Ca y est. Finalement j’y étais… Après des mois d’errance, des semaines de douleur… Après avoir donné de tout mon corps et de toute mon âme pour accéder à mon but, j’y étais enfin. Et j’dois avouer que sérieux, j’avais juste douté pas mal de temps. Genre « est-ce que j’en suis capable ? Est-ce que je vais y arriver ? ». Moi j’voulais pas perdre mon temps mais l’enjeu était tellement attirant.

J’y étais arrivé. Pamela était enfin folle de moi. Elle était juste devant moi, genre… avec sa tenue échancrée mais… encore plus quoi. C’était plus un décolleté, c’était un panorama. Et elle me regardait avec ses yeux absolument raide dingues.

Un moment, c’est allé trop vite, on s’est retrouvé serré l’un contre l’autre dans l’arrière-salle du Centurio. Ouais on avait été maladroit. Comme par hasard, on s’était planqué dans le seul endroit du bar où y avait à peine de place pour qu’on s’y tienne à deux. Sa poitrine contre mon corps, mes mains qui remontaient sa taille, nos haleines à l’eau qui se mélangeaient. J’devrais pas le dire par respect envers elle mais on peut le dire, elle était bonnasse.


« Ca fait longtemps que j’attendais ça. »

« S… sérieux ? »

Putain j’y croyais tellement pas. J’la draguais depuis deux ans, dès qu’j’la voyais… et j’la voyais pas grand-chose, c’était comme si elle me fuyait. Puis elle s’était barrée au Consulat donc j’en avais conclu qu’elle en avait marre qu’j’la colle. P’tête qu’elle était goudou, j’en savais rien moi. Ca changeait pas tellement les choses pour moi… Elle peut être goudou, j’suis ouvert.

« Serrée tout contre le Grand Jecht… Mmmm… »

vWoh mais j’allais faire un arrêt cardiaque, c’était mille fois trop sensuel comme situation là ! Elle me regardait, c’était un de ces machins… Les plantes sur le corps plus les cheveux roux plus une poitrine pas franchement ninja plus un regard comme ça, non mais… [/i]

« Euh… Ouais. »

J’ai pris un air confiant et tout. Bon j’l’étais ! ‘Fin j’veux dire, j’allais pas me débiner juste parce qu’elle était trop hot ! Non ça va… ça allait jaser et…
Merde j’sais même pas pourquoi j’parle de ça, j’avais tout sauf envie d’être ailleurs !


« J’vais te manger tout cru. »

Elle avait l’air super sérieuse quand elle m’a dit ça. Elle s’est collée encore plus à moi et a approché ses lèvres de mon cou.

« Euh… ouais… dévore-moi. »

« Tu veux  bien ? »

… Quelle question, l’était complètement conne ou…

Elle a commencé à mordre mon cou. Bon.

Au début, c’était pas un problème. Après ça a commencé à faire mal. Bon !
Un moment c’est limite si j’ai pas senti du sang couler, là j’me suis écrié « Woh du calme ! »

Elle recule légèrement. Et là, vous m’croyez ou pas, son visage avait changé… Une putain de tête de plante carnivore. Le corps toujours le même mais la tête c’était un gros truc vert avec des dents !


« Hey c’est quoi c’truc ?! »

Trop tard, elle avait capturé sa proie… Elle m’a mis à terre et s’est ruée sur moi ! Je criais !  J’criais mais personne m’entendait !

« Elle va m’dévorer, cette connasse ! »

J’me suis écrié ça… super fort, en me réveillant. J’ai vu dix… vingt ou peut-être quarante mille regards sur moi. J’les ai regardés en mode « putain vous êtes qui ? ».
J’saisissais pas. Bon un moment j’ai compris qu’j’avais juste rêvé… Et j’hésitais encore entre la déception de me réveiller en constatant que je n’avais toujours pas ploté Pamela… et le soulagement d’être en vie.

Mais en-dehors de ça, j’saisissais pas où j’étais. C’était comme… une salle hyper sombre. Y avait une dizaine d’autres mecs avec moi, tous ligotés et tous fâcheusement black.


