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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Le bruit de la plume sur le papier et l'odeur de cire, la lumière de la bougie, les pages feuilletées. Tout ces détails étaient une musique fine et délicate aux oreilles de Sauron. Porteurs de souvenirs qu'il pensait perdus depuis des décennies. Il devait l'admettre en ce moment, alors qu'un mince sourire se dessinait sur ses lèvres, qu'ils étaient plutôt, et très simplement, enfouis dans un coin de sa mémoire. Il n'avait fallu que quelques heures dans cette bibliothèque pour qu'il se retrouve submergé, ne cherchant pas le moins du monde à refaire surface. Se perdant dans l'agréable méandre de sa mémoire.

Cela avait commencé par un livre, présenté à son regard sur sa simple étagère de bois nu, relié de cuir. En venant ici, il ne s’était pas attendu à des détails ni à des fioritures, l'endroit n'étant après-tout qu'un couvent. Mais qu'elle surprise avait-il eu à l'ouverture de ce livre. Les couleurs et le dessin, les mots écrits uniformément. Chaque page était une merveille. Il avait découvert ici, dans ces bâtiments de pierre offerts aux affres du vent, un microcosme fascinant. Non pas qu'il eut jamais envie d'en faire partie, il trouvait dans cet endroit, dans ce monastère, quelque chose qui éveillait sa curiosité.

Ces gens vivaient reclus dans la prière. Reclus dans le travail. Leurs longues journées rythmées par le recueillement et l'enluminure. Ils ne parlaient pas ou peu, et lorsqu'ils le faisaient c'était dans un lourd accent et un sabyre qui devait leur être propre. Ou propre à leur région ? Sauron n'en avait alors aucune idée, et ce n'était qu'un détail en plus qu'il se chargerait d'étudier plus tard. Chaque nouveau monde était une civilisation nouvelle. Chaque personne qu'il rencontrait, chaque pièce visitée, chaque livre ouvert. Bien sûr, il s'était déjà rendu à Paris et son souvenir restait vivace dans son esprit. Comment oublier une cité aussi lumineuse ? Bien que sa première visite fut courte, il s'était dès lors juré d'y retourner.

Pourtant, telle ne fut pas sa destination. Car, plutôt que de retourner en villégiature pure et simple dans cette cité de lumière – l'utilisation du terme « Lumière » était à prendre avec des pincettes, et il l'avait appris à ses dépends en observant les réactions curieuses de ses interlocuteurs à chaque fois qu'il parlait de Paris en ces termes. 'Paris, à la Lumière ?' 'Mais non, le Consulat ne laisserait jamais une chose pareille se produire !' Ah, le langage. Fascinant.

Sa destination était -pour y revenir, un monastère. Sis en dehors de la ville, mais néanmoins à vue de ses abords. Le sans-cœur avait découvert quelques livres manuscrits dans la Bibliothèque du  Sommet de l'Art ; un précis concernant la forge d'art. Les détails et les enluminures étaient d'une précision fantastique, ainsi Sauron avait-il désiré le lire dans son intégralité. Là était-il donc, à parcourir les rayonnages, cherchant vainement un livre semblable à son trésor récemment trouvé au Jardin Radieux. De la même facture. Du même auteur. Sur le même sujet ? La patience était son arme, mais il se retrouvait acculé et au bord du gouffre, les moines ne signant pas leurs travaux. Oh, et, même s'il se jurait d'un jour s'améliorer dans ce domaine ; il ne comprenait pas un traître-mot de la langue employée par l'écrivain. Il saurait bien entendu dire qu'il s'agissait de la même, un enfant pourrait en dire autant ! Mais la comprendre...

De debout entre deux rayonnages, Sauron s'était lentement rapproché de la lueur d'une bougie, sur une simple table de bois ; un phare dans l'obscure bibliothèque. Sans vraiment se préoccuper de l'heure, il s'assit dans un bruissement de ses vêtements sombres et continua sa lecture. Détaillant chaque boucle et chaque point de ces inscriptions, ses yeux luisant d'intérêt. Ce n'était pas un précis sur les métaux à employer dans la conception de bijoux, et ça pour rien au monde, mais chaque page était délicatement ornée de motifs et de couleurs. Ombre parmi les ombres, le vent pour unique indication de son actuelle situation, le lointain bruit des moines arpentant les couloirs, il se retrouvait sur la fine situation de paix qu'il appréciait tant.

Un lourd battement de cloche l'arracha à sa contemplation mièvre et le fit sursauter. Quel était leur rythme de vie ? La cloche ne sonnait pas à chaque heure, mais bien plus lentement. Quelle heure était-il ? Il ne devait pas être tard, il faisait même encore jour et, à cette époque de l'année l'apparition du soleil était quelque chose de rare. Un soupir lui échappa, trahi par la blancheur de son souffle dans l'air froid. De toute évidence, les moines parlaient autant qu'ils mettaient des bûches dans leurs âtres.

S'étirant et repoussant ses cheveux hors de son visage, il lança un regard dans la pièce où il se trouvait, et soupira de nouveau.  
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C’était comme un village dans une ville. La Cité des Rêves avait cette particularité d’être immense, d’attirer beaucoup de visiteurs, d’exportateurs, et d’avoir à la fois la proximité d’un village, calme tôt le matin et de bénéficier de grandes places lumineuses mais aussi de toutes petites rues où peu de moyens de transports modernes pourraient se faufiler. De fait, ce n’était pas une ville moderne, elle rappelait volontiers à Raiponce son pays d’origine. Depuis qu’elle avait rejoint pour de bon le Consulat, en tant que membre officiel, la jeune femme avait acquis une responsabilité plus importante qui incombait plus de tâches et de missions à remplir. Elle gardait néanmoins son opinion sur les choses et avait décidé de ne jamais s’asservir et de ne jamais faire quelque chose que sa conscience désapprouverait. Elle avait également décidé de rester membre de la troupe de théâtre qui lui avait permis de connaître les mondes et le Consulat. C’était avec eux qu’elle se sentait chez elle, c’était avec eux qu’elle s’amusait le mieux. Pour l’instant, elle ne s’était même pas encore rendue dans la petite maisonnée qui lui avait été attribuée par Genesis. Non qu’elle la refusait, elle n’avait finalement eu que peu de temps pour s’y rendre et bien décidée à prendre son temps pour s’habituer à cette nouvelle vie, elle avait préféré rester avec les membres de la troupe.

