« Comment appelle-t-on ça ? »

« Un putain de barbecue, mec. »

J’ai retourné la viande avec la fourchette en bois et surtout, j’ai laissé la magie se faire avant de laisser tomber deux secondes mon grill pour me poser sur ma chaise, entre celle de Farr’hud et celle de Xerxès. Ouais j’m’étais dit qu’j’pouvais pas me mettre au centre avec un putain de roi à ma gauche, ça s’fait pas, c’est un manque d’respect, tu vois. Mais d’un autre côté, j’allais pas laisser Farr’hud s’asseoir  à côté du roi. Bon bah j’m’en foutais du côté sacré du roi et tout mais les immortels, ceux qui passaient leur vie à protéger Xerxès, bah… étaient super tatillons, genre de l’enfer. Et z’avaient compris que Xerxès craignait rien avec moi mais ils prenaient pas d’risque avec Farr’hud, qu’était, j’vous l’rappelle, juste un gros pécore de la ville qu’a profité de ma popularité dans cette ville, ce paradis terrestre, pour accéder direct place royale.

Donc juste pour les rassurer, j’me t’nais entre les deux.


« C’est genre une institution encore plus vieille que l’école, et genre mille fois plus importante pour un mec. »

Xerxès sourit derrière sa barbe et tranquilles, on attend, en r’gardant la nuit tomber sur Parsa, comme ils disent. Non mais ça c’est la belle vie. J’reste pas longtemps assis pour vite m’occuper d’la viande. Et c’est un bonheur, on est enfumés de dingue mais c’est une fumée qui sent bon la putain de virilité.

J’ai r’gardé Xerxès.


« J’adore cette ville, mon pote. »

Il a l’vé les mains au ciel et d’un air respectueux, a simplement dit d’une voix joyeuse mais bien bien grave :

« La plus grande réussite de mon père. »

J’ai acquiescé en me disant qu’il me manquait juste une bière bien fraîche. Sauf que, et… j’avais jamais vu ça avant… Xerxès qu’était genre élu de… machin, là… bah il croyait en le zorothoustra, ou un truc comme ça. Et bref, ces gars pouvaient pas boire d’alcool. Et bon… c’était pas la meilleure nouvelle de l’année.

Ouais l’année. J’avais honte d’le reconnaître mais j’étais en Perse depuis un an. Des mois à voyager, genre un putain d’enfer et des mois à me relaxer, à passer la putain de belle vie.


« J’vois pas ce qu’y a de mieux ailleurs. » qu’j’ai dit, genre songeur avant d’me l’ver et de chipoter aux côtelettes en me grattant la barbe de mon autre main. « Limite ça s’trouve, j’suis mort en voulant v’nir ici et genre j’suis au paradis. ‘Fin le paradis, c’est… un genre de… endroit cool quand…

J’ai arrêté mon explication toute pourrie en voyant le regard songeur de Xerxès. Y a rien à faire, il pète la classe. Mais c’est c’crétin de Farr’hud qui ouvre sa gueule.

« Tu n’as pas vécu la vie du citoyen, Jecht. »

J’pointe ma fourchette vers Farr’hud, voyant qu’en plus le roi l’regarde, encore plus songeur.

« Justement si, mec. Pas ici mais j’l’ai vécue, cette vie-là, avec plein de frères et de sœurs et pas d’fric. Et laisse-moi te dire que monde moderne de mon cul ou pas, c’est pire qu’ici. »

Putain ouais. J’ai fini par sortir toutes les viandes et les mettre devant nous, sur la rambarde du balcon qui donne sur la ville, en plein air. J’ai servi une assiette, légumes, viandes et tout, au roi avant d’servir Farr’hudd puis ‘fin moi.

« Aujourd’hui, j’peux vous dire que j’ai tout vécu, les gars. J’ai… été en prison deux fois, j’ai été marié, j’ai eu un gamin… J’ai nagé avec une sirène, j’ai causé avec le roi de l’océan, provoqué pas moins de deux guerres civiles. J’ai été un sportif professionnel et j’ai signé des autographes. J’ai sauvé des gens et j’en ai tué pas mal. J’ai même été une bête sauvage deux fois dans ma putain de vie. Mais j’avais encore jamais été traité comme un prince. Et putain… c’est quelque chose. »

Je hoche la tête avant de m’asseoir à nouveau. Mon pote Xerxès, là, il a genre parlé mais genre… limite toute la ville a fermé sa gueule pour l’écouter.

