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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Le respect n'est jamais offert comme un dû, quoi qu'il se passe et quoi qu'on fasse. Le seul moyen de l'obtenir, c'est de l'arracher aux autres et de l'imposer en l'affichant comme un drapeau, de sorte à porter haut l'étendard de sa propre bannière. Il faut alors choisir entre l'abnégation et la confrontation -susciter chez l'autre la peur ou l'admiration. Dans les deux cas, quels qu'ils soient, c'est alors le courage qui prime -la force d'assumer ses choix jusqu'au bout et de ne jamais dévier du chemin qu'on a décidé de tracer.

Tout ce que Yeul voulait, c'était une nouvelle arme pour son arsenal -quelque chose qui lui permettrait de prendre l'avantage dans cette bataille sans fin qu'elle était lasse de mener.

Elle battit une dernière fois des paupières et décida de ne plus détacher les yeux du bûcher qu'on dressait devant elle. C'était sa contribution à la réputation d'intransigeance du Haut-Clergé ; elle était prête à prendre ses responsabilités et à assumer seule les conséquences de sa décision, des actes qu'elle avait entraînés, et des réactions que ceux-ci pourraient générer. Il n'était plus question pour elle de s'apitoyer, ou de se perdre dans des considérations altruistes comme elle l'avait toujours fait. De surcroît, elle pouvait difficilement s'empêcher d'être satisfaite du sort à venir de ces êtres pour lesquels elle n'avait pas la moindre once de respect ; leur mort ne serait finalement qu'un pas de plus vers la victoire qu'elle recherchait, et, plus qu'un mal nécessaire, constituerait finalement une action saine qu'elle se devait de mener sans plier ni ciller.

La prêtresse se mit alors à croire dur comme fer que ce qu'elle faisait était profondément juste ; qu'il s'agissait certes de sa propre justice, mise en place selon ses propres méthodes et appliquée sur sa propre initiatives, mais que personne ne pourrait jamais nier qu'elle était intrinsèquement du bon côté.

Elle durcit sa démarche claudiquante et s'arrêta, droite, devant l'échafaudage de bois ; c'était tout du moins ce dont elle essayait de se convaincre, avec toute la force de ses convictions. Elle devrait sans doute, comme cela était arrivé tant de fois, mener son combat toute seule -cette pensée, d'ailleurs, lui arracha un faible sourire teinté de satisfaction : peut-être serait-elle la Yeul qui allait mettre fin à cet affreux calvaire. Peut-être aurait-elle un autre titre à faire valoir que celui de la Yeul qui aimait tant danser.

Sa jambe gauche, déséquilibrée, fléchit sur le côté et l'arracha à ses pensées.

Elle ne put s'empêcher d'esquisser un pas de sa composition pour la remettre à sa place. Un soupir lui échappa -les cieux ne lui avaient pas laissé le choix de vivre pour ce qu'elle aimait vraiment. Elle resterait toute sa vie une poupée blessée, condamnée à se mortifier chaque jour que les dieux font jusqu'à ce qu'elle ait, enfin, réussi à détacher les liens qui la retenaient à eux.

Jusqu'à ce que ses geôliers soient massacrés jusqu'au dernier.
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C'était une journée comme beaucoup d'autres, où il n'y avait pas eu grand chose à faire. Le froid s'était installé, la grisaille aussi. En bref, il n'y avait pas eu grand chose d'intéressant à dire. Vraiment, avant cet instant précis, Fabri ne se serait pas souvenu de cette journée dans un an. Il ne s'en souviendrait peut-être pas quand même, mais pour l'instant, il ne pensait même pas à un proche avenir, ni au passé, ni à toutes les conneries auxquelles il pensait habituellement.

Il était sorti, Aubrey lui avait demandé de lui montrer son dernier rapport de mission, sans doute voulait-elle savoir ce qu'il avait noté sur elle, l'ayant bien aidé à exfiltrer Nicolas Flamel l’apothicaire (dont il n'avait jamais pensé à demander le nom, d'où le « Nicolas Flamel »...). Il n'était pas armé, ses cheveux étaient détachés, vraiment, ce n'était pas un jour où il pensait avoir affaire à un assaut d'il-ne-savait quel groupe terroriste. Aubrey était en poste sur la muraille, et il n'avait pas encore trouvé de moyen pour y accéder sans sortir, malheureusement. La citadelle était grande et se comprenait quelques places entre ses murs, plutôt utiles pour un discours ou un entraînement.

C'était sur la grande place qu'il vit quelque chose qu'il ne pensait pas revoir de sitôt.

Au premier instant, il ne comprit pas ce que la construction faisait là, c'était une forme de bois incongrue au milieu de la pierre grise des murs et des pavés. Au premier abord, il manqua de détourner le regard. Mais ses pensées le rattrapèrent bien vite. Une construction de bois, des poteaux, séparés entre eux par un mètre peut-être. Jamais, au grand jamais il ne pensait voir ça ici, c'était quelque chose comme.. sorti du passé, en quelque sorte. Quelque chose qu'il ne rattachait pas au Sanctum.

Sans vraiment chercher une raison à sa présence, mais pensant immédiatement à ce à quoi il allait probablement servir, il siffla en direction des travailleurs qui construisaient cette chose, ce bûcher.

« Qu'est-ce que vous foutez !? » leur dit-il, d'une voix forte, mais essayant de rester calme. « Qui vous a ordonné de construire ça ici ?! »

Ce n'était peut-être pas la manière la plus aimable de demander quelque chose à quelqu'un, mais pour le coup, il profitait bien de son grade et de son statut au Sanctum pour se défendre si ça tournait mal, dans le pire des cas.

Les artisans, surpris dans leur travail, ne prirent pas une seconde pour répondre mais montrèrent quelqu'un, au pied de l'échafaud. Quelqu'un qui ne passait pas vraiment inaperçu.

Yeul, 'Sa Sainteté'. Comment ne pas la reconnaître ? Ses cheveux, sa manière de s'habiller, c'était peut-être les seules notes de couleur visibles dans cette cour. Fabrizio se demanda très brièvement si son statut pouvait le protéger s'il frappait un membre du Haut-Clergé. La réponse était non, mais il se dirigeait déjà vers elle.

En arrivant à sa hauteur, il fut frappé par la stature de la jeune fille... De la petite fille, serait le terme exact à employer. Elle était frêle, son cou, ses poignets, ils étaient diaphanes. Ses joues étaient très légèrement rondes, et ses yeux... Ses yeux avaient quelque chose de vivant qui était encore au delà de ce qui était atteignable par une simple description. En fait, comme la phrase précédente l'illustrait si bien... C'était quelque chose de barbare que de chercher à décrire par des mots quelque chose d'aussi délicat, quelque chose d'aussi fragile que cette jeune fille.