Gail et elle se baladaient en bons amis dans la Cité, la jeune femme avait eu l’occasion d’y passer lorsqu’elle avait du se rendre au Nouveau Monde, mais ça n’avait été qu’une escale qui ne lui avait clairement pas laissé le temps de profiter des lieux. Chose à laquelle elle voulait absolument remédier. Après les répétitions de la scène dans laquelle le personnage de Gail se rendait dans une taverne et y faisait la rencontre d’une jeune femme aigrie, Raiponce avait supplié son ami de partir plus tôt que prévu pour une visite de la ville. Elle voulait absolument profiter de l’ensoleillement, de la vie palpitante de cette ville, voir les petites maisons et leurs colombages tant que le jour le permettait. Il avait évidemment accepté.

Fidèle à elle-même, elle était partie devant et le forçait à presser le pas. Ils, enfin surtout la jeune fille, décidèrent ainsi de faire plusieurs escales touristiques. Question de proximité avec le campement de la troupe, ce fut évidemment par l’immense cathédrale qu’ils commencèrent. Raiponce ne connaissait pas grand-chose en la matière, puisque c’était la première fois qu’elle en voyait une. Elle ne se considérait d’ailleurs d’appartenance à aucune religion puisque son éducation ne l’avait jamais approchée à ce genre de croyances. Néanmoins la vue de celle-ci la bouleversa que ce soit de l’extérieur et de l’intérieur. Elle était surprise qu’un si grand édifice, et donc de grands couts, aient été investis dans quelque chose d’aussi immatériel et incertain. Tout ce bâtiment était destiné à la vénération de quelques êtres célestes.

Ils traversèrent le pont Notre-Dame où d’imposantes demeures se tenaient, mitoyennes, et où le commerce se faisait avec beaucoup d’acharnement.

Vint ensuite le passage par les Halles, où les marchands rivalisaient d’idées pour vendre leurs produits. Gail, porteur attitré des affaires de la jeune fille en fit même les frais. Ils passèrent ensuite le long de l’enceinte du château du Louvre, tentant d’apercevoir le château qui se profilait derrière.

-Eh, Raiponce, si on se dirigeait vers la troupe maintenant ? La journée a été longue pour moi, tu sais…
-Gail ! Je suis désolée, j’avais complètement oublié !


Elle se montra désolée, et à la fois déçue que leur visite s’achève plus tôt qu’elle l’avait espéré, alors qu’elle espérait encore voir beaucoup de choses. Elle savait qu’elle n’aurait plus le temps de flâner pendant les prochains jours. Gail semblant comprendre sa déception.

-Bon… Si tu veux, on peut encore se promener quelques temps. Qu’est-ce que tu veux faire maintenant ?
-Non… écoute… Ce n’est vraiment pas nécessaire, et puis… je n’en ai pas si envie que ça, dit-elle d’un air absent.
-Raiponce, ne dis pas de bêtises, tu en meurs d’envie et moi ça ne m’ennuie pas.


La jeune femme, coincée entre ses envies et la dévotion de son ami, chercha une solution à tout cela. Elle lui apparut soudainement comme une évidence, même si elle n’était pas certaine qu’elle plairait à Gail.

-J’ai une idée ! Je n’ai qu’à finir ma petite visite toute seule. Tu pourras rentrer au campement, te reposer en vue de demain, et…
-Quoi ? Mais non ! Ecoute, Raiponce, après ce qui s’est passé la dernière fois et l’état dans laquelle tu es revenue, je ne vais pas te laisser te promener ici alors que tu ne connais rien à cette ville.
-Mais j’ai cette carte !
-Ce n’est absolument pas la question. Qui sait quel être abominable, prétendument lumineux, tu vas encore rencontrer ? Il te fera la leçon, ou que sais-je encore… ? Tu pourrais être enlevée ! Tu y as pensé ?


Cette sollicitude ne laissait évidemment pas la jeune fille indifférente et elle témoignait de l’affection qu’il lui portait, mais elle ne pouvait pas rester éternellement accrochée à son bras. De plus, avec son appartenance au Consulat, il était plus que probable qu’elle soit souvent envoyée seule dans des mondes inconnus.

-Ecoute Gail… Nous sommes en terre consule, non ?
-Et alors, tu ne crois quand même pas qu’il n’y a que des gens bien par ici ?
-Je n’en sais rien, et je n’en saurai pas plus tant que je ne serai pas allée à leur rencontre. Alors, laisse-moi y aller.
-Je désapprouve.
-J’y vais quand même.


Devant s’y résoudre, il finit par soupirer, ce qui donna le signal de départ à la jeune héroïne.

-Rentre avant la nuit, fais attention.


Elle lui tourna ainsi le dos, bien décidée à ne pas rencontrer pareille déception ou hostilité que lors de la rencontre avec le hérisson. Ses pas décidés la menèrent rapidement vers la Rive Gauche où étaient établis de nombreux édifices religieux. Un en particulier attira son attention car on y mentionnait une très grande et très riche bibliothèque : les Carmes. Lors de son arrivée, elle fut accueillie par les moines qui l’invitèrent à contempler les lieux, à condition de le faire en silence. Raiponce visita les couloirs que des moines arpentaient de leurs pas lents et religieux, elle observa les jardins qui se cachaient à l’abri des regards, où le silence et la paix résonnaient contrairement aux rues de la ville.

Elle finit son périple dans la grand bibliothèque où elle put voir que là aussi de nombreux moines étaient à l’ouvrage. Certains semblaient copier des livre de leur écriture soignée et fine, d’autres ornementaient les pages de dorures et autres lettrines. Elle s’approcha sans dire mot de certains et regarda leur travail puis passa à la contemplation des reliures des livres qui étaient rangés sur de multiples étagères, parfois poussiéreuses, n’osant pas y toucher tant ils lui semblaient précieux.

