Une question d'allégeance

Il aura fallu du temps, cependant, le piège était en place. Depuis le jour où notre agent-double avait fait irruption dans mon bureau et proposé ce plan, pas un moment ne c’était passé sans que je cherche l’ombre dans le tableau qu’il me dressait. Venir ainsi, chez moi avec une information valant plus d’or que n’importe quelle tête à la Coalition Noire et apportant par la même occasion une solution. Quelque chose clochait, j’ignorai laquelle, mais cela me taraudait l’esprit depuis le jour où j’étais parti chercher l’allégeance du comte au Palais des Rêves.

Bien des questions étaient restées en suspens, tel que la façon dont il avait réussi à obtenir un nom ainsi qu’une description de notre cible. Il avait des capacités et c’était indéniable. Enfin, c’était plutôt rageant d’avoir cette personne à ses côtés et ne pas pouvoir l’utiliser à son plein potentiel.

Une lettre était parvenue ce matin au manoir, marquée du sceau du comte de Thrillier afin de m’assurer que le contrat avait été affiché chez les Mercenaires et que ce n’était dorénavant plus qu’une question de temps. Deux lignes dans une lettre qui n’en finissait pas, putain d’aristocrate qui passe plus de temps à faire des courbettes plutôt qu’agir. Bientôt, il ne seront plus que des histoires au Palais des Rêves, une blague du passé. Malheureusement pour moi, il y a un contrat à honorer avant de gérer ce léger problème avec la bourgeoisie du Palais des Rêves.

Me redressant dans mon bureau, je me dirigeais vers la porte d’entrée afin de ranger mes armes à la ceinture, mes deux faux ainsi qu’une série d’explosif que je rangeais dans la sacoche accrochée au bas de mon dos. Décalant de deux pas sur la gauche, j’attrapais le manteau offert par cet inconnu à Port-Royal et enfilais ce dernier sur mes épaules.

Prêt pour partir à l’aventure, ou du moins, rester dans le manoir du noble jusqu’à ce que la proie vienne frapper à la porte. C’était presque trop beau pour être vrai. Si jamais elle se déplaçait en ayant juste posé un œil sur la prime, cela allait nous prouver une fois de plus que les mercenaires étaient aussi malléables que le dernier des crétins vivant sur ce monde. Enfin, évitons de prendre tout pour argent content. L’attrait du gain est une chose, les rumeurs parcourant le Palais des Rêves comme quoi la Coalition Noire étant son pouvoir dessus sont une réalité. Ils pourraient être méfiants et envoyer plus que cette Lenore pour un contrat aussi banale.

En parlant de suspicions, il fallait que je couvre moi-même mes arrières avec notre « associé ».

Durant notre entrevue, nous avons conclu que pour le bon fonctionnement de cette opération, nous allons devoir garder le secret entre nous deux. Depuis le temps, j’ai gardé le secret pour moi. Toutefois, j’ignore s’il avait fait la même chose de son côté et se serait une preuve de son allégeance. Et il restait toujours cette possibilité que tout ceci soit un piège m’étant adressé et que Lenore soit l’appât et non la proie. Dans le cas où cela devait arriver, il allait falloir assurer un avenir pour la Coalition Noire. Du moins, qu’un certain traître ne s’assure par une place au paradis sans que personne ne le contredise dans de belles paroles.

En prenant cette place, celle de boss, je m’étais dessiné une cible sur le torse et je n’avais plus qu’à attendre les flèches de nos ennemis. Et je refusais pertinemment de ressembler à Ariez, trop craintive au point de ne jamais quitter son palace et se terrer dans une fausse idée de sécurité. La mort nous attend tous, et je refuse qu’elle vienne d’un coup de poignard dans le dos. Me retournant, je rejoignais mon bureau afin d’attraper une plume et un papier afin de noter quelques indications à la seule personne de confiance dans cette organisation. Elle saura comment gérer les choses en cas de pépin, au cas où je ne revienne pas du Palais des Rêves.

«
Vesper,

Tu le sais, à la Coalition Noire, tu es la seconde personne par qui tout passe. Nous avons conclu un pacte et je ne serais pas stupide au point de ne pas l’honorer, tu es au sommet à mes côtés.

Aujourd’hui, je vais partir avec notre associé afin de débusquer les personnes mettant à mal nos installations. Rien d’extraordinaire, les mercenaires ont fait en sorte que notre avant-poste au Pays Imaginaire ne soit inutile. Il n’y aura pas de mort, nous allons juste passer un message pour les membres du Centurio. Qu’ils arrêtent de mettre le nez dans nos affaires, un peu comme cet idiot d’Auron ayant cherché à s’attaquer à ton château il y a des années.

Toutefois, je ne t’envoie pas cette lettre pour te laisser un rapport de nos activités.

Tu sais avec qui je pars, et nous ne lui faisons pas confiance à un seul instant. Ceci sera une façon de vérifier son allégeance, et je me rends compte que je risque d’y laisser ma tête. Si jamais je ne reviens pas de ce règlement de comptes, nous saurons que nous ne pouvons lui faire confiance. Et par la même occasion, ce sera à toi de gérer ce problème, car il y aura de fortes chances que je ne sois plus là pour m’occuper de cela.

Death.
»
La lettre finie, j’enfermais celle-ci dans une enveloppe avant de me relever et prendre la hache du bourreau sur mon épaule et finalement quitter ce bureau. Peut-être pour la dernière fois. Mon associé et moi-même allons nous retrouver au Palais des Rêves, j’avais le temps de faire un crochet au Château de la Bête pour laisser ce mot à la Dame de la Coalition Noire.