Il restait quelques heures avant le coucher du soleil. Les rues étaient au sommet de leur activité insouciante entre marchandises étalés, marchands aboyant la qualité de leurs produits, et marcheurs attirés par la curiosité, le besoin ou le temps à perdre. L’heure était aux courses de dernières minutes pour tout le monde, y compris pour la mercenaire qui comptait se procurer le nécessaire pour mener sa mission à bien. On n’improvise pas une évasion facilement, les mains dans les poches. Elle flânait, choisissant les étals qui pouvaient lui être utiles ou les clients les plus tête-en-l’air.
Elle s’arrêta à la hauteur d’un boulanger, concurrent de son Pierrot, mais elle ne voulait en aucun cas les mêler, lui et sa famille, même indirectement à sa mission. De plus une des clientes dans cette ruelle avait posé son panier le temps d’y ranger des pains et semblait hésiter sur son nouveau choix. Lenore se faufila à ses côtés, interrompant la discussion qu’elle tenait avec le marchand en tendant un doigt vers une charlotte aux fraises à l’extrémité de l’étal.
« S’il vous plait ! Serait-il possible de n’avoir qu’une part de ce gâteau ?... Oh pardon, je vous ai coupé... navrée, vraiment, je suis confuse, je vais attendre. » Se rattrapa-t-elle sous le regard furibond de la cliente qui reprit sa commande aussitôt, monopolisant le vendeur comme elle en avait le droit et d’un coup le devoir de par sa présence antérieur à celle de l’importune, sans prêter attention au bras de Lenore qui se glissait naturellement dans l’anse du panier tout en pivotant sur elle-même, leur tournant le dos et s’éclipsant discrètement de retour dans la foule.
Panier et pain. Fait.
Une ruelle plus loin, un épicier devint sa cible. Serpentant entre les clients, elle trébucha volontairement, percutant la table et renversant plusieurs produits. Elle posa son panier au sol au bord de la table, en s’excusant et commença à ranger les produits convenablement, non sans avoir fait basculer un paquet de farine directement dans le panier en réception. De toute sa bonne volonté à réparer sa maladresse et masquer son geste, elle fut interrompue par le marchand aimable qui termina le réagencement.
« Laissez ma bonne dame, je m’en charge, ne vous inquiétez pas pour si peu. La bonne journée à vous ! »
Farine. Fait.
Une patrouille passa dans la foule et elle se fit discrète, s’approchant d’un homme, marchant à ses côtés au même pas, pour sembler être en sa compagnie. Elle l’abandonna pour s’arrêter auprès d’un bijoutier, contemplant de magnifiques fibules. Elle en aurait besoin pour maintenir son futur chaperon rouge et elle se permit le luxe d’en acheter une discrète mais ouvragée, se faisant ainsi un peu plaisir, l’objet était un serpent se mordant la queue et formant un huit allongé. Un Ouroboros avait précisé le marchand. Elle se sépara de ses cinquante munnies sans regret tellement la fibule était belle. Surtout que pour le moment elle n’avait rien débourser.
Fibule. Fait.
Les étals commençaient déjà à être rangés, la soirée avançait plus rapidement que prévu et il lui manquait toujours l’essentiel. Lenore envisageait déjà de devoir modifier son plan lorsque son regard croisa un groupe de gamin au pied d’une taverne. Au fond de la ruelle qui longeait son flanc, un chariot de tonnelets couverts d’une bâche rouge sombre. Elle allait se diriger vers son trésor inattendu quand elle se rappela qu’il lui fallait également des billes. Les gamins s’éclipsaient rangeant dans leurs bourses leurs gains de verre, rappelés par leurs mères ayant terminé leurs achats. La mercenaire devait faire vite. Elle se posa sur le chemin du dernier gamin et le souleva en une embrassade joyeuse, mettant la main sur la bourse de billes, pendant que celui-ci se débattait comme un diable que l’on enlève.