Une chevelure assise non loin d’elle attira son attention car elle sortait de l’ordinaire tonsure des moines par sa forme mais également par sa couleur. Quand elle l’observa plus distinctement, elle reconnut immédiatement cette personne qu’elle avait pu apercevoir lors de son voyage au Nouveau Monde. Cette même personne qui avait laissé en elle une impression désagréable sans même avoir échangé une seule parole, celle-là même qui l’avait effrayée et qu’elle savait envoyée du Consulat. Sa première réaction farouche fut de reculer brusquement d’un pas, cherchant à l’éviter et faire comme si elle ne l’avait jamais croisée. L’instant d’après, elle regretta instantanément sa réaction puérile. Elle était désormais consul, et plus encore, elle n’était plus une enfant, elle ne pouvait plus se baser sur un apriori pour décider s’il était bon ou non de parler à un inconnu. Son instinct ne l’avait rarement trompée, pourtant il lui fallait aller au-delà. Pour une fois, elle rencontrait l’un des leurs dans un autre lieu que le sommet des arts, il lui paraissait plus qu’impoli de ne pas aller à sa rencontre.
Toujours en silence et lentement, elle s’approcha fébrilement de l’homme et apparut à côté de lui pour tourner son visage vers sa lecture et attende qu’il remarque sa présence. Très discrètement, elle montra l’insigne du Consulat, et murmura sans pouvoir s’empêcher de remarquer qu’une aura étrange émanait de lui. 


-Bonjour… Je crois savoir que nous avons une passion commune.


Un sourire aux lèvres.
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Ainsi donc, les Consuls existaient en dehors de leur Citadelle.

C'était... peu surprenant, comme révélation, d'un point de vue logique en tous cas. Néanmoins Sauron ne put retenir un haussement de sourcil surpris lorsqu'il remarqua la personne se tenant à côté de lui. Comment ne l'avait-il pas remarquée avant, tant sa posture était tendue ? Évidemment, la première chose qu'il remarqua en dehors de cette masse de cheveux improbable, l'emblème du Consulat qu'elle arborait elle aussi. Quel endroit pour une rencontre fortuite étais-ce là, vraiment ?

Ce qui facilita grandement les choses fut qu'elle commença à parler. Il ne s'imaginait pas du tout commencer, à vrai dire, il aurait eu bien du mal à trouver quelque chose à dire tant sa surprise s'étalait en longueur. Avait-il perdu ses esprits avec son cœur ? Étais-ce le froid qui engourdissait ses neurones ? Tant de questions qui furent balayées avec la petite voix qu'il venait d'entendre. Une passion commune, n'est-ce pas ? Oh, et bien.

« Il semblerait en effet. » répondit-il avec un mince sourire.

Le sourire de cette jeune femme était des plus radieux. Sans être ostentatoire ni forcé à outrance. Réellement, il s'agissait d'un acte sans arrière-pensées. Aussi étais-ce ce que Sauron s'imaginait, même dans un murmure, cette jeune fille était une métaphore de lumière. Ses grands yeux, sa robe aux couleurs claires. La buée s'était échappée avec ses mots disparaissait alors que l'écho de ses paroles, presque inexistant, s'était éteint dans un des derniers bruissements de la cloche qui terminait l'annonce d'une heure inconnue.

« C'est un curieux endroit pour une rencontre fortuite, n'est-ce pas ?  Cherchez-vous un livre en particulier ? »

Quel chemin de hasard la chance leur avait-elle fait emprunter les aléas pour les mener tous les deux à cet endroit et à cette heure précise ? Des calculs savants n'étaient vraiment pas de mise dans l'immédiat, cela dit Sauron aurait apprécié le savoir. Cette jeune femme ne se serait pas donné la peine de sourire si le siège du Consulat avait été détruit par quelque force au nom obscur, n'était-il pas ? Non. Venait-elle ici en villégiature ? Pourquoi ne l'avait-elle pas simplement ignoré dans ce cas.

L'idée qu'elle se fut arrêtée pour lui dire bonjour était stupide. Sauron était celui qui entrait en contact, les gens n'entraient pas en contact avec lui. Il avait servi des rois et des seigneurs, et jamais ne l'avaient-il salué au détour d'un couloir. Cela ne lui faisait ni chaud ni froid, il était un instrument de pouvoir, et à plus forte raison, était devenu un être noir. Désormais, il n'était qu'une ombre sans gloire, empli de misère et de vide. C'était un constat qu'il faisait et se contentait, non vraiment, il ne vivait pas pour qui il était, il remisait ceci dans un coin de son être comme une fiche d'identité qu'il ne pouvait plus modifier à sa guise. Coincé dans ce corps, il n'avait plus le choix.

Cette femme venait-elle le saluer comme un égal ? Car étais-ce ce qu'il était pour elle, un allié ? Quelqu'un qui se trouvait dans le même camp qu'elle, voilà ce qu'était la définition de ce mot, mais cela voulait-il pour autant dire qu'elle comptait sur lui pour quelque raison ? Lui ferait-elle confiance ? Il avait vu des soldats se parler comme des amis à Numénor et l'amitié franche ne ressemblait pas à ça.

Des questions, trop de questions, et le temps s'écoulait, immuable et sans arrêt-prendre.

L'endroit n'était clairement pas voué aux présentations, aussi referma-t-il son livre en silence et se leva tranquillement afin d'aller le poser sur une étagère, n'importe laquelle, la plus proche. Tournant simplement la tête dans la direction de la jeune femme, il reprit la parole.

« Il me semble déjà vous avoir vue, or je n'ai aucune idée de votre nom. Je me nomme Sauron, il ne me semble pas que nous ayons étés présentés, mais nous sommes de toute évidence dans le même camp. »

Peut importe la manière de le dire, cette dernière phrase sonnait d'une mauvaise manière. Peut-être aurait-il du réfléchir un peu plus avant de parler, il n'avait pas envie de sembler déplacé. Combien de personnes connaissaient sa vraie nature ? Peut-être aucune ne le savait vraiment, tous ceux l'ayant su était désormais morts et enterrés, engloutis, brûlés vifs, enchaînés à des montagnes. Une pensée remonta du plus profond de ses souvenirs, comme une étreinte, non, c'était un sentiment diffus et flou.

Que de souvenirs.

Cette jeune femme ne devait rien savoir.
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L’homme, bien qu’apparemment surpris d’être dérangé dans sa lecture, s’était immédiatement montrer affable, faisant preuve d’un grand respect et d’une grande politesse envers la jeune femme. Une certaine retenue, une pointe de flegme animait pourtant ses expressions, ce qui laissa présager à Raiponce que c’était une personne avec laquelle il fallait mesurer chacun de ses mots et ne pas en dire trop, sous peine de se sentir fortement mal à l’aise.

