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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Tout Paris se bouscule sur le parvis de la cathédrale. Les croyants fourmillent entre les marchands qui hurlent à la lune. Les quêteurs se fondent avec le pavé et les gens passent leur chemin sans même abaisser leur regard. Un peu plus loin, des prédicateurs se mêlent à des femmes de joie, elles-mêmes dissimulées dans la foule pour échapper à l’œil affuté des gardes de la place de Notre-Dame. Devant ce spectacle humain, aussi grouillant soit-il, Sazh est accoudé sur l’étal d’un commerçant, immobile, immuable même. Il observe l’animosité de la ville, puis les hautes tours de la cathédrales. À cette heure de la soirée, le sommet des beffrois se perdent dans les ténèbres, donnant à tous l’impression que l’église se dissipe haut dans le ciel.

Dans quelques minutes, Sazh devra cesser ses pérégrinations pour affronter les routes stellaires : une autre soirée de travail à essayer de meubler des conversations avec des inconnus qui n’ont pas vraiment envie de parler, une autre soirée à voyager entre les mondes sans prendre le temps de se perdre dans l’un d’entre eux. D’un mouvement un peu las, il se redresse au moment même où le clocher sonne le glas des vingt heures. Il se remet à cheminer dans la masse, à essayer de se frayer un chemin sans importuner la populace. Il emprunte une ruelle sinueuse, puis une avenue à peine pavée. Il zigzague sans trop s’orienter jusqu’à finalement atteindre sa destination quelques minutes plus tard.

Devant ses yeux se dessine un bâtiment gigantesque, une ancienne prison pour tous les criminels et les vauriens de Paris. Aujourd’hui désaffecté, l’édifice a été acheté par la Shinra, qui en a fait un autre de ses hangars. De l’extérieur, l’illusion est parfaite : on ne se doute pas que de l’autre côté de ses murs, un monde presque anachronique se met en place. D’un côté, la misère d’un peuple accroché aux lèvres d’un vicaire; de l’autre, une baie d’arrimage où valsent des vaisseaux et des technologies qui dépassent l’entendement du bas peuple. Sans attendre donc, Sazh pousse l’une des énormes portes et pénètre dans le bâtiment. Le silence prend des allures de concert de moteurs et de turbines.

En saluant des mécaniciens qui s’affairent sur les ruines d’un vaisseau, il se dirige vers le terminus principal, où est ancré son propre bolide. Les lieux sont presque vides : peu d’aventuriers ont décidé de braver l’inconnu en cette veillée un peu morne. Un vieux monsieur somnole sur un banc alors qu’une petite famille s’élance dans une mélodie d’adieux et d’au revoir. Sazh soupire : cette scène lui rappelle qu’il a perdu la sienne, sa famille. Il n’en porte néanmoins pas attention plus longtemps et décide de faire face à la dure réalité. Il se faufile entre des pilotes et se réfugie dans le cockpit du véhicule. Il respire un moment, longtemps, avant d’ouvrir le hublot et de balayer le terminus du regard. Il aperçoit un garçon – presque un homme en fait – dans un accoutrement des plus particuliers. Décidément, ce jeune homme est prêt à fouler n’importe quel champ de bataille. Dans son regard, une ferveur timide fait lueur.

« Eh, bonhomme, tu vas où ? 125 munnies et je t’amène où tu veux, tant que c’est pas à Port-Royal. Je déteste ces foutus pirates. »

La voix de Sazh résonne dans tout le hangar, faisant écho sur les murs ancestraux du bâtiment. D’une valse manuelle, il met ensuite en marche les moteurs de son véhicule et active le mécanisme qui ouvre la portière. Il fait signe au garçon d’avancer.

