Ca ne casse pas deux pattes à un canard. Même si c'est tentant. Szp8Ca ne casse pas deux pattes à un canard. Même si c'est tentant. 4kdkCa ne casse pas deux pattes à un canard. Même si c'est tentant. 4kdk
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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Il restait quelques heures avant le coucher du soleil. Les rues étaient au sommet de leur activité insouciante entre marchandises étalés, marchands aboyant la qualité de leurs produits, et marcheurs attirés par la curiosité, le besoin ou le temps à perdre. L’heure était aux courses de dernières minutes pour tout le monde, y compris pour la mercenaire qui comptait se procurer le nécessaire pour mener sa mission à bien. On n’improvise pas une évasion facilement, les mains dans les poches. Elle flânait, choisissant les étals qui pouvaient lui être utiles ou les clients les plus tête-en-l’air.

Elle s’arrêta à la hauteur d’un boulanger, concurrent de son Pierrot, mais elle ne voulait en aucun cas les mêler, lui et sa famille, même indirectement à sa mission. De plus une des clientes dans cette ruelle avait posé son panier le temps d’y ranger des pains et semblait hésiter sur son nouveau choix. Lenore se faufila à ses côtés, interrompant la discussion qu’elle tenait avec le marchand en tendant un doigt vers une charlotte aux fraises à l’extrémité de l’étal.


« S’il vous plait ! Serait-il possible de n’avoir qu’une part de ce gâteau ?... Oh pardon, je vous ai coupé... navrée, vraiment, je suis confuse, je vais attendre. » Se rattrapa-t-elle sous le regard furibond de la cliente qui reprit sa commande aussitôt, monopolisant le vendeur comme elle en avait le droit et d’un coup le devoir de par sa présence antérieur à celle de l’importune, sans prêter attention au bras de Lenore qui se glissait naturellement dans l’anse du panier tout en pivotant sur elle-même, leur tournant le dos et s’éclipsant discrètement de retour dans la foule.

Panier et pain. Fait.

Une ruelle plus loin, un épicier devint sa cible. Serpentant entre les clients, elle trébucha volontairement, percutant la table et renversant plusieurs produits. Elle posa son panier au sol au bord de la table, en s’excusant et commença à ranger les produits convenablement, non sans avoir fait basculer un paquet de farine directement dans le panier en réception. De toute sa bonne volonté à réparer sa maladresse et masquer son geste, elle fut interrompue par le marchand aimable qui termina le réagencement.


« Laissez ma bonne dame, je m’en charge, ne vous inquiétez pas pour si peu. La bonne journée à vous ! »

Farine. Fait.

Une patrouille passa dans la foule et elle se fit discrète, s’approchant d’un homme, marchant à ses côtés au même pas, pour sembler être en sa compagnie. Elle l’abandonna pour s’arrêter auprès d’un bijoutier, contemplant de magnifiques fibules. Elle en aurait besoin pour maintenir son futur chaperon rouge et elle se permit le luxe d’en acheter une discrète mais ouvragée, se faisant ainsi un peu plaisir, l’objet était un serpent se mordant la queue et formant un huit allongé. Un Ouroboros avait précisé le marchand. Elle se sépara de ses cinquante munnies sans regret tellement la fibule était belle. Surtout que pour le moment elle n’avait rien débourser.

Fibule. Fait.

Les étals commençaient déjà à être rangés, la soirée avançait plus rapidement que prévu et il lui manquait toujours l’essentiel. Lenore envisageait déjà de devoir modifier son plan lorsque son regard croisa un groupe de gamin au pied d’une taverne. Au fond de la ruelle qui longeait son flanc, un chariot de tonnelets couverts d’une bâche rouge sombre. Elle allait se diriger vers son trésor inattendu quand elle se rappela qu’il lui fallait également des billes. Les gamins s’éclipsaient rangeant dans leurs bourses leurs gains de verre, rappelés par leurs mères ayant terminé leurs achats. La mercenaire devait faire vite. Elle se posa sur le chemin du dernier gamin et le souleva en une embrassade joyeuse, mettant la main sur la bourse de billes, pendant que celui-ci se débattait comme un diable que l’on enlève.