-Hem… Pas vraiment, à vrai dire, on m’a recommandé la visite de ce monastère et sa bibliothèque.


Bien qu’ayant prononcé ces mots de la plus discrète manière, elle tourna son regard tout autour d’elle, honteuse d’avoir peut-être dérangé quelqu’un et rompu le silence de mise en ces lieux. Elle décida donc de ne rien ajouter à ce qu’elle venait de dire. Le Consul  se désintéressa ensuite de sa lecture et reposa l’écrit, ce qui donna le signal à la jeune femme qu’il serait préférable de s’éloigner quelque peu des moines à l’ouvrage. Tandis qu’ils passaient la porte, l’homme se présentant comme Sauron lui révéla l’impression qu’il avait de l’avoir déjà vue. La jeune femme attendit d’être dans le cloitre et d’être certaine qu’elle ne dérangerait personne pour répondre par la positive.

-Vos yeux ne vous ont pas trompé. Je vous avais entre-aperçu lors d’un voyage vers le Nouveau Monde, mais sans aller vous saluer. Et vous voyant aujourd’hui dans cette bibliothèque, j’ai jugé qu’il serait idiot de ne pas venir à votre rencontre devant ce beau présage. Il semble que nous étions faits pour nous rencontrer.


Elle ajouta à cela un nouveau sourire chaleureux. Nul doute que se cachait derrière ce visage neutre une personnalité complexe. Raiponce désirait pourtant ne pas montrer qu’elle était mal à l’aise en sa présence. Que dire et que faire ? Quelque chose en cet instant lui faisait perdre toute notion d’assurance et de spontanéité.

-Et je m’appelle Raiponce, je suis enchantée de faire votre connaissance, Sauron.


Nerveuse, incapable de choisir entre une poignée de main ou quelconque autre formule de politesse, elle garda ses mains croisées dans le dos, affligeant à ses doigts de nerveux frottements. Pour se redonner quelque contenance, elle tourna son regard vers le centre du cloitre. Elle était fascinée par cette organisation que semblaient avoir la plupart des monastères, posant en leur centre la nature et la quiétude. Cette galerie ouverte donnait tout le loisir aux visiteurs et aux moines de contempler un ciel azur, à l’abri de tout trouble. Un puit se trouvait au centre, à la croisée de deux chemin pavés et perpendiculaires. Des oiseaux se tenaient au bord du large trou, apparemment attirés par ce grand précipice.

Deux moines entrèrent en scène par l’un des deux chemins et s’avancèrent silencieusement pour finalement entreprendre de hisser le seau d’eau.

-A vrai dire, je connais presque rien de cette religion alors je ne sais pas si c’était indélicat de pénétrer entre ces murs. Mais il faut reconnaître que cet endroit est propice à la méditation et à la réflexion.


Elle n’avait pas osé poser directement une véritable question à ce presque-inconnu, comme elle aurait pu le faire dans une autre situation. Elle se serait sentie idiote de lui demander les banalités habituelles  telles « De quel monde venez-vous ? Que faites-vous dans la vie ? » ou encore comme il était de rigueur chez les Consuls « Quel art pratiquez-vous ? Qu’est-ce qui vous intéresse ? » A vrai dire, elle n’avait même pas pensé à lui demander ce qu’il faisait ici. Nul doute que cette conversation allait tourner court s’ils se trouvaient bêtement à ne rien savoir se dire. Mais où était passée cette personne capable de prendre la parole devant plusieurs centaines de personnes pour partager son opinion ?
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Cette jeune femme – fille ? Portait un nom étrange, qui lui était tout à fait inconnu. Les conventions communes à ce monde en matière de noms lui étaient étrangères. Mais peut-être ne venait-elle pas du tout ce ce monde, elle non plus ? Elle était un être tout à fait un connu, malgré son apparence -surtout ses cheveux- qui lui semblaient familiers. Il la connaissait donc sans la connaître, mais éprouvait une réserve, et ce même si elle était membre du Consulat, elle aussi. Il en venait lui-même à se demander s'il était vraiment un membre du Consulat à part entière. Chacun de ses membres lui étaient encore bien étrangers, et, en définitive, Raiponce était la première à qui il s'adressait. Il devait agir avec caution. Non pas pour l'attirer sous son aile en direction de quelconque dessein maléfique, mais tout simplement pour ne pas paraître comme la personne hautaine qu'il savait être dans bien des cas.

Un tel malaise de la part de la jeune femme ne le rassurait pas, il la sentait comme un oiseau sur le point de s'envoler. Même si les convenances l'indiquaient comme peu probable de s'enfuir en courant, on n'était sûr de rien, avec une inconnue.

Plus pour se rassurer lui-même, il hocha la tête avec un air entendu alors que la jeune femme se présenta, et lui sourit à nouveau. Ce fut la jeune femme qui l'enjoignit à sortir de la salle de lecture, vers une cour intérieure entourée d'un chemin couvert. Le retour à la clarté soudaine, quoique déclinante, du jour, nécessita quelques secondes aux yeux de Sauron afin d'y voir plus clair. Aussi rapidement que ses yeux le lui permirent, il s'attarda à l'observation du lieu.

Parfaitement entretenu, ceint de pierre centenaire, le jardin était parfaitement taillé, avec ce qu'il fallait d'herbes grimpantes sur les colonnes, et ce qu'il fallait d'arbustes qui se découpaient à la lueur dansante de quelques torches. L'obscurité gagnait du terrain, comme chaque jour. Il inspira calmement, laissant l'air frais du début de soirée réveiller ses sens endormis par un séjour étendu dans une salle de lecture aussi renfermée qu'un bocal. Sauron suivit le regard de Raiponce, et vit ce qu'elle regardait ; deux moines puisant de l'eau.

Entendre sa voix dans une telle quiétude fut presque une surprise. Entendre n'importe quelle voix devait probablement l'être, mais la sienne plus particulièrement.

« Vous avez raison. Cependant, nous n'avons pas encore étés mis à la porte, je considère que nous ne sommes pas un dérangement des plus ennuyeux, tout aussi irrévérencieux que nous pouvons bien leur paraître. » lui répondit-il avec un mince sourire.