« Était-ce aussi agréable, ce matin, de t’occuper en mon nom des doléances ? D’en refuser la plupart, de punir des hommes ? »

« Franch’ment ? J’m’en foutais. J’pense qu’j’ai fait trop de conneries pour commencer à regretter des p’tits trucs comme ça. J’s’rais l’pire des connards, en vérité, si j’commençais à plaindre les paysans de c’matin, alors que j’ai genre… tué toute ma vie. »

« Tu t’es bien débrouillé, Jecht. Tu ne connais pas la politique, n’as aucune idée de comment gérer un noble mais tu sais ce qu’est de faire partie du peuple. »

« Merci, ça fait plaiz’. »

« Je dois être entouré par un homme du peuple, c’est maintenant une évidence. Mon peuple est heureux mais incompris. »

« Ouais. »

« J’ai donc décidé de te nommer conseiller, Farr’hud. »

… Putain. J’ai regardé Farr’hud qu’était genre, gueule ouverte, une merguez à moitié enfoncé dans son bec, qui s’est genre immobilisé. Direct, ni une ni deux, j’lui fais une tape sur la jambe.

« T’entends ça, Farr’hud !? »

Il lui a fallu dix secondes pour se reprendre et tout et… remercier et dire qu’il le mérite pas et bon, des trucs comme ça, pas intéressant.

« Alors du coup, Farr’hud », qu’j’ai dit au bout de quelques minutes chiantes de discut’ entre les deux sur le rôle honorifique, et la thune et tout. « Blitzball. Sport national ou pas ? »

« Ah ça oui, Jecht. Je suis sûr qu’il coûte une fortune mais… oui. »

Et on a discuté, tous les trois… Pas mal. Mais genre de pas grand-chose, style des nouvelles obligations de Farr’hud, du quidditch, tout ça… Et au final, c’est Xerxès qui a dit, genre poliment mais… impératif et plus ou moins en ces mots : Ouais, Far’hudd, j’ai b’soin d’parler à Jecht, genre seul à seul ! Secret de bro !

Et on s’est r’trouvés tous les deux.


« Quelque chose à me dire, Jecht ? »

« Ouais. Je vais m’en aller, mon vieux. »

« Oui. C’est ce que je craignais. »

Il m’a regardé et je l’ai regardé et… d’un air heureux, il m’a souri. Genre il a mon âge mais c’est limite si j’le considérais pas comme un père fier de moi, là.

« Mec, j’te mens pas. J’pense que tu vas me manquer. Et cette ville. Putain, cette ville va me manquer. »

« Oui. Mais nous allons nous revoir… très bientôt. »

Là, regard encore plus profond et c’est moi qui souris!

« Sérieux ? T’as pris ta décision ?! »

« Nous allons conquérir le Colisée de L’Olympe, avec ton aide. Nous soumettrons toutes les grandes villes sur notre chemin et toi... »

« Je m’occupe de préparer l’terrain. »

Oh ouais. Je… j’imaginais pas qu’il allait refuser mais c’était partir en paix, là. J’avais accompli ma mission et même si rien de drôle allait en r’sortir, le futur allait être putain d’incroyable.

« Ok alors ! J’ai un plan. Quand on a gagné. Toi, moi… on va dans un coin, genre bien propre. »

« Comme Atlantica, dont tu m’as parlé. »

« Euh… ouais nan parce qu’écoute bien. On va dans un monde genre clean, avec des filles bien fraîches et là, putain mec, appelle-moi déesse de l’amour, j’t’arrange un truc. »

« Une fille d’un soir ? »

« Mieux. Une nouvelle femme. Tu la ramènes, une p’tite blanche, dans ta cour, et elle devient une de tes nouvelles meufs. »

« Et toi pendant ce temps-là ? » qu’y’m’dit en rigolant.

« Non mais moi chuis pas polygame. Donc je vais m’concentrer sur toi et tu l’auras, ta blanche. »


Et j’espérais, ouais. La vérité, c’est qu’j’espérais pouvoir faire tout ça. Et c’est p’têt’ la seule fois où j’ai menti ou qu’j’ai dit un truc sans vraiment l’penser à Xerxes. Pasque bon… Ouais j’allais préparer le terrain, ouais j’allais combattre avec lui mais… Après ? J’espérais déjà être bien loin. J’espérais le Kingdom Hearts. Et j’sais pas, c’est p’tête ça mais j’ai commencé à mater la lune en m’disant que… c’était mieux qu’ici, de toutes façons.
Et ce qu’il y a ici que j’aime… Je vais le ramener.


« C’est pour tes amis ? Les alliés dont tu m’as parlé ? »

« Quoi ? »

« Que tu t’en vas. Je sais que tu dois préparer le terrain et donc que tu dois t’en aller plus tôt que nous mais… il n’y a pas que ça. »

« Ah. J’en sais rien. »

J’lui avais parlé d’mes alliés mais juste comme ça… sans dire qui c’était. Mais Roxas, Ciss et Ukiyo ?

