Le regard de Cissneï alla du plafond au mur, sans vraiment chercher à regarder quelque chose en particulier. Elle avait déjà vu tout ce que cette cellule avait à offrir, même le fait qu'elle n'avait rien d'une cellule à proprement parler. Alors que la lourde toile scellant l'entrée se refermait après que la personne lui apportant sa nourriture fut partie, elle songea au fait que sa cellule était bien plus proche d'elle. Son corps était sa prison.
Les menottes auraient été bien inutiles, bien que la culture locale n'aurait rien eu de mieux à offrir qu'une corde aussi rêche que la couverture qui la recouvrait en cet instant. Elle ne pensait pas à mal en songeant à cela, ce n'était qu'une constatation, rien de plus. Il fallait dire qu'elle avait eu le temps de penser à bien des choses en ces quelques jours d'éveil. Rien n'avait changé depuis qu'elle avait ouvert les yeux pour la première fois. La lumière, le silence composé des bruits lointains de chevaux, d'un langage inconnu, de nombreux pas sur un sol herbeux. Elle avait eu tout le temps de dénombrer ces détails. Elle ne connaissait personne, cela allait de soi, et la langue était absolument incompréhensible, pour peu qu'elle en entende. La personne chargé de la nourrir ne ressemblait pas à un démon, mais elle ne ressemblait à pas grand chose de connu. Sans être vulgaire, bien sûr. Elle ne pensait pas à mal. A dire vrai, elle ne pensait pas à grand chose.
Elle entendait un réchaud sur sa droite, et elle était douchée contre un mur assez fin pour laisser passer quelques bruits, mais assez épais pour ne pas laisser passer ni vent ni froid. Il n'y avait pas de meubles, mais des lourdes draperies avec pas ou peu de motifs. Des objets en terre étaient bien rangés, attachés entre eux par des cordes, comme pour le transport. Ces gens étaient-ils des nomades ? Bien que leur langage ne portait aucune ressemblance, elle se demandait s'ils ne venaient pas de Chine. Les traits de la personne qu'elle voyait chaque jour étaient sans équivoque ; c'était une femme, pas très grande, habillée simplement. Les joues rougies par le froid, les yeux sombres, de longs cheveux noirs. Chaque jour et sans cérémonie elle la redressait et la nourrissait, cuillère par cuillère d'une soupe épaisse dont elle ne connaissait pas l 'origine -pas qu'elle n'en eut quelque chose à faire par ailleurs. Il n'y avait pas grand chose à dire sur ce qui l'entourait. Toute description semblait superflue, ici ; elle n'avait pas envie de s'étendre sur le sujet. Même penser la dégoûtait.
Lorsqu'elle avait ouvert les yeux pour la première fois, elle ne fut pas surprise et ce bien que la surprise vienne quelques heures plus tard. Ou quelques minutes, elle n'en savait rien- et là encore, elle n'avait pas envie de savoir. Ce qui vint en premier fut la douleur.
Il n'y avait pas de mots pour décrire la sensation qu'elle avait ressenti alors qu'elle respira pendant ces premières secondes d'éveil ; et chaque seconde depuis d'ailleurs. Elle avait désespéré pour de l'eau, sa langue lui donnant l'impression d'être faite de carton. De ses lèvres sèches était sorti un son rauque, de sa gorge était venu un souffle erratique qu'elle n'avait jamais entendu. Elle avait essayé de tourner la tête avec, pour seul résultat, une douleur vive dans chaque muscle concerné. Ses épaules, ses bras, ses mains, ses jambes, peut importait. Elle aurait bien pu être attachée, mais c'était bien inutile.
Son corps lui était étranger.
Brisé, écrasé sous les coups. Elle ne savait pas combien de temps elle avait pu passer allongée dans cet endroit inconnu -pas qu'elle en eut quelque chose à..
Elle avait passé son temps, éveillée du moins, a regarder les contours de la pièce se dessiner à la lueur tremblante du feu qui crépitait doucement, comme une bête endormie. Elle comptait chacune de ses respirations, jusqu'à vingt, jusqu'à soixante, jusqu'à cent. Puis elle recommençait. Cela l'avait occupée les premiers jours. Cherchant à bouger, s'arrêtant lorsque la douleur était trop forte, presque immédiatement en somme, puis recommençant alors que toute sensation s'était atténuée. La douleur ne dormait pas.
