Deux semaines étaient passées depuis que Cassandra avait fait sa promesse à son vieil ami, un temps qu’elle avait passé avec lui à remettre son église dans un état convenable et à former les orphelins de la ville. Elle était fatiguée, assise sur l’un des bancs à se tenir la tête de ses deux mains alors que le prêtre s’approchait avec une tasse dans chaque main. L’ancienne garde de la ville avait perdu en endurance, la cause étant l’emprisonnement et le fait qu’elle cesse de se mouvoir dans sa lourde armure, elle ne s’était sentie aussi éreinté depuis des lustres.
Gregor arriva alors à sa hauteur, présentant la hanse de la tasse à la jeune femme. Elle accepta avec un sourire avant de boire de son contenu et le poser à sa droite.
— Merci, Gregor.
— Si quelqu’un doit être remercié, c’est bien vous.
Il gardait le même petit sourire au visage avant de tirer une chaise pour se mettre en face de Cassandra. Il prit aussi une lampée de café avant de poser sa tasse dans le creux de sa main.
— Sont-ils prêts ?
Elle ria un instant avant de se redresser pour regarder son ami dans les yeux, fronçant ensuite les sourcils.
— Non, il y a encore à faire pour qu’il soit digne d’être entendu.
— N’êtes-vous pas, légèrement, trop ambitieuse pour les enfants du domaine ?
— Ce serait déjà un miracle qu’ils chantent juste. Et les deux autres, les fils Kiryon, ils vont me rendre folle avec leurs manigances et leurs bêtises.
Le prêtre rigola un instant avant de venir poser sa main sur la cuisse de Cassandra, la faisant arquer un sourcil alors qu’il reprenait d’une voix douce.
— Ce sont des enfants, et des jeunes orphelins. Ils cherchent peut-être en vous l’attentions que leurs défunts parents donnaient de leur vivant.
— Je ne suis pas leurs mères.
Elle coupa sèchement en se relevant, faisant quelques pas dans la pièce tout en posant sa main sur la cicatrice de sa blessure. Le claquement de sa canne résonnait dans l’église alors que le prêtre s’enfonçait dans sa chaise.
— Actuellement, vous êtes ce qui s’en rapproche le plus. Et…
— Ce titre ne m’intéresse pas. Rappelez-vous, je suis ici sous votre demande et vous ne m’avez jamais demandé d’essuyer la morve qui coule de leur nez.
— Cassandra…
— Quoi ?!
Gregor se releva et déposa sa tasse sur sa chaise pour ensuite aller faire face à son amie. Il était plus grand qu’elle, pas tellement, mais suffisamment pour qu’il dépose ses deux bras sur les épaules de la dame.
— Votre tâche ne doit pas se limiter à celui de sentinelle.
— Cela me conviendrait.
— Néanmoins, ce n’est pas ce que vous avez à faire, ils ne voient que vous depuis deux semaines, vous allez devoir agir comme un guide et non un sergent-instructeur avec eux. Maintenant que vous connaissez leurs voix, il va falloir les accompagner pendant tout le chant et à tour de rôle afin qu’ils soient entendus pas tous.
Les yeux de Cassandra tournèrent dans leurs orbites avant de se focaliser de nouveaux sur le prêtre. Elle était agacée. Il savait parfaitement comme pousser la jeune femme à faire les choses à sa façon, et cela l’énervait d’autant plus. Il avait raison, elle le savait et n’avait d’autre choix.
— Bien. Nous allons faire comme ça, Gregor.
— Que j’aime entendre ces paroles.
— Comme si tu pensais ne pas faire mouche, vieil homme.
Elle sourit légèrement à son attention alors qu’il abordait son plus beau sourire. Décidément, elle était incapable de refuser quelque chose à cet homme. Rapidement, elle remercia le prêtre et retourna s’asseoir afin de terminer sa tasse et prendre en main la partition qu’elle allait devoir travailler durant cette après-midi.
Il y avait un total de vingt-deux orphelins, du moins, il s’agissait de ceux ayant décidé de rejoindre l’église du père Gregor. Il n’était pas impossible de croire que bien plus d’enfants se retrouvaient sans parent, cependant, il n’y avait que ce petit nombre qui avait décidé de rejoindre la chorale. Si elle fut encore Templière, sans nul doute que Cassandra se serait occupé des autres enfants ou du moins, ceux en bas âge. Sans famille ni toit, ils devaient errer sans but dans les rues dévastées de la ville. En attendant, ceux-ci s’occupaient et c’était tout ce que pouvait espérer la jeune femme dans ce monde.
Les deux membres du Sanctum avaient décidé de séparer, selon leurs voix, les orphelins en quatre groupes.