« Qu’est-ce vous foutez là ? »

Ils ont rien répondu. J’ai un peu regardé les murs… J’étais pas complètement con, j’avais l’habitude des bateaux. On était dans une cale. Bon… Et genre fond-de-cale. Le plafond, il était à un mètre du sol. J’pouvais pas me lever. Ma seule possibilité était de faire une blague raciste… mais j’étais pas sûr d’assumer plus tard donc j’ai décidé de rien dire.

« Euh… Pablo espagnol ? »

… Non visiblement ils connaissaient pas non plus.

« Bon… »

J’ai décidé de rien faire. J’aurais pu défaire mes liens mais voilà… je comptais un peu sur ma chance. Ouais j’me souvenais de c’qui s’était passé. J’m’étais battu contre un sans-cœur balèze, j’avais décidé, en ayant bien réfléchi, de déclencher une avalanche… et bah… j’étais vivant. C’tait déjà bien.

Putain j’suis quand même super costaud.

J’ai attendu… facile cinq heures. Je me suis reposé pendant ce temps… f’sant bien gaffe de pas me rendormir. J’avais les chocottes de voir Belle à moitié à poil se transformer en la bête et me bouffer le foie.
Puis un mec est arrivé, genre basané un peu comme moi. Avec un fouet, il m’a transmis un message qui ressemblait à « Monte sale merde ». Il m’a délié les mains. En vrai j’comprenais ce qu’il disait mais y’m parlait jamais à moi. En quelques minutes, j’me suis retrouvé assis sur un banc… à côté de mecs torse nus… derrière et devant des mecs torse nus. Et j’aurais pu dire « ouais finalement, j’veux bien que Pamela me bouffe le cul » mais alors d’une, c’était super vulgos… De deux c’était pas du tout homo.

J’devais ramer. Ouais. F’sait super chaud. Mais franchement ça me dérangeait pas. J’avais marché pendant des semaines dans le froid. Ok c’était un bon entraînement mais j’étais engourdi de partout. Pouvoir me dérouiller en ramant comme un dingue, c’était limite cool pour moi. Et bon j’vous dirais bien que la galère a accéléré d’à peu près cent kilomètres à l’heure grâce à moi mais j’aime pas m’la péter. Par contre en peu de temps, tous les mecs à côté de moi ont été mis ailleurs parce qu’ils servaient à rien, le mec au tambour l’avait bien vu.

Et des heures comme ça, on a ramé.

Alors ouais, une avalanche dans la gueule, en plus. J’avais l’impression d’avoir pris cinquante ans, alors j’vous mens pas, j’ai bien mis cinq heures de plus avant de m’inquiéter d’où on allait ; Ca c’était mon côté culturiste, j’pense. J’étais dans la dépense.

Mais un moment, tout en ramant, j’finis par me retourner vers trois gars sur une rame et ils m’ont dit qu’on se dirigeait vers Tyr. Puis moi j’savais pas tellement où c’était. M’ont expliqué et c’était le bonheur, carrément ma direction.

… ‘Fin pour eux c’était pas le bonheur mais voilà bon.

Les mecs, ils disaient que c’était des Phéniciens. Alors moi au début j’étais emmerdé, moi j’voulais aller chez les Perses. Sauf que ahah… Les Phéniciens, qui m’ont expliqué, étaient sous la domination des Perses.

V’là mon programme… J’allais chez ces connards de marchands à Tyr puis j’me dirigeais direct vers Persépolis et à moi la gloire. Et puisque là, ces enfoirés m’avaient pris mon arme et mes sous, bah j’allais les démonter.

La traversée a encore duré trois jours. Trois jours durant lesquels je me suis quand même demandé comment j’étais arrivé dans ce navire. J’ai pu comprendre qu’un mec m’avait trouvé et ramené à Attalia… Et que les mecs dans la ville m’avaient refilé gratos à une de ces galères pour pas devoir me nourrir et tout. Du coup on pouvait dire que j’avais de la chance.

