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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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L’air avait quelque chose de presque trop pur — des senteurs d’herbe fraîche, et de terre humide. Une odeur de vie rurale qu’il n’avait pour ainsi dire jamais connue. Agon profitait du calme d’un chemin de campagne tranquille, bercé par le bruit de la caillasse craquant sous de lourdes roues de bois.

Quoiqu’il n’ait eu à supporter aucune mésaventure depuis son arrivée au Domaine, il avait cru comprendre qu’il ne le devait qu’à un timing divinement propice — il avait, lui avait-on dit, échappé à une tentative de meurtre de masse.

Un meurtre de masse. Rien que ça.

Le jeune homme lâcha un soupir fatigué ; un instant de répit dans une discussion trop élevée pour lui. Il était arrivé après la tempête, peut-être la chance lui souriait-elle, après tout ? Il l’avait pensé un temps, et pourtant, cette mission de médiation lui avait rappelé que le naturel ne revient jamais qu’au galop. Il le savait : il n’y a rien de pire que de traiter avec des individus territoriaux et butés. Rien. Et il devrait en gérer trois. Au moins.

Vêtu de la tenue simple d’un Prêtre de Sanctum, Agon était confortablement — du moins autant que possible — installé sur le bord d’un vieux chariot qu’un imposant cheval de trait traînait pourtant avec difficulté. Son propriétaire, il fallait le dire, était quelques peu bedonnant, et sa production n’avait pas remporté un grand succès au marché. Deux charges habituelles auxquelles s’ajoutait le prêtre qui, de fait, ne devait pas peser bien lourd dans la balance. Une minute rythmée par le bruit des sabots et les grincements du bois et du métal — Agon finit par couler un regard sur son généreux accompagnateur : il était trop silencieux. Tout le voyage durant, il l’avait harcelé de questions sur la foi du Sanctum, sur les Eternels, ou ce que permettait Etro. Comment elle était, pourquoi il l’avait suivi, lui, ou encore, qu’est-ce que le culte des Eternels apporterait aux petites gens comme lui. Autant de questions auxquelles il avait dû répondre. Le paysan ne s’était arrêté que pour prendre une gorgée d’eau à son outre, et lui en avait profité pour perdre son regard sur le cours d’eau qui serpentait dans le vallon en contrebas.

Mais il réalisait maintenant que son compagnon de route n’était pas reparti sur ses incessantes interrogations, et cela le laissait suspicieux.

Or en effet, Gregor Martigan, fier paysan de son Royaume, le fixait d’une petite mine un peu hésitante — nez rouge surplombant une moustache poivre-sel aussi foisonnante que rêche. « Un souci ? » Agon l’avisait avec les sourcils légèrement froncés, perplexe mais méfiant. Prit la main dans le sac, ou plutôt l’oeil sur le prêtre en l’espèce, Gregor ramena la main droite à son menton, qu’il massa tout en se fendant d’une moue embarrassée. « C’est que j’veux pas vous ennuyer m’sieur l’prêtre. » — « Vous ne m’ennuyez pas, dites-moi. » lui avait-il répondu en dissimulant au mieux la lassitude que la question à venir laissait présager.

« C’est que je m’demandais ce qu’un homme tout de foi comme vous, il va faire dans c’coin perdu. » Brave Gregor. C’était en fait une excellente question. « Nous avons lieu à être là où chaque âme peut se trouver. » Le jeune homme avait un peu haussé les épaules, et pensait simplement enchaîner sur la raison précise de sa venue. Mais en voyant le regard confus de son interlocuteur, il se reprit. Il en faisait sûrement trop. « Enfin, le regard des Eternels ne se pose pas que sur les villes — heureusement d’ailleurs. Il y a bien plus de personnes qui vivent hors de celles-ci, et qui ont le mérite de leur permettre de subvenir à leurs besoins. »

« Oh ! Alors vous vous installez dans la région m’sieur l’prêtre ?! » Ce disant, le cinquantenaire s’était redressé sur son bout de chariot, manifestement ravi de la nouvelle. Agon, lui, avait esquissé un mouvement de recul léger devant tant d’enthousiasme, ne pouvant réprimer un regard interloqué ou retenir une mâchoire pendante. « Eh… je… non. Je le crains… Gregor. »

« Le Sanctum est encore jeune… et l’univers vaste. Nous ne pouvons pas encore nous le permettre. Non, je suis ici pour une affaire de… dispute. Trois fermiers, qui se feraient la guerre depuis quelques semaines. »

Idiot qu’il avait été de ne pas aborder le sujet plus tôt ! Les deux hommes pouvaient apercevoir au loin les toits de chaume du village, qu’Agon découvrait à peine que celui-là même avec qui il avait échangé pendant des heures pouvait le renseigner sur l’affaire… s’il avait envie, intérieurement, de se frapper la tête contre le chariot avec plus de ferveur qu’il ne pouvait en avoir pour les Eternels (il réalisait, de fait, que ce sujet de discussion lui aurait épargné tous les autres), il fallait qu’il conserve, de façade, une certaine contenance.

Bien que ses propres terres soient plus loin à l’Est, Gregor avait donc d’ores et déjà entendu parler de ce petit feuilleton campagnard — il fallait dire que quelques jours auparavant, on avait apparemment mis le feu aux écuries de l’une des fermes concernées ! De quoi raviver les passions.

Tout avait commencé il y a trois semaines : il y a, expliquait-il au Prêtre, entre le village de Mornevie et la rivière qui court plus loin au Sud, cinq propriétés. Celles-ci, tenues par cinq familles différentes, et deux d’entre elles auraient commencé à se faire querelle pour un motif obscur. Certains disaient qu’il s’agissait d’un empiètement sur terrain, d’autres que la femme de l’un serait allée avec l’autre — du moins, c’était ce qu’il avait saisi des racontars dont il s’était abreuvé auprès de son épouse, le soir venu.

Se livrant à une guerre aussi déloyale que virulente, les fermiers auraient cependant réussi à traîner en l’affaire un troisième parti — et alors, tout le village se serait enflammé. « Pas en feu hein ! C’est de l’image, vous voyez ? C’est que c’est une petite dame vraiment gentille. »

Car oui, même Gregor Martigan connaissait Marguerite Givry. La femme, d’un certain âge maintenant, possédait un grand terrain longeant la rivière : s’il avait été pleinement exploité fut un temps, elle n’avait plus la force de s’en occuper, ni les ressources pour payer une main d’oeuvre. Marguerite s’était faite connaître pour les fleurs qu’elle cultivait — certaines de variétés inédites — et pour son accessibilité. Malgré le fait qu’elle ait été très prisée par les dames de la Cour, qui réclamaient ses créations et étaient prêtes à les payer fort cher, elle avait su rester ouverte aux demandes et aux moyens des petites gens des environs. D’ailleurs, elle avait elle-même fait les compositions florales pour le mariage de son fils, l’année passée. Une merveille, assurait-il !

Non vraiment, c’était en la prenant à partie que les Bourget et les Arsenault avaient réussi à s’attirer les foudres du petit village. Ceci étant assuré, le paysan ne savait pas renseigner vraiment plus Agon. Tout le monde parlait de cette affaire, mais lui était plus amoureux de ses carottes que de ces histoires — et même s’il écoutait sa femme, ses paroles étaient comme l’alcool pour un ivrogne au lendemain d’une douce nuit de laisser-aller : si l’un ne pouvait se souvenir combien de verres il avait ingurgité, l’autre ne savait se souvenir de toutes ces petites choses, importantes ou ridicules, qu’on lui avait forcé dans les oreilles.

Avec une certaine ironie, le village de Mornevie n’était pas si morne. Et si proche du château, il était peut-être même incroyablement développé — il y avait là, une boulangerie, une auberge accueillante, un atelier de couture et un autre de ferronnerie ; il y avait aussi cette place dégagée sur laquelle s’installaient quotidiennement pêcheurs et chasseurs, artisans plus modestes, afin de pouvoir vendre le produit de leur travail. Les petites maisons se serraient contre ce coeur battant, vieilles bâtisses dont les pierres des fondations se creusaient avec le temps, soutenues par d’imposantes poutres de bois sur lesquelles courrait un lierre vivace. Elles avaient toutes ce petit charme rural, uniques mais pourtant semblables.

Une bâtisse plus imposante se distinguait, toute faite de pierre — seul toit de tuiles plates pour un village aux toitures d’un savant assemblage de blé, seigle, roseaux, genêts et bruyères. Là, il l’apprendrait, la communauté se réunissait lorsqu’il y avait lieu de le faire. Collectes d’impôts, conseils de village, jugements ; en hiver, les marchés s’y tenaient, et toute l’année durant, on y célébrait les fêtes qui rythmaient la vie du royaume.

Un hameau respirant la vie, qui ne laissait à Agon que l’impression d’un patelin perdu. Le toit de chaume n’était plus une nouveauté pour lui, il en avait déjà vu sur les édifices les plus vieillissants de la ville qui entourait le château du Roi Stéphane. Les champs, il s’était déjà pris à les contempler dans ses premiers jours au Domaine. Passé ces considérations, il ne voyait que quelques pavés et des maisons miteuses. Un regard aussi désenchanté qu’il l’était de se trouver là. Gregor Martigan l’avait laissé seul face à sa tâche désormais, et il ne savait réellement par où commencer. Un peu à l’écart des maisonnées, il saluait de la main ce brave paysan, son sourire s’effaçant à mesure que l’homme s’éloignait sur son vieux chariot. Il lui avait laissé un panier de carottes sur lesquelles s’accrochait un peu de terre sèche, et dont il n’avait aucune idée, non plus, de ce qu’il pourrait en faire.