« Je suis Sazh, à ton service pendant le périple de ta vie. On va où ? »
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Fabri avait trouvé la gare, après un détour qui s'était rallongé. Et il ne s'était pas rabaissé à demander son chemin, non merci. Il connaissait les lieux, quand même. Même si les lieux qu'il connaissait avaient.... Il n'avait pas vraiment de mots pour qualifier ça. Prenez la rue qui allait de chez Marie – enfin, de chez son père, quand c'était encore chez son père, elle conduisait aux quais, et de là, on pouvait atteindre ce bar où son père -le sien, à lui, allait de temps en temps après son service, comme tous les autres soldats. Seulement le bar avait été rasé, et la rue avait été coupée en son milieu, et une place trônait en son centre, avec une fontaine représentant Uranie, la muse de... La muse de quoi, déjà ? C'était déjà un miracle qu'il ait son nom en tête.

Il n'avait pas envie de penser à quoi que ce soit à ce moment précis, alors son chemin passait vraiment pas en premier sur la liste de ses priorités. Voir cette forme éthérée au milieu de la place, entourée de jets d'eau, éteints, les bras ouverts, embrassant le ciel du regard. Ça devait bien être la muse des étoiles, celle là, non ? De l'astronomie, tout ça. Un échafaudage était solidement arrimé aux bâtiments sur la gauche de la place, et la statue elle-même était en cruel manque de finition. Le consul de la sculpture avait plutôt intérêt à se bouger le derrière.

Ils pouvaient pas tout reconstruire comme avant ? C'était du vice. Même si les rues étaient claires, neuves et pleines de vies, au moins autant comme avant, c'était pas pareil. Pas exactement. Aucun des visages de ces gens n'étaient ceux dont il se rappelait. Ces dizaines de visages qui lui revenaient à l'esprit ; des amis, des connaissances, de la famille. De tous ceux-là n'était restés que Marie, qu'il venait de quitter sur un signe de tête entendu, une poignée de main et un au revoir des plus étranges. Lui qui pensait avoir quitté tout cela, il se sentait rattrapé par son passé qu'il pensait avoir depuis longtemps dépassé, sinon simplement piégé dans une abîme, entre l'époque actuelle et ses souvenirs. Il y avait un malaise présent dans son esprit et, même si ce dernier était concentré au possible vers les progrès qu'il venait tout juste d'accomplir en vue de sa mission au Domaine Enchanté, il ne pouvait pas s'empêcher de voir une ombre au tableau.

Alors que le soleil déclinait et que les rues se vidaient, il arrivait enfin à la gare. Il ne pouvait pas se tromper, il n'y avait qu'une seule gare dans les environs. Notre-Dame sonna, faisant s'envoler les oiseaux sur son parvis, dans son clocher. Tant qu'il avait la cathédrale en vue, il ne pouvait pas être sur la mauvaise voie ; la vue des deux beffrois noir en contraste avec le ciel était une vue rassurante.

Cela dit sachant qu'il s'était déjà trompé deux fois, une erreur de plus ne pouvait pas le mener plus loin qu'il ne l'était déjà. Il avait parcouru cette route des dizaines de fois, quelques années auparavant. Et cette pensée n'avait rien pour le rendre de meilleure humeur.

Il était tard, et le soleil avait entièrement disparu sous l'horizon, les lambeaux de ciel tranchés net par le métal du toit étaient désormais d'un bleu violacé. Le vaisseau qu'il espérait attraper partait sur les coups de 19h15, ou 20 même, s'il était aussi ponctuel que celui du Domaine.

« Putain.... » songea le jeune homme. Il avait entendu les vingt heures sonner, il n'y avait pas vingt minutes.

Bon, solution de repli. Il était dans la merde. Il s'était arrêté sur un des quais, honnêtement, il n'aurait pas su dire lequel.

Ce lieu ne lui était pas familier. Spacieux, métallique. Il aurait pu considérer ce lieu comme un injure, et en réalité, c'était le cas. Il était tout sauf un esthète, et la beauté était pour lui quelque chose de trop abstrait. L'écart de technologie entre l'extérieur et l'intérieur du bâtiment était flagrant. Il ne pouvait s'empêcher de trouver dans cette heure entre chien et loup, entre cette clarté étrange, ces voyageurs allant d'un point à un autre, quelque chose d'agréable à regarder. Ça valait pas les soldats qui essayaient de fuir Cassandra Pentaghast et ses heures sup' en hiver mais c'était sympa.