« Léon ! Ça faisait longtemps petit chenapan ! Viens par-là que je t’embrasse. »

« Hey mais z’êtes pas bien ! Posez-moi tout d’suite ! J’suis pas vot’ Léon crénom ! »

« Oh ? Je t’ai confondu avec mon petit cousin, pardon. »

Elle reposa le bambin renfrogné au sol, qui s’éloigna vite de cette folle en soufflant du nez, sans se rendre compte qu’il s’était fait soulager de son jeu préféré.

Bille. Fait.

Il fallait faire vite pour la bâche et ses attaches. Elle se glissa, en marche arrière dans la ruelle sombre, vérifiant que personne ne lui accordait d’attention. Elle approcha de la porte ouverte donnant vers la réserve en longeant le mur, glissant juste le coup d’œil rapide nécessaire pour vérifier la présence de personnel qui heureusement était fort occupé au rangement des tonnelets. Elle revint au niveau du chariot, accroupie, détachant les crochets qui aidaient la toile à maintenir le tout en place malgré les cohues des chemins pavés.

Elle dut s’arrêter et se faire la plus petite possible lorsqu’un homme sortit de l’établissement pour prendre sa prochaine charge en déposant son pied-de-biche dans le chariot après l’ouverture d’une caisse de bouteilles. Lorsqu’il regagna l’intérieur de l’établissement, elle finit de décrocher la toile et la passa aussitôt autour de ses épaules, elle tendit le bras pour piquer la barre métallique et se dépêcha de regagner ainsi le cœur de la ville.

Chaperon, cordelettes, crochets et pied-de-biche. Fait.

Elle avait enfin tout ce qu’il lui fallait pour remplir sa mission. Ne lui manquait qu’un peu de chance et une Lune consentante. Elle se terra dans un coin assombri par les ténèbres de la nuit gagnant la ville, pour organiser son matériel, accrocher la bâche grâce à la fibule et se rappeler les étapes en attendant le moment propice. Ses deux capes lui permettaient de lutter contre la fraicheur de la soirée. L’heure enfin venue, elle déambula dans la ville, se montrant juste assez pour que l’on se souvienne d’avoir vu passer un chaperon rouge, suivant le labyrinthe des ruelles au hasard. Lorsque qu’elle estima avoir été suffisamment vue par la population tardive, elle se dirigea vers la caserne et ses larges et hauts murs blancs composés d’énormes blocs de craie lissés resplendissant faiblement sous la lueur de l’astre de nuit.

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Lenore sentait la tension de ce moment juste avant l’action, ou le doute s’insinue plus facilement avant qu’il ne soit trop tard pour rebrousser chemin, ce coup d’adrénaline addictif. Elle s’en servirait pour entrer dans le personnage. Une dernière vérification pour être sûre que personne ne traîne dans les parages, pour éviter les patrouilles là-haut sur le chemin de ronde à plusieurs étages au-dessus qui surveillaient malgré tout les alentours mais n’entendraient pas les discutions plusieurs mètres en contrebas.

En avant la musique.

Lenore sautillait gaiement en avançant vers les gardes de faction, balançant son panier, elle força un rire aussi enfantin et exagéré que possible. L’attention des gardes était captée assez facilement à cette heure tardive où rien ne bouge dans ce quartier particulier. Ils discutaient à voix basse sur cette apparition étrange. Ils n’avaient pas le droit de bouger d’un iota, dans leur plastron doré astiqué qui luisait à la lumière lunaire et qui recouvrait leur uniforme de feutre aux couleurs du royaume, rouge et noir. Ils finirent par menacer de leur hallebarde tendue, l’énergumène qui s’approchait toujours plus d’eux.