Tout ça commençait très bien.

Agon prit le temps de se pincer l’arrête du nez en fermant les yeux. Hors de question de passer plus de temps que nécessaire ici. Il irait au village, se renseignerait sur les trois paysans de son malheur, et tenterait de s’entretenir avec chacun d’eux ce jour. Il pourrait cerner un peu leurs attentes, confronter pour lui-même leurs points de vue et… espérer avoir un éclair de génie. C’est que le jeune homme avait plus souvent été de ceux qu’il fallait questionner, que de ceux qui s’enquéraient des réponses. La perspective même de devoir s’essayer à l’exercice lui laissait un mal de crâne lancinant. La suite ne l’aiderait sûrement pas.

A peine arrivé sur la place, il remarquait les regards posés sur lui. Certains timides, d’autres heureux — quelques-uns plus hostiles. Il remarquait la présence de deux hommes en armure dont il avait aussi attiré l’attention. Agon se fendit d’un sourire chaleureux, bienveillant. Un sourire qui ne traduisait en rien le malaise qu’il ressentait. Non, il n’était pas quelqu’un de timide. Il n’était pas quelqu’un de si aisément impressionnable. Mais quelque chose s’était suspendu quand il avait mis un pied sur cette place, et le fait d’être à l’origine de l’évènement ne lui plaisait guère.

Souvent, lorsqu’il avait été attendu de la sorte, les choses n’avaient pas été pour le mieux. Il sentait déjà ses mains se refroidir alors qu’il les joignait avec une inclinaison de tête respectueuse pour une jeune femme qui avait croisé son regard — son sang filait déjà vers ses jambes, réflexe de fuite. Ces gens n’avaient tout simplement jamais eu un prêtre de Sanctum venu en personne chez eux. Lui, avança d’un pas tranquille vers l’auberge, saluant les plus courageux dont les langues se déliaient. Certains le guettaient juste, d’autres plus téméraires s’étaient avancés pour lui serrer la main — et les questions que ce brave Gregor lui avait posées revinrent et revinrent sans cesse. Il croyait atteindre les portes de l’auberge, il lui semblait presque avoir atteint le comptoir de bois ! Douce illusion. Un prêtre de Sanctum ? Pour la première fois ici ?

Il fallait bien qu’il découvre le village !

Des heures, à marcher, à saluer, à sourire, à parler, à plaisanter, à philosopher, à écouter de la musique, à admirer l’architecture si respectable de leur Grand Hall ! Certaines de ces activités auraient pu, dans un autre contexte, lui être tout à fait agréable ; mais le surplus d’attention et la concentration qu’il devait encore mettre dans son office, de crainte de faire un mauvais pas, lui laissait un goût amer.

Amer… c’était aussi le seul mot qu’il trouvait pour décrire l’espèce de soupe infâme qu’on lui avait présenté en spécialité communale.

Mais il avait fini par atteindre le comptoir, il avait fini par monter les marches menant aux chambres et il avait tourné la lourde clef dans la serrure ! Il avait passé cette porte, et avait entendu le bruit de la libération. Un claquement, bois contre bois. Il avança jusqu’à la couche rudimentaire qui lui servirait de lit — ce que l’auberge avait de plus confortable ne lui évoquait que le plus misérable des matelas sur lequel il avait dormi jusqu’alors. Il ne réalisa qu’une fois prêt à s’écrouler qu’il tenait encore fermement le panier de carottes sales dans la main. Il fallait qu’il se reprenne, c’était soir de fête ce soir.

Une fête rien que pour lui, il se devait bien d’être en forme. L’idée lui arracha un sourire amusé.
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3ème nuit. Il allait devenir fou. Il l’était peut-être déjà. Les gens de ce village n’étaient pas bien méchants, mais ils allaient finir par venir à bout de lui — ou de sa santé mentale.

La fête ? Magnifique. Des lanternes pendant aux fenêtres des maisons, et une nuit réchauffée par les braseros des grandes occasions. Des danses légères et des rires francs. Il avait sympathisé avec le tenancier de l’auberge, et avec la belle et jeune Fiona, la couturière. La seconde ne partageait pas les valeurs du Sanctum, comme bien plus de la moitié des gens d’ici, mais tous s’étaient rassemblés pour cet instant de partage. Elle l’avait pris par la main, l’entraînant entre les villageois et l’entretenant le temps d’une musique. Il était allé de partenaire en partenaire non sans un sourire amusé ; nombreux étaient ceux qui se sentaient manifestement un peu confus de se trouver face au prêtre qu’il était. Gênés une seconde, le sentiment s’effaçait au fil des premières notes jouées par les musiciens talentueux. Quelques mots de remerciement à Etro pour ce moment de liesse, puis les jeux et les boissons. Agon avait pu montrer que porter la robe ne faisait pas de lui un pigeon, loin s’en fallait — le plus mauvais des perdants l’avait d’ailleurs accusé d’avoir triché, mais il n’en avait même pas eu besoin.

Une fête magnifique vraiment. Qui s’était pourtant terminée sur une note aussi amère que cette soupe dont le goût se rappelait à sa langue à chaque fois qu’il se l’évoquait à lui-même.

Un homme d’une bonne tête et demie de plus que lui, peut-être deux fois sa largeur. D’un pas décidé, il avait martelé les pavés jusqu’à atteindre le prêtre. Instinctivement, Agon s’était redressé. Attablé jusqu’alors, il avait pris garde en se levant de se placer strictement de l’autre côté de la table. Sur ses appuis, prêt à toute éventualité, il n’avait pas tout de suite saisi ce que lui lançait un homme dont les paroles étaient pour moitié couvertes par la musique, les rires et les chants — mais ils cessèrent rapidement. « Le premier connard en toge qui m’dit c’que j’dois faire j’lui enfonce la tête dans l’mur de ma ferme ! C- » La table, petite, n’impressionnait pas comme défense l’homme colérique qu’il avait en face de lui. Les cheveux noirs, mi-longs et emmêlés, une barbe de quelques jours qui de vue semblait déjà rugueuse. Le paysan portait sur Agon un regard hostile, une fougue violente qu’il avait vu trop de fois — les muscles de son visage étaient tendus, son cou large et puissant. Un colosse comme il ne les appréciait pas. Rapidement, le fermier avait cherché à l’attraper, dans un élan rageur prompt et sanguin : il tendit une main montée sur ressorts vers un Agon qui était déjà prêt à se dégager depuis longtemps. Il ne fallait pas plus pour que l’assemblée réagisse — et surtout les deux pauvres gardes présents. Plaqué contre la table, l’homme pestait encore toute sa rage quand il fut emmené, malgré un direct du droit tout à fait remarquable de l’un des hommes du Roi. Son visage, rougit par un courroux infini, restait un temps imprimé sur les rétines d’un Agon qui ne comprenait tout simplement pas ce qui lui tombait dessus.

Une dernière touche amère, donc. Les soldats lui avaient demandé de ne pas les suivre pour ce soir, laisser le temps à celui qui avait voulu s’en prendre à lui de décuver et se calmer. A vrai dire, la précision était inutile. S’il y avait bien une personne avec laquelle le jeune homme ne voulait pas se trouver, c’était bien cet énergumène qui avait cherché à l’attraper au col pour lui infliger les Eternels savent quel supplice — ses mains lui avaient d’ailleurs plus évoqué une pelleteuse qu’autre chose.

Deux jours s’étaient écoulés depuis. Il avait parlé aux familles, il s’était même entretenu avec son agresseur d’un soir. Oh comme il pouvait avoir raison parfois ! « Il n’y a rien de pire que de traiter avec des individus territoriaux et butés. » s’était-il dit avant même de poser un pied à Mornevie. Ce conflit n’échappait pas à la règle.

Les Arsenault et les Bourget. Deux familles bien fournies —

La première, celle de son gorille non apprécié. Trois enfants, et autant de grand-parents à charge. Une petite communauté à elle seule, sous l’autorité d’un père dur et intimidant. Ils l’avaient accueilli avec autant de chaleur qu’un cimetière à la nuit tombée.

Il n’avait guère réussi qu’à échanger avec Alice et Jérémie, les deux aînés des enfants, et ce seulement une fois qu’il eut quitté la ferme. Ils l’avaient rattrapé sur le chemin, courant à lui pour le rattraper. Ils voulaient tant qu’il arrange la situation. Des espoirs baignés dans des regards suppliants qui le surprirent assez. C’était surtout le garçon qui avait parlé. Sa soeur restait en retrait, hésitante. « Je vous en prie m’sieur l’prêtre ! Nos parents, ils s’entendent pas vraiment bien, mais ce sont pas des gens méchants ! » Il lui avait agrippé le bras. « On veut pas avoir à les détester, moi j’les aime bien, Alice aussi ! S’il vous plaît. On a pas compris pourquoi que ça a commencé. C’qu’on a toujours eu un p’tit peu de la concurrence, on cultive pas des trucs bon différents, mais on s’faisait pas de la querelle comme ça ! » Agon avait apposé sa main sur l’épaule de Jérémie, espérant le calmer un peu.

Pour lui, tout avait commencé avec une barrière renversée, et leurs moutons perdus dans la vallée. Puis il y avait eu une partie du champ de blé mis à sac par des coups de serpe au hasard, et la mule abattue. Les choses lui paraissaient difficilement pouvoir déraper plus, mais depuis que le feu avait été mis à l’écurie des Bourget, il craignait vraiment le pire.