Le coeur de la chorale était représenté par les sopranos, ils étaient plus de treize d’enfants dans celui-ci et était composé des voix les plus aigües. Ensuite, dans une note plus grave et duquel appartenait Cassandra, il y avait trois orphelins pour représenter les altos. Deux garçons et une adolescente. Les garçons les plus âgés, mais n’ayant pas encore changé de voix, représentant les ténors et ils étaient quatre. Quatre fringants garçons ayant connu plusieurs récoltes. Finalement, il ne restait plus que deux orphelins en proie à devenir des soldats et rejoint par le prêtre afin de former la voix de basse.
Ils étaient tous réunis, debout devant la jeune femme à répéter inlassablement les mêmes paroles. Pendant ce temps, la partition à la main, Cassandra se concentrait pour écouter les voix de chacun.
— Ce n’est pas ça.
Le chant venait de finir quand Cassandra relevait son nez de la partition, la mine sombre et un mal de crâne prenant de plus en plus d’ampleur. Elle déposa la feuille sur son pupitre avant de s’avancer en claudiquant dans l’église.
— Vous quatre, vous êtes incapables de suivre un canon.
Prenant appui sur sa jambe gauche et levant sa canne pour pointer le groupe des ténors. Ensuite, elle tourna son bras sur la droite pour pointer le prêtre et les jeunes hommes.
— Et vous deux, on vous demandez de chanter et non de crier dans la foule. Vous devez accompagner, et non dominer la chorale. Cette remarque est valable pour vous tous.
— Cassandra…
Gregor grinçait des dents, lançant un regard noir à la dame. Roulant une fois de plus des yeux, elle s’approcha du groupe de ténors et afficha un simple sourire sur son visage à l’attention des orphelins.
— Désolé… Nous…
— Ce n’est pas grave, oublié ce que je viens de dire.
Prenant appui sur la canne, la dame souffla un instant et tentait aussi bien que mal de se rappeler qu’il s’agissait d’enfant et non de soldat.
— Vous avez bien compris votre rôle ? Ici, vous devez travailler en harmonie pour que cela fonctionne. Et votre rôle, quel est-il ?
— Le canon, m’dame Pentaghast ?
— Exactement. Vous comprenez bien le principe ?
— Attendre avant de chanter ?[/color]
Elle se redressa et sourit à l’attention du gamin ayant répondu. Il devait avoir quoi, huit ans ? Enfant de fermier à en croire la tenue. Il cherchait à s’appliquer, c’était déjà une bonne chose.
— C’est simple, vous répété les paroles de vos amis avec un temps de retard. Vous en serrez capable, ou il vous faut un exemple.
— Vous l’ferez, m’dame Pentaghast ?
Elle arqua un sourcil, étonné, pour ensuite se racler la gorge et reculer d’un pas.
— Une seule fois… Deuxième couplet, première phrase et vous reprenez au troisième temps.
Retournant devant son pupitre afin de prendre la partition, Cassandra parcouru rapidement la feuille pour retrouver le passage et se le mettre en tête. Ensuite, elle leva la tête pour fixer le groupe d’enfant et commencer à chanter d’une voix forte cette partie de la partition.
— Soyez juste envers nous, Ô divine Étro…
Elle calcula de tête les temps, articulant chaque parole distinctement et en appuyant les tons bas. Finalement, au troisième temps, les enfants accompagnèrent l’ancienne garde.
— Soyez juste envers…
— … découvrez vos enfants du mal qui les accable
— … nous, Ô divine Étro…
Et ils terminèrent le chant, conservant approximativement le même temps alors que Cassandra avait fini. Elle hocha alors la tête dans un sourire avant de se rapprocher du groupe des altos.
— C’est bien…
— Merci m’dame Pent…
— Laissez-moi terminer. Il vous reste une chose à travailler, cesser de vous faire distraire par les autres voix. Votre rôle est justement d’être en décalage, alors, pas la peine de ce fixez sur les sopranos et les ténors.
— D’accord, m’dame.
Elle se retourna alors pour se mettre prêt du prêtre et surtout, prêt des enfants qu’elle pointa d’un doigt accusateur.
— Vous deux. Ce n’est pas un duel, cessez de crier vers les cieux comme le chant d’un troubadour. Vos vers sont adresser à la Déesse, pas au Nuage noir.
— Désolé…
— Tu fais bien, nous reprenons !
Cassandra fit demi-tour et alla se ranger derrière son pupitre afin de lancer un nouvelle répétition du chant. Il ne s’agit que d’une seule et unique mélodie, pourtant, il allait en passer du temps dessus. Encore combien de temps, au juste ? Enfin, elle laissa cette pensée s’enfuir dans les méandres de ses pensées alors que les orphelins se remirent à chanter.
Soyez juste envers nous, Ô divine Étro, découvrez vos enfants du mal qui les accable
Soyez notre force, Ô divine Étro, que les ténèbres quittent nos coeurs
Donnez-moi la Lumière et la foi, qui cela nous guide à travers vous
Et nous allons chanter, Ô Divine Étro, que les ténèbres quittent nos coeurs
Confiez vos paroles et vos louanges au Créateur, car il est à la base de tout chose
Gloire au Créateur, à Étro et à son Primarque, qu’ils nous guident en ces temps de peine »