« Eh, bonhomme, tu vas où ? 125 munnies et je t’amène où tu veux, tant que c’est pas à Port-Royal. Je déteste ces foutus pirates. »

La voix le tira de ses pensées. Quoi ? Le temps de réaliser que cette personne s'adressait à lui, et encore plus, le temps se lever les yeux vers ladite personne dans son vaisseau, il y avait eu le temps pour que la Coalition Noire détruise un monde.  

Il n'eut pas le temps de répondre, que déjà l'homme, qu'il détailla dans les grandes lignes comme étant plus âgé que lui et avec une coupe de cheveux défiant la gravité, se présenta comme Sazh, avait déjà commencé à lui parler du périple de sa vie comme un pirate promettait monts et merveilles à son équipage qui crevait la dalle après trois mois sans rapine.

« Je vais au Domaine Enchanté, c'est sur ta route? »

Pas de 'je me suis perdu' ou de 'j'ai pas vu l'heure', Fabri ne s'était même pas perdu de toutes manières. Sans chercher à attendre la réponse de Sazh, il monta dans le vaisseau.

125 munnies, ça allait encore.
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Juste au-dessus du cockpit, un taxi fend l’air. Par la portière ouverte, Sazh n’aperçoit qu’un père et une mère sans leurs enfants. Des larmes timides coulent le long des joues de la femme, alors que l’homme reste impassible comme un mur infaillible; mieux, comme le roc inusable des châteaux du Domaine. À la lumière des néons, on voit parfois passer un peu de nostalgie dans le creux du regard du père, courbant ses lèvres d’une façon presque imperceptible. Cette scène atteint Sazh en plein cœur, qui se contente de laisser un tomber un soupir long, brisant le silence et la fausse quiétude du terminus. Décidément, certaines plaies saignent toujours.

D’un geste de la main, Sazh invite le garçon qu’il a interpellé un peu plus tôt à s’avancer. Ce dernier s’exécute sans attendre. Au moment où il prend place sur le siège du passager – comme s’il avait le choix –, une étrange atmosphère s’installe dans le vaisseau. Et sans hésiter une seconde de plus, le pilote glisse ses doigts sur l’interface du véhicule, ferme les portières, ouvre les turbines et active les systèmes de ventilation pour un voyage de première classe. Ce n’est que lorsque le vaisseau se détache de la baie d’arrimage que Sazh prononce enfin quelques mots :

« Écoute, tant que tu paies, que t’es poli et un peu propre, on peut aller jusqu’à la fin du monde si tu veux. Attache ta ceinture, bonhomme, on part. »

Alors que le véhicule est en pleine ascension, la toiture du bâtiment s’entrouvre, faisant paraître les craintifs rayons de la lune. Avant de s’engouffrer dans l’espace intersidéral, Sazh profite de l’instant pour planer juste au-dessus du parvis de Notre-Dame-de-Paris. Peu à peu, la place se vide, les marchands remballent leurs produits, les passants retournent au bercail et les filles de joie s’enfoncent dans les entrailles de la ville. À cette hauteur, les citadins sont minuscules, comme des fourmis qui se terrent dans leur repaire. À cette hauteur, plus haut même que les beffrois de la cathédrale, Sazh a l’impression d’être le Dieu dont parlent tous ces fidèles.

Lorsqu’il juge le moment opportun, le pilote fait demi-tour et traverse le portail qui propulse le vaisseau là où les étoiles flirtent avec les astéroïdes. D’un coup, la pression déleste les épaules de Sazh, qui se détend et met en marche le mode automatique. Il dégaine de son manteau une petite boîte qu’il a achetée aux bohèmes du Jardin Radieux. Une cigarette se place entre son index et son majeur et, pendant qu’il en insère le bout sur le seuil de ses lèvres, il marmonne :

« Ça te dérange si je fume ? Ça me détend. »

Il n’attend pas la réponse du passager et attise l’extrémité de sa cigarette. Il inhale profondément pour la première fois. Son nez se plisse, ses yeux se ferment sous la chaleur de la fumée. Le dégoût se lit entre les rides de son visage; pourtant, il continue de fumer comme si sa vie en dépendait. Alors qu’il crache du brouillard par la bouche de ventilation, Sazh écrase la cigarette dans le cendrier, éteignant les braises qui s’animent dans le creuset. Instantanément, il se met à rire. Un rire franc, presque gras, amical et sans frontières.