Et si le prêtre avait bien jaugé la rage qui bouillonnait dans le sang de Ferdinand Bourget, Jérémie avait raison de s’inquiéter. Mieux reçu que chez les Arsenault, Agon avait cherché à tempérer leurs ardeurs, leur expliquant qu’il était là spécialement pour eux, et que cette affaire serait derrière eux avant qu’il ne quitte Mornevie. Le chef de famille, sa femme, et leurs quatre enfants s’étaient invités à la table des discussions. En moyenne, ces derniers étaient plus âgés que ceux des Arsenault. Le plus jeune devait avoir un, ou deux ans s’écart avec l’aînée de l’autre famille. Il fixait Agon de son regard d’un bleu froid, cheveux bruns coupés courts, mais partant d’une frange qui lui tombait sur les yeux. Son paternel était moins intriguant. Taillé par un travail physique, il n’avait cependant pas le corps imposant de son rival, et ses traits étaient plus doux.

Pour eux, tout avait aussi commencé avec des barrières tombées, des vaches perdues, certaines jamais retrouvées. Ferdinand, d’un calme intimidant, avait avoué avoir réagi à chaud en faisant lui-même fuir les bêtes des Arsenault de leur pré le lendemain soir — mais lorsqu’Agon voulu savoir pourquoi il pensait qu’il s’agissait du rustre paysan, la famille entière était partie d’explications évasives auxquelles il n’avait pas cru. L’Eté n’avait pas été clément, trop chaud et sec, et les cultures en avaient pâti. S’en prendre aux bêtes, c’était s’attaquer directement à leurs moyens de subsistance pour une année qui s’annonçait difficile. Les Bourget n’étaient même pas les moins bien lotis, mais du peu qu’il entendait à l’agriculture, le prêtre comprenait que ces gens avaient devant eux des mois d’efforts et de privation.

Et puis les Arsenault — car ils étaient persuadés que c’était de leur fait — avaient mis le feu à leurs écuries. Heureusement, la famille avait réagi ! Leur demeure aurait pu être dévorée par un feu avide. Il avait, d’ailleurs, consumé tout le bâtiment voisin, et les bêtes qui y étaient.

Ils auraient pu tout perdre. Cette affaire était allée trop loin, et Agon était mis en garde : s’il ne réglait pas cette affaire, rapidement, quel que soit le respect qu’il avait pour les Eternels, Ferdinand Bourget prendrait les choses en main pour les siens.

La dernière chose qu’Agon souhaitait initialement, c’était se trouver au milieu d’une guerre de tranchées bien établies. Il se trouvait, à son grand malheur, que les tranchées étaient déjà installées, et les abris solidement construits. Alors, il avait revu ses ambitions. Simplement, il désirait que l’affaire soit réglée avant qu’un camp ne tire sur l’autre, avec lui en porte-à-faux.

C’est alors peut-être un peu hâtivement qu’il avait invité les fermiers concernés à se réunir avec lui pour mettre à plat l’incident. Les Bourget, les Arsenault, et Givry. L’aubergiste avait obtenu la sympathie infinie d’Agon en le sauvant de quelques villageois qui l’auraient martelé de demandes et interrogations jusque dans son lit sans son intervention. Il semblait qu’ils étaient en bonne entente, ce pourquoi il prit sur lui de négocier avec le brave homme pour obtenir le droit d’user de son arrière-salle.

Il n’avait pas eu le temps de rencontrer la vieille Givry mais… non, il ne voulait pas attendre le lendemain, et la journée était déjà avancée. Agon savait faire preuve de patience. Moins lorsqu’il se sentait menacé. Et il avait été en cette affaire bien trop rapide. Marguerite Givry n’avait pas été un problème, mais il avait bien trop peu d’éléments pour pouvoir tenir les deux chefs de famille.

S’ils n’en étaient pas venus aux mains, c’était que l’un ne souhaitait pas se montrer violent devant un homme du Sanctum, et l’autre devant une vieille dame qu’il avait l’air d’estimer. Un fiasco qui s’était terminé sur trois formes s’éloignant dans la nuit, éclairées par les faibles lumières de leurs lanternes, mais chacune partant de son côté.

Mais aussi invraisemblable que cela paraisse, bien que ces paysans lui aient tiré une bonne migraine, il ne leur devait pas la mine effrayante qui l’aurait fait sursauter s’il s’était seulement vu.

A chaque fois qu’il avait cru avoir une minute de répit, il n’avait en fait aperçu qu’une chimère. Dès lors qu’au village il semblait pouvoir espérer se laisser aller au repos, on venait le trouver. Toujours ! Comprenez enfin, que quoique la chose soit dite légèrement, l’usure le prenait à l’âme !

Il y avait eu l’affaire du voleur de boutons de chemise — un pauvre gosse qui voulait se faire voir comme habile, et comme un vrai bonhomme, par une bande de copains qu’il ne garderait pas plus de quelques années.

Il y avait eu la grande discussion avec le boulanger qui voulait savoir « que si c’était justifié que de pas payer les impôts quand que c’est du vol ! »

Il y avait eu la vieille folle du village qui l’avait harcelé pour une cérémonie de passage dans l’au-delà en l’honneur de son neuvième chat. L’un deux lui avait griffé le bras ! Un autre s’était jeté vers son visage ! Ses longs cheveux pendants avaient un succès bien funeste auprès de ces félins domestiques, mais il l’oubliait continuellement.

Ca, et puis l’affaire de la robe déchirée, aussi : acte de malveillance ou maladresse véritable ? Vivianne Sild avait-elle voulu détruire tous les espoirs de séduction que nourrissait Béatrice Cardzentelt envers le jeune et intriguant William Bourget ?

Il y en avait eu d’autres. Tant d’autres. Trop, à dire vrai, pour lui, et ces affaires l’avaient tenu presque toute la journée qui suivit la confrontation. Il n’avait peut-être pas compris toute l’étendue de ce que « [le] Clergé, est ordinairement en charge d'aider à la résolution de ce genre de problèmes » signifiait. Il ne s’agissait pas là que parler des litiges de propriété… mais de tous ! Ce guignol en armure de Fabrizio aurait pu le mettre en garde… — à cette pensée, ses yeux se plissèrent d’un regard désapprobateur. Tous profitaient de la présence inespérée d’un prêtre envoyé par Sanctum ; même ceux qui, à dire vrai, il en était persuadé, avaient autant foi en les Eternels qu’un poisson pouvait comprendre la théorie de la relativité.

C’était eux, qui allaient le rendre fou, plus que ses paysans sanguins au bord de la guerre des champs, à défaut de gangs. Les gens de ce village n’étaient pas bien méchants, oui, mais ils allaient finir par venir à bout de ce qu’il était. Il avait besoin de respirer. Réveillé en pleine nuit, seul, sans savoir pourquoi, il ne sentait dans sa gorge que le goût amer de cette soupe qui décidément ne le quittait pas. Les volets de bois, mal fermés, grinçaient dans un courant d’air nocturne, et frais. Agon enfila la tenue simple qu’il portait d’ordinaire sous sa robe, et prit sur lui de sortir. Lentement, à pas de loup, il avait atteint la lourde porte d’un bois de chêne travaillé qui le séparait d’un instant de liberté et d’errance.

Le ciel était sans nuages.

Le chemin de terre qu’il avait emprunté, serpentant entre les maisons vers le sud, était désert.

Il n’entendait que le bruit de ses pas et le battement d’ailes occasionnel d’une chauve-souris solitaire. Un calme reposant, presque assommant. Au loin, si on tendait l’oreille, on pouvait entendre la rivière qui elle, ne dormait jamais. Il irait humer l’air humide brassé par le courant, et plonger son regard dans l’obscurité du bosquet qui la longeait, de l’autre côté. Depuis quelques minutes, il avait quitté Mornevie, le pied buttant de temps à autres sur un caillou malheureux contre lequel il s’emportait silencieusement.

C’est un bruit de pas autre que le sien, qui le tira de son demi-sommeil. Un pas hâtif. Un pas qu’il connaissait bien. Celui qui éloigne, rapidement. Celui de ceux qui ne souhaitent pas attendre, ne peuvent pas attendre. A une centaine de mètres de lui, peut-être moins, la forme sombre d’une âme perdue qui courrait de toutes ses forces — et au loin, il le voyait maintenant : la lumière, trop de lumière. Une lueur menaçante. Le feu, sur les terres des Bourget.

Putain de bordel de… d’Etro ! Son sang ne fit qu’un tour. L’espèce de connard fini à cause duquel il était perdu ici était en train de s’enfuir sous ses yeux ! Mais il était meilleur à ce jeu-là. Cet incendiaire l’apprendrait bien vite ! Il allait lui montrer à cette raclure, cette petite saloperie malpensante, cette… il était déjà lancé.

Délesté de sa robe, il se sentait presque voler alors qu’il coupait à travers un champ en jachère, droit sur le pauvre hère qui aurait droit au déversement de toute sa frustration. Son fuyard se retourne, seuls quelques mètres les séparent. Puis la panique, ce feu qu’il voit dans la main de celui qu’il poursuit. Instantanément, sa respiration s’arrête, suspendue. Il n’a plus de choix, de retrait possible — Agon s’élance en serrant fort le couteau qu’il avait sorti de sa poche comme sécurité plus que comme quelque chose dont il pensait honnêtement devoir se servir. Brasier. Il connaît bien ce sort. Trop souvent, des petits cons prétentieux se targuent de sa maîtrise… pour ne s’en servir que pour les activités les moins louables que la pègre peut donner à faire aux éléments prometteurs que sont les manipulateurs de magie.