Raiponce n'était de toute évidence pas plus renseignée que lui sur les us et coutumes de ces moines bien silencieux. Voilà qui était un indice de plus ; cette bâtisse semblait si ancienne que le culte qu'elle servait ne devait être que plus ancien encore. Si elle était originaire de ce monde, il était évident qu'elle en eut su plus. Et après-tout, le Consulat était composé de membres aux provenances les plus diverses. Il avait vu un bon nombre d'étranges créatures arpenter les couloirs du Palais des Arts, d'ailleurs.

Il ne s'intéressait pas tant aux vivants qu'aux traces qu'ils laissaient et qui pouvaient lui servir. Les renseignements qu'il était venu chercher par exemple, avaient probablement été écrits par quelqu'un versé en joaillerie et mort il y a belle lurette. Cette jeune femme faisait figure notable d'exception. C'était étrange, cet intérêt qui, d'habitude évitait les êtres vivants avec une probabilité quasi complète, se retrouvait soudainement à graviter autour de Raiponce. Il se surprenait à vouloir en savoir plus ; nul doute que l'intérêt lui passerait bien. Cela, il en était certain. Pour le moment présent, il en était arrivé au constat le plus surprenant qu'il l'ut été donné de faire depuis de longues années. Il n'avait pas envie de partir, il n'avait pas envie de laisser ces petites braises de conversation mourir, laissées dans le froid du silence.

« Vous n'êtes donc pas de ce monde ? »
rajouta-t-il, « Je viens moi-même d'ailleurs, ceci dit. Pardonnez-moi, ce n'est peut-être pas très poli de vous questionner à propos de ce genre de choses.  Il me semble que le Consulat rassemble des personnes venant de bien des horizons différents. »

Il lui était difficile de trouver les mots. Il aurait été si bête de chercher à terminer la conversation. Aussi maladroitement que son orgueil se refusait à le penser, il remettait quelques bûches sur le feu de cette conversation naissante.
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Les excuses que l’être rougeâtre lui adressa, instantanément après lui avoir posé une question plus personnelle arrachèrent un léger rire à Raiponce. Ce genre de curiosités ne l’avait jamais dérangée, ce qui avait eu pour effet de convaincre ses amis qu’elle était bien trop confiante, voire imprudente.

-Je vous assure qu’il n’y a pas la moindre impolitesse là dedans…


Elle s’interrompit puis, hésitant, laissa échapper un petit pouffement, tout en prenant garde à ne pas troubler la quiétude des lieux.

-Enfin… Je ne crois pas ! Mais oui, vous avez deviné l’évidence : je ne suis pas d’ici. Je parcours actuellement les pays avec une troupe de théâtre pour laquelle je travaille. En fait, c’est un peu grâce à eux que j’ai quitté  mon pays, que j’ai eu le courage de découvrir « le monde ». Je ne sais pas si vous le connaîtrez d’ailleurs, je ne connaissais moi-même pas son nom avant très récemment, il s’appelle « Histoires de Grimm ».


Oui, le dénommé Sauron ne lui avait jusque là inspiré que peu de confiance, oui, il dégageait une sorte d’aura étrange qui la mettait mal à l’aise, et oui, il semblait y avoir une part de mystère, de ténèbres en lui. Pourtant, elle venait de se surprendre à lui révéler en très peu de temps ses origines, son emploi et une part de son histoire. L’intérêt qu’il semblait lui avoir montré, le fait qu’il s’intéresse à elle, sans l’ignorer froidement, idée qu’elle avait envisagée, avait largement compensé cette première impression qu’il laissait. Quelque part, il l’avais mise en confiance.

-Je serais très curieuse de connaître vos origines, si cela ne vous dérange pas. Peut-être ma troupe s’est-elle déjà représentée dans votre monde…?


Mais déjà le soleil avait disparu au loin derrière les murs du monastère et un ciel aussi rouge que cette nouvelle rencontre annonçait une belle et douce soirée à venir. Sans doute y aurait-il des étoiles. Peu de temps après ce constat, un moine s’approcha des deux jeunes gens et leur annonça que les visiteurs étaient priés de quitter les lieux en raison de l’heure tardive.

Sans se faire prier, Raiponce remercia le moine pour l’hospitalité dont faisait preuve cet endroit, et prit la direction de la sortie, sans trop regarder si derrière elle suivait Sauron. Elle inspecta une dernière fois les pierres épaisses de l’édifice avant de se retrouver dans une rue sombre, partiellement éclairée par des flambeaux fixés aux murs. Sans trop savoir où aller, d’où elle venait ou encore ce qu’elle avait l’intention de faire, elle piétina les mêmes pavés quelques instants.

-Que faire à cette heure ? Rentrer ?


La prudence aurait voulu qu’elle suive cette petite recommandation intérieure. Elle ne connaissait pas Paris, elle ne connaissait pas ses rues, ses dangers ni les coutumes de ses habitants. Provoquer le destin en restant un peu plus, en cherchant d’autres curiosités, c’était donner à Gail de multiples occasions de lui faire des reproches. Pourtant, elle n’acceptait pas l’idée de se résigner, de renoncer à une possible aventure, et de couper court à cette intrigante rencontre. Elle n’avait finalement que peu d’occasions de parler à des consuls. Le plus souvent, elle en croisait quelques uns dans les rues du Jardin Radieux et n’avait alors pas la moindre idée de la façon de lancer naturellement une conversation.  Sans s’être préalablement assurée de sa présence, la jeune femme, fixant des passants dans la rue, émit une idée sans trop savoir si c’était idiot, ridicule ou étrange.

-Beaucoup d’endroits doivent fermer à cette heure-ci… J’ai… entendu parler d’un lieu qui a ouvert il n’y a pas si longtemps… C’est d’un tout autre domaine. Le Moulin Rouge, vous connaissez…?


Elle n’était pas ignorante au point de ne pas savoir par quel type de gens ce lieu pouvait être fréquenté, alors, elle se corrigea instantanément.

-Je… Je sais qu’on en parle beaucoup pour ses frasques, pour ses célèbres et sublimes danseuses, mais, me semble-t-il, c’est aussi un lieu de spectacle étourdissant. Enfin… De ce que j’en ai entendu.



