La situation avait dégénéré, c'était maintenant vrai et il pouvait le dire sans trop se dire que d'un autre côté, il dramatisait. Il avait tendance à tout dramatiser, mais à voir ces deux femmes se crêper le chignon de manière tout à fait peu commune, à entendre par là ; liste non exhaustive, menaces de mort et d'anéantissement, de châtiment, de jugeance parfaite de son adversaire, de mépris, de haine, de promesse de décès, c'était.... complètement validateur de ses craintes. Il n'avait jamais vu Yeul de près avant qu'elle vienne impunément faire montre de ses capacités psychiques en envahissent son esprit (merci bien), et il n'avait jamais vu Cassandra de près non plus, jusqu'à ce qu'elle jure devant Etro de buter Yeul. Elle ne l'avait pas dit clairement, mais elle l'avait insinué. Et plusieurs fois.
Et lui il était là, et il rêvait d'être ailleurs. Lui-même, évidemment, qui d'autre ? Il ne regrettait pas d'avoir haussé le ton face à Yeul, maintenant, avait un peu, mais vraiment un tout petit peu de recul, il se disait qu'il avait quand même bien fait, mais que les conséquences étaient... Par pur accident, franchement, vraiment anormalement exagérées. Il n'y avait pas de superlatifs assez énormes pour qualifier ce qui se passait ici. Il aurait pu l'accuser de réagir trop fort face à ces prétendus hérétiques, et elle aurait pu simplement accepter ses torts. Parce qu'il avait raison, il n'avait pas d'autres choses à dire, dans quel monde est-ce que ça se faisait encore, la crémation de gens vivants ?
Ce fut avec un certain détachement qu'il vit Yeul péter un câble, de manière qui semblait définitive. Elle était de ce genre là, alors ? Pour tout dire, cela ne le surprit pas plus que cela ; elle avait montré de quoi elle était capable magiquement. Cette aura autour d'elle, ce n'était pas du vent, elle avait vraiment quelque chose de maléfique.
Fabri resta silencieux devant les actions de la prêtresse. Curieusement, son esprit n'analysa rien, et il se contenta de regarder. Il avait conscience que plus rien ne tournait rond, mais sa conscience ne parvenait à rien, elle était comme errante, à demi endormie.
L'explosion fut comme un réveil, brutal certes, mais efficace. Il avait une bonne vue sur ce qui se passait, n'étant que légèrement derrière Cassandra. Les paroles de Yeul lui tournaient dans la tête. Détester le feu ? Il avait en effet toutes ses raisons, ledit élément ne cessant de croiser son chemin. A la Cité des Rêves, au village alors qu'il venait à peine d'arriver au Domaine, et aussi lors de l'attaque de ces deux tarés. Il des raisons légitimes de détester ça.
Alors que ses pensées revenaient sans crier gare et que son esprit confrontait désormais la Yeul qu'il voyait en face de lui avec celle qu'il venait également de voir, exultant de joie dans une vision étrange , il attrapa machinalement l'épée qui était par terre, juste à sa portée. Merci Pentaghast. Il ne pouvait pas s'arrêter de dresser un parallèle qui n'avait pas lieu d'être entre lui et la prêtresse. Qu'est-ce qui avait bien pu la rendre comme ça, si un jour elle avait été comme dans cette vision ?
Il n'empêchait que son discours était anormal, et mauvais par bien des points de vue. Et le pire dans tout cela, c'était que d'un autre côté, en opposition parfaite, Cassandra avait raison.
L'une comme l'autre, il ne les connaissait pas, bordel, et ce matin encore il aurait juré que Yeul était -bien qu'un peu effrayante- un membre du Sanctum, du Haut Clergé, comme bien des autres, et que Cassandra protégeait la veuve et l'orphelin, que comparé à elle, il était juste un connard fini. Actuellement, à la seconde près, il remettait ses anciennes opinions en cause.
Si Etro pouvait l'aider, ça pouvait être bien. Parce qu'il n'avait aucune idée de quoi faire. Il avait pas mal d'idées, mais toutes aboutissaient sur le néant total.
Il écoutait toujours leurs argumentations respectives. Cassandra avait raison selon lui, encore et encore. Il aurait aimé avoir cette foi qu'elle démontrait. Mais il était trop pragmatique pour se lier corps et âme à une divinité, même si elle avait montré qu'elle existait belle et bien. Les divinités n'avaient pas rechigné par le passé à l'abandonner sur le pavé. Il se battait pour Etro, bien entendu, et éliminerait ses ennemis. Mais que ferait-il si un jour elle retournait ses faveurs ? Elle pouvait, car il n'était pas sans failles. C'était le cœur même de ses prières. La peur de l'abandon et de l’annihilation des personnes qu'il connaissait.
Il n'avait jamais vu le corps de sa mère. Mais il avait en revanche vu celui de son père et de son frère après que leurs noms aient étés inscrits sur les listes et que leur corps avaient étés étendus dans une chapelle, alors que la Cathédrale servait de refuge aux innombrables nouveaux sans-abris, le jour des émeutes, quelques années auparavant. Il avait vu leur corps après qu'ils aient étés repris aux émeutiers et que les lances et flèches aient étés retirées. C'était une vision qu'il n'avait pas crue a ce point imprimée dans son esprit pour qu'elle lui revienne, maintenant plus que tout autre instant, avec cette même impression de vide, cette impression d'injustice dans son cœur.
Il avait beau réfléchir, au final, ses plus beaux coups d'éclats, il les avait effectués dans une grande sottise, comme celui de venir au Domaine. Et comme celui d'utiliser l'épée qu'il avait dans les mains pour tenter de dévier l'épée de Lumière de la Commandante. Sommairement, en se jetant devant elle sans cérémonie, et en tentant de dévier tant bien que mal cette invocation lumineuse.
Le sort, ou quoi que ce fut, n'en eut rien à faire et continua sur sa lancée, en direction de la prêtresse. Fabrizio pouvait bien tenter ce qu'il pouvait, il ne serait pas assez rapide contre ce truc. En pur désespoir de cause, il lança un sort de partage de peine sur Yeul.
Yeul sentait trop les ténèbres pour qu'il soit sûr d'avoir fait la bonne chose. Mais aurait-il fait mieux en la laissant prendre le coup de plein fouet ? Il ne savait pas, il n'en savait plus rien. Si Etro pouvait le foudroyer, maintenant, alors qu'il restait là, sans savoir quoi dire, ni faire, ce ne serait que miséricorde.
Et bordel il s'y connaissait en miséricorde.