Sans moyen de se lever, de se regarder, de connaître l'étendue de ses blessures, son corps était devenu une carte diffuse de repères et de noms collés maladroitement sur des endroits dont elle pensait connaître la position. Son bras droit ne répondait pas, de toute évidence. Chaque tentative de mouvement de ses jambes arrachait une douleur brûlante dans son bassin. Au moins elle sentait ses jambes. Ce n'avait pas le mérite de la rassurer, ce n'était même pas une consolation.
Elle voulait tantôt le sommeil et tantôt l'oubli de la douleur, l'ignorance. Elle avait pensé au Château, et depuis, la moindre pensée liée à cet endroit irréel lui arrachait un souffle erratique et douloureux. Une montée sauvage de panique et de tremblements. Une rendre gorge de tout ce qu'elle avait bien pu avaler. Alors elle avait arrêté de penser, et avait continué à compter son souffle. Jusqu'à vingt, soixante, cent, quatre-cent.
De sa main gauche, elle avait timidement découvert l'état de sa cage thoracique, et dut se rendre à l'évidence que sa douleur venait de quelque part au final. Sous la couverture, il y avait l'irrégularité de longues cicatrices contre sa peau, sur sa peau. Quelques heures eurent étés nécessaires à la réalisation qu'elle touchait sa peau nue et non un morceau de cuir sale. Elle touchait avec hésitation chaque aspérité à sa portée, chaque relief, là où la douleur n'était pas trop forte. A peu d'endroits.
Quelques heures, quelques jours, elle ne savait pas.
La toile bougea une fois encore. Elle n'avait pas encore faim, et n'était nourrie qu'en larges intervalles. Non, c'était une autre personne qui venait, une toute autre personne. Elle aurait pu faire semblant de dormir, mais à quoi bon ? Elle n'avait rien à cacher sous ces couvertures. Sans bouger, elle regarda la personne qui venait d'entrer, sans dire un mot.
Était-elle encore capable de parler, elle se le demandait.
Oh non, tout compte fait elle s'en foutait aussi.
Les menottes auraient été bien inutiles, bien que la culture locale n'aurait rien eu de mieux à offrir qu'une corde aussi rêche que la couverture qui la recouvrait en cet instant. Elle ne pensait pas à mal en songeant à cela, ce n'était qu'une constatation, rien de plus. Il fallait dire qu'elle avait eu le temps de penser à bien des choses en ces quelques jours d'éveil. Rien n'avait changé depuis qu'elle avait ouvert les yeux pour la première fois. La lumière, le silence composé des bruits lointains de chevaux, d'un langage inconnu, de nombreux pas sur un sol herbeux. Elle avait eu tout le temps de dénombrer ces détails. Elle ne connaissait personne, cela allait de soi, et la langue était absolument incompréhensible, pour peu qu'elle en entende. La personne chargé de la nourrir ne ressemblait pas à un démon, mais elle ne ressemblait à pas grand chose de connu. Sans être vulgaire, bien sûr. Elle ne pensait pas à mal. A dire vrai, elle ne pensait pas à grand chose.
Elle entendait un réchaud sur sa droite, et elle était douchée contre un mur assez fin pour laisser passer quelques bruits, mais assez épais pour ne pas laisser passer ni vent ni froid. Il n'y avait pas de meubles, mais des lourdes draperies avec pas ou peu de motifs. Des objets en terre étaient bien rangés, attachés entre eux par des cordes, comme pour le transport. Ces gens étaient-ils des nomades ? Bien que leur langage ne portait aucune ressemblance, elle se demandait s'ils ne venaient pas de Chine. Les traits de la personne qu'elle voyait chaque jour étaient sans équivoque ; c'était une femme, pas très grande, habillée simplement. Les joues rougies par le froid, les yeux sombres, de longs cheveux noirs. Chaque jour et sans cérémonie elle la redressait et la nourrissait, cuillère par cuillère d'une soupe épaisse dont elle ne connaissait pas l 'origine -pas qu'elle n'en eut quelque chose à faire par ailleurs. Il n'y avait pas grand chose à dire sur ce qui l'entourait. Toute description semblait superflue, ici ; elle n'avait pas envie de s'étendre sur le sujet. Même penser la dégoûtait.