Mais rien. Pas de douleur déchirante, pas d’odeur de lardon grillé. Il n’est pas au sol, se tordant d’une agonie mordante. Agon se tient au-dessus d’une personne frêle, sous la gorge de laquelle, par réflexe, il a placé sa lame. Si elle prononce un seul mot… si elle fait mine de lancer un seul sort… mâchoire serrée, les muscles encore tendus, il essaie de discerner les traits de l’ordure qui, il en est persuadé, est à l’origine de ses maux les plus récents.

Ce qui lui révèle la lueur de la lune arrache son regard sévère pour lui peindre une figure défaite. En quelques secondes, l’incompréhension se fait une place sur ses traits. Les yeux d’Alice Arsenault se remplissent de larmes. « Pardonnez-moi… s’il vous plaît… pardonnez-moi. »

« Qu’est-ce que… »

Ca n’a pas de sens. C’est ce qui le frappe, sur le moment. La jeune fille n’a rien qui fasse d’elle cette pyromane folle à lier qui aurait pu tuer une famille entière. Il l’avait vue, déjà : calme, effacée, hésitante.

Son père. Agon s’en doute. Il doit avoir trouvé à l’utiliser dans cette bataille de tranchées qui va bien trop loin. Ou alors il ne peut plus faire confiance à son jugement. Il écarte lentement son couteau de la gorge pâle de l’enfant. « Pas de magie. » Elle hoquette, réprime un sanglot, tout en acquiesçant timidement. « Tu me suis. »
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Il n’avait eu aucune envie de voir si les Bourget se rueraient sur les terres de leurs ennemis jurés pour des représailles, et encore moins envie de se trouver entre les deux camps si cela devait arriver. Il avait tiré la jeune fille jusqu’au village, où certains s’étaient activés en voyant le feu au loin — mais il n’avait pas envie d’être pris à parti. Surtout, il avait des questions à poser. Toute cette histoire commençait à lui courir.

Il l’avait faite passer entre les maisons. Discret, il faisait remonter des réflexes qui laissaient sur le visage de son acolyte d’un moment surprise et intriguée. Merde. La couturière avait manqué de tomber nez à nez avec eux alors qu’ils se rapprochaient de la place sur laquelle donnait l’auberge. Rapidement, il avait plaqué Alice contre le mur irrégulier de la bicoque qu’ils longeaient, attendant que l’endroit soit plus calme, que les vaillants soient partis combattre les flammes. Il ne laissa retomber la pression qu’une fois la porte de l’auberge franchie, les marches montées, le loquet de la chambre rabattu.

« Vous… » — « Je crois qu’il est temps que tu me parles. » Il avait choisi de couper court aux questions qu’elle allait lui poser. Ce n’était pas le moment.

Les longs cheveux noirs d’Alice tombaient sur ses épaules en des boucles défaites — son regard se faisait de nouveau humide, et sa bouche peinait à articuler ne serait-ce que quelques mots. « Je… suis… » Une gamine qui avait déconné.

Agon prit sur lui d’adoucir son regard, le souffle encore un peu court. Doucement, il se rapprocha d’elle. Assise sur son lit rudimentaire, il s’accroupit pour se mettre plus à son niveau — un peu en-dessous peut-être. « M’sieur Wiley je… croyez-moi j’n’avais pas envie de… »

« Je n’en doute pas. » dit-il en prenant ses mains. « Mais je ne peux pas espérer calmer les choses si tu ne me parles pas. Ca fait déjà… deux feux. La garde se retient uniquement parce que je viens d’arriver… mais ils n’attendront pas si je n’ai rien à leur dire. Plus maintenant. »

Il doutait, à être franc, de pouvoir seulement régler la situation. La garde interviendrait sûrement. avec cet ultime affront.

Alice lui expliquait n’avoir ces pouvoirs que depuis peu. Elle ne savait pas pleinement les maîtriser mais… son père irait lui-même si ce n’était pas elle. Et elle ne voulait pas imaginer ce qu’il aurait fait ! Elle préférait y aller elle-même… au moins elle maîtriserait la chose. C’est ce qu’elle avait espéré. Tellement. C’était pour ça qu’elle avait choisi un champ éloigné de la maison ! L’échec de l’écurie de ne reproduirait pas… son père lui avait demandé de faire brûler leurs bottes de foin, entreposées là, mais le feu avait trop bien pris. Ce n’était pas voulu ! Elle le jurait.

Il croyait en son histoire — elle lui semblait déjà plus acceptable que celle de la folle psychopathe cachée sous un visage d’ange en larmes. Elle… n’avait absolument pas envie que leurs familles se déchirent comme ça.

Elle aimait un peu trop ce ténébreux de William Bourget pour ça. Mais à la différence des trois quarts des jeunes filles en fleur de Mornevie, il semblait que ce soit réciproque. Elle racontait au prêtre leur histoire, et les promesses qu’ils se faisaient. Un récit tout romantique qui ne l’émouvait pas tant. Une amourette de jeunesse ; vive, sincère, mais aussi éphémère. De l’expérience qu’il en avait eu du moins.

Alice était incapable de lui dire qui avait commencé. Si c’était un membre de sa famille qui avait perdu les vaches des Bourget, aucun ne l’avait avoué, et pour les Arsenault, c’étaient donc leurs rivaux qui avaient lancé les hostilités dans un climat déjà complexe. « Vous d’vez le savoir mais… les récoltes ont vraiment été mauvaises pour ceux qui n’sont pas les plus proches de la rivière. » Quand Agon lui demandait ce que la vieille Marguerite Givry venait faire dans tout ça, elle lui avait répondu qu’elle ne savait pas trop. « Je crois… ‘fin, elle a plus beaucoup de cultures, elle peut plus s’en occuper ‘savez. Mais elle en a encore un peu, pour sa propre subsistance. Elles ont commencé à mourir, pour ‘taines. D’autres elles ont été piétinées. Et je dois dire… c’est sûrement un dommage à côté. » Elle, en tous les cas, n’avait rien fait sur le terrain et elle n’avait pas entendu son père parler d’une quelconque action à l’encontre de la septuagénaire.

La chose l’intriguait assez. Maintenant qu’il y pensait, il est vrai que la dame avait l’air totalement étrangère aux heurts qui animaient les Arsenault et les Bourget. Alice resterait ici pour cette nuit, il la raccompagnerait le lendemain. Elle ne lui avait rien demandé, mais elle avait ce regard qu’il connaissait bien.

Elle n’avait pas envie de se confronter à la violence de la situation, à sa famille, ou à quiconque qu’elle connaîtrait. Elle n’avait pas envie de répondre aux questions. Pas tout de suite, même si elle avait été une actrice majeure de ce mélodrame.

Agon avait posé sa robe sur le sol — il y avait déposé tout ce qu’il avait pu, en vérité, dans le seul but de lui faire oublier le désagréable du bois rigide. Il n’y était pas parvenu, et il frissonnait bien malgré lui. Le jeune homme voulut adresser un regard envieux vers son lit — la petite le fixait de ses grands yeux, aussi glaçants que ceux de son bien-aimé. Cette vision lui arracha un nouveau frisson. Décidément. Ils allaient bien ensemble.

- Tu ne dors pas ?
- Non, avait-elle répondu d’une petite voix.
- T’as le lit, tu devrais en profiter — il lui sourit un peu.
- C’est que… j’me pose des questions.
- … lesquelles ? Voici donc qu’un interrogatoire allait reprendre.
- Est-ce qu’Etro me pardonnera..? Pourquoi vous… pourquoi vous me gardez ici ? Vous devriez me juger, me donner aux soldats, je sais pas moi…
- T’es une gamine. Etro est bonne et généreuse, compréhensive. Elle n’est pas là pour détruire la vie des enfants.
- J’ai seize ans vous savez.
- C’est bien ce que je dis.

Lui aussi avait fait des conneries. Bon. Peut-être moins graves à cet âge. Mais ses déboires plus récents l’avaient un peu sensibilisé à la situation de la jeune Alice ; il valait mieux qu’elle fasse ces bêtises tant que quelqu’un pouvait encore les rattraper.

Attendez… « Vous… vous allez tout arranger hein m’sieur l’prêtre ? » La voix étouffée de l’enfant s’étranglait dans un sanglot contenu. Est-ce qu’il était vraiment en train de penser à persister ? La garde voudrait reprendre l’affaire avec cet incendie c’était sûr… continuer, c’était se mettre en concurrence avec eux. Le pouvait-il ? Surtout… le voulait-il ? Ce serait tellement plus simple de rentrer au château… expliquer que deux familles de paysans se sont laissées emporter après un Eté qui ne leur avait fait don que d’une année de sombres perspectives. Il pouvait expliquer qu’ils avaient entraîné en cela une victime collatérale. Et qu’après un feu qu’il n’avait pu empêcher, la garde avait repris l’affaire. N’était-ce pas bien plus simple ?

« M’sieur l’prêtre… s’il vous plaît… »

Son coeur se serra. Il n’avait pas envie d’affronter la peine de la gosse, ou ses tristes relents de culpabilité. Pas là.

« Evidemment. »
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Elle avait fini par trouver le sommeil, pas lui. Il avait mit dans la balance d’une part le confort qu’il pouvait avoir dans sa situation de prêtre et d’autre part les efforts qu’il était en train de faire pour une bande de paysans un peu tarés : il avait décidé qu’errer un peu plus à Mornevie ne lui serait pas plus dommageable que les réflexions stupides et les regards idiots de ceux qui le diraient incapable de gérer quelques « pécores ».

