attendant le prochain convoi vers le monde de la Conquête de l’Ouest.La Conquête de l’Ouest. Un nom qui claque : Un nom conquérant, ambitieux. Une mission intrigante aussi, qui promettait certes du dur labeur, mais aussi un mystérieux sentier d’acier. Une nouvelle technologie mystérieuse peut être ?
Enfin, il fallait être honnête. Naran avait pris cette mission pour une raison au-dessus de toute les autres : Sa durée. De petites vacances loin de Port Royal lui feront le plus grand bien…
Alors que la mercenaire profitait une dernière fois du soleil tropical, elle entendit les appels des agents Shin Ra, annonçant le départ prochain. Elle se leva prestement, un sac de voyage sur le dos. En route !
Monter dans le vaisseau lui rappela l’angoisse qu’elle avait senti lors de son premier voyage. La tôle craquait sous ses pas, là où elle n’était pas glissante d’une huile inidentifiable. Une forte odeur de cheval planait sur le pont des passagers. Ces derniers étaient peu nombreux, et peu bavards. Un homme à l’air important, engoncé dans quantité de couche de chemise, veste et veston, arrangeait ses papiers. Trois autres jouaient au dé en silence, l’air sombre. Une vielle dame fixait son regard noir sur l’agent de sécurité, furieuse qu’il lui ait interdit de sortir et polir son fusil pendant le trajet.
Une fois le vaisseau eu décollé, la mercenaire se désintéressa de la compagnie, pour coller son nez à un hublot. Il y avait un attrait presque psychédélique au paysage qui se dévoilait sous ses yeux. Des spirales poussiéreuses, des fractales de rose, violet et bleu qui se poursuivaient jusqu’à l’horizon…
Quand, finalement, elle arracha son visage à la vitre, elle découvrit que la plupart de ses compagnons de voyages était affalé sur leurs bagages, plongés dans des sommeils plus ou moins profond. Seul l’agent de la Shin Ra veillait encore, avachit à côté de la porte.
Profitant de l’occasion, Naran fit un tour de l’endroit. Elle sentait le regard soupçonneux de l’agent sur ses moindres gestes, et pourtant il lui laissa caresser le métal froid du bastingage, examiner les lourds écrous qui tenaient en place les hublots et les rambardes intérieures, détailler les tubes graisseux qui traversaient la cabine de part en part… Mais quand Naran essaya de glisser un coup d’œil vers le couloir de la salle des machines, elle fut vertement rembarrée.
Déçue, la mercenaire se rassit devant un hublot, se laissant bercer par le grondement sourd du vaisseau et les nébuleuses violacées qui tournoyait à sa fenêtre.
Station Shin Ra de la Conquête de l’Ouest
Le débarquement fut assez chaotique. A son atterrissage, le vaisseau avait cramé une partie de sa future cargaison, à la fureur du fermier commanditaire. L’homme, gras et coiffé d’un chapeau à bord large, couvrait d’insulte les agents. L’odeur de ses vaches carbonisées flottait dans l’air, un parfum bien agréable qui donna à Naran un large sourire.La mercenaire ignora le flot de menace du fermier et sortit de la station.
Dans la distance, elle pouvait apercevoir la ville de Hill Valley, un petit hameau perdu au milieu d’une plaine aride. Mis à part les quelques bicoques, une terre rouge et sèche s’étendait à perte de vue. Seul quelques rochers et buisson sec agrémentaient le paysage.
Hill Valley
Naran se retrouva face au panneau d’entrée de la ville. Il était orné de quelques traces de balles et d’un crâne de vache, joliment agencé sur son coin droit. Un avertissement étrange y étais inscrit : Naran n’y accorda qu’un bref coup d’œil.Elle dépassa le panneau pour prendre la grande rue. Toute la ville semblait construite autour de cette large avenue, qui séparait des maisons de bois d’un ou deux étages. L’architecture était rustique, plus utilitaire que jolie, malgré quelques porches et balustrades ornementé.
Naran marqua un temps d’arrêt devant l’écurie. La compagnie des chevaux lui manquait, et elle fut intrigué de voir que ce monde semblait rempli de ces braves bêtes. La mercenaire s’approcha des deux juments qui buvait dans l’auge devant l’établissement. C’était des animaux robustes et rapides. Leur selle était de cuir, en plusieurs couches rembourrée et dotée d’un pommeau proéminent à l’avant. Leur poil était dru et court, leurs sabots ferré-
« Qu’est c’qu’vous foutez à mes bêtes ?? » Un vieil ivrogne qui dormait sur le porche voisin s’était relevé de sa sieste, un long fusil à la main. Naran laissa lentement retomber la jambe du cheval qu’elle examinait.