Et finalement j’avais décidé de faire ça bien. Alors le dernier jour, vraiment quand on arrivait au large de Tyr, je me suis glissé dans la cabine du proprio du navire alors qu’je devais nettoyer le pont. J’étais tellement beau gosse pour ramer, et tellement volontaire, qu’y avait pas trop d’souci pour qu’à quelques moments j’disparaisse pour pioncer. Je me suis retrouvé devant le petit gros qu’j’avais du voir deux fois du voyage… J’ai fermé la porte derrière moi.


« Retourne au labeur, esclave, ou je te fais…

Il s’est interrompu quand je me suis approché de lui et de son gros cul installé dans un fauteuil. Je l’ai pris par le col, ai pris son nez entre trois de mes doigts, et je l’ai cassé d’un mouvement de poignet… Direct j’ai mis ma main sur sa bouche pour qu’il crie pas trop fort… Je l’voyais pleurer de douleur.

« Ta gueule. »

C’mec avait rien du Perse cool que j’imaginais. Dans ma tête, un Perse c’était… barbu, grand, élancé et c’était genre un méga dur de la castagne. Cui-là avait même pas une barbichette… D’un autre côté c’était un Phénicien mais n’empêche.

« Où sont mes affaires ? J’me tire. »

J’l’ai relâché sur son fauteuil, il pleurait de douleur… Il m’a montré un coin où y avait mon sac et mon arme… Le temps que je commence à chercher, il était déjà en train de courir vers la porte de sa cabine. J’l’ai entendu, sans pression, gueuler après un de ses soldats… Le mec, j’l’ai même pas regardé, j’lui ai balancé un objet lourd qu’était pas trop loin, genre une table ou une armoire. Puis j’ai trouvé tout. J’ai rattrapé le petit gros pour récupérer mon fric et… J’ai plongé à l’eau.

Le reste, j’l’ai fait à la nage. Y restait pas loin de deux cent mètres.

Et Tyr c’était genre pas la dernière tapette pour son port. C’était beaucoup plus grand que Port Royal, puis c’était des navires de guerre de dingue. Alors y avait pas de canon mais c’était impressionnant. Et il s’avérait que Tyr était en fait une petit île pas loin du continent et que… le port faisait quasi tout le bord de l’île.

J’suis remonté sur le bord avec toutes mes affaires… Direct, j’me suis dit que Tyr c’était impressionnant… Une sorte d’arène pour les chevaux, des putains de colonnades partout… J’ai marché dans la ville un peu sans savoir, j’devais refaire le plein de bouffes. J’suis passé à côté de plein de trucs, des sortes de bains publics comme les Grecs y avaient aussi ou encore de ces chemins avec plein de bâtiments et de statues représentant des sortes d’homme-taureaux.

Malgré ça j’étais un peu déçu. Première ville que j’voyais et toujours pas quelque chose d’un peu péchu au niveau de la Persitude. Franchement j’m’attendais à un truc un peu… classe, bestial. Genre des arènes un peu partout, des bordels à chaque coin de rue et tout le truc avec. Pas qu’j’étais v’nu pour le bordel, non mais c’est une question d’ambiance.

J’ai marché pendant une bonne heure dans la ville, le temps d’acheter des vivres et de m’y retrouver. Et c’est à peu près après tout ce temps-là que des gardes se sont rapprochés de moi. Au début j’en vois deux devant moi, j’m’attends à rien. Puis j’me retourne et j’vois deux autres dans mon dos.

Les mecs étaient marrants. J’dis que ce sont des gardes pasqu’ils avaient un bouclier et une pique mais en vrai… pour le reste, on aurait dit autre chose. Ils avaient une longue tunique bien tape à l’œil, pas d’armure et des bijoux.


« Quel est ton nom ? »

« … Jecht. Je m’appelle Jecht. »

« D’où viens-tu ? » [/color]

Ils étaient pas franchement menaçants, ça ressemblait à un contrôle de routine.