« C'est toi à qui il faut s'adresser pour les réclamations sur le feu de joie artisanal, juste là ? » demanda-t-il en désignant d'un geste le bûcher.

Il ne voulait pas voir le Sanctum basculer dans l'extrémisme, et brûler des criminels, peut importe leur provenance, était quelque chose de barbare, d'inhumain...

Il n'allait pas laisser ça passer.
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Gagner n'est pas facile -la victoire a un coût, suggère une rétribution qui ne saurait jamais vraiment faire de cadeau, quel qu'il soit, à celui qui la décroche. Le triomphe est réservé à ceux qui sont prêts à en payer le prix -quitte à tuer, utiliser, massacrer, quitte à se trahir soi-même, pourvu que cela mène, finalement, à cet accomplissement. Il s'agit de dominer, de faire valoir sa volonté -de briller, toujours plus, d'un éclat flamboyant ou d'une lueur terrible.

Yeul n'allait pas accepter de recevoir une leçon de plus -c'était au dessus de ses forces . Il en était assez de toujours tolérer, de toujours accepter les actes insensés, les décisions iniques de prélats pitoyables et de soldats ratés. Il en était assez de leur laisser l'espace tout juste nécessaire pour pouvoir s'exprimer -et propager ainsi l'impératif fétide qui suintait de leur bouche, le nectar putrescent de leur condescendance, tout droit coulant en flaques de leurs sourires mielleux.

Qui s'embarrasse de la pitié, cette compagne forcée ? Les simples d'esprits s'abandonnent à ses conseils et prennent leurs décisions en fonction de son bon vouloir, de ses belles exigences, si justes, tellement idéalistes, toujours moulées par un modèle moral hérité de quelque société pseudo-vertueuse sûre d'avoir mis les siens sur les rails du droit chemin. Ceux qui veulent réussir ignorent ses supplications et suivent leur propre route.

La Prêtresse balafra son visage d'une moue agacée, dédaigneuse, qu'elle maintint fortement en criblant du regard le Seigneur Valeri. Elle le méprisait -à ce momet précis plus que n'importe qui. Bien qu'elle ne fut pas tout à fait face à lui, Yeul voyait de sa place qu'il se retenait de toutes ses forces de lui "faire entendre raison" en employant quelque moyen autrement plus expéditif. Elle n'aurait vu aucun problème à cela, et n'y aurait d'ailleurs pas fait moindre objection -mais il n'oserait pas un seul instant lever la main sur elle. Tant pis. « Vous êtes faible, Fabrizio ; terriblement faible. » Elle ne prit même pas la peine de soupirer. « Regardez-vous. Je ne parle pas à un homme, je m'adresse à une ruine. » La Sibylline plongea ses deux yeux torves au plus profond des siens et ne s'en détacha plus. « Quelle disgrâce. Vous, un haut gradé des ordres militaires du Sanctum, prêt à contester des ordres venus du Haut-Clergé pour protéger une idée puérile de la pureté morale que vous rêvez complètement ? »

Les talons de la petite religieuse se raidirent tandis que sa posture se faisait plus rigide. Bien qu'elle ne pouvait vraiment demeurer haut perchée et que son port de taille, marqué par la finesse maladive de toute la structure de son corps, mettait fort en exergue sa construction chétive, elle demeurait franchement impressionnante, et même paraissait presque, sous certains aspects et selon les points de vue, à la limite d'en être menaçante. « Qui croyez-vous protéger ? Le peuple à notre charge ? Si la situation n'était pas aussi ridicule, elle en serait presque risible. On n'avance pas en restant magnanime, pas plus qu'en étant obséquieux. Vous n'êtes plus un enfant -alors cessez de vous comporter comme si vous en étiez un. On ne gagne pas une guerre en tergiversant. » Elle siffla. « C'est à cause de gens comme vous que le monde dans lequel nous vivons est aujourd'hui à ce point plongé dans un pareil chaos -parce que ceux qui possèdent le pouvoir n'ont pas su prendre les bonnes décisions en temps et en heure, qu'ils ont hésité, se sont laissés envahir par le doute, et ont laissé la gangrène se propager partout au lieu de la stopper. Quand un membre est atteint, il faut savoir le couper. »

Yeul ne s'attendait pas à être suivie. Elle se savait seule à mener son combat -le plus souvent contre son propre camp ; à force de trahisons et de déceptions, elle avait appris à travailler de son propre chef, sans s'entourer d'alliés ou d'exécutants, qui n'auraient de toute façon constitué qu'un assemblage de poids complexe qui l'aurait retenue.

Son genoux craqua dans un fracas terrible d'os broyés ; elle perdit à nouveau sa position et faillit trébucher, mais retint de toutes ses forces son corps de chuter, et se dressa péniblement dans une posture affreuse. Elle ne tenait plus que par la force de son esprit. « Mon organisme dysfonctionne. Mon squelette ne répond plus de rien. Mes muscles hurlent à chaque instant. Mon être entier est prêt à se briser -pourtant, je tiens debout, parce que je porte en moi l'inébranlable volonté de toujours avancer. Mais vous, que faites vous de ce corps parfait, qui ne fait jamais mal ni ne vous fait faux bond ? Rien. Vous n'en faites rien. Parce que votre coeur est vide de sens, et que votre âme a perdu la raison. De nous deux, le plus faible, c'est vous. » Une moue coléreuse lui traversa la face. « Et je vous hais pour cela. ».
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Chacune de ses phrases étaient comme un coup de poignard. A ce moment, il aurait pu le comparer au froid que l'on ressent en plongeant dans de l'eau gelée, ou quelque chose de ce genre là. C'était trop lui demander que de lui dire de statuer clairement, avec mots et expressions, l'impression que lui faisait les mots et la voix de Yeul. A l'instant présent, dire qu'il pensait à quelque chose demeurait du domaine de la surestimation, ce qui était plus dans ses cordes par contre, c'était la simple pensée du cou de cette créature diaphane en face de lui, qu'il pouvait exploser contre le créneau le plus proche.

Si elle ne tombait pas en miettes devant lui bien entendu, chose qui avait pas mal de chances d'arriver en fin de compte, vu l'état dans lequel elle semblait être.

Mais elle parlait et parlait, de sa voix morne, en le fixant d'un regard torve particulièrement ignoble. Qu'est-ce qu'on lui avait fait, à cette fille, pour qu'elle soit comme ça ? Est-ce qu'elle aussi était comme Grell ? Complètement barrée ?! Elle remettait tout en cause... absolument tout, de manière méthodique. Un détail, et un autre. Ses manières de faire, mais aussi lui-même. Il écoutait, statufié par sa prosodie. Elle était simple, si simple à comprendre, et ça faisait mal, vraiment mal. Vraiment, comme passer sous la glace et ne pas parvenir à regagner l'air libre.