La mercenaire s’arrêta juste devant la pointe, elle écarta un peu ses capes sur ses épaules, cachant toujours son visage sous sa capuche, et ramena son panier dans ses bras comme un trésor, sous sa poitrine, la soulevant un peu pour la mettre plus en valeur en se penchant à peine. Elle prit une voix aussi attardée que possible, un ton innocent et enfantin qui devait les laisser perplexe.


« Z’ai de belles miches… vous les voulez ? »

Les hallebardes se relevèrent lentement, revenant au flanc des gardes. Ils se regardèrent, regardèrent le pain... l’air idiot buggé sur les miches. Au bout de quelques dizaines de secondes de blanc, l’un finit par secouer son comparse.

« Faut pas rester là mademoiselle. Ce n’est pas prudent à cette heure-ci. Vous pourriez vous faire agresser ou arrêter. S’il vous plait rentrez chez vous. »

Celui qui avait pris la parole recula quand la mercenaire s’approcha davantage encore.

« Oh ? Vous voulez pas jouer avec moi ? z’ai de quoi faire vous savez »

L’incompréhension se lisait sur leurs visages. Lenore sorti le sac de bille et le laissa tomber devant eux. Ils soufflèrent de concert de soulagement, elle ne parlait que de billes heureusement. Celles-ci se déversaient de la bourse un peu partout au sol.

« Oh non elles s’enfuient vite ! Faut les rattraper !» Lenore ricanait aussi débilement que possible.




L’un des soldats se baissa pour aider à récupérer les objets, bonne poire et le second en fit autant à contrecœur pour se dépêcher de se débarrasser de cette folle. C’était culotté mais ça marchait pour le moment. S’approchant de son bon samaritain, elle écrasa sa bille de « Pet-de-vomit » sous son nez, le petit nuage nauséabond le surprit puis lui fit tourner l’estomac avant de le faire pâlir et s’évanouir en un bruit sourd au sol. Elle n’aurait finalement pas besoin de l’assommer celui-là. Elle poussa une petite plainte et le secoua aux épaules pour attirer l’attention du deuxième, en évitant celle des gardes perchés faisant probablement leur retour.


« Monsieur ! Monsieur ! Il bouge plus ! »

Celui-ci laissa tomber les billes ramassées pour venir vérifier l’état de son collègue. Il se pencha sur lui, pour vérifier qu’il respirait et renifla l’odeur nauséabonde. Une seconde d’hésitation et d’incompréhension en lui, juste assez pour que Lenore sorte son pied de biche de son dos, coincé dans le foulard noué à sa taille, et lui asséner un coup sur la caboche assez violent pour qu’il rejoigne au moins le domaine des rêves quelques heures.

Elle les fouilla pour trouver la clé de l’entrée puis les traîna de toutes ses forces vers celle-ci, glissant sur les billes qu’elle écartait du pied. Elle prit les cordelettes et les crochets de la bâche puis s’amusa à fixer les deux hommes inconscients, avec la difficulté de manipuler un corps inerte pour le mettre dans une position debout correcte. De longues minutes angoissantes, à surveiller les alentours, les fixations qui maintenaient ses deux hommes, l’intérieur de la caserne en entrouvrant la porte juste assez pour y jeter un coup d’œil. Elle ne pouvait pas non plus gaspiller trop de temps, alors elle les abandonna dans leur position suffisante pour donner l’illusion de gardes en faction.