« Léon ! Ça faisait longtemps petit chenapan ! Viens par-là que je t’embrasse. »
« Hey mais z’êtes pas bien ! Posez-moi tout d’suite ! J’suis pas vot’ Léon crénom ! »
« Oh ? Je t’ai confondu avec mon petit cousin, pardon. »
Elle reposa le bambin renfrogné au sol, qui s’éloigna vite de cette folle en soufflant du nez, sans se rendre compte qu’il s’était fait soulager de son jeu préféré.
Bille. Fait.
Il fallait faire vite pour la bâche et ses attaches. Elle se glissa, en marche arrière dans la ruelle sombre, vérifiant que personne ne lui accordait d’attention. Elle approcha de la porte ouverte donnant vers la réserve en longeant le mur, glissant juste le coup d’œil rapide nécessaire pour vérifier la présence de personnel qui heureusement était fort occupé au rangement des tonnelets. Elle revint au niveau du chariot, accroupie, détachant les crochets qui aidaient la toile à maintenir le tout en place malgré les cohues des chemins pavés.
Elle dut s’arrêter et se faire la plus petite possible lorsqu’un homme sortit de l’établissement pour prendre sa prochaine charge en déposant son pied-de-biche dans le chariot après l’ouverture d’une caisse de bouteilles. Lorsqu’il regagna l’intérieur de l’établissement, elle finit de décrocher la toile et la passa aussitôt autour de ses épaules, elle tendit le bras pour piquer la barre métallique et se dépêcha de regagner ainsi le cœur de la ville.
Chaperon, cordelettes, crochets et pied-de-biche. Fait.
Elle avait enfin tout ce qu’il lui fallait pour remplir sa mission. Ne lui manquait qu’un peu de chance et une Lune consentante. Elle se terra dans un coin assombri par les ténèbres de la nuit gagnant la ville, pour organiser son matériel, accrocher la bâche grâce à la fibule et se rappeler les étapes en attendant le moment propice. Ses deux capes lui permettaient de lutter contre la fraicheur de la soirée. L’heure enfin venue, elle déambula dans la ville, se montrant juste assez pour que l’on se souvienne d’avoir vu passer un chaperon rouge, suivant le labyrinthe des ruelles au hasard. Lorsque qu’elle estima avoir été suffisamment vue par la population tardive, elle se dirigea vers la caserne et ses larges et hauts murs blancs composés d’énormes blocs de craie lissés resplendissant faiblement sous la lueur de l’astre de nuit.
Jeu 17 Nov 2016 - 16:45Elle s’arrêta à la hauteur d’un boulanger, concurrent de son Pierrot, mais elle ne voulait en aucun cas les mêler, lui et sa famille, même indirectement à sa mission. De plus une des clientes dans cette ruelle avait posé son panier le temps d’y ranger des pains et semblait hésiter sur son nouveau choix. Lenore se faufila à ses côtés, interrompant la discussion qu’elle tenait avec le marchand en tendant un doigt vers une charlotte aux fraises à l’extrémité de l’étal.
« S’il vous plait ! Serait-il possible de n’avoir qu’une part de ce gâteau ?... Oh pardon, je vous ai coupé... navrée, vraiment, je suis confuse, je vais attendre. » Se rattrapa-t-elle sous le regard furibond de la cliente qui reprit sa commande aussitôt, monopolisant le vendeur comme elle en avait le droit et d’un coup le devoir de par sa présence antérieur à celle de l’importune, sans prêter attention au bras de Lenore qui se glissait naturellement dans l’anse du panier tout en pivotant sur elle-même, leur tournant le dos et s’éclipsant discrètement de retour dans la foule.
Panier et pain. Fait.
Une ruelle plus loin, un épicier devint sa cible. Serpentant entre les clients, elle trébucha volontairement, percutant la table et renversant plusieurs produits. Elle posa son panier au sol au bord de la table, en s’excusant et commença à ranger les produits convenablement, non sans avoir fait basculer un paquet de farine directement dans le panier en réception. De toute sa bonne volonté à réparer sa maladresse et masquer son geste, elle fut interrompue par le marchand aimable qui termina le réagencement.
« Laissez ma bonne dame, je m’en charge, ne vous inquiétez pas pour si peu. La bonne journée à vous ! »
Farine. Fait.
