Et vlà-ty-pas qu’un de ces jours… je marchais encore dans la plénitude de mon esprit quand j’ai vu, bien au loin, quelques gars qui avançaient dans la même direction que moi. Quelques bonnes centaines de mètres devant moi, ils devaient peut-être six ou sept. Trop loin pour que je puisse bien les voir, je continue à marcher sans chercher d’ennui à personne. Oui j’étais là pour me faire remarquer mais y a la manière aussi… Là où on était c’était encore bien la plaine mais clairement une plaine désertique. Quinze jours que j’avais quitté Tyr et les seuls réapprovisionnements en eau que j’avais eus, c’était auprès de quelques postes de gardes ici et là sur ma route. Au bout d’un moment, je les vois s’immobiliser et je peux jurer que certains se retournent. Je m’arrête aussi, lève un bras genre pour saluer, et j’continue ma route.

En cinq minutes j’étais devant eux. Et c’était genre des p’tits Perses, genre.. le plus grand d’vait faire 1m75. Et ils étaient tous habillés d’une belle robe et z’avaient, pour certains, de sacrés bijoux. Donc c’était pas n’importe qui.


« Salut ! »

Ils m’ont jaugé un instant puis t’en as deux qu’ont parlé, parmi ceux qu’étaient encore plus riches que les autres.

« Bonjour à toi. »

« Bonjour. »

J’ai souri puis j’ai planté ma claymore dans le sol avant de virer ma trans de mon front de ma main droite.

« Fait chaud hein ? »

Rien… sinon un qui a acquiescé. J’pouvais d’viner par contre, à la façon dont deux d’entre eux avaient une main dans le dos, qu’y en avait qui se tenaient prêts à se battre.

« Vous allez où comme ça ? »

« La capitale. » qu’a répondu l’un, toujours le même. Et bon… franchement, gros coup de bol ! Je pensais bien me diriger dans la bonne direction mais ça f’sait bien trois jours qu’j’étais plus sûr à force de plus voir de borne de signalisation. Alors… ouf.

« Oh cool… J’y vais aussi, ça tombe bien ! »

« Que vas-tu y faire, Mède ? »

J’ai… hésité un instant. Déjà parce qu’il m’avait appelé bizarrement mais là j’me suis dit qu’fallait pas qu’j’aie l’air de pas comprendre. Mais aussi parce que j’ai réfléchi et qu’j’me suis dit qu’il valait mieux être honnête… J’étais plus loin du tout des villes persanes.

« J’vais voir Xerxès, le roi. »

L’un d’eux a mis une main sur la poignée de son épée, de façon à ce que je le vois… Et le gars qui parlait, devant moi, s’est vachement approché et était plus qu’à cinquante centimètres. Il avait l’air un peu menaçant.

« Que lui veux-tu ? »

« Euh… désolé j’peux pas dire. »

« Parle, Mède. Nous sommes des immortels. »

Et là putain… j’sais pas ce qui m’a pris. En fait c’est comme quand tu fais dix mille fois le même jeu de mot. Un moment il fait partie de toi et tu vas le faire par réflexe à des moments où il faut tellement pas… Et ici c’était ça. Dans mon esprit, ça a duré une seconde. J’me suis dit, comme j’me dis souvent « Jusqu’à présent j’suis pas mort donc jusqu’à preuve du contraire, j’suis immortel ! » Alors ouais…

« Ah cool, moi aussi ! »

Là, ça a pas duré deux secondes… Ils ont tous sorti leurs armes en un éclair. J’me suis retrouvé avec un arc qui m’visait… deux épéistes qui m’ont attaqué sur mes deux flancs alors que je ressentais déjà la douleur d’une javeline qui s’était planté dans mon ventre, lancé par un quatrième type.
J’ai pas eu la rapidité de voir ce que faisaient les deux autres… j’ai attrapé la lame de l’un des Perses dans ma main enveloppée du gant de fer alors que l’autre épée est venue se planter pas loin de la javeline. Le gars l’a retiré aussitôt et l’a brandie au-dessus de sa tête alors qu’j’mettais genou à terre, une flèche dans mon tibia !

Putain… c’était quoi ces types ?

J’ai lâché l’épée du deuxième gars alors qu’j’voyais à deux centimètres de mon visage la pointe d’une lance… immense genre… trois mètres, sans exagérer. Le sixième type s’approchait, visiblement sans arme… J’bougeais pas. J’voyais cinq gars qui me menaçaient et qui frappaient fort et vite…

Et ouais. C’est sûr qu’à aucun moment j’me disais qu’j’étais foutu. J’pouvais… toujours gagner, j’en étais sûr.