La mercenaire était entrée. La première étape avait été remplie. Elle profita de l’obscurité relative sur quelques mètres sans croisés de soldats. Alerte et attentive aux moindres bruits, elle longeait les murs, pied de biche dans une main, panier dans l’autre. Elle s’arrêta, plaquée contre la pierre lorsque deux hommes marchèrent non loin, heureusement dans une autre direction que la sienne. Seule, c’était encore faisable. Avec son groupe de prisonnier, il aurait été impossible de s’exfiltrer de la sorte. Elle continua son chemin, vaguement de souvenir, mais rien ne ressemble plus à un mur de pierre agrémenté de torches régulières et une porte en bois que d’autres plus loin. Elle finit par suivre une des patrouilles, du moins jusqu’à la première porte qu’ils refermèrent derrière eux.
Elle s’accroupi en surveillant à droite, à gauche, plaçant ensuite son regard à hauteur de serrure. Verrouillée mais simple, elle pouvait toujours tenter de l’ouvrir. Elle posa son oreille contre celle-ci pour vérifier qu’aucun bruit n’était proche et elle extirpa deux fines aiguilles de son corset. Elle s’attela à crocheter la serrure, appliquée en tirant la langue parce que çà aide toujours lui avait on dit par le passé, et étrangement c’était vrai. Le cliquetis caractéristique la fit sourire de fierté comme à chaque fois qu’elle y parvenait. Elle rangea ses aiguilles, se releva, récupéra son panier et son pied-de-biche et poussa la porte.

Quelques mètres de tranquillité une fois de plus, l’heure tardive permettait de croiser le moins de soldat possible. Elle était suffisamment loin dans l’enceinte de la caserne pour passer à la suite. Elle apercevait l’escalier qui donnait sur la cour intérieure où une potence était installée en permanence. Elle choisit un petit renfoncement pour se cacher et préparer son allure de fantôme. Elle prit sa dague et déchira la bâche en nombreux lambeaux dans le sens de la longueur, puis elle se vida le sac de farine sur la cape, le visage, les cheveux, absolument partout afin d’avoir l’air aussi blanche que possible. Même si tout n’était pas recouvert, l’obscurité, le contraste et la peur lui donnerait une allure suffisante. Elle devrait dès lors éviter les gestes brusques qui feraient tomber la précieuse poudre. Elle dût d’ailleurs retenir un éternuement, le nez plein de poussière de farine.

Son cœur s’arrêta de battre une seconde lorsqu’elle entendit des voix ascendantes dans la cage d’escalier. C’était le moment de vérifier le petit effet que faisait son déguisement. Elle prit l’un des trois pétards hurleurs et le jeta violemment sur le palier de l’étage. En explosant, le petit paquet chatoyant émis un cri strident horrible et glaçant, véritablement ce que l’on attend d’un cri venant d’Outre-tombe. Lenore elle-même en frissonnait.


« C’était quoi ça ? » Demanda un garde à la voix chevrotante

« C-C’était…le vent... Bien sûr… Rien que le vent. Si si… » Lui répondit l’autre sans plus d’assurance.

« O-oui… E-évidement. »

Et alors qu’ils reprenaient leur ascension approchant du palier, Lenore fît son apparition, marchant sur la pointe des pieds pour se donner un air flottant, le dos redressé par la présence du pied-de-biche callé dans le foulard à sa taille, elle s’éclipsa vers l’étage supérieur pour ne pas les croiser. Sa blancheur était rehaussée par les flammes des torches qui illuminaient la cage d’escalier. Elle tentait le tout pour le tout, soit ils devenaient trop curieux et cherchaient à l’attraper soit…

« Et ça ?! C’était quoi ça ?! T’as vu la même chose que moi, non ? Par tous les saints dis-moi que c’était pas ce que je crois ! »

« P-p-p-panique pas ! C-c’-c’était… On-on va demander au-au-au chef ! »

Lenore ricanait en entendant des échos de bottes pressées redescendre. Elle était portée par l’amusement de la situation, légère et intouchable. Peut-être un peu trop. A cet étage, alors qu’elle cherchait à s’approcher du quartier des cellules, il y avait davantage de soldats. Il leur fallut quelques secondes d’incompréhension devant la vision qu’elle leur offrait avant qu’ils ne cherchent à s’approcher depuis l’autre bout du couloir, saisissant une torche.

