Décisions

Répondant dorénavant au nom de Paladin, Cassandra posait sa main sur la poignée de la chambre qu’elle venait officiellement d’hériter et ouvrit cette dernière d’un geste lent. Appréhendant légèrement la surprise dont avait parlé l’un des commandants de l’ordre.

Quelque chose avait changé dans cette pièce, et cela n’avait aucun rapport avec la cérémonie ayant eu lieu dans la chapelle. Dorénavant, un mannequin trônant au côté de l’armoire de chêne. Plissant les yeux, elle s’avançait pour découvrir ce dont parlait Garmac. Il s’agissait d’une armure frappée du symbole de l’ordre dont elle venait d’être désignée comme mentor, lentement, elle posait l’une de ses mains sur les plaques d’acier servant à la protection du buste.

Elle fut touchée par le geste. Néanmoins, elle se posait la question de savoir quand avaient-ils eu le temps et les ressources afin de forger cette pièce d’artisanat.

Un métal noir, recouvrant l’entièreté du buste tout en continuant jusqu’aux cuisses et surplombée d’une paire d’épaulière maintenue par des sangles de cuir. Elle souleva légèrement les plaques pour remarquer une chemise de maille allant jusqu’au poignet, en guise de protection pour les bras, il y avait deux gantelets d’acier aussi noir que le buste et se terminant à hauteur de coude. La poigne était faite de cuir épais et terminant les jointures sur quelques plaquettes rivées au dos des doigts. Une paire de solerets s’arrêtant au-dessus du genou, en guide de protection pour les pieds. Il s’agissait d’une tenue complète et celle-ci se terminait par un tabard se fixant aux épaules et tombant jusqu’aux genoux, brodé sur la pièce de tissu se trouvait le symbole de l’ordre des Paladins.

Un seul et unique oeil, d’une blancheur aussi pure que la Lumière de la Déesse, traversé d’une épée. Symbole et devoir de l’armée sainte du Sanctum.

Elle conservait un sourire sur son visage tout en observant l’armure. Devait-elle être honorée, ou s’agissait-il simplement d’une tradition de l’ordre instauré par l’ancienne Paladin-en-Chef. Elle n’avait aucun souvenir d’Angeal portant pareille armure. Elle était dans cet endroit depuis bientôt deux heures et ignorait comment réagir à cela, fallait-il la porter pour se rendre au conseil ? Les commandants ne portaient pas leur armure lors de la cérémonie. Balayant rapidement ses pensées, elle se dirigeait alors vers son lit et enlevait la robe qu’elle déposa ensuite sur l’une des étagères de son armoire pour remettre sa tenue habituelle. Il ne fallait pas qu’elle fasse attendre inutilement ses hommes avec des questions d’esthétisme, elle n’avait jamais été coquette au cours de sa vie et cela n’allait pas commencer aujourd’hui et en ce lieu.

Elle quittait aussi rapidement qu’à son arrivée la pièce lui étant allouée, pour ensuite retourner en direction de la chapelle. Le Haut-Prêtre l’attendait de pied ferme, observant sa tenue rapidement avant de s’avancer dans les couloirs et lui annoncer qu’il allait l’accompagner jusqu’à la salle du conseil.

— Vous n’êtes pas obligé de me servir de guide, Haegel.
— Détrompez-vous, Dame Pentaghast. Chaque fois que vous présiderez un conseil des Paladins, un Haut-Prêtre sera présent avec vous pour s’assurer du bon déroulement et afin de conserver une trace écrite de vos réunions. Martin était le conseiller d’Angeal Hewley, et si vous le désirez, je serais le vôtre.
— Un membre du Clergé avec d’épauler le Paladin-en-Chef ?
— Afin de s’assurer que les Paladins ne s’écartent jamais de la voie tracée par la Déesse Étro.
Cassandra répondit positivement à la proposition du Haut-Prête alors que la même réflexion lui trottait en tête depuis tout à l’heure, il lui restait tellement à apprendre et si peu de temps. Il n’était toujours pas à l’abri d’une attaque, et quand cela arrivera, ce sera de sa responsabilité.