« Tu en penses quoi ? C’est ce que font les autres pilotes pour se la jouer mystérieux. Je te jure : la cigarette transforme n’importe quel vieux bouc comme moi en mec dans le vent. »

La voix de Sazh est éraflée par le poison qu’il s’est lui-même infligé. Il tousse pendant quelques secondes dans le revers de sa main. Peu à peu, ses joues rougissent et ses yeux se mouillent. Décidément, il faut souffrir et se tuer à petits feux pour se fondre dans la masse.

« Si j’ai un conseil à te donner, bonhomme, c’est de ne jamais piétiner tes propres convictions pour les autres. Je vais te confier un truc : je déteste la cigarette et tous ceux qui la fument. »

Sazh entrouvre le hublot et lance son paquet vers d’autres cieux : un débris de plus dans cette mer stellaire. Pendant quelques secondes, il regarde le projectile dessiner une parabole parfaite dans le ciel, avant d’atterrir sur un météore qui passait par là. Assurément, toute cette magnificence galactique laisse Sazh de glace : il a parcouru ce trajet tellement de fois qu’il ne se laisse plus impressionner par la grandeur, par l’infinité de ces routes. Après tout, l’espace, ce n’est qu’une bonne raison pour diviser les peuples.

Le vaisseau traverse alors une chaîne d’astéroïdes. Sazh, pilote reconnu parmi tous, use de sa dextérité pour valser entre tous les cailloux qui obstruent son chemin. Le véhicule en effleure parfois quelques uns, mais sans plus. De l’autre côté de la ceinture, de retour au calme, Sazh prend une minute ou deux pour toiser le passager pour la première fois : à première vue, le garçon a l’air bien normal, mais il porte sur lui un bouclier et une longue épée comme le font tous les chevaliers dans les fables ancestrales. Curieux, voulant combler le silence d’un peu d’intérêt, Sazh demande enfin :

« Alors, comment on t’appelle, chevalier ? T’as un château à défendre au Domaine ? »

Le ton de Sazh n’est ni moqueur, ni rieur. Non, il est plutôt curieux de connaître en surface l’histoire de cet inconnu qui stagne à quelques centimètres de lui. Après tout, le trajet durera bien plusieurs minutes, alors autant faire connaissance pour briser le malaise qu’ils se sont évertué à bâtir.
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Ce type était bizarre.

Non pas qu'il fut foncièrement différent des autres. Enfin, si, quand même... Les pilotes étaient tous des types bizarres. Ils naviguaient dans les cieux, sans attache. Leur monde était foncièrement différent de celui de Fabri. Dire qu'ils avaient un monde était, en soi, plutôt contradictoire.

Aussi loin qu'il se souvienne, il n'avait jamais engagé de conversation avec un de ces types. Pour la simple et bonne raison qu'il n'en avait jamais eu ni l'occasion ni l'intérêt. Et aujourd'hui, plus que tout autre jour, il avait envie de se murer dans le silence le plus complet. Accroché à cette idée, il avait embarqué et avait écouté le pilote parler alors qu'il faisait décoller le vaisseau. L'appréhension était là, évidemment. Maintenant que l'angoisse de l'aller s'était évanouie, remplacée par l'anesthésie générale du retour. Rentrer à la maison, c'était une perspective qui était toujours sympathique.