Du calme. Surtout ne pas sembler différente. Continuant d’avancer sur la pointe des pieds avec un calme apparent, la mercenaire tourna au premier angle, elle avait encore quelques mètres avant d’être rattrapée. Les hommes du Roi n’étaient pas tellement pressés de la confronter mais ils la suivaient malgré tout. Elle bifurqua de nouveau aux deux angles successifs afin de revenir sur le couloir de départ et gagner la cage d’escalier suivante. Elle souhaitait attirer un maximum de gardes à ses trousses pour les enfermer…quelque part… à un moment.

Elle descendit deux étages pour arriver dans la cour intérieure qu’elle traversa au même rythme. Elle jeta un autre pétard hurleur au pied de la potence en levant les bras dans un geste théâtral. Ils devaient tous la voir et la suivre. D’autres soldats apparurent à l’autre bout de la cour, mais elle n’était pas encore cernée. Elle repéra un autre coin vide donnant accès à une autre cage d’escalier, et s’y dirigea toujours dans son allure aussi évanescente que possible.

Déjà les plus valeureux d’entre eux tenaient leurs armes avec plus de conviction, pressant le pas, bien décidés à attraper ce fantôme et à élucider ce mystère. La mercenaire perçut une étrange odeur d’eau de vaisselle croupie et de cuisine peu ragoutante. Plissant le nez, elle se souvint de ses « repas » de prisonnière servie par Olga, une femme charpentée, bourrue et sans aucun sens de l’humour en dépit de sa tête d’ogresse barbue. Elle suivit l’odeur, bien décidée à enfermer sa suite en armure dans la cuisine avec la bougresse.

Elle prit son chewing-colle qu’elle comptait appliquer au chambranle de la porte. Ces « bonbons » étaient réputé avoir une adhésion de malade à vous clouer au sol. Elle avançait dans les couloirs, évitant les groupes de soldats avec de plus en plus de difficultés mais toujours se rapprochant de la cuisine. Elle mit le chewing-colle en bouche pour le mâcher suffisamment afin de pouvoir l’appliquer au moment opportun, et fut très grandement désagréablement surprise par son goût immonde qui lui souleva le cœur. Elle s’arrêta en posant une main farineuse sur le mur.


« Oh la vache… j’ai l’impression... de rouler une pelle à un cadavre moisis… blurp.. »

Le bruit de pas se rapprochait. Elle prit sur elle de continuer de mâcher et de marcher. Le goût de la liberté était plus fort… mais pas de beaucoup. Elle se promit d’aller dire deux mots à ceux qui commercialisaient cette horreur auprès d’enfants.

Ça plus l’odeur immonde de l’antre de l’ogresse devant la porte de laquelle elle finit par se trouver, la situation devenait difficilement soutenable.





Elle ouvrit la porte d’un coup vers elle, jetant son dernier pétard hurleur au sol, avec sur le visage, l’expression de la torture olfactive et gustative qu’elle s’infligeait. Olga hurla et se pétrifia sur place. Imaginez un peu : un fantôme hurlant qui vous arrive sous le nez d’un coup avec une expression de terreur et de rage indescriptible à une heure ou même les rats dorment. La cuisinière s’évanouit purement et simplement.

La mercenaire se précipita pour cracher ce qui ressemblait désormais plus à une énorme glaire et l’étala sur l’encadrement de la porte. Elle prit la première bouteille de n’importe quoi pour s’en rincer la bouche, mais cette vinasse n’était guère mieux et elle cracha le tout. Le temps pressait et les gardes allaient entrer d’une minute à l’autre. Malheureusement, la main farineuse de Lenore sur le mur précédent avait attiré leur œil averti et la peur laissa la place à l’indignation. On s’était moqué d’eux, l’intrus devait être arrêté et punis de manière exemplaire.