« Uh... » Vite, une excuse… « Je… cherche la diligence ? » Raté.
Le vieil homme plissa les yeux. « Allez au Saloon comme tout le monde au lieu de trainer dans les pattes de mes ch’vaux. Si j’vous reprend à les toucher j’vous ‘verrai une salve dont vous vous souviendrez… » D’un geste de son arme, qu’il avait braqué sur Naran, l’homme lui intima de poursuivre sa route sans discuter.
Pas commode les gens d’ici… Naran s’écarta et repris son chemin, cette fois gardant bien ses mains pour elle.
Hill Valley, Saloon du Double Colt
Quand elle passa le petit portillon, Naran fut presque renversé par l’épais nuage de fumée et d’alcool qui régnait à l’intérieur. Préférant respirer par la bouche le temps de s’en remettre, elle scanna l’endroit de ses yeux plissés.Il faisait sombre : Les rares fenêtres non barrées de planches avait des carreaux épais qui ne laissaient pas filtrer grand-chose. Les bouteilles alignées derrière le bar reflétaient les rares rayons qui traversaient la pièce, là où le large miroir au-dessus d’elles restait terne, tant il était encrassé.
Le grand bar de frêne était recouvert d’une fine couche d’étain soigneusement astiquée. Quelques tabourets et une demie douzaines de tables et de chaises meublait la pièce. Au fond de la salle, une estrade se dessinait, flanquée d’un petit piano.
Le lieu était vide, à l’exception d’une figure en retrait et du tavernier. Ce dernier était assis au bar, et faisait ses comptes. Il leva la tête en voyant Naran arriver.
« Mademoiselle. Que puis-je faire pour vous ? » L’homme s’était glissé derrière le bar pour l’accueillir.
Naran répondit d’une voix assurée : « Je cherche à prendre la prochaine diligence vers le chantier du chemin de fer. »
Son interlocuteur la détailla, l’air interrogateur. « Elle partira d’ici, mais seulement demain matin. Nous pouvons vous pourvoir une chambre en attendant si vous le désirez… »
Naran jura sous sa barbe. Encore des frais… Elle avait déjà peiné à payer le vaisseau de la Shin Ra… « Combien prenez-vous pour la chambre ? »
« 20 munnies. » L’air calme mais ferme du tenancier dissuada Naran de négocier.
Quand, au soir, Naran descendit de sa chambre pour diner, elle fut accostée par trois hommes déjà bien éméché.
« Eh bien, ce n’est pas souvent qu’on voit des Coolie par ici ! » Coolie ? Leur ton n’était pas agressif, donc ce n’était probablement pas une insulte… Et pourtant Naran n’aimait pas le terme. La mercenaire leur répondit froidement : « Qu’est-ce que vous voulez ? »
« Oh mais rien ma mignonne, on se disait juste que, eh bien, on avait besoin d’aide pour finir cette bouteille, et qu’tu semblais manquer de compagnie… » Naran les aurait bien renvoyés, mais elle ne put réprimer sa curiosité. Le liquide qu’ils lui proposaient était ambré, brillant… Intriguant.
« Soit. »
Quelques heures plus tard, Naran entamait la troisième bouteille. Avec adresse, elle tira le bouchon, aux grands éclats de rire de ses compagnons de beuverie. C’était des bons gars, dans le fond. Des hommes qui, comme elle, avaient renoncé à leur patrie pour partir à l’aventure.
Le blond, Gareth, était un gallois, chassé du lit matrimonial par sa femme qui lui reprochait ses affections volages. Il était bon tireur, mais ne savais pas boire : Après une demie bouteille, le pauvre homme s’était affalé sous une table pour y ronfler comme tous les diables.
Jesse et Carter, les deux autres, étaient frères. Nés d’une famille de sept d’une ville voisine, ils étaient partis chasser leur fortune dans l’Ouest sauvage. Ils se présentaient comme cowboys, mais Naran avait la distincte impression qu’ils devaient leur survie plus au banditisme qu’à l’élevage.
Mais peu importait. Ce soir, autour de leur verre, les trois hommes étaient ses frères. Elle écouta leurs aventures, et raconta certaines des siennes. Elle rit avec eux, rembarrant leurs avances maladroites sans malice, pour ensuite les défier au tir. Ils s’essayèrent d’abord aux couteaux, puis aux colts.