« Si j’ai un conseil à te donner, bonhomme, c’est de ne jamais piétiner tes propres convictions pour les autres. Je vais te confier un truc : je déteste la cigarette et tous ceux qui la fument. »

Fabrizio sourit légèrement. Quoi ? C'était pas un peu contradictoire ce qu'il racontait ? Il quitta le hublot du regard, se retrouvant momentanément dans la réalité. Le pilote, Sazh, donc, venait de jeter son mégot par la fenêtre. Fabri le regardait derrière cette barrière que formaient ses pensées. Il n'arrivait pas à ce concentrer ; il repensait à Paris, celui qui vivait dans ses souvenirs, et cette nouvelle ville qu'il venait de voir et qui s'y superposait de manière dérangeante. En creusant dans sa mémoire, il y retrouvait des détails qu'il avait oubliés. Des bribes de paroles, des événements. Ces messes et ces prières qui rythmaient une vie ordinaire qu'il avait rêvé maintes fois de retrouver.

Et qui se confirmait comme inatteignable, perdue à jamais en ce jour même.

« Honnêtement, c'est pas à Paris que tu pourrais trouver un moyen stable d'entretenir ton tabagisme. Ni au Domaine Enchanté d'ailleurs. »

Il avait dit ça sans trop réfléchir, et peut-être que Sazh ne l'avait pas entendu, puisqu'il ne répondit pas. C'était peut-être aussi parce qu'il fit faire une embardée subite au vaisseau. Et une autre encore, et encore une autre après celle-là. A ce moment-là, Fabri avait été prêt à s'inquiéter, si le pilote n'avait pas eu l'air totalement calme.

Est-ce qu'il était tombé sur un pilote suicidaire ? Ça comblerait la journée de manière... merveilleuse.

Sazh reprit la parole et en avait même profité pour jeter un regard dans sa direction. En toute honnêteté, Fabri avait compris le sens de la question, mais il était trop occupé à se poser des questions sur les conditions de recrutement des pilotes de la Shin-Ra pour répondre immédiatement. De quoi ? Comment qu'on l'appelait ? Mais il s'était bien présenté, non ?

Ah, non. Merde.

« On m’appelle- enfin, je m’appelle Fabrizio. »

Cette simple phrase lui faisait réaliser quelque chose de passablement stupide. Le fait qu'il ne s'était pas présenté depuis quelques temps déjà.

« Et... » où en était le Sanctum ? Bonne question. Qu'est-ce qu'il pouvait dire ? Est-ce que ce type était un espion à la solde de la Shin-Ra ? C'était plutôt probable, ils étaient de ce genre là, après-tout... « Et je suppose que j'ai un château a défendre comme t'as un vaisseau à piloter »

Il ponctua sa réponse par un haussement d'épaule. Il ne cherchait pas à être impoli, et avait plutôt envie de continuer la conversation. Sazh était... Particulier. Les visiteurs étrangers étaient plutôt rares au Domaine Enchanté, à part les quelques réfugiés de Sherwood et les soldats du Consulat en mission diplomatique, il n'y avait pas foule et le quotidien était basé sur les regards mauvais aux soldats à la solde de Swain.

Le silence se réinstalla dans le vaisseau, un silence indésiré. Fabri avait envie de poser des questions à son tour, à vrai dire, il n'avait quasiment que des interrogations sur ce type. Il avait l'air d'en avoir vu pas mal.

« Et t'es pilote depuis combien de temps, d'ailleurs? Tu viens d'où ? Enfin... réponds si t'as envie de répondre hein. »

En plus, il avait envie de parler maintenant.
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Sazh incline légèrement son siège et s’y cante un moment. De sa main droite, il s’assure de bien manœuvrer le véhicule – tâche plutôt facile, il doit l’admettre, car l’horizon intersidéral est aussi vide que l’on pourrait imaginer. Il utilise sa main libre pour ouvrir l’encolure de son manteau, laissant transparaître son éternelle chemise blanche. Cela fait, il se retourne vers le passager, gardant un œil furtif sur la baie vitrée pour éviter quelconque obstruction. Le garçon semble bien jeune pour porter un épée et garder un bouclier : à cet âge, il devrait parfaire son éducation, courir dans les rues de la Cité des Rêves avec ses copains mauvaisement influents. À cet âge, il ne devrait pas à devoir porter le fardeau de la guerre, surtout tant elle est imminente.