« Non. Je t’avoue que j’ai un peu peur de les revoir. Enfin… pas peur dans l’genre, j’flippe, mais genre ça m’inquiète. Non c’est plus… une meuf, ‘fin deux. C’est pas pour ça que j’dois m’en aller mais c’est elles que j’ai envie d’voir quand j’pense à m’casser. »

Et je lui avais déjà parlé de Belle et de Alice, genre… On avait passé des soirées entières à discuter. J’savais plein de choses sur lui. Il admirait son père mais c’était genre… une admiration tu sais ? Ton père, c’est mieux de l’aimer que de l’admirer, j’pense. ‘Fin j’sais pas, j’imagine. D’un aut’ côté, j’pense pas qu’Tidus m’ait aimé ou admiré donc… Chuis pas mieux qu’le mien.
‘Fin bref, j’savais plein de trucs. Et lui aussi. J’avais juste rien dit de concret, genre des noms, des plans, par rapport aux songes. Genre le Kingdom Hearts mais c’était genre hors de question. J’kiffe ce type mais c’est un conquérant de dingue. Lui parler d’un monde qui, si tu l’possèdes, te donne la toute-puissance ? Nan, ça va, chuis pas dingue. Mais il savait pour ma famille, pour les mercenaires avec qui j’étais… qu’à moitié. Il savait pour Ariez.  Et j’lui ai parlé des mondes, tu vois. De tous.


« Tu devrais les épouser. Enfin… non. Epouser Belle. »

« Genre c’est… le truc qui t’semble évident quand j’te parle d’une meuf qui m’manque ? »

Il a hésité un instant puis a haussé les épaules, l’air de dire « Bah ouais ma gueule. » Mais il a rien dit, genre… lui ça doit être un dragueur de dingue.

« Nan je… »

« Hey, Jecht. Je sais que tu plaisantes sans arrêt en disant que tu es déjà marié. Mais il est normal d’aimer plusieurs femmes, dans ma culture. Et dans ma culture, et dans la tienne aussi, j’en suis sûr, on peut s’autoriser à accepter d’épouser une femme après être devenu veuf. »

Putain ça m’semblait si concret quand y’m’disait ça. J’avais limite l’impression qu’en répondant, j’devais forcément admettre que j’aimais ou pas Belle… putain mais…

« Non mais fais pas l’con. J’vais pas parler d’mes sentiments avec toi, chuis pas une pleureuse. »

« Oublie les sentiments. Tu veux me marier avec une blanche. Je veux que tu sois heureux avec Belle. Elle te manque ? »

« … Ouais, ‘fin... »

« Elle est belle ? »

« … C’est genre son nom. »

« Intelligente ? »

« Ouais forcément. Jecht, ce qui lui plait, c’est des meufs bien plus intelligents qu’lui ! »

« Et tu l’as embrassée. Tu es le seul homme qu’elle ait embrassé depuis la perte de son mari. Ca n’est pas insignifiant. »

C’est clair qu’j’suis un champion.

« … Putain. Peut-être. Tu crois que... »

« Elle va accepter, Jecht. Tu reviendras d’un voyage d’un an et d’ici à ce que tu retournes auprès d’elle, tu auras perdu les kilos que tu as pris en te prélassant dans mon palais. »

« Merde. J’pensais qu’ça s’voyait pas. »

Non mais en même temps… Bon non. J’avais pas d’excuse. J’avais rien glandé.

« Tu m’as convaincu, Xerxès. Putain j’commence à y croire. J’y vais et... »

J’y croyais à peine. Me remarier. Et avec une meuf que j’kiffais vraiment et… Alice. Enfin, je vais pas me marier avec Alice, nan c’que j’veux dire c’est que… j’allais r’commencer. C’était pas vraiment ma fille mais j’pouvais essayer d’él’ver une gamine, j’pouvais m’rattraper. Bon elle devait avoir dix-sept ans, maintenant mais j’pouvais la protéger, au moins. Et à notre putain d’époque, c’était pas rien.
J’me rapp’lais c’qu’m’avait dit Belle, avant que je la confie au Consulat. Elle voulait qu’j’vive avec elle et Alice, elle voulait qu’on reste tous ensemble parce qu’on était balèzes tous les trois. Elles m’avaient sauvé et j’les avais sauvées, c’est c’qu’j’me disais tout l’temps.


« Je sais pas si j’l’aime, elle. Mais j’les aime toutes les deux, tu vois. »

« ... Tu n’es pas une pédale, tu disais. »

… Qué connard.

« Il est vraiment temps qu’j’me casse. »