Alors qu'elle parlait, il ne put répondre que par un sourire, qui s'étira nerveusement sur ses lèvres. Elle touchait au but, elle l'avait touché dès le début. Il aurait aimé avoir son épée à la ceinture car tout ce qu'il pouvait faire c'était laisser ses ongles s'enfoncer dans la chair de sa paume, laisser les jointures de ses mains blanchir.

Selon elle, il était une disgrâce, il était faible. Et c'était vrai, il n'avait pas de racines, son rang de « seigneur » que tout le monde lui donnait désormais ne donnait lieu sur rien. Il était juste là, pas devant Yeul, mais devant la banalité de sa putain d'existence.

« On gagne pas une guerre en.... ah oui, bien sûr. C'est vrai, on les gagne en cramant le moindre accusé, c'est vrai ! Excusez-moi, haute représentante du Clergé, du ciel, de la terre et de plein d'autres choses, excusez... Comment-dire... » il hésitait, butait sur quelques mots, que dire, que répondre, franchement, face à un mur, même pire ? Que répondre face au vide ? Il détourna son regard, fit quelques pas, en long, en large et en travers, et continua de parler, sans s'arrêter. «  Pardonne-moi d'être né ? Comme je suis et comme je me tiens devant toi, si c'est ça, ton foutu problème ! »

Il avait haussé le ton sur ces trois derniers mots, et était revenu en face d'elle.

Même si il lui avait adressé la parole, même si en fin de compte c'était son problème tout particulièrement. Qu'est-ce que le fait d'être magnanime allait aider dans cette guerre ouverte ? Qui savait, Swain pouvait observer depuis une meurtrière, son corbeau sur l'épaule. Il pouvait regarder avec un délice les subtilités de l'implosion d'une personne.

Parce que s'il y avait une personne que Fabrizio Valeri avait envie de poignarder en cet instant même, à l'exception notable de Yeul et de Swain, c'était lui-même.

« La 'ruine et la disgrâce' te diraient un grand nombre de choses, Yeul. » reprit-il, en accentuant son nom, dans un rire nerveux. «  Il y a encore des gens qui croient en quelque chose qui s’appelle le pardon. »

Le pardon, c'était cette chose débile, parfaitement idiote, qui empêcherait Fabri d'écraser le coup de la jeune fille devant lui si elle tombait par terre, lui donnant ainsi une mort relativement rapide, mais au contraire, l'aiderait à se relever. C'était cette impulsion qu'il n'expliquait pas, qui l'avait fait s'avancer pour la retenir, quelques instants plus tôt, à ce moment où elle menaçait de tomber. Il voulait oublier ce détail, mais il n'y arriverait pas.

« C'est pas quelque chose de 'logique', j'ai pas de comparaison savante à y donner, mais je suis prêt à le défendre. » cracha-t-il en se détournant d'elle.

Il n'allait nulle part, bien sûr ; ne sachant pas vraiment où aller. Il replaça nerveusement quelques mèches de ses cheveux derrière son oreille, jurant une fois encore à voix basse. Il ne souriait plus.
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« C'est de coeur que vous me parlez là. » La prophétesse, bien que mise en porte-à-faux, demeurait d'un calme imperturbable -rien ne semblait être capable d'ébranler sa posture. Une fois qu'elle avait trouvé son axe, il ne lui restait qu'à pivoter sur elle même sans se compromettre dans le moindre mouvement superflu -de sorte à ce que son corps ne craque pas sous le poids de sa propre constitution, qu'elle savait pertinemment fragile et vouée à la chute. Ceci la fatiguait plus que de raison, mais elle s'interdisait tout repos jusqu'à la réussite finale de sa mission millénaire -aussi garda-t-elle contenance tout en toisant le chef de troupe laïc qui tentait de l'en faire dévier. « Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point. » Elle siffla. « Vous me prenez pour une idiote ? » Tandis que l'air se faisait plus dense, la prêtresse reprenait son souffle. « C'est le coeur qui sent Dieu, et non la raison. Jusque là, vous avez bien appris votre leçon. C'est le moins qu'on puisse attendre d'un haut gradé du Sanctum. » Bien qu'elle fit, à cet instant, montre d'un agacement affirmé, sa voix ne quittait pas le ton monocorde qui lui était habituel. « Il semblerait cependant que l'on ne puisse pas vous demander plus. C'est en les dieux que vous avez foi -et ce sont eux qui accordent ou non le pardon. Souvenez-vous alors que c'est à leur clergé d'interpréter leurs volontés. Vous, vous exécutez. »

La bonne conscience misérable de cette créature grotesque lui donnait la nausée -rien dans son discours n'avait le moindre sens, pas un mot n'y sonnait juste ni n'atteignait son but à quelque instant que ce soit. C'était une diatribe creuse, vidée de sa substance et laissée là comme une carcasse, abandonnée sans doute aux charognards pour qu'ils se repaissent de ses restes pourris dont personne d'autre ne voudrait entendre parler. Ce n'était même pas mièvre, mais malsain ; quelque chose dans la tirade de Fabrizio exsudait une laideur terrible dont la tristesse, inexorable, semblait sans cesse gagner du terrain sur le reste du monde.

Yeul n'était pas morte pour ça. Toutes ses malheureuses incarnations n'avaient pas sacrifié leurs vies pour que pareille abjection soit permise en la présence de l'une des leurs ; aussi la sibylle trembla-t-elle sur ses fondations, retenant de toutes ses forces la colère qui la rongeait plus encore que l'infection ne dévorait ses os.

Comme les autres, ce misérable lui volait sa vie. Sans même savoir un mot de son histoire, il piétinait des siècles de combat acharné, de luttes incessantes, d'une guerre sans merci contre des divinités dont le pouvoir incalculable pesait sur l'humanité comme une infinité de lames. « Je ne vous excuse pas d'être né. Ou plutôt, de demeurer dans cet état déplorable. » Elle le fixait de son éternel regard, bien qu'il lui eut tourné le dos depuis plusieurs minutes déjà. « Je ne vous absous pas de votre médiocrité, pas plus que de votre insolence. Même les pires des ratés doivent assumer leurs actions ; elles sont ici à la hauteur de votre insondable faiblesse. » La prophétesse se savait terriblement démunie, mais cela ne voulait en rien dire qu'autrui le devinait aussi -malgré sa démarche claudicante et son corps pathétique, son corps et sa stature n'en imposaient pas moins ; aussi, il n'était pas rare d'entendre qu'elle était peut-être une formidable magicienne, une lanceuse de sort de premier ordre, une fameuse sorcière aussi forte peut-être que Lulu l'enchanteresse. Personne n'en savait cependant grand chose, et pour cause -les élus des dieux savent conserver leurs secrets.