Une patrouille passa dans la foule et elle se fit discrète, s’approchant d’un homme, marchant à ses côtés au même pas, pour sembler être en sa compagnie. Elle l’abandonna pour s’arrêter auprès d’un bijoutier, contemplant de magnifiques fibules. Elle en aurait besoin pour maintenir son futur chaperon rouge et elle se permit le luxe d’en acheter une discrète mais ouvragée, se faisant ainsi un peu plaisir, l’objet était un serpent se mordant la queue et formant un huit allongé. Un Ouroboros avait précisé le marchand. Elle se sépara de ses cinquante munnies sans regret tellement la fibule était belle. Surtout que pour le moment elle n’avait rien débourser.
Fibule. Fait.
Les étals commençaient déjà à être rangés, la soirée avançait plus rapidement que prévu et il lui manquait toujours l’essentiel. Lenore envisageait déjà de devoir modifier son plan lorsque son regard croisa un groupe de gamin au pied d’une taverne. Au fond de la ruelle qui longeait son flanc, un chariot de tonnelets couverts d’une bâche rouge sombre. Elle allait se diriger vers son trésor inattendu quand elle se rappela qu’il lui fallait également des billes. Les gamins s’éclipsaient rangeant dans leurs bourses leurs gains de verre, rappelés par leurs mères ayant terminé leurs achats. La mercenaire devait faire vite. Elle se posa sur le chemin du dernier gamin et le souleva en une embrassade joyeuse, mettant la main sur la bourse de billes, pendant que celui-ci se débattait comme un diable que l’on enlève.
« Léon ! Ça faisait longtemps petit chenapan ! Viens par-là que je t’embrasse. »
« Hey mais z’êtes pas bien ! Posez-moi tout d’suite ! J’suis pas vot’ Léon crénom ! »
« Oh ? Je t’ai confondu avec mon petit cousin, pardon. »
Elle reposa le bambin renfrogné au sol, qui s’éloigna vite de cette folle en soufflant du nez, sans se rendre compte qu’il s’était fait soulager de son jeu préféré.
Bille. Fait.
Il fallait faire vite pour la bâche et ses attaches. Elle se glissa, en marche arrière dans la ruelle sombre, vérifiant que personne ne lui accordait d’attention. Elle approcha de la porte ouverte donnant vers la réserve en longeant le mur, glissant juste le coup d’œil rapide nécessaire pour vérifier la présence de personnel qui heureusement était fort occupé au rangement des tonnelets. Elle revint au niveau du chariot, accroupie, détachant les crochets qui aidaient la toile à maintenir le tout en place malgré les cohues des chemins pavés.
Elle dut s’arrêter et se faire la plus petite possible lorsqu’un homme sortit de l’établissement pour prendre sa prochaine charge en déposant son pied-de-biche dans le chariot après l’ouverture d’une caisse de bouteilles. Lorsqu’il regagna l’intérieur de l’établissement, elle finit de décrocher la toile et la passa aussitôt autour de ses épaules, elle tendit le bras pour piquer la barre métallique et se dépêcha de regagner ainsi le cœur de la ville.
Chaperon, cordelettes, crochets et pied-de-biche. Fait.
Elle avait enfin tout ce qu’il lui fallait pour remplir sa mission. Ne lui manquait qu’un peu de chance et une Lune consentante. Elle se terra dans un coin assombri par les ténèbres de la nuit gagnant la ville, pour organiser son matériel, accrocher la bâche grâce à la fibule et se rappeler les étapes en attendant le moment propice. Ses deux capes lui permettaient de lutter contre la fraicheur de la soirée. L’heure enfin venue, elle déambula dans la ville, se montrant juste assez pour que l’on se souvienne d’avoir vu passer un chaperon rouge, suivant le labyrinthe des ruelles au hasard. Lorsque qu’elle estima avoir été suffisamment vue par la population tardive, elle se dirigea vers la caserne et ses larges et hauts murs blancs composés d’énormes blocs de craie lissés resplendissant faiblement sous la lueur de l’astre de nuit.