Lorsqu'elle avait ouvert les yeux pour la première fois, elle ne fut pas surprise et ce bien que la surprise vienne quelques heures plus tard. Ou quelques minutes, elle n'en savait rien- et là encore, elle n'avait pas envie de savoir. Ce qui vint en premier fut la douleur.
Il n'y avait pas de mots pour décrire la sensation qu'elle avait ressenti alors qu'elle respira pendant ces premières secondes d'éveil ; et chaque seconde depuis d'ailleurs. Elle avait désespéré pour de l'eau, sa langue lui donnant l'impression d'être faite de carton. De ses lèvres sèches était sorti un son rauque, de sa gorge était venu un souffle erratique qu'elle n'avait jamais entendu. Elle avait essayé de tourner la tête avec, pour seul résultat, une douleur vive dans chaque muscle concerné. Ses épaules, ses bras, ses mains, ses jambes, peut importait. Elle aurait bien pu être attachée, mais c'était bien inutile.
Son corps lui était étranger.
Brisé, écrasé sous les coups. Elle ne savait pas combien de temps elle avait pu passer allongée dans cet endroit inconnu -pas qu'elle en eut quelque chose à..
Elle avait passé son temps, éveillée du moins, a regarder les contours de la pièce se dessiner à la lueur tremblante du feu qui crépitait doucement, comme une bête endormie. Elle comptait chacune de ses respirations, jusqu'à vingt, jusqu'à soixante, jusqu'à cent. Puis elle recommençait. Cela l'avait occupée les premiers jours. Cherchant à bouger, s'arrêtant lorsque la douleur était trop forte, presque immédiatement en somme, puis recommençant alors que toute sensation s'était atténuée. La douleur ne dormait pas.
Sans moyen de se lever, de se regarder, de connaître l'étendue de ses blessures, son corps était devenu une carte diffuse de repères et de noms collés maladroitement sur des endroits dont elle pensait connaître la position. Son bras droit ne répondait pas, de toute évidence. Chaque tentative de mouvement de ses jambes arrachait une douleur brûlante dans son bassin. Au moins elle sentait ses jambes. Ce n'avait pas le mérite de la rassurer, ce n'était même pas une consolation.
Elle voulait tantôt le sommeil et tantôt l'oubli de la douleur, l'ignorance. Elle avait pensé au Château, et depuis, la moindre pensée liée à cet endroit irréel lui arrachait un souffle erratique et douloureux. Une montée sauvage de panique et de tremblements. Une rendre gorge de tout ce qu'elle avait bien pu avaler. Alors elle avait arrêté de penser, et avait continué à compter son souffle. Jusqu'à vingt, soixante, cent, quatre-cent.
De sa main gauche, elle avait timidement découvert l'état de sa cage thoracique, et dut se rendre à l'évidence que sa douleur venait de quelque part au final. Sous la couverture, il y avait l'irrégularité de longues cicatrices contre sa peau, sur sa peau. Quelques heures eurent étés nécessaires à la réalisation qu'elle touchait sa peau nue et non un morceau de cuir sale. Elle touchait avec hésitation chaque aspérité à sa portée, chaque relief, là où la douleur n'était pas trop forte. A peu d'endroits.
Quelques heures, quelques jours, elle ne savait pas.
La toile bougea une fois encore. Elle n'avait pas encore faim, et n'était nourrie qu'en larges intervalles. Non, c'était une autre personne qui venait, une toute autre personne. Elle aurait pu faire semblant de dormir, mais à quoi bon ? Elle n'avait rien à cacher sous ces couvertures. Sans bouger, elle regarda la personne qui venait d'entrer, sans dire un mot.
Était-elle encore capable de parler, elle se le demandait.
Oh non, tout compte fait elle s'en foutait aussi.