Tout cela, évidemment, relevait de la plus pure fantaisie : Yeul se rendait à peine capable d'une maîtrise psychique soutenue, et ses arcanes suprêmes se résumaient à des cartes secrètes à employer lors d'interrogatoires ; ce dont elle n'avait rien à craindre tant qu'elle ne se battait pas.

Et ici, pas une âme n'osait la provoquer. Qui oserait, après tout ? Le Haut Clergé est une instance intouchable par nature -dont la prêtresse était, à l'heure actuelle, la seule membre à se montrer en public.

Elle tenait ici l'occasion idéale de prouver quelle était l'importance des êtres les plus proches des dieux.

« Écoutez-moi, Fabrizio Valeri. Vous venez vous rendre coupable d'entrave à l'exercice de la justice. J'espère que vous vous rendez compte de la gravité de votre situation. » Elle siffla, comme à sa désagréable habitude. « Vous connaissez les peines encourues. Vous savez ce que l'on fait des traîtres. » Elle désigna du regard le bûcher en construction. « Mais je suis magnanime. Ça aussi, vous le savez. Ce n'est pas un secret. » L'ironie de la situation la fit intérieurement tressaillir. « En revanche, je ne laisserai personne contester mes décisions. Pas même vous. » Un ombre sinistre défigura la petite religieuse. « Je suis sincèrement navrée. » Elle ouvrit grand les yeux, subitement, d'un geste sec -une onde immatérielle s'en dégagea et résonna jusqu'à l'esprit du chef d'armée, qu'elle fit ployer sous le choc. Tout son organisme s'immobilisa.

Pour quelques instants, la Grande Prophétesse avait pris le contrôle de son corps. Elle aurait tant aimé le lui dérober et s'enfuir avec, partir vers des cieux plus cléments où elle pourrait s'épanouir ; mais, à défaut de le pouvoir faire elle même, il ne lui restait plus qu'à le faire danser. Elle s'empara d'un couteau incurvé qu'il cachait dans l'une de ses nombreuses poches et le planta dans son flanc droit. Le geste n'était pas létal -la douleur qu'il lui infligea lui parut ridicule face à ce qu'elle subissait continuellement. Par la suite, elle garda la lame enfoncée à travers le cuir, à travers la peau, à travers la chair, où elle grava, à la force du fer et du poignet, le sceau de la déesse Etro -la marque maudite des êtres haïs des Éternels, qui ne peut s'inscrire que par le sang. Elle même la portait aux yeux -lui devrait la revoir chaque jour sous la forme d'une cicatrice, d'une balafre dessinée au canif sur sa carcasse misérable.

Avant de lui rendre finalement les commandes de sa tête, Yeul prit le soin méthodique de le mettre à genoux. Elle voulait qu'il ploie devant elle. Elle voulait qu'il comprenne que, désormais, plus rien ne serait comme avant..
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Les cloches de la Cathédrale du Domaine Enchanté résonnaient dans les rues de la ville, sonnant douze fois. Du sommet de la plus haute tour, nous pouvions apercevoir les Templiers du Sanctum converger vers le donjon du Château du Roi Stéphane, le son si caractéristique du haut-cloché signait la fin de la première garde.
Les intendants du Sanctum patientaient dans la cours du château, guettant le retour des troupes armées. Ils avaient pour tâche de récolter les rapports de situations après chaque ronde des Templiers. Et chaque jour, la troupe dirigée par Dame Pentaghast était en retard. L’intendant en chef avait pour habitude de l’attendre, cautionnant l’excès de vigilance dont la jeune femme faisait preuve. Elle était un exemple dans les armées saintes, mais bien peu d’hommes le suivait, prétextant que sa dévotion frôlait le fanatisme quand elle patrouillait dans les rues de la cité du Roi.

Le treizième coup s’estompa dans le ciel du Domaine avant que la dernière troupe ne franchisse le pont-levis du Château, croisant par ailleurs les gardes s’en allant prendre le deuxième quart. La troupe traversa la cours et se rendit directement devant l’intendant en chef, patientant un livre à la main. La chef de troupe s’avança et enleva son lourd casque d’acier, dévoila une coiffure noir de geais couronné d’une fine tresse.

- Bonjour Cassandra, la journée a-t-elle bien démarré ?
- Nous revenons du quartier Fauve monsieur. Rien à signaler, les habitants de cette section ne nous causent aucun problème.
- Ma jeune enfant, éprouvez-vous réellement le besoin d’être aussi strict avec moi ?
- Nos rapports sont envoyés au Primarque, je ne me permettrais pas d’être insolente en vous les transmettant.

L’intendant poussa un long soupir avant d’éclaircir son visage d’un sourire en direction de la Dame. Celle-ci répondit d’un hochement de la tête et prit la direction de la caserne, le casque sous le bras. Le reste de la troupe avait déjà rejoint la caserne, laissant la garde s’occuper de l’intendant. À peine avait-elle posée sa main sur les portes de bois qu’une voix familière l’appela, elle se retourna et vit Varric courir à toute allure vers elle.

- Quoi encore ?!
- On a un problème, un gros problème…
- Qu’est-ce que tu as fait…?

Varric s’arrêta un instant, plié en deux, reprenant son souffle du mieux qu’il pouvait. Il finit par se redresser brusquement, la main sur le torse et le visage déformé par une moue horrible.

- Moi ?! Rien du tout ! J’étais tranquille dans la citadelle avec mon sitar, jouant un petit air sur une estrade pour quelques munnies. Et juste devant moi, une femme, toute frêle, les bras pas bien épais mais habillée comme un reine !
- Ugh… Je me moque de tes conquêtes !
- Non ce n’est pas ça le plus important… Elle était accompagnée d’ouvrier du Sanctum et ordonnait la construction d’un bucher géant, au beau milieu de la place public, devant toute la population… T’imagines un peu le délire ?!

Le regard de Pentaghast se figea subitement dans une expression de colère. Elle attrapa son casque à deux mains et le colla contre Varric avant de le lâcher brusquement et se retourner, direction les lourdes grille de l’enceinte du Château du Roi Stéphane. Elle s’arrêta un instant face à un râtelier d’armes, enlevant son épée et son bouclier qu’elle jeta à terre, pour ensuite empoigner une épée bâtarde qu’elle noua à son dos, la garde de l'arme dépassant de son épaule droite.