Pourtant, il a l’impression de se lire dans les traits étrangement calmes de Fabrizio. À vue de nez, le chevalier doit à peine fouler la vingtaine : à vingt ans, Sazh était déjà chargé de toute la réputation de son père; il était peut-être même déjà en exil pour éviter d’être happé par de mauvaises mains. Non, il ne faut pas sauter si vite aux conclusions. Sazh connaît le garçon que de quelques mots, fuyants qui plus est, et son histoire lui est encore bien inconnue. Pourtant, le fatalisme se sent à des kilomètres à la ronde, encore plus que cette odeur d'humidité qui stagne dans tout le véhicule. Fabrizio a bien l’air d’un garçon entraîné dans les rouages de la guerre trop tôt et incapable de s’y déchaîner. Condamné à son destin.

Par le hublot, Sazh constate que les routes stellaires sont toujours aussi désertiques. Il croise parfois un convoi de la Shinra en route vers le profit, mais il en voit si peu qu’il a l’impression d’être le seul à naviguer dans l’espace. Cette solitude le restreint dans la boîte métallique de son véhicule, à discutailler avec un inconnu, un autre client parmi tous les autres. Cependant, pour la première fois depuis longtemps, la lassitude a laissé la place à un inconscient intérêt. La jeunesse sait faire vibrer les murs de l’imparable Sazh Katzroy. Imparable, vraiment ? Il ne le sait plus.

En redressant un peu son siège – un peu de professionnalisme par tous les cieux ! – il gratte ses cordes vocales d’une quinte de toux qui vient résonner dans le cockpit. Décidément, chaque son prend des ampleurs inattendues dans un si petit vaisseau. Lorsqu’il juge le moment opportun, il reprend le fil de la discussion, laissé par terre par ses divagations :

« Je suis pilote… depuis quelques temps. Je viens d’un peu partout. »

Un court silence vient frapper les murs de l'habitacle, ponctué du traditionnel rire de Sazh. À rire ainsi, il passe probablement pour l’un de ces pilotes complètement détraqués, s’enfonçant encore plus dans les stéréotypes qui assaillent son occupation. Mais non, il n’est pas fou, son esprit n’effleure même pas l’insanité : c’est la solitude qui l’ébranle de cette façon.

« Tu vois, être évasif est aussi désagréable pour celui qui parle que pour celui qui écoute. Je t’oblige pas à parler, chevalier, mais si tu me réponds par des énigmes, mieux vaut rester silencieux. »

Le ton de Sazh n’est pas mesquin ni offensant. Non, il parle de son débit habituel, d’une voix trop amicale pour les circonstances. Il ne voudrait pas brusquer le garçon, surtout qu’il semble déjà mener assez de guerres contre le monde. Par contre, il se crée entre leur deux sièges un phénomène magnétique étrange, une volonté d’en savoir plus. À ce stade du périple, il ne pourrait pas dire si c’est parce qu’il est réellement intéressé par le chevalier ou plutôt parce qu’il veut combler le temps et les malaises, mais dans l’air, on peut ressentir quelque chose de peu commun.

Pour mettre son invité à l’aise, Sazh décide de transformer ce voyage banal en excursion de première place. En reprenant habilement le contrôle de son véhicule, il active les systèmes de ventilation et de climatisation, rafraichissant l’habitacle de mille vents. Il fait ensuite glisser son doigt sur le panneau digital : grésillements, les ondes radio s’entremêlent. Il réussit finalement à dénicher une chaîne indépendante sise en bordure du vaisseau-mère de la Shinra. La musique n’est pas trop forte, mais juste assez pour briser la quiétude et détendre l’atmosphère. Les airs de cithare électrique dansent avec ceux de la flûte traversière. Harmonie assurément inusitée, mais ô combien symbiotique.

