Ses mains jointes pressées entre ces deux cuisses, ses doigts effleurant la soie de sa robe de soirée bleue que lui avait confectionnée Aster la veille, Lulu fixait la voute céleste avec une concentration étrange. Régulièrement elle détachait son regard des étoiles pour chercher la fée blanche dans la petite maisonnette où elle avait élue domicile. Son amie d’infortune l’avait beaucoup aidée à la rendre plus confortable. Les nuits étaient chaudes, aussi bien riches en feu qu’en couvertures. A vrai dire, Aster ne l’avait pas quittée depuis hier. C’était… quelque chose qu’elle avait deviné alors qu’elle était encore en prison, quelques jours auparavant… Dans l’élaboration audacieuse et ambitieuse de son plan, elle imaginait à ce moment précis la fée à ses côtés.
Lulu était une femme difficile à vivre en tous lieux et en toutes circonstances mais s’efforçait de rester cordiale, voire agréable, auprès d’elle. Car ce soir, elle était et devait être là, avec elle… dans ce qui allait être la nuit la plus importante de sa vie, du moins jusque-là vécue.. La soirée de son évasion elle-même n’avait pas eu autant d’enjeu, bien que l’angoisse éprouvée était… à tout propos ineffable. En cet instant, la sorcière était aussi sereine qu’elle pouvait l’être en de pareilles circonstances, alors que ses alliés risquaient tous leur vie.
Alors qu’une nouvelle fois ses yeux revenaient à son niveau, elle balaya à quelques reprises la pièce d’un regard, à la recherche de la traînée blanche d’Aster qu’elle distingua aussitôt à hauteur du lit à baldaquin qu’elle avait, d’un coup de sa baguette, fait apparaître. La sorcière la dévisagea quelques secondes à la recherche d’une émotion, jusqu’à ce que son amie réagisse.
« Qu’y a-t-il, Lou ? »
Lulu hocha la tête légèrement.
« Mon… intermédiaire devrait être à mi-chemin. J’y pensais seulement. »
« Et bien ! Que pouvons-nous y faire, sinon nous morfondre d’inquiétude ? » répliqua légèrement ce minuscule corps de son exubérante voix.
« Tu as raison. »
Et pourtant, il était rationnel de penser au déroulement des choses. Quelques heures auparavant, pas très loin de la bicoque, elle avait confié à un mercenaire de confiance la livraison d’un colis déterminant pour l’avenir du Sanctum : la composition du poison de l’apothicaire originaire de Sherwood avec qui elle avait partagé une prison ainsi que des moments pénibles, ce même poison coupable de la mort d’une centaine de brigands dans son monde d’origine… En somme, une arme aussi terrible qu’indétectable dont devait se servir le Sanctum, selon ses propres dires, contre Swain et ses hommes.
« Merci de ne pas avoir tenté de m’en empêcher. »
« Oh je… j’ai essayé de te convaincre. »
« Assez peu. Tu as respecté mon choix, n’est-ce pas ? »
Les sourcils froncés, la sorcière regardait Aster avec intérêt tandis que cette dernière se trémoussait, bercée frénétiquement par ses ailes battant l’air. Avec un sourire imperceptible tant il était petit, et pourtant plus éclatant que n’importe laquelle de ces étoiles, elle finit par répondre d’un rire.
« Respecté, c’est très vite conclu ! »
« Non c’est vrai. Tu n’étais pas contente. » affirma la sorcière, d’une voix plus froide, plus lente aussi.
« A raison. Les fées ne peuvent pas faire de mal, tu le sais bien. »
Lulu acquiesça, laissant apparaître au coin de ses lèvres l’ombre d’un sourire. Si elle n’avait pas peur de la suite des choses, c’était parce que son plan ne pouvait vraiment échouer. Les plus gros risques que le Sanctum encourait, sinon l’abandon de ses principes et de sa conscience pour pouvoir accomplir sa quête, était que Swain survive à cette attaque… Quand bien même cela aurait été le cas, il serait meurtri à jamais et bien incapable de retrouver son influence d’autant.
Et bien sûr, il y avait des risques de pertes dans les rangs du Sanctum. Et il n’y avait rien d’heureux à le dire, bien que ce fusse la vérité, mais les templiers et les paladins étaient préparés à tout cela. C’était ce pour quoi ils avaient rejoint un des deux corps militaires.