Le Templier traversait la ville d’un pas rapide, le regard noir, ruminant de sombre pensée envers la présence d’un bûcher au milieu de la citadelle. Qui, parmi les plus hautes instances du Sanctum avait autorisé de pareil, acte au sein même de la ville, une pareille barbarie devant les yeux de milliers d’adorateurs de la Déesse Mère, Étro.
Les pas de la Dame s’accélérèrent, devenant presque une course à travers les boyaux de la ville. La place n’était plus qu’à une centaine de mètres, dominée par les plus hautes tours de la cathédrale. L’agitation était palpable, à mesure que Pentaghast approchait, elle voyait des mines déconfites prendre la direction opposée. Elle ne s’attendait à rien d’autre que des rondins dressés en arrivant, mais un spectacle bien plus grave l’attendait.

Une jeune fille, correspondant à la description faite par le conteur se trouvait au pied de l’amas de bois et face à elle, un homme parfaitement inconnu aux yeux du Templier. Rassurée de n’être pas la seule à imploser de l’intérieur devant la vision des flammes, Pentaghast prenait une profonde inspiration et s’avança un pas calme en leurs directions. Les secondes passèrent et les formes lointaines devinrent de plus en plus distinctes, en particulier les expressions de chacun. La colère, le dégout, la haine étaient lisible sur leurs visages… Le ton montait au milieu de cette place.

Mais avant que la Dame n’ait rejoint le bûcher, une bombe explosa devant elle. La jeune femme, comme secouée d’un spasme regarda fixement son opposant alors que celui-ci tenta de se débattre. Il recula de quelque pas en arrière avant de sortir une lame et s’entailla violemment le buste devant le corps, immobile et froid de l’incantatrice.
Pentaghast n’avait jamais vu cela, l’homme en armure avait subitement changé de comportement, comme possédé… Oui, c’était la seule explication. Le Templier ne savait pas comment, mais cette femme forçait l’auto-mutilation de son adversaire. Elle se mordait les lèvres et courra de toute sa vitesse en direction de la scène de torture. De toute sa course, elle ne voyait que la pointe de la lame tourne encore et encore dans le corps du pauvre homme. La Dame concentra alors toute la Lumière de son corps, elle sentait cette douce chaleur remonter son torse et descendre le long de ses membres jusqu’à atteindre le bout de ses doigts. Elle stoppa alors sa course, glissant de la pointe de ses bottes sur quelques centimètres avant de relâcher l’accumulation d’énergie en direction du pendentif porté par la jeteuse de sort.

La lumière traversa la zone à toute allure et percuta le collier sans un bruit, et d’un coup, le corps tout entier de la jeune femme ploya sous le poids de son crime. Le bijou brillait de la lumière de Pentaghast, et malgré les efforts de la coupable, elle ne parvenait pas à se soustraire de son emprise. Le Templier s’approcha dés lors de l’homme maintenant à terre, la lame ensanglanter trainant sur le pavé Pentaghast posa un genou à terre à côté de lui et regarda la blessure, le sang coulait sans discontinuité. Elle faisait alors pression sur la blessure à l’aide de sa main et concentra à nouveau sa Lumière, cherchant à apaiser les maux du malheureux.

La Dame tourna ensuite le regard vers la fille, et ce fut le choc. Elle connaissait ce visage, aucun Templier du Sanctum ne pouvait l’ignorer, il s’agissait de la prêtresse Yeul. Dans un mouvement lent, elle se relevait et relâchait son emprise sur la blessure de l’infortuné. Ses mains étaient recouvertes du sang de l’innocent qui ruisselait maintenant sur le pavé de la place alors que Pentaghast s’approchait du corps immobilisé de Sa Sainteté, elle ne parvenait pas à y croire.
Elle resserra son poing, annulant l’emprise de sa volonté sur le cou de la jeune fille. Et d’une voix tremblante, elle parlait à la sainte toute en s’avançant vers elle.

Vous… Vous êtes l’investigatrice de toute cette barbarie ?! L’un des membres les plus éminent de notre Église, de notre clergé préparerait le châtiment par le feu au beau milieu de notre citadelle ?
Pentaghast regardait la prêtresse avec peur, comment cela était-il possible ? Elle tourna le regard en direction de l’homme blessé, tâtant sa blessure et regardant son sans coulé. La peur se changea en colère, et la colère en haine. Elle se retourna vivement sur le membre du clergé, les yeux injectés de sang sous l’énervement.

Comment pouvez-vous agir de la sorte ?! Souillez ainsi ses vêtements, ses promesses offertes par la Divine ?! Comment pensez-vous que le peuple réagira devant vos actes dénués de toute les valeurs que nous dressons, nous, fils et filles d’Étro ! La bonté… La justice… Ignorez les vous donc ?! 
Les membres du Templier tremblaient sous la rage, elle n’arrivait pas à croire en cela, en cette trahison face à toutes les valeurs que le Sanctum défendait. Devant-elle se trouvait l’un des membres les plus importants du culte, mais elle ne voyait qu’un pâle reflet des valeurs détournées de sa chère Déesse.


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C'était comme se réveiller au son d'une alarme, comme reprendre conscience la tête sous l'eau. Il ne saurait pas expliquer ce qui se passait, ni ce qu'il lui arrivait. Alors qu'il se redressait, Fabrizio eut l'impression de peser deux tonnes alors que tout lui revenait d'un coup, sans ordre précis. Il y avait Yeul, principalement, avec son regard de bête morte depuis deux semaines, et puis le bûcher. Tout un tas d'autres choses lui revenaient bien sûr, mais elles étaient toutes occultées par Yeul. Putain. La salope. Il n'y avait rien d'autre pour la qualifier, c'était digne de rester prostré par terre pendant trois heures, juste à l'insulter.

Il ouvrit les yeux et se redressa, reprennant un contact entier avec le monde physique. Il en avait connu des plus agréables, sincèrement. Il ne comprenait pas ce qui s'était passé, et encore moins ce qui se passait actuellement. Sans céder à la panique mais presque, il tenta de comprendre. Il n'arrivait pas à se concentrer sur quelque chose en particulier, son esprit décidait comme de lui même d'aller voguer dans des mers inconnues pendant un laps de temps court, mais qui pour lui, sembla être une éternité. Un temps insondable de dénuement et d'incompréhension, pour quelqu'un qui aurait préféré se jeter d'un pont plutôt que de ne rien comprendre, qui aurait échangé un rein pour la compréhension de ce qui se passait.

Et la vue de son propre sang sur son propre poignard n'aida en rien, et la vue de Cassandra Pentaghast entre lui et Yeul acheva définitivement le peu de raison qui restait encore son esprit, et non, il n'en restait vraiment pas beaucoup, si tenté que quelqu'un se demandait.