Rapidement, abandonnant son panier, Lenore pris un balai pour bloquer par la suite la porte, au cas où le chewing-colle ne serait pas suffisant et grimpa sur des étagères pour atteindre les poutres du plafond de la pièce, se perchant ainsi en hauteur.

Les soldats entrèrent tous comme un seul homme, cherchant le plaisantin, toutes armes dehors. Le temps que leur regard embrasse la pièce et tombe sur Olga, Lenore se laissa tomber des poutres en balançant vers la sortie, passant au-dessus de la tête du dernier des gardes. Se réceptionnant au sol dans le couloir, elle poussa l’homme en armure du bout de son balai, faisant tomber en dominos ses poursuivants les uns sur les autres et elle ferma fermement la porte. Assez fier d’elle, elle fit tourner son balai en sifflotant avant de le caller sous la clenche et contre le sol pour bloquer l’ouverture de la porte.

Les gardes tambourinaient mais la porte tenait bon. La mercenaire partit en courant sous les insultes, ne pouvant pas s’empêcher de rire. Même si tous les soldats n’étaient pas enfermés, cela resterait bien plus facile à gérer. L’histoire ne dira pas si le chewing-colle était à la hauteur de sa réputation de fixation.

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Elle reprit son pied-de-biche callé dans son dos, souriante mais malgré tout sur la défensive. Ce jeu du chat et de la souris était enivrant d’adrénaline, ses pupilles dilatées s’accommodaient à la semi obscurité parsemée de torches. La sueur faisait couler la farine de son visage alors qu’elle regagnait la zone des cellules. Les premières étaient vides, ce monde n’était pas connu pour ses vagues de criminels après tout. Tout le monde y est gentil et bien élevé, volontaire, avenant, mais jusqu’à un certain point. Elle devait chasser ses pensées et ses souvenirs, ce n’était plus le moment de réfléchir sur soi.

    Elle avançait et quelques pauvres hères occupaient l’espace réduit, de quelques mètres sur quelques mètres à peine, qui leur servaient de logis. Ils étaient étalés sur cette plaque de pierre surélevée servant à tout : lit pour la nuit, chaise pour réfléchir et passer le temps, table pour les repas. Les cellules étaient totalement démunies sauf de cette dalle et d’un pot de chambre. Heureusement la justice locale avait pris l’habitude d’être rapide et radicale. Aussi bien pour innocenter que pour punir. Les juges aimaient le concept de travaux d’intérêt généraux qui bénéficiaient à tous les camps.

    Elle chercha à ne pas faire de bruit, ne réveiller personne, si les hurlements glaçants résonnant dans les couloirs ne l’avaient pas déjà fait. Elle ne voulait pas avoir à gérer davantage de personnes, qui peut être méritaient vraiment leur potence. Elle sursauta en entendant un long soupir déchirant derrière elle. L’un des prisonniers ne dormait pas, assis sur la dalle de pierre, l’air déprimé sur son sort. C’était peut être l’un de ses clients. Bedonnant, l’air poupon, chauve et imberbe. Elle tapota de son pied-de-biche sur la grille de sa cellule.


« Hey psst ! … qui es-tu ? » Lenore ne parlait pas spécialement fort ni particulièrement discrètement.

« Oh je te parle ! » Elle n’arrivait pas à attirer son attention.

«  Il vous répondra pas… il parle jamais. » Grogna un ours en se relevant et s’étirant, ses mains venant taper contre l’un et l’autre mur opposé de la pièce qui sembla encore plus minuscule alors que sa carrure la remplissait.

« … Toi c’est Vladimir. » Devina la mercenaire. Parfait, elle avait retrouvé ses « petits »

«  Et toi ? ... t’es qui ? Ma conscience ? » C’est qu’il avait presque l’air d’y croire au ton de sa voix !

Lenore riait, elle ne ressemblait plus à grand-chose, de la farine humide collée partout, des lambeaux de cape et la fatigue qui commençait à prendre le pas sur l’adrénaline qui retombait.