« Tu choisis bien tes mots, aujourd’hui. »
« Que veux-tu dire ? »
« Oh… » soupira Lulu, avant de reprendre lentement sa respiration, ses yeux repartant à la recherche d’une étoile. « Simplement que c’est… ironique. A croire que parce que je suis devenue une sorcière et non une fée comme toi, le droit de faire le mal m’appartient. »
« Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire mais… » une nouvelle fois, Aster sourit et sur le ton d’une plaisanterie poursuivit aussitôt « maintenant que tu le dis, ce n’est pas faux ! »
« Sans doute oui. Je me demande simplement où s’arrête cette interdiction que vous avez de faire le mal. Est-ce juste la magie noire qui vous est interdite ? » prononça Lulu sans détacher ses yeux de l’espace. « Ou parle-t-on du mal en ce qu’il est un point de vue ? »
Une voix hésitante répondit au bout de longues secondes de silence : « Le mal absolu. »
Mar 30 Aoû 2016 - 17:24Lulu était une femme difficile à vivre en tous lieux et en toutes circonstances mais s’efforçait de rester cordiale, voire agréable, auprès d’elle. Car ce soir, elle était et devait être là, avec elle… dans ce qui allait être la nuit la plus importante de sa vie, du moins jusque-là vécue.. La soirée de son évasion elle-même n’avait pas eu autant d’enjeu, bien que l’angoisse éprouvée était… à tout propos ineffable. En cet instant, la sorcière était aussi sereine qu’elle pouvait l’être en de pareilles circonstances, alors que ses alliés risquaient tous leur vie.
Alors qu’une nouvelle fois ses yeux revenaient à son niveau, elle balaya à quelques reprises la pièce d’un regard, à la recherche de la traînée blanche d’Aster qu’elle distingua aussitôt à hauteur du lit à baldaquin qu’elle avait, d’un coup de sa baguette, fait apparaître. La sorcière la dévisagea quelques secondes à la recherche d’une émotion, jusqu’à ce que son amie réagisse.
« Qu’y a-t-il, Lou ? »
Lulu hocha la tête légèrement.
« Mon… intermédiaire devrait être à mi-chemin. J’y pensais seulement. »
« Et bien ! Que pouvons-nous y faire, sinon nous morfondre d’inquiétude ? » répliqua légèrement ce minuscule corps de son exubérante voix.
« Tu as raison. »
Et pourtant, il était rationnel de penser au déroulement des choses. Quelques heures auparavant, pas très loin de la bicoque, elle avait confié à un mercenaire de confiance la livraison d’un colis déterminant pour l’avenir du Sanctum : la composition du poison de l’apothicaire originaire de Sherwood avec qui elle avait partagé une prison ainsi que des moments pénibles, ce même poison coupable de la mort d’une centaine de brigands dans son monde d’origine… En somme, une arme aussi terrible qu’indétectable dont devait se servir le Sanctum, selon ses propres dires, contre Swain et ses hommes.
« Merci de ne pas avoir tenté de m’en empêcher. »
« Oh je… j’ai essayé de te convaincre. »
« Assez peu. Tu as respecté mon choix, n’est-ce pas ? »
Les sourcils froncés, la sorcière regardait Aster avec intérêt tandis que cette dernière se trémoussait, bercée frénétiquement par ses ailes battant l’air. Avec un sourire imperceptible tant il était petit, et pourtant plus éclatant que n’importe laquelle de ces étoiles, elle finit par répondre d’un rire.
« Respecté, c’est très vite conclu ! »
« Non c’est vrai. Tu n’étais pas contente. » affirma la sorcière, d’une voix plus froide, plus lente aussi.
« A raison. Les fées ne peuvent pas faire de mal, tu le sais bien. »
Lulu acquiesça, laissant apparaître au coin de ses lèvres l’ombre d’un sourire. Si elle n’avait pas peur de la suite des choses, c’était parce que son plan ne pouvait vraiment échouer. Les plus gros risques que le Sanctum encourait, sinon l’abandon de ses principes et de sa conscience pour pouvoir accomplir sa quête, était que Swain survive à cette attaque… Quand bien même cela aurait été le cas, il serait meurtri à jamais et bien incapable de retrouver son influence d’autant.
Et bien sûr, il y avait des risques de pertes dans les rangs du Sanctum. Et il n’y avait rien d’heureux à le dire, bien que ce fusse la vérité, mais les templiers et les paladins étaient préparés à tout cela. C’était ce pour quoi ils avaient rejoint un des deux corps militaires.
« Tu choisis bien tes mots, aujourd’hui. »
« Que veux-tu dire ? »
« Oh… » soupira Lulu, avant de reprendre lentement sa respiration, ses yeux repartant à la recherche d’une étoile. « Simplement que c’est… ironique. A croire que parce que je suis devenue une sorcière et non une fée comme toi, le droit de faire le mal m’appartient. »
« Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire mais… » une nouvelle fois, Aster sourit et sur le ton d’une plaisanterie poursuivit aussitôt « maintenant que tu le dis, ce n’est pas faux ! »
« Sans doute oui. Je me demande simplement où s’arrête cette interdiction que vous avez de faire le mal. Est-ce juste la magie noire qui vous est interdite ? » prononça Lulu sans détacher ses yeux de l’espace. « Ou parle-t-on du mal en ce qu’il est un point de vue ? »
Une voix hésitante répondit au bout de longues secondes de silence : « Le mal absolu. »