Elle regrettait déjà cette proposition. Raiponce venait de rencontrer cet homme dans un monastère, consultant sagement des livres, souhaitant de toute évidence se cultiver de la manière la plus distinguée… Et en toute innocence, elle venait de lui proposer de visiter un lieu d’effervescence et d’artifices.
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Cette jeune femme était des plus étranges. Solaire, heureuse. Une suite sans fin de qualificatifs résonnait dans l'esprit du sans-cœur alors qu'il se surprenait à la suivre en sortant du monastère. Ils ne pouvaient y rester plus longtemps et il n'avait pas eu l'occasion de lui répondre. Ce n'était pas faute de ne pas vouloir lui répondre, bien au contraire.

Il semblait que son inquiétude n'avait pas lieu d'être, alors que Raiponce continuait sur sa lancée. Elle parlait et parlait encore. Et c'était quelque chose de fort rassurant. Alors que le soleil était maintenant complètement couché et que le froid mordait sa peau, Sauron voyait le débit élevé des paroles de sa collègue comme une source de chaleur, en quelque sorte. De la chaleur morale.

« Le Moulin Rouge ? » lui répondit-il.

Cette idée était surprenante, venant de la jeune femme. Il venait de la rencontrer dans un Monastère, qui semblait être un haut lieu de connaissance. Les moines copiaient plus qu'ils ne cherchaient, et leur science semblait vouée à la culture de leurs légumes. Mais ils stockaient un montant indécent de volumes antiques qui avaient tout à fait leur place dans la bibliothèque du Consulat. L'apparence ne donnant aucune idée sur la moralité d'une personne ainsi que du contenu de sa cervelle -aussi se forçait-il à le croire- il avait songé à Raiponce comme étant une jeune femme en recherche de connaissance, de prime. Comme bien des Consuls, d'ailleurs. Il était fort heureux de cette atmosphère de recherche, au Consulat. L'art de la performance l'intéressait beaucoup moins que l'art de la recherche et du savoir, mais ce groupuscule contenant les deux, ainsi, il faisait avec. Ce fut avec surprise qu'il ne s'irritât pas plus que cela devant le nombre dantesque de saltimbanques dans les Cités Dorées. La cohabitation se faisait donc sans peine.

« J'ai la chance d'avoir déjà été envoyé dans cet endroit par Maître Rhapsodos. Un lieu comme je n'en ai que rarement vus. Ce serait un plaisir que de vous y accompagner. »

Le lieu en lui-même n'était pas du genre de ceux qui l'attiraient, mais la jeune femme n'y avait encore jamais été, selon ses dires. Pourquoi ne pas s'improviser guide et n'être pour une soirée qu'un simple membre du Consulat, héraut des arts ? C'était un rôle qui lui semblait fort plaisant.

Il jugea les ténèbres d'un regard. Opaques, que trop peu transpercées par la lueur d'une fenêtre où la lointaine pâleur de la lune. Retournant sa main droite, paume vers le ciel, il y fit naître une petite flamme. Fine et vive, elle brûlait continuellement, d'une procurant une lumière orangée vacillante au gré de la brise nocturne. Son éclat dansait sur les murs des maisons, et les éclairerait lors de leur trajet.

Le Moulin Rouge était facile à trouver, car sis stratégiquement où convergeaient de nombreuses routes. Proche de la Seine, car tout en étant proche dans cette ville, mais respectablement loin pour ne pas à en avoir l'affreuse odeur. Proche des hauts lieux de pouvoir, des concentrations de commerces. Le Consulat n'avait pas été idiot dans ses plans, loin de là,  le stratège ne pouvait qu'admirer une maestria à ce point exécutée.

« Selon toutes apparences, Agrabah est le nom communément donné à mon monde d'origine. Je crois comprendre que je ne suis pas le seul à avoir ignoré le nom du monde qui m'ait donné naissance » répondit Sauron en s'engageant au travers des ruelles. Il gratifia Raiponce d'une sourire. Encore un. Plus chaleureux que le précédent, qui était encore même plus chaleureux que ceux d'avant. Cette discussion était fort agréable.

« Ce n'est pas un monde des plus agréables, bien que je ne soit pas fort informé de ce qui puisse s'y passer. J'ose dire que l'avantage à être né dans un monde de sable est que chaque brin d'herbe est une surprise et chaque étang est une merveille. »

Les mots lui venaient tous seuls, pour rien au monde voulait-il arrêter cette discussion. Cette jeune femme l'intriguait tout autant.

« Le nom de votre monde m'est familier, pourtant j'aurais le plus grand mal à argumenter sur cette connaissance, à mon grand regret. » continua-t-il, observant les alentours, son regard, comme une flamme qui lui était propre, allant et venant, s'arrêtant quelques-fois sur Raiponce. « Le théâtre vous-a-t-il plu au point de vous donner envie de voir les autres mondes ? C'est quelque chose de fort inhabituel, si je ne m'abuse. »
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Son attitude, sa façon de s’exprimer, il était différent de cette première impression qu’il laissait aux gens. En cet instant, l’aura étrange qu’il dégageait semblait s’être en partie dissipée. Etait-ce simplement ses manières agréables, ses efforts pour être chaleureux ? Les mystères planaient au dessus de leur tête tandis que l’étrange personnage faisait apparaître une lumière pour éclairer un bout d’atmosphère. Elle s’enthousiasma d’un coup d’un seul, acclamant cette bonne idée qu’il avait eu. La Cité des Rêves n’étant pas une ville pourvue d’autant de technologies que le Jardin Radieux, il y faisait de ce fait plus sombre la nuit. Et tandis qu’elle observait cette petite chose dansante dans sa main, elle le remercia.

-Vous êtes gentil de bien vouloir m’accompagner. Cette idée peut sembler curieuse aux premiers abords, mais je suis ouverte et curieuse de toute forme d’art, peut-être le comprendrez-vous.