«  Je suis votre ticket de sortie »

    Elle s’approcha de la grille qui enfermait le colosse pour y caller son pied-de-biche. Elle tenta de forcer autant qu’elle pouvait mais la porte ne sembla même pas trembler. La masse de muscle qu’était son client passa la patte entre les barreaux pour saisir la barre de métal et appliquer la force suffisante pour faire sauter le verrou. La porte s’ouvrit en grinçant.

« Merci… bon maintenant… comment on te sort de là ? Je n’ai pas pris de chausse pied suffisamment grand. Ils ont fait comment pour t’y enfourner ? »

« … Par la porte »

« ……… Sérieux ? » Lenore restait incrédule. Plus par la réponse qui la blasait que par l’image de ce cube de chair aussi grand que la pièce et de cette petite porte.
Malgré tout Vladimir parvint à s’extirper, à grand renfort de contorsion et de déformation des barreaux au passage.


«  T’es sur qu’ils n’ont pas construit la prison autour de toi ? Bon... Tu ne saurais pas où se trouve tes collègues par hasard ? Grenot, Ulf, l’homme au rat, et l’Amoureux »
Elle reprit son pied-de-biche en main.
Le brigand la dépassa pour saisir la grille en face de sa cellule, délivrant en arrachant la porte, l’homme déprimé qui soupirait quelques instants auparavant.


« Tu viens Ulf ? On rentre à la maison on dirait. »

« Dis voir mon gros, pourquoi t’as pas fait çà avant au juste ? » Lenore levait un sourcil, mains sur les hanches.

« Ils sont armés. Je ne cours pas assez vite pour fuir un carreau d’arbalète. » répondit-il calmement. Pas si bête.

Le dépressif sortit de sa cellule et vint prendre Lenore dans ses bras, sans un mot, se frottant le visage contre son épaule et son cou. Lenore le repoussa violemment, le mettant cul au sol. Elle était prête à l’assommer à coup de barre de fer. Ulf lui, tranquillement étalait la farine ainsi récupérée sur son visage, le blanchissant, puis ses doigts lui redessinèrent un sourire large au visage et il se releva pour faire une révérence à Lenore.

Il semblait heureux de son maquillage de fortune. Un mime ! La mercenaire porta la main à son visage de consternation.


« Bon……… et les autres ? »


Vladimir leva ses épaules mais Ulf fit de grands gestes pour désigner un rat. Il partit à sa suite sans même attendre les autres. Quelques cellules plus loin, une boule de poil discutait avec trois rats debout sur leur derrière. Ulf applaudit sans frapper ses mains pour ne pas faire de bruit. Vladimir présenta l’homme aux rats à Lenore.

La boule de poil se pivota pour dévoiler un homme décharné recouvert d’une peau de bête, l’air vicieux élargissant un sourire d’une oreille à l’autre. Lenore ne pût s’empêcher une légère grimace. Le vieux satyre les avait parfaitement décrits en fait. Lenore utilisa sa barre de fer, aidée du mime pour ouvrir la porte et inviter l’homme à sortir les rejoindre.

Ulf mis un doigt contre ses lèvres pour intimer le silence et avança sur la pointe des pieds de manière extrêmement exagérée. Lenore avait une soudaine envie de lui briser les genoux avec son pied-de-biche, aussi secoua-t-elle la tête. Patience, ce sont des clients. Elle eut juste le temps d’apercevoir un rat qui filait à toute allure manquant lui marcher dessus. Ils bondissaient en couinant à la recherche des deux derniers brigands, reniflant l’air puis pointant leurs positions du bout du museau dans un simulacre de chien d’arrêt, suivi par le mime…. Qui pris la même posture.