Par que, oui, beaucoup de monde connaissait Cassandra, même si personne n'osait l'apeller par son doux prénom parmi les corps armés du Sanctum. Une description était de mise, parce que pour un inconnu de droit commun, personne ne comprendrait ô combien la situation pouvait être tendue. Pentaghast qui menaçait un membre du Haut-Clergé du Sanctum. Non vraiment, s'était à se demander ce qui s'était passé. La surprise de la voir la effaça presque tout le reste ; tout avait en fait la désagréable habitude de s'effacer directement après qu'une information nouvelle n'arrive, c'était fortement dérangeant.

« Comment pouvez-vous agir de la sorte ?! Souillez ainsi ses vêtements, ses promesses offertes par la Divine ?! Comment pensez-vous que le peuple réagira devant vos actes dénués de toute les valeurs que nous dressons, nous, fils et filles d’Étro ! La bonté… La justice… Ignorez les vous donc ?! »


Oh bordel de merde...

«  Pentaghast, reculez. »

Il ne lui avait jamais parlé, mais l'impression d'avoir le cerveau sorti d'un bac d'acide l'aidait grandement sur le chemin de la politesse, semblait-il. Il aurait pu la tutoyer, se dit-il en se relevant non sans difficultés. Il ne se souvenait même pas d'être tombé d'une quelconque manière.

Oh. Ni de s'être poignardé d'ailleurs. Quelle surprise. Il avait remarqué le sang et le poignard à son réveil, mais maintenant qu'il était un peu mieux réveillé, il se demandait vraiment, et sans censure, ce que Yeul avait bien pu foutre. Par réflexe, il porta sa main gauche sur l'entaille, qui se révéla être un entrelac complexe de lignes sanglantes, à vif. Elle portait en écho chaque battement de son cœur.  

«  Je sais que la fête a l'air géniale mais de près ça l'est vraiment moins. »


Heureusement que les quelques clampins sur la place avaient dégagé. Quoique la Commandante ou Yeul aient fait, il regrettait bien de l'avoir raté.
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« Vous ? » Yeul grinça de rage. Que faisait-elle ici ? Pourquoi s'interposer entre elle et Fabrizio ? Qu'allait-elle gagner dans cet affrontement ? « Pauvre sotte ! Savez-vous quels risques vous prenez ? » C'était insensé ; la prêtresse avait beau retourner la question sous tous les angles possibles, rien ne semblait pouvoir la justifier. Punir Fabrizio, malgré l'illusion de contenance qu'elle gardait effective, lui avait coûté beaucoup plus qu'elle ne le pensait -lui faudrait-il de nouveau sortir le glaive du jugement ? Pour ça ? Qu'espéraient-ils accomplir en allant au devant des décisions d'un membre du Haut-Clergé pour sauver de la mort deux criminels avérés engagés dans un culte impie ? Comment pouvaient-ils, après cela, s'étonner d'être accusés à leur tour ? « Le feu vous déplaît donc tant qu'il vous faut mettre votre vie en danger pour qu'on n'en allume pas ? » De nouveau, sa voix émit un grincement désagréable. « Peut-être préféreriez-vous qu'on les pende ? » La prophétesse agrémenta sa réplique d'un sourire ironique. La commandante, sûre d'être dans son bon droit, osait, comble de l'impudence et de la stupidité, invoquer la volonté d'Etro pour justifier ses actions. C'était proprement pitoyable -elle se réclamait d'un être qu'elle ne connaissait pas, lui attribuait des pensées qu'elle n'avait jamais eues, et l'utilisait à son propre compte pour légitimer les siennes : quelle chance cela devait être de disposer d'une si faible portion d'amour propre ! Un scénario parfaitement huilé, bien que terriblement banal, qui aurait eu sa place dans l'une de ces tragédies pathétiques que les dramaturges écrivent quand ils perdent l'inspiration -mais le rejeton maudit d'Oerba n'y voyait rien d'autre qu'une excuse minable à une poussée d'orgueil soudaine. Elle en avait des hauts-le-coeur. Ces deux êtres misérables ne savaient rien d'elle ni de ses intentions, mais ils s'osaient s'interposer entre elle et son espoir de salut  ; peut-être préféraient-ils conserver leurs allures de justiciers, au prix, sans doute, de l'existence des autres -Yeul faisait certes de même, mais c'était dans l'idée d'accomplir une action plus belle, plus respectable, plus noble que tout ce que leurs esprits vides ne pourraient jamais fantasmer.

La prêtresse, arrachée à sa position par l'assaut de la dévote impromptue, peinait à se relever et pliait sur le sol, incapable de retrouver une stature correcte ; cela ne faisait qu'attiser sa colère et sa haine, qu'elle contenait déjà avec difficulté. « La bonté...? La justice... ? » Le ridicule appuyé de la situation lui parut stupéfiant. « Vous vous moquez de moi ? La bonté, vraiment ? » Elle planta ses yeux froids dans le visage de la commandante. « La Déesse n'a que faire de la bonté. Mais je vous accorde qu'elle se fait justice. » La prophétesse le savait mieux que personne -s'opposer au bon vouloir d'Etro, c'était risquer de faire face aux plus abominables tourments, sans ne rien pouvoir lui rendre en retour. Qui peut se venger de l'Eternelle Mère ? « Le peuple n'a rien à faire dans cette discussion. Il pense ce qu'il veut et a tous les droits sur l'opinion qu'il entretient de moi. Je ne suis pas ici pour le satisfaire. » Elle n'avait pas été élue, ne siégeait pas au conseil royal, ne détenait aucun droit divin autre que celui de sa prêtrise -agir selon la volonté des citoyens ne faisait donc pas partie de ses prérogatives, ce à quoi elle ne voyait qu'une multitude d'avantages et absolument aucun inconvénient. « Je ne rends des comptes qu'à Etro. Vous n'avez aucune légitimité, pas plus que votre camarade. » Elle lança un regard en coin à Fabrizio, encore secoué par ce qu'il venait de vivre. « Quant à mes vêtements, ils... » Yeul, en observant brièvement sa tenue, se rendit compte que quelque chose n'allait pas.

Son collier s'était brisé pendant l'escarmouche avec la commandante. Elle trembla. Jamais, jamais, jamais elle n'aurait cru que quelqu'un aurait l'audace de l'attaquer de front -elle n'aurait pas plus deviné qu'elle le perdrait un jour. Pas lui. Pas maintenant. Pourquoi ?