Elle écouta avec d’autant plus de zèle le peu d’histoire personnelle qu’il lui laissait découvrir par quelques mots-clés et indices dispersés au gré de ses jolies oraisons. Elle comprenait son allusion aux oasis et au désert. La rareté d’une chose rendait sa découverte encore plus belle, quelle jolie perspective cela pouvait être. Elle ne pouvait qu’en faire un parallélisme avec ce qu’elle avait vécu elle-même durant son enfance. L’idée simple de voir les lumières une fois par an rendait le spectacle d’autant plus merveilleux et la réalisation de son rêve en se rendant en ville pour assister au spectacle, avait transformé ce qui serait une chose anodine pour un habitant de Grimm en le plus beau jour de sa vie.

-Agrabah ? Oui… J’en ai entendu parler ! On dit qu’en son sein, les nuits sont splendides et magiques plus encore qu’ailleurs.


Elle ne voulait pas lui demander trop, le mettre mal à l’aise. Elle sentait que quelque chose de sombre entourait son histoire, peut-être était-ce douloureux pour lui d’en parler. Il ne fallait pas trop en faire. Elle avait toujours aimé écouter les histoires des autres, s’enrichir de leurs expériences et des descriptions qu’ils faisaient. Elle pouvait ainsi se faire une image floue, exagérément romancée sans doute, du passé d’autrui.

Elle ne voulait pas couper court à cette conversation en laissant un vide, elle rebondit donc sur la question qu’il lui avait posé sur sa propre vie. Elle ne voyait aucune raison à cacher des choses, à ne pas se montrer honnête. Elle savait que son enfance avait été atypique mais elle n’en avait pas honte.

-Je n’avais rien vu du monde avant d’avoir fait le rencontre de cette troupe. Alors vous voyez… Quand on est privé de liberté — n’allez pas le prendre mal, je n’étais pas en prison —, eh bien… à la minute-même où l’on a goûté à ce que c’est de voir le monde et de choisir sa voie, on est comme… poussé irrémédiablement vers le plus grand voyage de sa vie. Et on…


Elle s’arrêta brusquement autant en parole que dans sa marche, émettant un rire nerveux. Pourquoi parlait-elle en « on » ? C’était de sa vie dont il s’agissait, il fallait l’affirmer.

-…Et je ne pouvais pas m’arrêter, j’avais besoin d’en voir plus, c’était comme une soif insatiable que je cherchais désespérément à étancher. J’essaie encore aujourd’hui. Rien ne semble pouvoir me ramener à la maison.


Une brève pensée la ramena à sa mère qu’elle avait abandonnée. Elle conclut néanmoins par un regard curieux de savoir ce qu’il en pensait, elle se remit en marche, envoyant des signes réguliers à son guide pour savoir quelle direction il fallait prendre.
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Cette  jeune femme était passionnée , il pouvait tenter d’affirmer ceci, du peu qu’il avait pu voir d’elle. Il y avait dans ses gestes, dans sa manière de parler, dans ses yeux, quelque chose qui faisait sonner juste ses paroles.

« Je comprends tout à fait, ne vous inquiétez pas. S’estimer artiste, ou même étudier l’art et penser qu’il n’est composé que d’une unique discipline serait particulièrement stupide. »

Leurs pensées se rejoignaient sur ce point, aussi remarqua-t-il. Étaient connues sous le nom d’ « art » tellement de choses différentes qu’il étaient vain de chercher à toutes leur donner un nom. Même si leurs intérêts n’avaient pour l’instant rien de commun, Sauron apprécia grandement l’intérêt et l’engouement de cette jeune femme qu’il venait de rencontrer. Raiponce était une artiste, passionnée et observant le monde avec les yeux de quelqu’un qui le découvre.

Et elle avait bien entendu raison à propos d’Agrabah, qui aurait-il été pour la contredire ? Ses mots ramenèrent le stratège aux longues nuits au sommet des tours, au vent balayant les dunes illuminées par la clarté des étoiles dans le ciel. Le souvenir d’un millier d’histoires contées par le ciel nocturne lui revint, n’éveillant rien dans sa poitrine vide. Il y avait l’existence de ce souvenir, et son absence de réaction face à ce dernier. Ainsi que sa propre réaction. Perplexe, il ne sut trop quoi penser sur l’instant, mais l’évidence le rattrapa bien vite ; il ne tirerait aucune tristesse larmoyante de ces souvenirs mielleux ; aucun mal du pays, pas de mélancolie aucune. Il garda cette vision de son passé, claire comme le rêve d’une nuit courte, et la laissa aller aux vagues de son esprit.

Sans mouvoir la flamme au creux de sa paume, il en réduisit la taille jusqu’à ce qu’elle ne soit qu’une flammèche, de la lumière d’une étincelle. Elle n’éclairait plus leur chemin, elle ne diminuait plus la clarté des étoiles. Sauron adressa un sourire à son interlocutrice, espérant ne pas être une quelconque figure cauchemardesque aux yeux de la jeune femme.

« Chacune de ces étoiles est un monde. »
lui répondit-il, après avoir réfléchi un instant. « Vous imaginez ? Des milliers de cultures, des milliers de villes, des milliards de personnes. »

Il laissa à la jeune femme le plaisir de peser le sens de ses paroles avant de rajouter quoi que ce soit.

« Il ne faut pas rentrer si vous ne le désirez pas. C’est votre vie, que vous vivez comme il vous semble. »

Raiponce ne semblait pas être le genre de personne à se rendre coupable d’un crime. Et, comme elle l’avait dit, ce n’était pas le cas. Il ne doutait pas de sa sincérité, au point où il en était. Il n’avait pas grand-chose à perdre à la croire, mis à part une bonne conversation. Il n’osait pas lui demander de choses plus précises, de peur de la brusquer. « Ce serait un crime de ne pas chercher à en savoir plus sur le monde. » C’était de la plus pure des logiques.

Il était le premier à savoir ce que procurait une recherche exacerbée, d’accomplir tous les sacrifices, moraux, dans son cas, humains, également, dans le but d’en apprendre plus, d’achever un dessin. Un fin sourire étira ses lèvres à la pensée saugrenue de ses expériences face à celles de la jeune femme. Mais cette pensée ne lui  procura aucun plaisir, aucune tristesse. Sans aucun mouvement de plus, la flamme au creux de sa main se raviva quelque peu, jusqu’à ce qu’ils arrivèrent à des rues plus denses, où elle ne fut plus nécessaire. Aussi ferma-t-il son poing ganté de noir, éteignant la lueur vivace. Bientôt, quelques autres bruits de pas de firent entendre, ils n’étaient plus les seuls à parcourir les rues pavées. Il laissa la jeune femme le guider ; elle semblait connaître le chemin mieux que lui.