Au final, il devrait peut-être remercier en cela un autre fou.

La garde était en effet réduite ici — la majorité de la garnison avait été envoyée en renfort au château et dans la ville qu’il l’entourait, suite aux sombres évènements qu’on ne lui avait qu’évoqué.

Les soldats ne rentreraient que dans deux jours, mais en attendant (et seulement en attendant), les quelques pauvres hommes chargés de la protection et de l’ordre dans le val n’étaient pas contre un peu d’aide. Bien sûr, ils ne pouvaient pas ne pas surveiller la famille Arsenault. Malgré l’absence de preuves directes contre eux concernant ce feu, de fortes présomptions portaient sur la famille, en plus d’un danger de représailles élevé. L’absence d’Alice, fille aînée, leur avait paru suspecte, mais il avait suffi à Agon de leur expliquer qu’elle était venue lui poser des questions sur Etro, et que la nuit étant avancée lorsqu’ils eurent fini, il lui avait fait prêt de sa couche. Qui remettrait en doute la parole d’un homme de foi ?

Si elle avait pu sortir une fois qu’il se serait endormi ? Il n’avait pas trouvé le sommeil. Il pouvait assurer qu’elle était sagement restée à se reposer sur son lit. La jeune fille confirmait cette version des faits, ajoutant qu’elle n’avait pas parlé à sa famille de sa sortie. Elle s’en voulait maintenant mais… il fallait avouer que son père n’était pas très sensible à la parole des Eternels. Le malaise sur ses traits aida sûrement les soldats à la croire, quoiqu’il ne soit en vérité pas dû à ses regrets.

Que ta famille se tienne tranquille, c’est compris ? T’as fait ton truc, tu as voulu te cacher et je te suis tombé dessus par hasard. Pas de course poursuite, c’est pas la peine que ton père ait encore plus l’envie de m’arracher la gorge… — c’est ce qu’il formula en des termes plus diplomates. Quelque chose comme : « Apaise ta famille, et veille à ce qu’ils n’entreprennent pas d’actions qu’ils viendraient à regretter. Mon temps est limité, et ce n’est que par la grâce d’Etro que la garde a trop peu de ressources pour s’occuper de la situation efficacement. Je reviens vers vous, mais tâche s’il te plaît d’être discrète sur les circonstances de notre rencontre cette nuit. Je ne souhaite pas que ton père se froisse plus encore à mon encontre. Ca lui serait dommageable. »

Passé le choc du moment, il lui semblait que la jeune Arsenault ne lui tenait pas trop rigueur de son interpellation… musclée. Du moins, elle n’avait pas osé le questionner à ce sujet, et elle lui semblait tellement reconnaissante de la couvrir… ce serait idiot de sa part que de mettre le prêtre dans l’embarras. Il la tenait, en un sens, même s’il ne le formulerait pas ainsi.

Marguerite Givry. Notre étrange victime collatérale. Il allait la trouver lorsqu’il fut interpelé — à croire que quelque chose dans ce monde ne voulait pas qu’il s’entretienne avec cette femme. Déjà prit de la désagréable impression d’être épié, sans avoir pourtant repéré la menace potentielle, il se tenait prêt à renvoyer le type qui était venu le chercher. Le motif de la requête était cependant délicat à évincer. Il y avait eu un mort la nuit dernière.

Rien qui soit lié à l’incendie en vérité. Un vieil homme seul, qui vivait un peu en marge du village. Agon avait noté à son arrivée cette bicoque charmante mais délaissée : une des rares qu’il retiendrait, avec ses petites fenêtres serties d’un verre sale. L’intérieur de la maison était sommaire. Une unique pièce qui respirait l’ancien, le vieux. Face à la porte d’entrée d’un fin bois chancelant, un âtre que l’on n’entretenait plus. Là, le long du mur sur sa droite, se reposaient d’antiques armoires renfermant des trésors communs de vaisselle et de souvenirs pour une vie. Au-dessus des fenêtres, pendaient des casseroles et des ustensiles aussi âgés que la demeure. Un plan de travail accablé par le temps se trouvait au pied d’un lit rudimentaire, qui se taillait une place timide le long du flanc gauche de la pièce. Agon s’avança sur un tapis qui avait perdu ses couleurs, avait posé son regard sur le vieillard paisible qui reposait sur sa dernière couche.

Il souriait un peu, mais ses yeux étaient clos. En paix. Son visage ne lui était pas inconnu, mais il aurait pu ne pas le reconnaître. Il l’avait aperçu plusieurs fois, déjà. Sur la place, à son arrivée, puis à la fête — assis à une table à l’auberge alors qu’il essayait d’échapper à des villageois curieux avant sa deuxième nuit à Mornevie. Dans ses souvenirs, il arborait un regard dur, et la moue du vieux grincheux que toute une communauté aime ou n’aime pas détester. Le villageois qui l’avait accompagné sortit silencieusement, laissant le prêtre à ses rites — mais seul, presque immédiatement, Agon détourna le regard. Son coeur se soulevait d’un sentiment de malaise et de dégoût profond. Il n’avait que peu été confronté à des corps morts, et cela le prenait toujours aux tripes. Il s’écarta un peu, faisant dos à celui pour qui il était là, prenant appui sur l’établi pour quelques respirations. Il ne su réellement combien de temps il était resté là — et chaque inspiration lui amenait dans les poumons l’air lourd de la petite bicoque. Le corps, au moins, était beau avoir. Pensée ironique qui le ramena à sa dernière confrontation avec un cadavre.

Et on toqua à la porte. Agon l’ouvrit en se redressant un peu, sourire poli aux lèvres.

Peut-être que la providence existait. Ne va pas à Marguerite Givry, elle viendra à toi. La petite dame, un peu tassée, lui rendit son sourire avec un regard bienveillant. Un soupçon d’embonpoint que l’on ne saurait que pardonner à cet âge, des cheveux courts et d’un blanc pur. Elle resserrait un ses longs doigts fins sur sa canne, trop fière pour laisser paraître l’effort que lui avait coûté le long voyage de sa maison jusqu’ici. Elle venait payer ses respects au défunt. Elle était la seule à être venue pour, d’ailleurs. Quelques villageois viendraient aider à enterrer le pauvre homme, mais c’était plus une question de devoir que de sentiment.

Il semblait bien que le vieillard avait été irrémédiablement seul.

L’unique personne apparemment concernée par son décès était restée avec Agon tandis qu’il improvisait une cérémonie simple, et il avait choisi de la raccompagner pour lui poser les questions auxquelles il avait besoin de réponses. Toujours ce sentiment étrange qu’on l’observait le tenait, mais il essayait de passer outre, ne parvenait vraiment pas à isoler l’origine de cette impression.

Non, elle ne savait pas ce qui avait pris aux Bourget, ou aux Arsenault d’ailleurs, de s’en prendre à son terrain. Elle était plus au Sud. A dire vrai, elle ne comprenait pas du tout quelles animosités pouvaient les conduire à agir de la sorte — mais si elle avait été prête à pardonner un petit dérapage de leur conflit jusqu’à ses terres, les évènements devenaient plus préoccupants.

Le terrain de Marguerite Givry était immense, mais laissé à l’abandon pour la plupart. A le voir, Agon comprenait ce que les deux familles avaient cherché à lui faire comprendre. La terre y était plus meuble, l’herbe plus verte. Fertile, gorgée de toute la vie des eaux non loin. La demeure de la propriétaire, trop imposante pour une seule personne, trônait à l’Ouest du terrain. Devant celle-ci, quelques cultures modestes qui semblaient pourtant en piteux état. « Depuis le début de leur petite bagarre, les petites plantes que j’ai ici… meurent. Je ne sais pas vraiment l’expliquer. Le reste de mon terrain respire la santé. Seul ce potager que je conserve pour moi-même, ou pour me faire quelques ressources — si maigres qu’on ne pourrait pas les qualifier d’économies — semble touché. » L’intérieur de la maison, spacieux, laissait pourtant cette même impression d’ancienneté intouchable qui tenait la dernière demeure de l’homme qu’Agon avait enterré plus tôt. Hector Lorite. Marguerite l’avait connu il y a de nombreuses années, lorsque son terrain était utilisé au mieux. Un ouvrier agricole des plus compétents. Mais elle avait dû le congédier comme les autres. Il lui en avait voulu, il n'avait jamais réussi à s'en relever ; ils ne se parlaient plus tant… mais elle espérait dans son coeur qu’il lui avait pardonné, et apprendre sa mort l’avait rappelé à son souvenir.