L'objet commença à émettre des sons désordonnés, distordus, brouillés. Il crissait affreusement et semblait très sévèrement endommagé. « Je m'appelle Yeul ! ». À nouveau, la prêtresse fut prise de tremblements. « Je m'appelle Yeul et je viens de Paddra ! De Paddra ! De Paddra ! » Comment cela avait-il pu arriver ? « J'ai le plus beau bijoux du monde ! » C'était un cadeau. Un très vieux cadeau. Plus ancien que n'importe laquelle de leurs immondes armures, plus précieux que leurs misérables visages. « Et je l'ai fait toute seule ! Enfin, presque toute seule... » Le collier brillait d'un éclat doré, sinistre -il renvoyait l'image instable de tout un centre-ville rempli jusqu'à ses bords d'une foule compacte et joyeuse. Elle ne ressemblait à rien de connu -comme si elle venait d'un autre âge, d'un autre temps, où les choses étaient différentes. « Je m'appelle Yeul et je vous aime tous autant que vous êtes ! »

La diffusion s'arrêta net. Il n'en resta bientôt plus qu'une bande son répétitive qui s'enraya elle aussi et perdit le fil de son enregistrement.

Quelques instants plus tard, il n'y eut plus qu'un instrument cassé.

La prophétesse avait froid, terriblement froid. Elle grelottait, convulsait faiblement sous l'effet de cette désagréable sensation qui la prenait jusqu'à la gorge, jusqu'à la tête, et surtout jusqu'au coeur. « ... » Une aura noire, abominable, l'enveloppa tandis qu'elle se relevait par la lévitation -elle s'éleva d'un mètre et fit exploser une échoppe inoccupée par la force de son psychisme. « La bonté... La justice... » Elle empestait les ténèbres. « Vous ne méritez rien de tout ça. » Elle retrouva lentement le sol, trébucha, mais réussit à rester debout. « Vous êtes répugnants. Des barbares comme vous n'en peuvent rien savoir. » Elle exposa à eux ses yeux marqués du sceau d'Etro. « Soyez maudits. »
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La remarque du blessé agit comme un calmant sur la garde, lui faisant relâcher ses muscles tendus par la colère, Pentaghast tourna sur elle-même pour faire face à l’homme. Il s’était relevé, le sang coagulant toujours de sa blessure mais son visage restait figé sur une incompréhension totale. N’avait-il aucune idée de ce qu’il venait de lui arriver, son ordre était attisé par la crainte que lui inspirait le Haut-Clergé ? D’ailleurs, qui était-il et que faisait-il ici ? S’il s’agissait d’un membre du Sanctum, ce qui n’était pas improbable vu sa connaissance du nom de la garde, Pentaghast allait devoir répondre de ses actes par deux fois aujourd’hui.

Navré… Il est de mon devoir de protéger.
La garde fronça les sourcils avant de faire face à nouveau à la prêtresse, dégainant son arme et laissant tomber la pointe de l’épée contre les dalles de pierre. Elle gisait toujours au sol, marmonnant ses paroles impies aux oreilles de Pentaghast, déformant les paroles de la Divine afin quelles suivent ses sombres pensées.
Ce n’était pas pour entendre ce genre d’ineptie que la jeune femme avait rejoint les corps armés des Templiers, elle croyait aux valeurs de la Déesse Mère. Elle croyait en l’acte, lui seul prouvait les pensées et paroles que chacun se ventait d’avoir. Et quand Pentaghast abaissait son regard sur celle s’apprêtant à commette le châtiment par le feu, elle ne voyait que la vanité d’un être. Le pouvoir que lui donnait son rang ne lui suffisait plus, elle en voulait toujours plus, prête à défier la loi des hommes en osant proclamer le nom de la Divine comme rempart à sa folie. C’est avec une moue dégouttée que la garde leva son bras armé, pointant l’impie de sa lame.

Que vous le vouliez ou non, le peuple observe chacun de nos actes et les jugent. Vous, plus que quiconque est observée, vous êtes censé répandre les paroles des Éternels dans le coeur du peuple. Et que vous le vouliez ou non… Le peuple nous définie !
À peine avait-elle prononcé ses mots qu’un son émanait des restes du pendentif de la prêtresse. D’abord surprise, Pentaghast leva un sourcil avant que les restes ne se mette en branle. Un mirage envahi la place de la Citadelle, désorientant la garde. Assurant sa prise sur la garde de son arme de ses deux mains, Pentaghast dressa son arme tout en tournant sur elle-même, observant les centaines de visages soudainement apparus. Paddra, qu’est-ce que ça pouvait être, une ville ? Un royaume ? Pentaghast n’en avait aucune idée, mais elle resta figée devant cette vision.
Avant que la garde ne puisse réfléchir à ce qu’elle venait de voir et entendre, le souffle d’une explosion la rappela à l’ordre. Instinctivement, la garde leva la lame de son épée face à son visage, la protégeant des débris mais le choc l’obligea à lâchée son arme qui glissa à quelques mètres, aux pieds de l’homme aux côte entaillées.

La garde regarda par alternance son arme et l’homme, mais le regard de celui-ci obligea la garde à tourner la tête pour voir l’impie de nouveau sur ses deux jambes. Pentaghast serrait les poings à en faire blanchir ses phalanges, les ténèbres qu’elle espérait ne jamais voir en ses lieux emportait le corps de la jeune prêtresse. Les yeux grands ouverts de l’impie reflétaient la marque d’Étro alors qu’elle appelait à la malédiction… Elle était allée trop loin, la sentence sera sans appel.

Vous n’êtes pas digne de parler en son nom…
Pentaghast murmurait cette phrase, fixant de ses yeux l’horrible aura de ténèbres enveloppant le corps de la jeune fille. Lentement, le torse de la commandante se mit à s’illuminer d’une faible lueur pour ensuite se répandre et s’intensifier jusqu’à l’extrémité de chacun de ses membres. C’est le regard sévère que la Lumière d’Etro jugea la prêtresse face à elle, son aura illuminant le centre de la place. La Dame ferma les yeux un instant, se concentra sur sa lumière. Cette prêtresse, une despote, osant parler au nom de la Déesse Mère. Mais étant aussi corrompue que les adeptes de Shemazaï, elle représentait tout ce pourquoi la garde se battait.

L’aura baissa un instant, toute la lumière de Pentaghast se réunissait au bout de son bras avant d’être relâchée dans une immense onde lumineuse, parcourant l’entièreté de la salle et frappant de plein fouet les spectateurs de cette scène. La prêtresse recula sous le choc, mais ce n’était pas suffisant pour en venir à bout. Toujours concentrée sur sa lumière, la Dame referma sa main gauche et amena la droite contre celle-ci. Comme un chevalier retirant son épée du fourreau, Pentaghast dégaina une épée faite de sa propre lumière.

Étro, guide ma lame… Que ma Lumière châtie tes ennemis !
La Lumière d’Étro empoigna la garde de son épée à deux mains et passa la lame au-dessus de sa tête. Dans un mouvement vif, elle lança la lame immatérielle en direction de la prêtresse. Son action sera jugée par ses pairs, mais une telle injure à la Divine ne pouvait restéer impunie.
L’épée de lumière fendit l’air en s’approchant inexorablement du corps de l’impie, sa chair restera intacte, mais ses ténèbres n’y échapperont pas.