Mais j’allais déguster sévère si j’devais me battre. Ils avaient eu l’initiative et gagnaient une putain d’avance avec ça !
Le gars a la lance, qu’était celui qui m’avait parlé, a repris la parole.


« Si tu étais un immortel, nous l’aurions su au premier coup d’œil ! »

Oh putain. Qu’est-ce j’avais fait ?... Et j’savais pas tellement pas d’quoi il parlait.

« … Ouais. On s’est mal compris. »

« Pourquoi te fais-tu passer pour un immortel ? »

Mes bras sur le sol… j’avais ma claymore à vingt centimètres de moi sur ma droite, et carrément moyen d’la prendre. J’avais pas mal gagné en agilité ces derniers temps… j’pouvais la prendre, m’retourner en évitant certains coups, et avec un coup circulaire, découper trois d’entre eux ainsi qu’la lance du type. Le reste j’les fumais.

« Non j’ai cru que… ‘Fin bref, j’ai merdé. »

« Comment as-tu pu croire quoi que ce soit, Mède ? Tu ignores que tu n’es pas un immortel ? Tu ne sais pas répondre à une question ? »

Il avait comme… un truc dans la voix. C’était un accent assez lent et une voix assez claire, c’était pas moche d’ailleurs. Mais sa manière de parler avait un truc de pas très agréable, comme s’il écrivait de parler comme il aurait écrit. J’sais pas comment expliquer mais en bref y’fsait jamais d’abréviations dans ses phrases… Il prononçait bien chaque syllabe.

« … J’suis pas Mède. »

« … Tu en as tout l’air. Qu’es-tu ? Phénicien ? Scythe ? »

« Pas d’ce monde. »

Ils ont eu l’air méga perplexe. Puis t’en as quatre parmi les six qui se sont approchés les uns des autres… Celui sans arme, un épéiste, le lancier et celui qui m’avait planté un javelot dans le bide… Ils continuaient de me menacer mais en murmurant frénétiquement. J’pouvais entendre ici et là des bribes de truc, genre :

« Il nous mène en bateau ! On devrait l’exécuter pour avoir menti aux Immortels ! »

Ou bien plus tard « J’ai entendu parler des autres mondes lors d’une de mes gardes… »

Au bout d’une minute ils ont r’pris leur position de base.

« Et que veux-tu au Roi ?! Réponds, à présent. »

« J’aimerais lui prouver ma force et le servir. »

Ils m’ont regardé longuement sans rien dire, jusqu’à ce que leur petit chef reprenne la parole.

« … D’accord. »

Ils ont tous baissé leur garde et se sont éloignés de moi. Je les ai vus se déplacer bizarrement, pour qu’au final, ils m’encerclent, sans vraiment me menacer, mais toujours leurs armes en main. Ils étaient chacun à quatre mètres de moi.

« Ok… y’s’passe quoi ? »

« Tu vas te battre contre nous tous jusqu’à ce qu’on soit en mesure de te dire si oui ou non tu es digne de voir le roi. »

J’ai froncé les sourcils, ai regardé mes jambes et mon corps… J’ai arraché la javeline de mon abdomen et l’ai lancé aux pieds du lanceur de javelots et… de mes deux mains, j’ai brisé la flèche qui me transperçait la jambe et d’un coup sec ai retiré les deux bouts.

« On y va sérieux alors ? »

J’ai mis ma main sur la poignée de ma claymore, toujours plantée dans le sol. Si j’y allais à 100%, je pourrais briser le corps d’un de ces types d’un seul coup de poing. Je pouvais bien diminuer la dose juste pour pas tuer mais avec mon arme… j’avais plus le contrôle nécessaire pour l’empêcher de broyer et de trancher un mec. Mais ils prenaient le risque. J’ai violemment saisi ma claymore tout en me dérouillant l’épaule gauche…

« Ok. »

On a du tous savoir que ça commençait à cet instant parce que l’instant d’après, j’me protégeais le visage de mon gantelet de fer, parant une flèche super bien visée… Ils déconnaient pas du tout. L’un des épéistes a foncé vers moi une seconde plus tard, dans mon dos, alors que je me concentrais sur le lancier, reculant pour esquiver ses coups d’estoc. J’ai senti la brûlure de l’acier dans mon dos... J’me suis r’tourné pour filer une tarte au bretteur , d’un revers d’la main gauche. J’l’ai raté… à un point même où dans la confusion j’ai même pas vu où il était. Et vwip. J’ai craché de douleur quand une flèche s’est plantée dans mon dos, just’à a côté de mon omoplate.