Quoiqu’il en soit, elle n’avait jamais rien eu à voir avec la rivalité qui opposait les Bourget et les Arsenault. Depuis des années déjà, elle ne faisait guère que surveiller ce terrain, attendant patiemment que son fils revienne pour le lui léguer. Il était parti pour la ville, afin de devenir l’apprenti d’un maître de la composition florale. Sa mère en avait été si émue, c’était la voie qu’elle même avait choisie à son âge, qu’elle n’avait pu que l’encourager dans son projet — même si cela la condamnait à quelques années de solitude. Elle s’accrochait à ce qui était devenu une mission ; lui garder une demeure accueillante pour son retour. Il en aurait besoin, il lui avait récemment annoncé qu’il souhaitait se fiancer à une certaine Rose — la petite dame avait plaisanté de ce prénom. Une fleur, comme le sien. Pendant de nombreuses minutes, le prêtre l’écouta parler de son fils, de ses projets, sûrement bien heureuse d’avoir une oreille apparemment attentive. Depuis le début de l’affaire Bourget contre Arsenault, quoique le village ait prit sa défense, tous étaient , en sa présence, trop occupés à déverser un flot continu de reproches aux deux familles et à plaindre la vieille femme pour lui parler aussi normalement qu’ils avaient pu le faire jusqu’alors. « Je vis de leur générosité mais nous savons qu’elle s’égrainera avec les semaines. Heureusement pour le moment j’ai ce petit Ian pour m’aider à surveiller mon jardin. Mais le mal semble déjà fait. »

« Je commence à croire que je devrais peut-être me faire un nouveau potager. » Marguerite avait sourit d’un air qui le laissa facilement présager de la suite. « Un jeune homme aussi serviable que vous m’aiderait sûrement à préparer le terrain. »

Est-ce qu’un serviteur d’Etro pouvait refuser d’aider une petite grabataire ? Il en doutait. Agon se retrouva donc à rester quelques heures de plus, en profitant pour inspecter le potager ravagé. La terre dégageait une odeur désagréable et aigre. Il avait beau ne pas vraiment être habitué au travail de jardin… il ne fallait pas être un grand savant pour se rendre compte que quelque chose avait été faite à cette terre. Quelque chose l’ennuyait sans qu’il puisse mettre le doigt dessus.

Lorsqu’il quitta la vieille dame, ses jambes le lançaient atrocement. Des jours qu’il courait la campagne en montant et descendant une côte qui de plus en plus lui paraissait raide. Et par-dessus le marché, on lui bloquait le passage. Le voleur de boutons, avec son regard mutin et sa stature svelte. « M’sieur l’prêtre ! » — Agon réprimait un soupir. « Oui ? »

- Vous avancez bien dans vot’ enquête m’sieur ? Il s’était guindé d’un sourire innocemment insolent, mains dans le dos.
- Etro guide mes pas, avait répondu Agon avec une pointe de cynisme difficilement contenue.
- J’ai entendu dire que vous aviez plus beaucoup de temps.
- C’est pour me parler de cela que tu es venu me trouver… mon garçon ?
- Oh non, non, c’est que je voulais vous remercier vous voyez.

Le prêtre haussa un sourcil suspicieux, moue dubitative. « Me remercier ? Pourquoi ? Je crois t’avoir réprimandé pour ton méfait. »

- Vous avez été plutôt gentil. Vous m’avez évité une sale punition !
- Il me semble pourtant que ta mère était bien en colère lorsque nous nous sommes quittés.
- Oui, mais comme c’était la première fois et que vous avez dit qu’il fallait pardonner, tout ça, si je persévérais pas, ça l’a beaucoup calmée.
- Bon… bien alors.

Tout deux remontaient vers Mornevie. Lui ne savait plus quoi faire. Il y avait cette odeur étrange qu’il avait sentie près des cultures de la vieille Givry… il la connaissait mais il peinait à l’identifier et cela le travaillait. « Et donc ben… je voulais savoir si je pouvais vous aider. »

- Ton attention me touche, mais je vois mal ce que tu pourrais faire. C’est un réseau d’espions qu’il me faudrait pour tenir ces paysans…
- Si j’vous disais que j’peux ?

Quoi ? Après la mage inexpérimentée, il avait découvrir un ninja adepte du multiclonage ? « Mes amis et moi, on peut tout savoir sur ce qui se passe dans les champs ! C’est notre terrain de jeu… mais sht. Ca reste entre nous m’sieur l’prêtre. On a des caches un peu partout, alors si vous avez vraiment besoin d’un réseau, j’peux vous l’fournir. » Il avait découvert son sourire d’un blanc presque surnaturel, considérant la salubrité douteuse de bien des maisons du village.

- Quelle générosité. Agon le détailla d’un regard en coin, amusé.
- C’est plutôt un bon procédé ! Avec les copains, on est plutôt contents que je me sois pas faite égorger.

Sa mère devait être… terrifiante. Agon se pinça l’arrête du nez avec un sourire nostalgique. « J’imagine que je ne devrais pas refuser une aide offerte. » — « Vous devriez profiter ouais ! Rien de gratuit ici ! Vous avez de la chance de m’avoir rendu service. Me cherchez pas, c’moi qui vous r’trouverai m’sieur l’prêtre ! » — et en un éclair il avait filé à travers champ.

C’était qu’il s’y croyait le môme. Agon, lui, avait besoin de quelques éléments supplémentaires. Il y avait deux fermiers hors de cette bataille rangée, et leur point de vue extérieur ne serait peut-être pas un mal finalement.

Il avait visité les vignes mourantes des Goguen, sûrement le terrain le plus touché par les ravages estivaux, et le moulin à eau des Duranseau. Ils lui avaient fait, chacun, visiter leurs bien modestes domaines. Malgré cela, les Duranseau s’étaient fait une mission d’épauler Denis Goguen et son fils dans la terrible épreuve qu’ils traversaient : à la perte de ses récoltes à cause d’un temps peu clément, le fermier devait ajouter la mort de son épouse. Les autres fermiers semblaient trop aspirés dans leurs propres ennuis pour s’encombrer de fraternité, et même la vieille Givry ne leur était pas venue en aide, manifestement.

La ferme du veuf semblait elle-même emprunte du deuil — le ciel, couvert, ne faisait que renforcer ce sentiment en ne laissant filtrer qu’une lumière terne.

Denis était petit et un peu frêle — à un point tel qu’Agon en fut surpris. Sa main tremblait un peu alors qu’il serrait celle du prêtre, sans qu’il fit la moindre remarque. Il restait aux Goguen leur vin vieillissant et un vinaigre corsé. Le prêtre lui posait quelques questions sur son affaire, ses terres, espérant amener avec tact le problème qui l’occupait — parfois, le vigneron grattait un peu son crâne dégarni dans un geste peu assuré. Mal à son aise.

Agon avait déjà vu certains villageois réagir comme cela en sa présence, lorsqu’ils ne croyaient tout simplement pas au culte qu’il servait le plus souvent — mais ce malaise s’ôtait avec les minutes et la discussion. Ce n’était là pas le cas. Même le petit rire de Denis Goguen avait quelque chose de nerveux. « Ah… ah ah. Sentez un peu. » Ils avaient erré jusqu’à ses caves, et il ouvrit l’un des tonneaux contenant le vinaigre qu’il produisait. Demeuré dans l’encadrement de la porte, Agon jaugeait son interlocuteur. Il se retenait de croiser les bras dans une posture défensive, de crainte de braquer celui qui lui parlait — l’odeur aigre et désagréable le prenait aux narines, et il fronça un peu les sourcils. Le tonneau n’était même pas ouvert vers lui, que de là où il était il n’avait fallu que quelques secondes pour qu’elle le saisisse à la gorge. Ce n’était plus du vinaigre, on pouvait tuer quelqu’un avec un truc pareil !

Quelque chose le dérangeait, et il cru voir le vigneron l’évaluer comme lui le jaugeait depuis un moment. C’est une porte claquant à l’étage qui les tira de cette contemplation mutuelle gênante. « Mon fils, certainement. » Denis inclina un peu la tête et invita Agon à le suivre. A l’étage, le jeune homme fraîchement arrivé, tignasse blonde abondante quoique coupée courte, paru surpris de voir le prêtre chez lui. « Vous… » — « J’ai besoin que tu ailles vérifier nos réserves Ian. » Son paternel avait coupé court à la phrase avec une autorité étrange. « Mais avant. Mon fils, Ian. Ian, tu as sûrement entendu parler de Monsieur Wiley. » Le garçon avait acquiescé, sa contenance reprise aussi vite qu’il avait semblé surpris.

- Papa, je peux..?
- Après.

Le gosse était parti d’un pas rapide, vexé apparement. Agon, lui, nota comme le vigneron s’était un peu affaissé en le voyant partir de la sorte. Poliment, il se fit rapidement congédier. Mais alors qu’il allait quitter la ferme, la chose le frappa.

L’odeur du vinaigre. Il fit demi-tour.
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Les mères des gamins de ce village n’étaient finalement peut-être pas assez dures. Ou c’était lui qui attirait les cas désespérés, à voir.

Il était totalement passé à côté du problème ; et dissimulé derrière l’un des arbres qui offrait un peu d’ombre au jardin de la vieille Givry, il se demandait comment il avait pu être aussi bête. Comme tous les autres, il avait été aveuglé par les éclats du conflit entre les deux familles rivales sans trop se soucier de celle qui avait l’air de n’être qu’un dommage collatéral.

Personne ne savait, ni chez les Bourget, ni chez les Arsenault, qui avait commencé. Et savoir qui avait précisément fait quoi semblait un objectif impossible à atteindre. Des actes de vandalisme plus ou moins réfléchis, ou plus ou moins violents, qui trahissaient leur caractère impulsif. Pourtant, la méthode utilisée sur les cultures de la petite dame était ô combien plus pernicieuse. Il ne s’agissait pas d’un dommage collatéral, non. Elle aurait sinon subi avec force comparable la violence des coups portés d’une famille à l’autre. Au final… lui aussi aurait cherché à détourner l’attention, s’il avait fait le coup. On avait empoisonné les quelques cultures qu’elle avait avec beaucoup d’application. Pas une fois, mais plusieurs, pour être bien certain que les plantes meurent.