Cela fait, le vaisseau entre en mode croisière :  la vitesse du bolide diminue de façon drastique. Sazh ne voudrait pas manquer la prochaine station-service, car la faim commence à le ronger de l’intérieur. Il essaie toutefois de ne pas trop y penser et se concentre sur cette conversation qu’il essaie tant d’élaborer. Il parle donc :

« T’es né au Domaine ? J’y suis né aussi. Je veux pas jouer au vieillard, mais quand j’avais ton âge, c’était totalement différent. Pas tellement de guerre, pas de peur constante d’être violenté par ces foutus sans-cœurs et surtout pas de Sanctum. »

Dans sa tête, des images de son fils font écho. Il sent son cœur se tortiller, ses entrailles s’endolorir jusqu’à faire de son corps l’épicentre même de la souffrance des pères qui ont tout perdu. S’il avait été seul, il aurait probablement frappé sur le panneau de bord ou pleuré de toutes ses larmes, mais il ne voudrait effrayer le garçon. Pas maintenant, en tout cas.

« Tu te bats pour quoi ? pour qui ? »

Il aurait envie de poursuivre sa phrase, de préciser sa question, mais les mots refusent de se former. Intérieurement, il rajoute : « Si tu me réponds que tu te bats pour Etro, je te jure que je te lance par le hublot. » Il opte par contre pour le silence : s'il se dirige vers le Domaine Enchanté, c'est certainement au nom des Éternels. Et après tout, Sazh n’a pas vraiment envie d’abandonner un jeune homme dans les routes stellaires, surtout pas dans ce coin particulièrement peuplé de pirates. Il n'a pas envie de se laisser guider par des réflexes chargés de stéréotypes et d'idées préconçues. Non, il sera clément.

Il sera clément, même envers ceux qui lui ont arraché son fils.
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Plutôt que de l'énervement, c'était du dépit qu'il ressentit en entendant la réponse de Sazh. Honnêtement, Fabri s'était toujours considéré comme quelqu'un qui n'était pas plus introverti qu'un autre. Voire même quelqu'un qui savait répondre aux questions qui lui étaient posées. Certes, la situation était spéciale et, s'il y avait une chose à laquelle il pensait à ce moment précis, c'était de rentrer chez lui et de ne parler à personne pendant une heure ou deux. Ceci, rajouté à cette légère – plutôt contradictoire de parler était un cauchemar pour quelqu'un qui cherchait le plus possible à s'épargner trop de pensées stupides. Non vraiment, il en avait bien trop sans chercher à en avoir, de base.

Plus le vaisseau retournait à son était silencieux, plus Fabri pensait à ce qu'il venait de dire. Il s'autorisait à commenter ses derniers mots comme stupides et sans vrai fond. Il aurait bien aimé en dire plus, mais l'occasion était passée comme une des nombreuses étoiles à travers le hublot. Le jeune homme se retrouvait momentanément fasciné par une lumière qui s'allumait et s'éteignait avec un rythme régulier. Quelle était son utilité ? Est-ce que son dysfonctionnement créerait un trou d'air dans la coque du vaisseau et les tuerait ? C'était une intéressante question face à laquelle son esprit mobilisa ses pensées pendant l'incroyable durée de cinq secondes. Après quoi, sa situation lui revint comme un mauvais souvenir, trop proche pour être mis de côté. Trop proche, c'était peu dire.

De la musique le tira de ses pensées, de la musique et de l'air frais. Qui étaient bien les deux choses auxquelles il ne s'attendait pas dans l'espace. Fronçant les sourcils, relevant les yeux vers le pilote, il se demanda un instant ce qui se passait. Ils n'étaient pas encore arrivés, assurément. Ce fut à peu près à ce moment là que Sazh reprit la parole, avec plus ou moins une ou deux secondes de battement étranges et d'incompréhension.

Il lui posa des questions, plus précises cette fois, auxquelles il songea aux réponses. C'était pas si compliqué, ce n'étaient pas vraiment des questions qui nécessitaient une quelconque recherche. Si ce n'était qu'on ne lui avait jamais réellement posé ces questions avant. Où alors, il ne se souvenait simplement pas y avoir répondu, pas ces dernières années du moins. Ce qui le fit hésiter, était quelque chose dans le ton de Sazh. Surtout pas de Sanctum ? Qu'est-ce qu'il voulait dire par là ? Cela pouvait être un mal comme un bien, selon lui. Après tout, c'était pas comme s'il connaissait ce type ? Il hésita d'autant plus avant de répondre à ses questions, alors même que l'homme lui demandait à la dernière minute à qui allait son allégeance, basiquement.