Le groupe réveilla les deux derniers prisonniers et leur ouvrit la porte. Vladimir d’une main, Lenore et ulf, au pied-de-biche. Plus elle regardait le visage de porcelaine érayée de ce dernier, plus ce type l’agaçait sans raison. Pourquoi ? Il s’exprimait sans mot, dans des exagérations frustrantes et un sourire purement factice. Il était elle, en chauve et ridicule. Ça devait venir de là. Elle avait devant elle le reflet du masque qu’elle s’imposait, pour garder le contrôle sur les autres et la situation. Elle détestait être confrontée à ses propres choix, à ses propres erreurs ou à ses propres défauts.


« A mais non moi je reste ! J’ai trouvé l’Amour…. » La voix du benêt la sortie de sa pensée. L’amoureux faisait sa mijaurée.

« Comment çà tu restes ? »

« La femme de ma vie m’attend ici… la cuisinière qui nous apporte notre gruau tous les jours avec tellement de charme. » Il soupira en souriant, main sur le cœur.

Olga ? L’ogresse barbue là ? Non mais il lui manque une case ?


« Tu sais quoi ? Tu sors avec nous, les femmes adorent les dangereux repris de justice en cavale. Pis tu viendras l’enlever en ville, çà sera super top romantique. C’est bon, on peut se tirer avant de se faire plomber le cul à l’arbalète ? » Lenore était à bout de patience. Elle voulait fuir, sauver sa peau quitte à les abandonner ici, elle avait mieux à faire merde !

Sa tirade avait convaincu l’Amoureux et Grenot lui n’attendait que çà de sortir de prison. Elle avait enfin ses cinq clients, sauf que les autres prisonniers s’étaient réveillés à force de discuter et commençaient à faire du boucan, ils appelaient à être libérés eux aussi. Du vacarme se fit entendre dans la cour intérieure. Les gardes avaient finis par réussir à sortir.


« Plus le temps, on fonce ! Suivez-moi ! »

Qu’ils suivent ou pas n’était plus son problème. Elle partit à toute allure portée par l’impératif de sortir d’ici et de rester libre, droit vers la sortie. Enfin pas tout à fait droit. Une patrouille de soldat leur barrait la route aussi les emmena-t-elle dans un détour pour les esquiver autant que possible. Les couloirs étroits et sinueux empêchaient les tirs à distance heureusement. Le bruit des armes et armures cliquetants, les pas hâtifs, les portes qui se fermaient, les cris et les ordres qui se rapprochaient, tout leur mettait la pression, mais le groupe de fuyards atteignaient la sortie enfin et de justesse sans doute.

L’un des gardes de faction s’était réveillé depuis le temps. Certainement celui qui avait été simplement asphyxié. Il s’était décroché et portait secours à son camarade. En entendant le vacarme à l’intérieur et en voyant la course effrénée d’un fantôme, d’un mime et de bêtes sauvages qui se dirigeaient vers lui, Il se dépêcha de fermer la porte.


« Vlad ! La sortie !! » Hurlait Lenore. Pitié pas si près du but !
Mais celui-ci força en écrasant tout le monde contre le bois, propulsant le garde au sol sous l’impact et faisant voler en éclats la porte.

Le garde se releva et saisit sa hallebarde pour appuyer le manche contre la trachée de la mercenaire étalée au sol après l’intervention du brigand colossal.

Lenore se débattait pour se défaire du soldat à cheval sur son corps. Elle commençait à voir des étoiles et pas que dans le tapis noir du ciel nocturne.

Quand le poids sur sa poitrine se souleva pour être projeté plus loin contre le reste des soldats qui déboulaient dans le couloir de la caserne, en un strike magnifique et un chaos de métal, elle n’eût pas le temps de faire le point.

Vladimir la soulevait et la prenait sous son bras imposant pour courir, suivi des autres bandits. Elle se débattait mollement, elle voulait être posée au sol plutôt qu’étouffer là, ballottée sous l’aisselle de colosse qui sentait le fennec.

Elle s’évanouie rapidement dépassée par les épreuves de la soirée et le manque d’air et ne vécut rien du trajet de retour vers le Canard boiteux.
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