« Euh… des montagnes près d’Attalia. »

« D’accord. Tu dois venir avec nous, le Satrape doit te questionner. »

« Le quoi ?... »

Ils m’ont regardé curieusement. J’ai ri nerveusement en mode « j’ai rien dit » puis j’les ai suivis… J’avais aucune idée d’où j’allais mais… à croire la gueule du bâtiment où ils m’ont amené, c’était un truc assez sympa, genre le palais du roi. Et Banco, c’était ça… ou vite fait ça. Ils m’ont amené devant un mec, assez petit, assez gros, assez pété de tunes. Le mec était assis sur son p’tit trône et y avait toute une clique avec lui. Et juste à côté de moi, un mec, le marchand du bateau à qui j’avais pété le nez.

« Euh… »

« Satrape ! »

Le p’tit gros a levé une main pour réclamer le silence et au bout de quelques secondes, a dit calmement.

« Mattan… »

… J’comprenais rien, y z’avaient changé de langue ou … ?

« Mattan... Cet homme m’a volé et m’a cassé le nez. Il a aussi blessé un de mes hommes. »

« Je vois. Jecht, est-ce vrai ? »

« Euh... J’l’ai pas volé, j’ai récupéré ce qui m’appartenait. C’est lui qui m’a volé. Pour le reste, c’est super vrai. »

L’espèce de roi a acquiescé.

« Tout ce qui est sur mon bateau m’appartient, Mattan ! »

« Ouais, facile… Il m’a foutu sur son bateau sans franchement me demander ! »

« Un vagabond, Mattan ! J’en ai fait un esclave, l’ai fait soigner de ses blessures, l’ai nourri comme un fils ! »

Là un mec à côté de Mattan s’est levé. Il était différent. Sa tenue était super riche, il avait des bijoux de dingue avec des pierres précieuses et tout. Et sa peau était un peu plus sombre, c’était pas le même délire.

« L’esclavage n’est pas autorisé depuis Darius. »

… Ouais. J’captais pas avec tous ces noms. Sauf que Mattan, là, il avait pas l’air tout à fait d’accord.

« Je suis d’accord, inspecteur… Mais les traditions sont dures à déraciner. Je ne peux saboter l’économie de Tyr en une année, les choses doivent être faites progressivement. »

Bon pour le coup ça m’arrangeait pas mais j’ai quand même trouvé le tableau bizarre. J’étais dans une pièce devant un roi… On m’avait pas demandé de m’agenouiller devant lui. Puis, le mec m’appelle par mon prénom, il m’écoute et quand y a un mec qui vient lui dire un truc, il l’envoie pas chier, il lui parle comme son égal.
Ca m’avait pas l’air d’un roi, en fait.


« Certes. »

« Je voyage, monsieur. »

« Mattan. »

« … Ouais, Mattan. Je voyageais quand ils m’ont ramassé. Alors j’les remercie de m’avoir soigné mais c’est genre absolument pas question de d’venir un esclave. »

« Continue. »

« Alors… bah… J’ai été un peu violent quand j’ai repris mon arme et mes affaires mais c’était légitime, non ? »

« … Continue. »

« Euh… bah je veux pas de problèmes, moi, j’vais quitter Tyr très vite. »

« Où vas-tu ? »

« Persépolis. »

« Bien. Comme l’a dit Cyrus II… Pour tous les individus, la garantie de liberté, de religion et de circulation. Il ne t’appartenait pas de faire de cet homme ton esclave simplement parce qu’il vagabondait. »

« Mais il a blessé mon honneur et un de mes hommes !»

« Certes. Comme tu as fauté toi aussi, vous êtes tous les deux pardonnés. »

Pfiou… Moi qui m’voyais déjà défoncer la moitié du palais pour me casser. J’pouvais compter sur ma chance : j’ressemblais visiblement assez à un Perse pour qu’à aucun moment on suspecte que je puisse venir d’ailleurs. Ca allait me servir un moment.

« Merci Mattan. »

Ils m’ont laissé partir… Je suis sorti de la ville et suis arrivé aux côtés en un peu moins d’une heure. J’voyais de la flotte sur un kilomètre avant d’arriver sur la terre… puis y avait une route. Allez, on se rapproche !