Fabrizio avait envie de hausser les épaules, et de répondre comme il l'entendait. Mais il se força à réfléchir quelque peu, passant une main dans ses cheveux, attachés en vitesse le matin même et qui, maintenant, semblaient être doués d'une volonté propre de partir en tous sens. Il avait plutôt envie de lui poser des questions, à ce pilote, mais avec les réponses que ce dernier venait tout juste de lui donner, ce n'était pas comme si c'était à son tour ! Il venait du Domaine Enchanté, et travaillait pour la Shin-Ra, parce que tous les pilotes travaillaient pour la Shin-Ra, voilà. C'était tout. Et en plus, il avait même l'air d'être sympa, et il en fallait pour que quelqu'un ait l'air sympa à ses yeux.

« Nan, je suis né à Paris, enfin ça fait déjà quelques temps que j'en suis parti. » comment, mais comment parler de la suite, qui semblait comme un passage obligé. « Ça va faire environ... cinq ans ? Quelque chose comme ça. »

Il haussa les épaules. Un geste qui était plutôt mécanique pour lui, réprimant par la même occasion un frisson. Non, ça, c'était pas des souvenirs dont il avait envie de vraiment parler en détails. Il ne l'avait jamais fait. Un sourire nerveux se dessina sur ses lèvres ; il n'était pas forcé de répondre, mais il avait envie de le faire. Pour quelque raison que ce fut. Est-ce que son envie d'en savoir plus sur le type en face de lui était plus importante qu'un souvenir dérangeant -dont l’appellation même de 'souvenir dérangeant' lui donnait envie de se frapper la tête contre un mur ? C'était une très... très bonne question ?

« Je me rappelle pas trop bien, ça fait déjà un bail. » confia-t-il avec un sourire gêné.

Il se souvenir dans chaque détail du sang qui coulait entre les pavés. Les derniers mots de son père, l'odeur des incendies, le corps de son frère le plus âgé. Il prit une profonde inspiration. «  J'ai pas connu mes parents, et ceux qui m'ont élevé sont morts dans les émeutes. »

C'était stupide, de mentionner ça, et il le regretta aussitôt.

Ses pensées passaient d'une image à l'autre. Sa mère, son père, ses frères. Ainsi que des connaissances et des amis. A moitiés effacés de sa mémoire. L'idée de rentrer chez lui revint une fois de plus, chez lui, au Domaine. L'idée s'imposa comme une évidence dans son esprit, avec l'innombrable quantité de détails qui venait avec. De Aubrey qui laissait des gâteaux dans son sillage pour s'excuser de ses retards continuels. De Pentaghast qui restait la dernière à prier en silence après l'office. Des journées ensoleillées dans un hiver long et gris. Des choses aussi simples que l'odeur du café dans le froid matinal, ou que la lumière immaculée au travers d'une fenêtre, se reflétant sur la statue de la Divine.

« Le Sanctum m'a filé du boulot, je pourrais pas te dire à partir de quand j'ai commencé à répondre aux gens que je me battais pour le Sanctum, justement, et tout ce qu'il représente, pour le Primarque aussi. Mais c'est ce que je vais te répondre. J'aurais pu crever de faim dans un coin mais au final je suis toujours là, j'ai pas appelé Dieu longtemps pour savoir qu'il répondrait jamais ; qu'il existe pas ou qu'il en ait rien à foutre. A la limite, tu vois, si ça avait été que son silence, j'aurais rien dit, mais de voir des personnes qui ont vécu toute leur vie dans la foi mourir comme si de rien n'était... » Il soupira une fois encore, ses pensées vides, tout semblait faire sens. « Je me bats pas pour une quelconque volonté divine, je me bats pour que quelqu'un qui croit en Etro se dise qu'il soit protégé. Que s'il y a un problème, je sois là pour empêcher un massacre, une connerie du genre. On est en guerre, contre les sans-cœur, contre la Coalition, contre des choses pire encore. Autant que quelqu'un le fasse, tu pense pas ? »
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