« Vous parliez de ne pas pouvoir rentrer chez vous, est-ce par regret ?  »

Elle avait employé plus tôt un terme qui le laissa songeur ; 'privée se liberté', se dédouanant presque immédiatement après. C'était évocateur, et cela avait attisé l'intérêt de Sauron, assez pour qu'il chercher à continuer la conversation. Après-tout, le Moulin Rouge était proche, mais pas encore en vue.
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Elle regardait cette petite flamme se volatiliser dans la main de son magicien. Elle aussi était capable de magie, une magie différente, moins dangereuse sans doute dépendant de la personne sur laquelle elle faisait effet.

Il y avait paradoxalement quelque chose de beaucoup plus chaleureux et rassurant dans cette lumière. Et ce n'était pas uniquement parce qu'elle émettait précisément de la chaleur. Sa lumière à elle, pouvait sembler divine, inaccessible à l'humain, incompréhensible. Elle ne voulait pas se sentir différente des autres, ou du moins pas de cette façon, elle voulait être proche de son prochain, une personne en laquelle on peut avoir confiance.

Raiponce ne savait pas si elle pouvait parler ouvertement à cet étrange personnage, s'il risquait d'ébruiter ce qu'il y avait de moins bon en elle. Pourtant, elle poursuivit en lui répondant ouvertement.

-J'ai abandonné quelqu'un qui m'était très cher... C'est horrible de penser que l'on a laissé derrière soi la personne la plus chère à ses yeux. Mais si cette personne... aussi précieuse fût-elle ne vous laisse pas choisir, n'a-t-on pas raison d'essayer ce qu'elle ne veut pas qu'on essaie ?


Une profonde tristesse occupait son cœur. Elle regrettait bien souvent, évidemment. Pourtant, la même réponse semblait éluder le reste à chaque fois : si elle revenait à sa mère, que dirait-elle ? La jeune femme découvrirait-elle un cœur ravagé par le chagrin, de la haine ? La Mère Gothel était sans conteste une personne très sensible, capable de rentrer dans une colère noire et de faire regretter amèrement un comportement qu'elle trouvait réprouvable. Elle avait peur d'être à nouveau privée de liberté.

Tiraillée entre son amour pour elle et la remise en question de ses décisions, elle en arrivait à la même conclusion à chaque fois. Et personne n'y pouvait rien, tous pourraient la consoler cent, mille fois, qu'à la fin elle se retrouverait dans le même questionnement : sa mère pourrait-elle accepter et pardonner ? Réponse qu'elle ne pourrait avoir qu'en la rencontrant à nouveau.

Elle observa la foule s'épaissir à mesure qu'ils approchaient des hauteurs de la ville. Quelqu'un ou quelque chose attirait inévitablement une foule importante dans cette partie de la ville. Et c'était sans l'ombre d'un doute ce qui les avait poussés tous les deux à venir en ce lieu : la curiosité. Partout dans les mondes du Consulat, on entendait parler du Moulin Rouge, lieu de spectacle extraordinaire, rassemblant beautés saisissantes. Partout l'on voyait des affiches représentant soit l'édifice, soit ses têtes d'affiche, beautés sculpturales représentées dans ses poses charmantes.

Elle le vit s'élever au loin, plus haut et plus majestueux que les autres bâtiments environs, plus moderne également. Quelle perturbation cela avait du être pour les personnes habitant dans ce quartier vivant avant cela une vie simple et plutôt paysanne.

Elle se retourna plusieurs fois vers Sauron pour observer sa réaction. Il apparaissait dans sa réserve habituelle, mais la chose semblait l'intéresser suffisamment pour qu'il n'ait l'air de s'ennuyer. Elle continua ainsi sa progression, faisant la file derrière cette foule qui attendait de pouvoir pénétrer.

Il y avait là toutes sortes de personnes : habitants de la cité venus se divertir, mais aussi touristes évidents, en total décalage avec les pratiques habituelles de la Cité des Rêves.

Ils pénétrèrent dans le hall décoré qui menait au cœur du moulin. Le tout était déjà lourdement chargé, enluminé. De lourdes tentures rouges chutaient au sol. Ils avancèrent plus encore. Quelques instants plus tard, une musique parvint à leurs oreilles.

La Musique

Les spots, qui rendaient l'atmosphère encore plus chaude et électrique, se mirent à bouger dans toute la salle, semblant chercher quelques chose.
Ils arrêtèrent leur mouvement sur un balcon. Une danseuse apparut levant ses bras vers le plafond. Aussitôt, des dizaines de danseuses sortirent par toutes les entrées possibles et imaginables. Elles se mirent à engager toutes les personnes présentes à se joindre à la fête. Plusieurs se mirent à danser sur la scène.

Aussitôt, il sembla à la jeune femme que tout n'était qu'effervescence, glamour et musique. On entendait les bouchons sauter dans le ciel de tous les côtés, on entendait le grand panda rire à éclat derrière son bar. Partout, des yeux brillaient devant tant de spectacle.

La jeune femme se retourna pour voir si son compagnon était conquis par l'ambiance comme elle. Quand elle se retourna, il avait disparu. Elle chercha tout autour d'elle, parmi la foule dense et survoltée.

Avait-elle été emportée dans un mouvement de foule sans s'en rendre compte ? Elle chercha encore quelques minutes, mais il lui fut bientôt impossible de se défaire de l'étreinte de deux danseuses qui l'invitèrent dans une sorte de cancan plein de jupons et de paillettes. On était loin de ce fabuleux monastère où le feuilletement des livres était le seul bruit autorisé.

Toutes ensemble, elles allèrent jusqu'à la scène où plusieurs spectateurs et spectatrices furent également invités à monter. Il y avait tant de lumière qu'il lui était impossible de voir, tant d'énergie qu'elle se croyait capable de continuer à jamais à danser parmi elles. Ses cheveux volaient de toutes part, passant d'une main d'une danseuse à une autre. Tout le monde semblait en dehors du temps, comme si toute guerre avait été oubliée, comme si les mépris avaient laissé place à une folie bienveillante.

C'était cela aussi, le Consulat.
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