« ‘Tain… »

Fallait reprendre l’initiative…
J’me suis retourné vers l’un des épéistes qu’était à trois mètres de moi et j’ai lancé ma claymore vers lui… sauf qu’au moment où elle a quitté ma main, j’l’ai rattrapée par la chaîne qui était attachée à sa garde et qui fait un bon mètre. Ca a agi comme un grappin… Le genre de crochet, d’excroissance au bout de mon arme est venu attraper le gars à la nuque. J’ai tiré comme un dingue et ai ramené la chaîne vers moi, attirant le gars à cinquante centimètres de ma gueule. Trop surpris pour faire quoi que ce soit, et sans doute déjà bien blessé par l’arme qu’est venue lui charcuter le cou, il a pas vu venir mon pied lui éclater le genou dans un craquement trop dégueulasse. Alors que j’allais lui foutre une mandale, j’m’arrête à cause d’une douleur qui m’prend à nouveau au dos…

Bon… le gars était sans doute suffisamment amoché.

Je me suis retourné et ai couru comme un dingue vers le lanceur de javelot qui reprenait une javeline dans ses mains pour lui défoncer sa gueule. Bon réflexe ! Je plonge au sol, fais une roulade, quand je vois que le lancier allait m’embrocher au bout de sa pique. C’était lui qui m’empêchais tous mes mouvements. Je savais comment agir mais à ce moment-là, j’suis menacé par le sixième gars dont j’savais même pas de quoi il était capable. Il s’est posté en un éclair devant moi, les mains devant lui en position de combat, les jambes bien écartées. Moi direct… j’lui envoie mon poing gauche dans la gueule… Y’m fait un truc trop funky ! Y m’attrape mon poignet en pleine trajectoire et dévie à sa droite sans forcer. Ma garde est ouverte, de son autre bras, il m’envoie son coude dans la gorge.

Je pousse un hurlement de douleur étranglé, j’recule d’un pas et balance un coup dans le vide devant moi d’ma claymore, un genre d’attaque horizontale. Il est petit, ça lui sert, il se laisse tomber en arrière. J’peux pas voir comment il se démerde vraiment mais l’instant d’après, il retombe sur ses pattes. J’suis toujours dans la trajectoire de mon cou et bim, il m’envoie un nouveau coup de pied dans la gorge !

Je tousse, j’étouffe et ce mec gère mes bras comme rien. Fallait qu’j’gagne trois secondes… trois putains de seconde, alors j’frappe le sol de mon talon comme un dingue. Ca pète de partout autour de moi, la terre craque, la poussière est soulevée… J’le vois basculer en arrière et tomber sur le dos, et alors qu’j’allais lui enfoncer mon talon dans la gorge, j’sens une lance se planter dans le thorax, dans les côtes.
Je rugis de douleur, j’vois flou un moment… je pète de chaud, j’suis pas du tout au summum de mon agilité avec ma robe de désert là, alors… putain c’était pas de bonnes conditions. J’ai été sonné par la douleur une bonne seconde.
Quand je me réveille, toujours debout, j’sens un métal chaud dans ma main gauche. J’voyais qu’dans ma main, j’tenais la hampe en fer de la lance du gars… Et j’la tenais bien.

Crac, d’un mouvement de poignet, j’ai pété sa lance.

J’vais sur lui la seconde d’après juste après avoir esquivé une flèche… Et là… Upercut gauche, revers gauche, coup de boule, coup de genou droit, coup de pied droit… Il esquive tout sans problème. Y’m faisait d’ces mouvements, comme s’il lisait dans mes pensées, d’ces cabrioles. Au moment où j’allais finir mon combo en écrasant ma claymore sur lui, il dégaine de sa ceinture en un éclair une grande cimeterre et il pare… Et ça c’était une erreur.