Lorsque cela avait commencé, Marguerite Givry avait bien cherché à veiller, pour surveiller son jardin. Mais toute vieillissante qu’elle était, faire la sentinelle chaque nuit lui demandait trop. Heureusement, elle avait bien de l’aide en ce jeune Ian Goguen !

Mais Agon doutait à présent qu’elle eut raison de lui accorder sa confiance.

Il bailla longuement. Au moins les Arsenault et les Bourget lui avaient fait l’honneur de bien se tenir, le petit voleur lui avait assuré ; mais la vieille femme était plus endurante qu’il ne le pensait, et lui peut-être trop bien calé contre l’arbre robuste à la faveur duquel il était dissimulé— presque plus agréable que son lit à l’auberge.

Mais Marguerite finit par s’endormir, et il finit par sortir. Ian Goguen… espèce de petit con. Autant qu'il avait pu l'être, au moins, fut un temps. Agon le guettait depuis les ombres, lui qui fermait la porte avec précaution, pour aller fouiller dans quelques plantes que l’ancêtre sur pattes avait laissé pousser « à la sauvage » contre sa demeure. Lui qui tira avec difficulté une amphore d’une taille juste assez raisonnable pour qu’il puisse l’avoir cachée, mais aussi pour l’aider utilement. Ian l’ouvrit sans un bruit, là, devant la parcelle de terre dont Agon s’était occupé avec toute la peine du monde plus tôt dans la journée — et l’odeur aigre du vinaigre parvint en quelques instants jusqu’à l’embusqué. Il allait empoisonner son labeur, et l’idée arracha au prêtre une mine franchement usée.

Agon aussi, savait être discret. Lentement, il avait tâché de rejoindre l’imposante maison, dans le dos de son petit malfaiteur, son petit blondin idiot de génie du crime improvisé — son idiot tout court. A pas feutrés, il se rapprocha alors que l’adolescent était bien trop concentré sur le bruit de l’écoulement de son poison tout naturel dans la terre.

Un pas. Deux. Un à un. Il était là, tout proche.

A portée, il lui attrapa le bras fermement en le tirant à lui. « On peut savoir ce que tu fais ?! » — le blondin, lui, avait frôlé l’arrêt cardiaque. Presqu’immédiatement, il avait cherché à se défaire de l’emprise d’un Agon qui lui était pourtant supérieur et en taille et en force. « LÂCHE-MOI ESP— » Ian avait élevé la voix ; par réflexe, Agon avait cherché à le mettre à terre, plaquer la main sur sa bouche. Il ne manquait plus que ça ! Réveille la vieille couillon va ! — s’il ne le dit pas à voix haute, son regard était bien assez communicatif. Le gosse, en seul remerciement, avait cherché à le morde, et il s’était retenu d’un gémissement furieux. Ingrat ! Dans une exclamation étouffée, il ne pu que tenter de calmer la petite furie qui se débattait. « Mais calme-toi merde ! Si je voulais vraiment te pourrir, c’est avec un garde que je me serais amené ! » Le regard verdoyant du fils de vigneron, jusque là déterminé, laissait paraître une certaine confusion. « Si tu cries, tu réveilles la vieille. Elle viendra, et me demandera ce que je fais là, ce que tu fais dehors, et ce que cette amphore à moitié vide fait au-dessus de son nouveau potager à peine commencé. »

Un temps.

« Calmé ? »

Il hocha un peu la tête. Lui, ôta sa main avec prudence, sans pour autant le libérer.

« Raconte-moi ton histoire. »

Il savait déjà ce qu’il allait dire. C’était une bête histoire de vengeance ridicule. Marguerite Givry leur avait tourné le dos, alors qu’elle avait ce grand terrain au bord de l’eau qu’elle n’utilisait même pas. Ian lui en voulait tellement, il l’avait tant jalousée, il ne supportait pas qu’elle se soit payé le luxe de les rejeter, lui et son père, quand cela ne lui coûtait rien de les laisser bénéficier de ses terres fertiles. Oui, cela épuiserait un peu les sols, oui, son fils aurait peut-être à souffrir une jachère plus tôt à son retour, si le terrain était exploité — mais il s’agissait de la bonne vie d’une petite famille. Est-ce que ça ne pesait pas plus ? Si elle ne l’avait pas compris, alors comme leurs vignes se mouraient, il ferait mourir le peu qu’elle faisait grandir.

En vérité, même s’il n’aurait peut-être pas agi de la sorte, il avait un peu d’empathie pour le gamin. Il relâcha son emprise, s’asseyant dans l’herbe humide. Long soupir. Les derniers jours avaient été bien pénibles. « Laisse-moi réfléchir. » Ian était tendu, il le voyait bien. Il n’avait aucune confiance en cet énergumène en toge que devait être Agon pour lui. Une tenue qu’il ne portait pas là, mais par laquelle on l’identifiait désormais tout à fait à Mornevie. Le prêtre détaillait le garçon avec sévérité. Sa bonté le perdrait, tseh.

Après un silence pesant, il prit sur lui de parler un peu avec le garçon. Le sonder un peu — voir si c’était juste un enfant aussi perdu que la jeune Alice, ou un connard dans un terreau fertile. Dans le premier cas… il était peut-être prêt à mettre ce qu'il avait d'esprit au service de la situation.
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Il avait deux problèmes à régler : Arsenault contre Bourget d’une part, expliquer l’empoisonnement des terres de la vieille Givry de l’autre. S’il disait la vérité de façon brute, il savait bien que les Goguen étaient foutus. Denis avait bien remarqué que son fils était devenu plus nerveux, plus aigri, mais il avait espéré que ce ne soit qu’une impression. Le vigneron avait pourtant eu la confirmation de ses doutes pendant la visite d’Agon. Lorsqu’il avait ouvert le couvercle du tonneau contenant le vinaigre.

Il n’avait pu que constater qu’il était à moitié vide. Et pour avoir visité Marguerite Givry, que son fils avait mystérieusement décidé d’aider après l’avoir maudite en privé, il avait rapidement compris quelle bêtise il était en train de faire. Il ne l’aurait jamais dénoncé, son fils. Mais il n’avait pas su comment réagir sur le moment, alors il l’avait congédié aussi rapidement que possible, lorsqu’Agon les visitait. Juste pour qu’il ne soit pas confronté au prêtre. Il l’avait couvert en somme.

Peu importe qu’il ait s’agit de protéger son fils, et peu importe que pour le fils il s’agissait d’une vengeance sur coup de sang, l’affaire avait pourri les relations de deux familles à un point qu’elles ne pardonneraient pas le coupable — en plus de la sentence que devraient supporter les vignerons.

Alors Agon avait réfléchi, et pensé qu’il n’y avait qu’une personne à qui cette affaire ne pouvait plus faire de tort. On parlait d’un gosse qui était parti très loin — et comme il aurait bien aimé qu’on l’aide à se sortir de situations problématiques plus d’une fois, Agon ne se sentait pas de détruire lui-même la vie du garçon. Il aurait eu du mal à se supporter s’il l’avait fait.

A Ian et son père, il expliqua qu’Hector Lorite aurait convaincu l’enfant qu’il avait un moyen de faire plier Marguerite Givry. Qu’il avait abusé de la faiblesse de caractère du jeune homme, et en avait fait l’outil d’une vengeance bien sentie et murie avec les années. Marguerite Givry l’avait envoyé à une vie de misère trop vieux pour pouvoir se reconvertir en autre chose. Il avait d’ailleurs fini ses jours bien seul. Ian s’était guindé d’une fierté mal placée. Il ne se considérait pas faible de caractère ! Dommage pour lui, il ferait comme on lui disait de faire.

La majorité des heurts qui avaient touché les familles rivales pouvaient être pardonnés avec de la volonté, mais les incendies avaient été un trop plein. Agon demanda à Alice de le laisser faire. Hector Lorite n’était pas responsable des incendies, l’un comme l’autre le savaient — mais si ce n’était lui, il faudrait à la garde un coupable. Pour Agon, il valait mieux que le chef de famille Arsenault prenne le prêtre pour un idiot bienheureux qui avait mis le pied à côté du problème, plutôt que de devoir étaler la vérité sur ces feux criminels simplement pour prouver qu’il avait quelque chose à l’intérieur du crâne.

Ian, comme Alice, semblaient avoir un peu de mal à comprendre. « Pourquoi vous mentez pour moi ? » Ils le lui avaient demandé, tous les deux, dans chacune des discussions qu’il avait eu avec eux.

Et il leur avait servi une réponse de circonstances. Il eut été difficile de leur répondre c’est parce que je me sentirais mal de ruiner votre vie

« Ecoute, je crois que tu as les moyens d’être une personne meilleure que tu ne l’es aujourd’hui. Et Etro donne toujours une seconde chance. » — A Alice il avait dit qu’elle « pouvait faire de grandes choses avec ses pouvoirs. » Mieux que brûler des écuries, en tous les cas.

« Mais j’espère aussi que tu ne me décevras pas. Je ne veux pas entendre parler de feux de forêts dans les temps à venir, je vais garder un oeil sur l’actualité. » — « Vous croyez que je devrais partir Monsieur Wiley ? Apprendre à devenir une grande mage ? » — « Je crois que tu dois faire ton choix. Il va y avoir des tensions encore un moment ici. Même si je peux dire que monsieur Lorite a alimenté vos haines pour faire oublier aux autorités madame Givry… le mal est fait. Je te demande juste de garder la tête froide et de ne pas gâcher l’opportunité que tu as. »

Les Arsenault et les Bourget avaient prit l’histoire avec un air interdit. Il leur faudrait bien du temps pour digérer le fait d’être allés si loin, simplement parce qu’ils avaient été pris pour ce qu’ils étaient. Deux familles promptes à des réactions impulsives et regrettables. Marguerite Givry, elle, semblait contenir une peine douloureuse. Elle n’avait pas de raisons de douter de la parole de l’homme de foi qui lui apportait la nouvelle mais… elle avait sincèrement espéré qu’Hector lui ait pardonné. Et elle avait mis toute sa confiance dans la personne du jeune Ian.