Pour la première fois, Naran tint un pistolet entre ses mains. L’arme était lourde, un peu rouillé, et sentait fort la poudre et la sueur. Le bruit du tir perçait les tympans, mais l’efficacité de l’arme était redoutable. Après quelques essais, elle ne pouvait toujours pas rivaliser avec les deux frères, qui cherchèrent alors un autre défi.
Alors que la troisième bouteille versait ses derniers verres, Naran avais enfin compris les rudiments du poker. Si, au début, Naran peinait à suivre, elle se fit vite au jeu. Après une dizaine de parties endiablée, et le début d’une quatrième bouteille, Naran avait l’avantage. Ses deux comparses encore debout peinaient à garder les yeux ouverts, alors qu’elle avait encore l’esprit vif.
Au petit matin, Naran était fière de sa soirée. Elle avait plumé ses camarades, mais les trois hommes ne semblaient pas trop lui en vouloir, ronflant qu’ils étaient sur le sol du saloon. En plus d’une belle cuite (finir la dernière bouteille à elle seule avait été le coup de grâce), la mercenaire avait récolté une cinquantaine de munnies, ainsi qu’un vieux flingue au chargeur plein. Elle partit donc se coucher à l’étage, son butin à la main.
Après quelques heures de sommeil, Naran était bien moins enthousiaste. Elle se tira du lit avec un râle, et tangua jusqu’au broc d’eau qui lui avait été préparé. Elle plongea son crane douloureux dans l’eau glacé, et l’y maintiens une bonne minute.
En maugréant, elle fit sa toilette et s’habilla. Après un bref regard dans le miroir, elle grimaça. Ses yeux étaient cernés et rougis, et sa mine bouffie par les excès de la veille. Plus qu’à espérer que cela passerait d’ici à qu’elle atteigne le chantier…
La diligence arriva à une heure, brinquebalante carriole couverte tirée par quatre bais bien fatigués. Naran et ses trois compagnons de la veille payèrent leur place, tandis qu’un couple âgé descendaient de voiture. Les deux autres passagers vinrent se restaurer à l’auberge pendant des préparations.
Le temps que la diligence soit déchargée, chargée, déchargée à nouveau parce que Mme Jenny avait oublié une malle, chargée encore, et prête à partir, l’après-midi se finissait.
Le cocher grognait sous sa barbe que la diligence était supposée partir à midi, mais pris son mal en patience. Le nouvel attelage de pies fringuant s’ébrouait sous le soleil.
Naran saisi l’occasion pour s’accaparer la place voisine du cocher. Elle se vu confier un long fusil, qu’elle accepta sans question. Puis, enfin, la diligence grinça, et s’élança sur la route.
Le voyage se déroula sans accroc. La diligence filait à travers la plaine, sur la seule route à des lieu à la ronde. Aucune trace des redouté Indiens, ni même d’un puma ou d’un petit troupeau de bison. Le paysage regorgeait pourtant de vie : Coyotes, chien de prairies, rapaces et serpents à sonnettes se disputait la plaine.
Le cocher n’avait pas allumé les lanternes depuis plus d’une heure qu’ils arrivaient en vue d’énorme montagnes, qui dentelaient l’horizon nocturne. La diligence retrouva alors le suivi du Chemin de Fer, un tracé rectiligne de deux barres de fer liées par des cales de bois, qui s’étendait à l’infinie d’Est en Ouest. Encore quelques heures de courses à côté de cet étrange sentier, et la diligence atteint le pied des massifs.
Dans la pénombre, on devinait des tentes, et de haut tas de sable et de pierre. « Tsssk, ils n’ont pas avancé ! » Crachat le cocher. Naran souleva un sourcil, pas très rassurée par cette remarque. Elle fut la seule à descendre à cet arrêt, et fit donc ses adieux à ses compagnons d’un soir.
Chantier du Chemin de Fer
Dans la pénombre, la mercenaire n’arrivait pas à discerner la taille du camp, ni la logique dans son agencement. Tout ce qu’elle percevait était la respiration lente des chevaux et des hommes endormis, l’odeur de cuir et de sueur, et le sable qui pénétrait ses moindres pores.Quand, finalement, elle atteignit la tente de l’intendant, personne n’était là pour l’accueillir. Elle se servit donc, prenant sous le bras une tente et quelques draps. Naran alla la planter en bordure du camp, se reposant sur ses sens pour ne marcher sur personne. Elle s’endormi en un instant, terrassée par la fatigue.