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La situation avait dégénéré, c'était maintenant vrai et il pouvait le dire sans trop se dire que d'un autre côté, il dramatisait. Il avait tendance à tout dramatiser, mais à voir ces deux femmes se crêper le chignon de manière tout à fait peu commune, à entendre par là ; liste non exhaustive, menaces de mort et d'anéantissement, de châtiment, de jugeance parfaite de son adversaire, de mépris, de haine, de promesse de décès, c'était.... complètement validateur de ses craintes. Il n'avait jamais vu Yeul de près avant qu'elle vienne impunément faire montre de ses capacités psychiques en envahissent son esprit (merci bien), et il n'avait jamais vu Cassandra de près non plus, jusqu'à ce qu'elle jure devant Etro de buter Yeul. Elle ne l'avait pas dit clairement, mais elle l'avait insinué. Et plusieurs fois.

Et lui il était là, et il rêvait d'être ailleurs. Lui-même, évidemment, qui d'autre ? Il ne regrettait pas d'avoir haussé le ton face à Yeul, maintenant, avait un peu, mais vraiment un tout petit peu de recul, il se disait qu'il avait quand même bien fait, mais que les conséquences étaient... Par pur accident, franchement, vraiment anormalement exagérées. Il n'y avait pas de superlatifs assez énormes pour qualifier ce qui se passait ici. Il aurait pu l'accuser de réagir trop fort face à ces prétendus hérétiques, et elle aurait pu simplement accepter ses torts. Parce qu'il avait raison, il n'avait pas d'autres choses à dire, dans quel monde est-ce que ça se faisait encore, la crémation de gens vivants ?

Ce fut avec un certain détachement qu'il vit Yeul péter un câble, de manière qui semblait définitive. Elle était de ce genre là, alors ? Pour tout dire, cela ne le surprit pas plus que cela ; elle avait montré de quoi elle était capable magiquement. Cette aura autour d'elle, ce n'était pas du vent, elle avait vraiment quelque chose de maléfique.

Fabri resta silencieux devant les actions de la prêtresse. Curieusement, son esprit n'analysa rien, et il se contenta de regarder. Il avait conscience que plus rien ne tournait rond, mais sa conscience ne parvenait à rien, elle était comme errante, à demi endormie.

L'explosion fut comme un réveil, brutal certes, mais efficace. Il avait une bonne vue sur ce qui se passait, n'étant que légèrement derrière Cassandra. Les paroles de Yeul lui tournaient dans la tête. Détester le feu ? Il avait en effet toutes ses raisons, ledit élément ne cessant de croiser son chemin. A la Cité des Rêves, au village alors qu'il venait à peine d'arriver au Domaine, et aussi lors de l'attaque de ces deux tarés. Il des raisons légitimes de détester ça.

Alors que ses pensées revenaient sans crier gare et que son esprit confrontait désormais la Yeul qu'il voyait en face de lui avec celle qu'il venait également de voir, exultant de joie dans une vision étrange , il attrapa machinalement l'épée qui était par terre, juste à sa portée. Merci Pentaghast. Il ne pouvait pas s'arrêter de dresser un parallèle qui n'avait pas lieu d'être entre lui et la prêtresse. Qu'est-ce qui avait bien pu la rendre comme ça, si un jour elle avait été comme dans cette vision ?

Il n'empêchait que son discours était anormal, et mauvais par bien des points de vue. Et le pire dans tout cela, c'était que d'un autre côté, en opposition parfaite, Cassandra avait raison.

L'une comme l'autre, il ne les connaissait pas, bordel, et ce matin encore il aurait juré que Yeul était -bien qu'un peu effrayante- un membre du Sanctum, du Haut Clergé, comme bien des autres, et que Cassandra protégeait la veuve et l'orphelin, que comparé à elle, il était juste un connard fini. Actuellement, à la seconde près, il remettait ses anciennes opinions en cause.

Si Etro pouvait l'aider, ça pouvait être bien. Parce qu'il n'avait aucune idée de quoi faire. Il avait pas mal d'idées, mais toutes aboutissaient sur le néant total.

Il écoutait toujours leurs argumentations respectives. Cassandra avait raison selon lui, encore et encore. Il aurait aimé avoir cette foi qu'elle démontrait. Mais il était trop pragmatique pour se lier corps et âme à une divinité, même si elle avait montré qu'elle existait belle et bien. Les divinités n'avaient pas rechigné par le passé à l'abandonner sur le pavé. Il se battait pour Etro, bien entendu, et éliminerait ses ennemis. Mais que ferait-il si un jour elle retournait ses faveurs ? Elle pouvait, car il n'était pas sans failles. C'était le cœur même de ses prières. La peur de l'abandon et de l’annihilation des personnes qu'il connaissait.

Il n'avait jamais vu le corps de sa mère. Mais il avait en revanche vu celui de son père et de son frère après que leurs noms aient étés inscrits sur les listes et que leur corps avaient étés étendus dans une chapelle, alors que la Cathédrale servait de refuge aux innombrables nouveaux sans-abris, le jour des émeutes, quelques années auparavant. Il avait vu leur corps après qu'ils aient étés repris aux émeutiers et que les lances et flèches aient étés retirées. C'était une vision qu'il n'avait pas crue a ce point imprimée dans son esprit pour qu'elle lui revienne, maintenant plus que tout autre instant, avec cette même impression de vide, cette impression d'injustice dans son cœur.

Il avait beau réfléchir, au final, ses plus beaux coups d'éclats, il les avait effectués dans une grande sottise, comme celui de venir au Domaine. Et comme celui d'utiliser l'épée qu'il avait dans les mains pour tenter de dévier l'épée de Lumière de la Commandante. Sommairement, en se jetant devant elle sans cérémonie, et en tentant de dévier tant bien que mal cette invocation lumineuse.

Le sort, ou quoi que ce fut, n'en eut rien à faire et continua sur sa lancée, en direction de la prêtresse. Fabrizio pouvait bien tenter ce qu'il pouvait, il ne serait pas assez rapide contre ce truc. En pur désespoir de cause, il lança un sort de partage de peine sur Yeul.

Yeul sentait trop les ténèbres pour qu'il soit sûr d'avoir fait la bonne chose. Mais aurait-il fait mieux en la laissant prendre le coup de plein fouet ? Il ne savait pas, il n'en savait plus rien. Si Etro pouvait le foudroyer, maintenant, alors qu'il restait là, sans savoir quoi dire, ni faire, ce ne serait que miséricorde.

Et bordel il s'y connaissait en miséricorde.
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