J’vois ses genoux ployer direct, son arme qui se casse sous la force de la mienne. Ma claymore finit plantée dans le sol, soulevant un nouveau nuage de poussière, juste entre les deux pieds du type. Il s’est éloigné aussitôt, se dirigeant vers l’épéiste qu’j’avais foutu au sol, sans doute pour prendre son épée.
Ok c’était pas fini, j’ai repéré le lanceur de javelot et l’archer… ils étaient dans deux directions opposées. J’ai fait un grand bond en arrière pour esquiver leur tir et m’suis réceptionné à six mètres de tous ces gugusses… Ils m’encerclaient plus, m’faisaient face pour la plupart. Y en a qu’un qu’est hors-combat, l’autre judoka-là était impeccable… J’savais pas comment mener l’attaque, alors j’ai foncé dans le tas, ma brassière en fer en avant pour parer les tirs, ma claymore traînant derrière moi. J’vois l’archer et le lanceur de javelot qui s’écartent un peu du groupe, j’continue. Y avait le chef qu’avait une épée, un autre avec une épée et le ninja. Je plonge sur le sol, pieds devant, je glisse rapidement sur un bon mètre avant d’arriver juste sous le gars qui se battait à mains nues… Et j’lui balance mon pied dans le menton, le catapultant à trois mètres de hauteur. Là… j’canalise, comme qui dirait, j’me prépare à la douleur et j’encaisse. Deux traits me touchent et une épée me blesse au mollet mais j’parviens à arriver à l’autre épéiste…

Coup de boule, coup de genou dans le ventre, direct gauche sur son flanc, direct gauche dans le visage et j’lui fracasse ma claymore dessus pour finir… J’vois masse de sang, le mec est découpé en deux.

J’m’apprête à enchaîner avec le ninja tombé au sol mais du coin de l’œil j’aperçois le gars qu’fait le chef et qui jette son épée à terre. J’regarde les deux autres qui rengainent leurs armes alors que j’halète comme un fou. J’sens mon palpitant qui… palpite, je transpire de sueur. Ma robe est déchirée de partout, j’ai du sang qui m’coule sur tout l’corps…


« C’est bon ? »

« Nous allons voyager avec toi jusque Persépolis et te présenterons à Xerxès le Grand nous-mêmes, s’il t’accorde une audience. »

« Après… après… »

Le son s’étouffe dans ma gorge… J’regardais le mec que j’avais complètement détruit et celui à qui j’avais pété le genou. Il acceptait de plaider ma cause alors que j’avais tué leur pote ?...

« Vers où allais-tu ? »

« Euh… Persépolis… J’suivais la route. »

« Tu veux marcher jusqu’à la capitale ? »

« C’était mon projet ouais. »

« C’est une route sûre… si tu as trois chevaux. L’un pour te porter et les autres pour le remplacer tous les jours. »

« Et… »

« Autrement, il vaut mieux rejoindre une ville dans les hauteurs, Arbalès. »

Le gars m’a montré un point dans l’horizon. Il parlait de hauteur et il pouvait l’dire… Ca avait l’air beaucoup moins plat qu’par ici.

« C’est le contraire de ma direction, non ? »

« Oui mais de là, nous prendrons un bateau pour descendre le long de l’Euphrate. Nous rejoindrons Babylone. Là-bas, le Satrape nous confiera des chevaux et nous serons à Persépolis dans une quinzaine de jours. »

Moi qui pensais en avoir encore pour un mois… C’était putain de mieux.

« Je suis Namvar. Voici Khojassteh. » Il m’a montré le pugiliste… « Nami. » C’était l’archer.
« Hesam. » L’épéiste, soutenu par Nami, m’a salué de la tête. « Et Arman. » , lui c’était le lanceur de javelots. « Sâm, celui que tu as tué, Khojassteh, Arman et moi sommes des Immortels. »

« Jecht. »

Il s’éloigna un instant pour s’approcher du cadavre de Sâm.

« Nous allons l’enterrer au bord de la route, à présent. Nami, tu es à présent un Immortel puisque Hesam est présentement incapable de se battre. Navré Hesam mais tu connais les règles. »

« Toujours Dix mille, oui. »

J’les ai aidés à enterrer le mec… Et v’la une sensation bizarre. Enterrer un mec que j’avais sauvagement tué, c’était une première. Et bon, note à moi-même… La prochaine fois, Jecht, étouffe-le… Ou une autre méthode un peu plus propre que de séparer son corps en deux…

Après ça, on s’est dirigé vers les hauteurs. Pour la première fois depuis des semaines, j’avais vraiment l’impression d’avancer. C’était un peu comme si jusque-là, j’étais pas trop certain d’arriver au bout d’un voyage de deux mois, mais là, c’était comme si j’y étais déjà… ou comme si ça devenait facile.