C’est après cinq minutes de marche que le Haut-Prêtre ouvrit les portes devant le Paladin-en-Chef, dévoilant une large pièce qui en son centre contenait une lourde de table et cinq chaises autour de celle-ci. Les quatre commandants étaient déjà attablés et se relevèrent alors que Haegel se dirigeait derrière un pupitre et y ouvrit un livre à l’épaisse reliure. L’endroit était éclairé par plusieurs torches accrochées aux murs et un lustre de fer suspendu au centre de la pièce. Alors que le Haut-Prêtre se préparait, la dame invitait les commandants à s’asseoir avant d’elle-même prendre place autour de la table.

— Le premier conseil du Paladin-en-Chef, Cassandra Pentaghast, est dorénavant ouvert et se terminera à l’instant où celle-ci quittera la pièce.
— Merci Haegel.
Elle se tournait alors pour faire face aux quatre hommes. Ceux-ci se présentèrent alors succinctement avant d’aborder la question pour laquelle ils avaient convoqué le conseil. Celui à la barbe grisonnante et ne sachant garder sa langue dans sa poche se nommait Garmac, ensuite, le petit à la peau de bête portait le nom de Saton. De l’autre côté de la table, il y avait le vétéran couvert de cicatrices et l’homme au crâne chauve, répondant respectivement au nom de Carken et Ardon. Ils avaient tous connu Angeal et chacun allait de sa petite anecdote durant les présentations, à l’exception du vétéran qui ne cessait de juger la dame de son regard.

— Vous comprendrez que rien de tout ceci n’a été consigné, Dame Pentaghast.
Elle tournait son regard à l’intention du Haut-Prêtre, celui-ci attrapant alors sa plume qu’il trempa dans l’encrier.

— Parfait, pourrions-nous savoir la raison pour les hommes répondant au nom de Garmac, Saton, Ardon et Carken ont désiré faire appeler au conseil en ce jour ?
— Deux problèmes à régler au plus vite, que nous ne pouvons régler seul.
— Allez-y, je vous écoute.
Cassandra avait le souffle court, la crainte de la première fois. Ils étaient tous les cinq habitués à ce genre de manœuvre alors qu’elle n’avait jamais rien fait d’autre que de recevoir des ordres.

— Elle a dû le remarquer à son arrivée, les ronces noires se font de plus en plus omniprésentes devant les portes de ce château.
— Plus dangereuse aussi.
— Nous avons systématiquement besoin d’un prêtre pour la moindre traversée, ou d’une personne pouvant faire appel à la Lumière de la Divine.
— Avons-nous identifié le problème ?
Elle posait sa question avec calme, alors que deux des Paladins se regardèrent un instant avant de se racler la gorge.

— Il y a de cela quelque temps, Angeal est descendu dans les douves et à découvert une créature des ténèbres au fond de celle-ci.
— Une ombre difforme, faisant pousser des ronces afin d’attraper ses victimes pour les dévorer.
— Il a été incapable de la vaincre seul, d’ailleurs, c’est un miracle qu’il soit revenu vivant.
— Vous êtes en train de me dire que rien n’a été fait pour abattre cette créature ?
Le vétéran frappait alors du poing sur la tête, fixant de son regard noir l’ancienne garde avant de prendre parole pour la seconde fois durant le conseil.

— Nous n’avons pu agir sans Angeal, nous n’avions d’autres choix que de contenir la bête en attendant qu’il réunisse assez d’hommes pour descendre et vaincre la créature.
— Vous, comme moi, connaissez l’importance de cet endroit. En cas de repli, nous ne pouvons risquer de perdre nos citoyens à cause de ce monstre.
— Soit, nous descendrons ensemble afin de l’abattre.
— C’est ce que j’voulais entendre !
— Gagné les gars, j’étais persuadé qu’elle serait prête à faire ça.
— Quand comptez-vous en charger ?
Saton avait posé la question alors que le Haut-Prêtre grattait sa plume contre le papier avec acharnement. Le vétéran continuait toujours à observer Cassandra, attendant sa réponse.

— Nous appellerons des artisans de la ville, une fois les reconstructions terminées, pour construire un monte-charge. Contrairement à Angeal, il m’est impossible de voler.
— Au moins, c’est déjà ça.
— À moins que nous possédant des ingénieurs dans nos rangs, il nous faut des experts pour cette construction si ne nous ne voulons pas mourir d’une chute.
— Et d’un sans-coeur, n’oubliez pas le sans-coeur.
Haegel relevait alors la tête, tournant la page qu’il venait de compléter avant de prendre la parole.