« Je comprends que vous vouliez garder votre terre pour votre fils Marguerite. Mais vous avez laissé cette famille dans la détresse, et donné à ce garçon l’occasion d’explorer ses propres ténèbres. Ce n’est pas une chose dont nous avons besoin en ce moment — j’espère que vous saurez prendre la mesure de cette affaire. »

Agon avait accompagné Ian à la garde, pour qu’il donne une version peaufinée des faits. Le garçon tremblait presque, terrifié à l’idée de finir sa vie en prison. Et si l’idée d’Agon ne passait pas ? S’ils lui refusaient ? Avait-il eu raison de faire confiance en ce type ? Si les gardes accédaient à la demande du prêtre… il pourrait presque croire en son histoire d’Eternels oui. Mais, le feraient-ils ? Après tout, même dans cette version fantasmée des faits, il avait aidé l’incendiaire, il avait été un outil dans les mains du criminel — criminel lui-même en somme, par complicité.

« Je suis prêt à accéder à votre demande Monsieur Wiley. Je tiens à vous remercier d’avoir prêté votre concours en cette affaire. Mes hommes étaient en sous-nombre et les villages sont nombreux. »

Parfait. L’officier en charge de la caserne était revenu, et il pouvait prendre la décision en son âme et conscience. Dépassé par le résumé des évènements, il avait validé la demande du prêtre sans creuser trop avant. Il voulait surtout regagner sa demeure, et sa famille, et mettre ces deux énergumènes hors de sa vue — le Sanctum, pour lui, venait de gagner un nouvel adepte, prêt à se racheter en servant les Eternels.

Il avait compris ses erreurs, et il apprendrait encore de cette expérience auprès d’hommes de bonté et de foi.

- Merci monsieur Wiley…
- N’y va pas trop fort mon garçon, tu te retrouves là parce que tu n’as pas le choix.
- Oui mais… j’ai été… vous savez.

Un silence porté par le bruit de la caillasse craquant sous leurs pas. Quelques salutations heureuses, des promesses de nouvelles, et ils s’étaient mis en route.

- Vous savez, je crois que je pourrais y croire en tout ça.
- Quoi ?
- Etro, les Eternels.
- Ce serait mieux — un rictus amusé s’était peint sur ses lèvres. Tu pourras rentrer chez toi, tu sais… mais seulement une fois que cette histoire sera totalement tassée. Ca prendra du temps mais… tu n’es pas encore un homme, ça jouera en ta faveur. Mais je te préviens. Etro est pleine de bons enseignements, mais il en est pour ne pas approuver ce que je fais avec toi. Tu éviteras de parler de… enfin, tu connais notre version des faits.

Petit à petit, le bruit de la rivière s’éteignait à la faveur d’une brise campagnarde.

- Merci. Quand même. Je trouverai comment vous remercier un jour… je crois que je préfère la prêtrise d’un temps à la prison pour la vie.

Ca.


Dernière édition par Agon Wiley le Mer 12 Oct 2016 - 0:39, édité 1 fois
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Bonsoir Agon ! T'as donc terminé ta première mission, et je suis donc ici pour la noter ! … Ou la commenter. A vrai dire, ce sera les deux ; certains disent même critique. Alors, avant out je tiens à te dire que tu ne dois pas t'inquiéter, et que si tu as la moindre question quant à la notation, n'hésite pas à m'envoyer un message ! La dernière chose que je souhaite, c'est que tu reçoives certaines chose de manière négative. En fait : tu avais des réserves sur le terme « critique » et je te comprends carrément. Mais cette critique ne sera pas une critique... faite pour te critiquer ! Ce sera une critique !


Ça sera pas tant une critique qu'un commentaire, ceci dit. Donc ne t'inquiète pas.

Et on va commencer de suite !

C'est le premier de tes rps que je lis, et le premier que tu postes ici. Tout du long, t'as pas arrêté d'avoir peur qu'il ne soit pass assez bien ; je me suis dit « oh, il y aura des fautes, au moins quelques-uns t'sais » et « boh il sera long et ce sera... bizarre, y'aura des inégalités ». Ouais. Nan. Du début à la fin, le rp tiens une constante. C'est une constante qui est excellente. A vrai-dire, je n'ai aucun doute sur le fait que tu ais derrière-toi un gros passif à l'écrit ; tes expressions sont claires, ton orthographe est nickel. Sur ce plan là, je n'ai absolument rien à dire... Si ce n'est dans compliments : D la mise en forme de ton rp est évidemment sa plus grosse qualité. C'est très clair, et ça se lit tout seul -mais j'y reviendrais plus tard. Là, on parle du texte en lui-même, sans parler de son contenu.

Ah, j'ai vu une faute. Il manque une virgule là, lààààà je te dis ! UNE VIRGULE !

Tu fais de belles phrases, c'est un réel plaisir à lire. Je ne peux pas compter le nombre de belles phrases que j'aie lues. En matière d'ambiance, ça se pose là tu vois. Tu nous commence la mission en décrivant un truc bien solide que l'on voit immédiatement. Agon qui tangue dans sa petite charrette et qui parle avec un bon vieux paysan. Tu ne fais pas qu'emprunter un contexte ; tu prends mon ordre de le mission, tu le plantes et tu le fais littéralement fleurer. Parce que tout y est ; on lit ta mission et on est balancé dans un épisode. Ta description ne rate RIEN ; la matière dont sont faits les toits de la ville, comment elle est agencée, les bâtiments.... C'est mastoc, ce que tu nous as fait. Et c'est vraiment cool.

Y'a pas de passe-droit dans ta mission. Tu couvre tout ; de l'arrivée d'Agon au patelin, jusqu'à son retour. Tu n'épargnes aucun détail, y'a pas ou pas d'ellipses. Franchement, je m'attendais pas à tant de précisions pour un simple petit RP.

Tu sais quand je t'ai donné la mission, j'ai pensé à une petite mission de deux paysans beurrés qui s'engueule parce que t'en as un qu'a fauché des navets à l'autre. Du pécore puant et tout.

Trois familles aux généalogies complexes plus tard j'ai réalisé que t'avais fait la mission, mais qu'en plus tu nous avait créé un contexte. D'accord balancer deux-trois noms, ça je le fais tous les jours en cours quand je pense à un RP entre deux traductions. Toi tu as fait un truc qui tiens.

Je me retenais de le dire mais je vais le dire ; j'adore ta plantation de décor. Il y a des phrases où je me suis dit ; « Elle a écrit ça comme moi j'aurais adoré l'écrire. » ; c'est du travail fini, c'est beau. La mise en relief de certains détails est belle, voire carrément délicate à certains moments ! On a l'impression de lire de la musique, quand tu nous sort

    « Le ciel était sans nuages.Le chemin de terre qu’il avait emprunté, serpentant entre les maisons vers le sud, était désert. »


C'est une pause. Un moment de réflexion. C'est cool de penser à faire souffler le lecteur ! Parce que ton texte est touffu ; en quelques minutes le lecteur entre en contact avec plein de personnages et une histoire vraiment complexe. C'est curieux, parce qu'à aucun moment on ne sent que tu manques de nous dire quelque chose ; tout est là, mais j'avoue m'être perdue à quelques reprises. J'ai du relire par par là. Parce qu'avec ça, il ya deux autres familles qui arrivent avec mamie Givry et tout ! A mon avis, en un rp, tu doit bien avoir, allez, les événements de rps écrits sur quatre bons mois, si on s'applique. C'est tellement énorme !

Ton rp me rappelle l'histoire de ce livre, qui a été écrit comme en une seule fois, mais dont la somme du travail équivalait à vingt ans d'écriture journalière !

Aussi, je tiend à rajouter que pas un moment le personnage d'Agon s'écroule. Il y a plusieurs points de vue narratifs dans ta mission et c'est un énorme travail.

Agon ment. Il n'est pas prêtre. Il y connaît que dalle ! Il y va totalement au

  • talent et il est vachement doué pour ça.
  • Nous, les lecteurs, on le sait. On le sait qu'Agon est un menteur !
  • Le Sanctum ne se doute de rien. Les paysans non plus.


Agon c'est Tartuffe en fait. Il utilise des méthodes de son monde à lui et des méthodes prétendument de prêtre du Sanctum; il bafouille à chaque fois qu'il appelle les gens, c'est systématique. Mon enfant ? Mon fils ? Je l’appelle comment ce gars là ? Ouais euh miséricorde ok. Il a le cul le plus bordé de nouilles que j'aie vu.

Avec ce rp, tu nous as posé la situation d'Agon, son acclimatation, s'il parviendrait à tenir dans un monde inconnu à la culture différente du sien. Mais d'un autre côté c'était aussi ton premier rp ! Et force est de constater que les qualités (que ce soit les personnages, le contexte, le récit, le scénario, la constance de l'écriture) dépassent de beaucoup les défauts ! (un texte compliqué, beaucoup de détails)

Normal : 25 points d'expérience (5 de bonus!) + 200 munnies + 3 PS ; 2 en dextérité et 1 en vitesse.
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