Le feu de la cheminée crépitait dans son âtre, faisant danser les ombres des meubles face à ce dernier. Dans le bureau du Manoir Abandonné, Death observait les ombres s’agiter devant lui alors qu’il venait de terminer la lettre qu’il avait reçue en début de journée. Ainsi, la disparition de Surkesh ne rimait pas avec sa mort. Étrangement, une pointe de fierté à son égard grandissait dans mon cœur. Ne le voyant pas revenir de son « congé forcé », il ne m’avait pas fallu longtemps pour penser que son arrogance avait eu raison de ce type. Et à en croire le contenu de la lettre, il avait trouvé le moyen se rendre au Centurio. Il a réussi à survivre à un Dragon, des rebelles, des sans-cœur… Et même à l’animosité des mercenaires ?!
- Incroyable, il faudrait couper la main de ce type et la garder comme porte-bonheur…
Ricanant à cette idée, je parcourais ensuite le verso de la feuille et découvris un résumé des contrats affichés pour les mercenaires. Cette information n’avait pas de prix, grâce à cette tête de con, j’avais dorénavant un coup d’avance sur les mercenaires.
Attrapant une autre feuille, je m’empressais de noter les informations essentielles qu’il m’avait rapportées. Un agent-double chez l’un de nos ennemis, une aubaine. À croire qu’il a fait ça exprès afin de bien se faire voir après notre dernière interaction. Contrairement à son habitude, il s’est illustré pour une fois. Attends, qu’est-ce que je ressens…? Une pointe de rancœur de lui avoir causé comme ça ? Non, ce n’est pas ça. Il se prenait pour un personnage essentiel à chaque fois qu’il venait demander quelque chose, il se prenait pour un petit flocon de neige unique et il gardait les idées obsolètes de la vieille Coalition Noire.
Pourtant, je me retrouve maintenant à me poser la question de savoir si j’ai bien agi avec lui. Qu’est-ce qu’il est bien aller chercher à Port-Royale, et qu’est-ce qui s’est bien passé pour qu’il ait une entrée chez eux malgré son passif.
Soyons honnête un instant. Quelqu’un me croise dans la rue, il comprend directement que je viens de la coalition. Mes yeux d’un jaune-orangé, ma peau grise et le simple fait que je pue les ténèbres à une dizaine de mètres à la ronde. La différence entre moi et Surkesh ? Sa peau n’est pas proche de l’état d’un cadavre, il prend les couleurs du soleil contrairement à moi. Peut-être que c‘est cela qui me débecte le plus chez lui, il me ressemble trop. Il a la même soif de pouvoir, il cherche à s’imposer et à bien se faire voir par le boss de son groupe. Il est moi, mon enfant batard. Et c’est certainement pour cela que j’évite à tout prix qu’il prenne ses aises et que je l’envoie chier à chaque fois qu’il pointe le bout de son nez chez moi.
Ainsi, c’est peut-être cela que craignait Ariez quand elle me voyait. Et le destin ne fait que me renvoyer la balle pour me faire comprendre ce que je suis vraiment : un odieux connard suffisant, avide de pouvoir et de ténèbres prêt à vendre ma mère pour parvenir à mes fins.
La preuve est devant moi, sur ce bout de papier. Peut-être qu’il s’agit de la seule façon qu’il a trouvée pour attirer mon attention sans que je crache un flot intarissable d’insulte à son encontre. Bien. La méthode du connard ténébreux ne marche pas avec lui, essayons d’être compatissant avec lui. Histoire d’en faire un allié plutôt qu’un ennemi. Terminant de noter les informations utiles, je rangeais le nouveau document dans mon bureau et jetai la lettre de Surkesh au feu. À moins que ce soit un piège, il avait pris des risques pour envoyer cela. Essayons de ne pas le griller directement et faisons de lui ce qu’il rêve le plus d’être, mon fidèle bras droit et agent-double chez les mercenaires. Il attend réponse, soit. Il verra que son « oncle » pense à lui.
Une heure plus tard, je reposais mon stylo sur le bureau et rangeais la lettre dans une enveloppe à envoyer à Port-Royal, pour notre petit Surkesh national. Inscrivant l’adresse reçue au dos de sa lettre, je pris le soin de ne pas indiquer la mienne. Qu’il ne se fasse pas griller instantanément dans le cas où le Centurio intercepte son courrier. Demain matin, il aura ma réponse. Il ne reste plus qu’à espérer que cela lui convienne.
«
Mon Chère Neveu.
Moi et ta tante, la Reine du château, nous inquiétons de ne pas te voir revenir chez nous. Toi qui étais parti en quête d’aventure, nous voilà rassurées de savoir que tu es toujours en vie et en bonne santé. Nous comprenons tes problèmes d’argent, et le problème que cela implique pour que tu nous reviennes. Malheureusement, je ne peux t’envoyer de quoi prendre un ticket et nous revenir.
Tu es un grand gamin dorénavant, tu sais te défendre et je suis persuadé que tu sauras nous revenir quand tu auras le temps ou trouvé ta véritable vocation. Pour autant, ne manque pas de nous écrire afin que ta tante et moi-même ne soyons plus inquiets, ne nous laisse plus sans nouvelle. Conte-nous tes aventures s’il le faut ! Tu es notre seule famille, tu le sais…?
En espérant avoir de tes nouvelles bientôt…
»