— Vous serez accompagné de deux prêtres pour cette entreprise, pour que vous puissiez atteindre le fond en toute sécurité. Dame Pentaghast, votre maîtrise de la Lumière d’Étro est admirable, mais aussi imparfaite. Nous ne pouvons vous laisser la vie de quatre hommes entre vos mains.
— L’aide du Clergé est apprécié.
— Ne prenez pas ce ton cérémonieux avec Haegel, il suit juste le protocole.
— Silence. Maintenant que vous avez conclu le premier point, pourrions-nous connaître le second ?
C’est alors que les quatre hommes se regardèrent l’espace d’un instant, choisissant lequel allait prendre la parole dans ce cas. Finalement, ce fut Ardon qui prit la parole.

— Il s’agit de la dépouille d’Angeal.
— Pardon ?!
— Vous n’ignorez sans doute pas que son corps repose à l’heure actuelle dans les donjons du Château du Roi Stéphane, après que celui-ci ait été exposer dans le temple de la Citadelle en l’honneur de son sacrifice.
— Il serait difficile de louper ça, il était costaud et passait pas vraiment inaperçu dans son cercueil.
— Là n’est pas la discussion.
Le Haut-Prêtre se raclait la gorge, appelant au calme dans l’assemblée.

— Bon… Et vous n’ignorez pas la demande du Porte-parole.
— Il a demandé qu’il soit enterré dans la crique familiale, au Jardin Radieux. Oui, je suis au courant.
— Personne n’aurait pu l’ignorer, il était prêt à exploser.
— La question est donc la suivante…
— Que devons-nous faire…?
Les quatre commandants avaient fini de parler et regardaient dorénavant le Paladin-en-chef. Celle-ci observait alors l’homme d’Église avant de lui poser, à son tour, une question.

— Le Clergé a décidé quelque chose ?
— À ma connaissance, non. Il est conservé au Château du Roi Stéphane en attendant que nous prenions une décision.
— Nous ?!
Elle fut étonnée d’entendre cela, ne cachant pas son étonnement, elle interrogeait du regard les hommes à sa table.

— Il était Paladin-en-Chef avant vous, et il a donné sa vie pour le Sanctum. Il était aussi notre guide, et nous pensons que ce sont les Paladins qui ont pour charge d’organiser son enterrement.
— En voilà une surprise, jamais je n’aurais cru avoir à décider de cela.
— Nous non-plus. Néanmoins, nous avons la charge d’enterrer nos hommes et Angeal en faisait partie. Et voici trop longtemps que son âme n’a pas été envoyée à la Déesse.
— Ils ont raison, il ne faudrait pas tarder à ramener le corps de Ser Hewley à la terre.
Le Haut-Prêtre avait parlé entre deux grattements de plus, terminant sa phrase avant de relever la tête.

— C’est bien la première fois que nous mettons autant de temps à enterrer un enfant d’Étro, et nous ignorons les répercussions que cela pourrait avoir sur l’âme du défunt.
— Quoi que nous décidons, il faut que cela se fasse ce soir, si j’ai bien compris.
— En effet, Dame Pentaghast.
S’écroulant sur sa chaise, amenant sa main au menton, Cassandra réfléchissait à tout cela. En arrivant ici, elle ne s’attendait pas à devoir décider pour les obsèques de l’homme qu’elle succédait. Par ailleurs, elle imaginait que son choix dicterait les traditions pour ses funérailles à elle, quand son heure arriverait.

Relevant le regard, elle fixait les quatre commandants à tour de rôle avant de reprendre la parole.

— Il a donné sa vie au Sanctum, la logique voudrait que son corps soit inhumé au Domaine Enchanté et à la vue de tous, qu’il puisse inspirer les générations futures.
— C’est un peu prêt à ce quoi nous avons pensé.
— J’suis pas d’accord avec ça, moi.
— Saton ? Qu’est-ce qui te fait dire cela.
L’homme à la peau de bête se retournait alors, posant ses mains jointes sur la table.

— Même si mon âme est au Sanctum, mon coeur appartient à la terre m’ayant vue naître. J’ignore si c’est le cas pour vous, il me reste de la famille au Palais des Rêves et lorsque mon heure sera arrivé, ce sera aux côtés de mon père et de ma mère.
— Il s’agit de ton avis ! Ici, nous parlons d’Angeal.
— N’avait-il pas une dernière volonté ?
Haegel leva son doigt, demandant un instant alors qu’il changeait une nouvelle fois de page.

— Ser Hewley n’a jamais fait part de ce genre de chose, la raison pour laquelle nous devons en discuter en ce jour.
— Nous étions proches, j’suis persuadé qu’il voudrait être enterré avec ses hommes.
— Angeal était surtout rongé par ses dernières actions, et nous devons penser à sa famille en priorité.
— Lui reste-t-il une famille ?
Cassandra avait parlé, questionnant Carken, le seul n’ayant pas encore donné son avis sur la question. Tant il était occupé à épier la dame.

— Il lui reste sa mère, elle vit au Jardin Radieux.
— La réponse est toute trouvée, dans ce cas.
— Comment ça ?!
Ils furent tous les quatre surpris, alors que le Paladin-en-Chef se relevait pour faire dos à l’assemblée.

— Je partage le même sentiment que vous, Saton. Si la mort m’attrapait loin de chez moi, je n’aurais d’autre désir que de reposer auprès de ma famille, ma place est au Domaine Enchanté. Que ce soit dans la vie ou dans la mort.
— Donc, nous allons expédier son corps au Jardin Radieux.
— Non.
Elle se retournait alors et reprit sa place à la table, croisant les mains sous le menton.

— Nos relations avec le Consulat ne sont plus ce qu’elle était, envoyer un corps sans montrer une once de respect serait la plus grosse erreur que nous pourrions commettre. Il ne mérite pas ça.
— Donc, nous l’enterrons ici ?
— Elle vient de te dire que sa place était près de sa famille !
— Nous irons, ensemble, amener le corps d’Angeal Hewley au Jardin Radieux. Les hommes sur lesquels il pouvait compter et son successeur, c’est la plus grande marque de respect que nous pouvons lui accorder dans la mort.
Le Haut-Prêtre interrompit une nouvelle fois la parole, sauf que cette fois, il ne terminait pas de noter dans son livre.

— Dame Pentaghast, dois-je vous rappeler que vous êtes toujours en attende d’un procès pour votre implication dans le massacre des hommes de Swain. Là aussi, ce serait une grossière erreur de vous laisser quitter le pays.
— Vous avez raison…
— J’irai, de ce pas, demander une escorte de Templier afin de vous garder sous surveillance.
Le Paladin-en-Chef sursautait un instant avant de regarder une fois de plus Haegel qui reprit son écriture.

— Vous l’avez souligné vous-même, il faut que ce soit une escorte digne de Ser Hewley qui amène son corps à sa mère. Vous ne pouvez vous soustraire de cette tâche, la raison pour laquelle vous escorterez les Paladins et que des Templiers seront chargés de vous surveiller.
— Merci, Haegel.
— Donc… Nous partons pour l’heure ?
— Revêtez vos armures, nous retournons à la Citadelle et vous êtes chargé de ramener le corps d’Angeal Hewley jusqu’à la station Shin’ra. Si quelqu’un vous demande, dite que l’ordre vient de moi, les Templiers devront vous laisser tranquille et parcourir les rues de la ville avec le cercueil sur les épaules.
— Bien, Dame Pentaghast !
Ils se levèrent alors tous, laissant le temps au Haut-Prêtre de finir de consigner les discutions du conseil pour ensuite refermer son livre et le prendre sous le bras.

— Ainsi se clôture le premier conseil de Cassandra Pentaghast, vous pouvez disposer.
Ne perdant pas un instant, l’ancienne garde se rendit dans ses appartements et prit le temps de mettre l’armure de Paladin qu’elle venait de recevoir. Une heure plus tard, les cinq membres de l’ordre se retrouvèrent devant les herses du Château de Maléfique, parés et à dos de chevaux afin de rentrer à la Citadelle. Ils avaient tous leurs ordres, ils allaient bientôt prendre le premier vol pour le Jardin Radieux et rendre le corps d’un fils à sa mère. Une personne dans l’ordre était persuadée qu’il s’agissait de la bonne chose à faire, pour le salut de son âme et pour le respect de cette dernière.