Cela fit déjà plusieurs jours que le jeune Trystan était devenu ouvrier dans les rizières. Les autres ouvriers le considérèrent comme un ami, même si il était plutôt silencieux lors des pauses. De plus il avait beaucoup d’énergie qu’il mettait dans son travail. L’archer était quelqu’un qui n’aimait pas faire les choses à moitié et cela se ressentait dans ses chasses, avec ses flèches qui allaient droit au but. Il lui prenait souvent de repenser à ses courses dans la forêt après sa proie, à ses déplacements feutrés et calculés pour ne pas effrayer sa cible… ça lui manquait terriblement d’être un chasseur, mais dans ce monde personnes ne vivaient de chasse ; c’était de la pêche ou de l’élevage de bétails qui permettaient d’avoir de la viande dans les plats. Trystan se devait de respecter ces traditions et culture ne pouvant pas faire autrement afin de récolter des informations.

D’ailleurs, il en avait récolté pas mal, du moins ceux qui lui étaient utiles. Comme lui avait dit l’homme au coin de la rue, c’était deux jeunes qui produisaient et fournissaient l’hazia et c’était les seuls d’après ce que Trystan avait compris. Quand son travail était fini, il se promenait dans les rues commerciales et les marchés, c’est dans ses coins que l’on récoltait le plus d’informations et de potins croustillants. Trystan avait donc compris qu’il ne restait plus de trafiquant de drogue dans les parages, ils avaient tous mis la clé sous la porte avec l’arrivé de la poudre miraculeuse dont seul le père, puis ses deux fils connaissaient le secret. Mais tout le monde n’était pas adepte avec cette pratique. Les généraux et chefs de l’armée chinoise étaient contre, sauf qu’ils avaient du mal à empêcher tous les soldats à consommer de l’hazia. L’archer savait où il allait pouvoir trouver de l’aide.

Une après-midi, il partit en direction de la forêt ; le ciel était un peu couvert et il faisait plus frais que les premiers jours ici. Trystan avait remis ses couches de tissus lui servant d’habille, mais il garda son arc et ses flèches emballés dans son sac à dos. Il remonta le chemin jusqu’à l’intersection où le chauffeur du vaisseau gummi lui avait indiqué de prendre à gauche. Cette fois-ci il prit le chemin de droite, menant au campement. Le voyage se passa sans encombre, il profita d’être dans la forêt : respirant des grands bouffées d’air, sentant les parfums agréables de la terre, des feuilles, de la sève, regardant les mouvements rapides des animaux qui avaient senti sa présence, écoutant le chant des oiseaux et le ruissellement de l’eau… C’était sa drogue à lui ; être dans la nature laissant ses sens être en éveil, comme dans un état second.

Il arriva devant le campement où deux soldats bloquèrent l’entrée, le regard dur et froid :


« Halte ! Qui va là ? »
« Un simple ouvrier des rizières… J’aimerais parler avec votre général.
« Bien sûr, le général a le temps de discuter autour d’un thé avec un paysan ! »
« Et puis, qui nous dit que tu ne nous mens pas ? »
« Vous pensez que je suis venu pour faire un massacre à moi tout seul ? Dépouillez moi et faite moi rentrer dans le camp ! »

Le regard de Trystan qui était aimable avant, était devenu aussi dur que la roche et féroce qu’un félin. Il n’avait pas le temps de bavarder avec des gardes, en plus l’insultée de paysan insignifiant n’avait pas plu du tout à l’égo du chasseur. S’il aurait été libre de faire ce qu’il voulait, les deux gardes auraient une flèche plantée dans le crâne ! Un peu déstabilisé par le regard vert du jeune homme, l’un des deux gardes hocha la tête et l’autre s’approcha de Trystan, lui retira son sac et vérifiant qu’il n’avait pas d’arme sur lui.

« Nous gardons vos affaires ici, il vous sera rendu quand vous sortirez. »

Ils faisaient bien leur boulot ; le sac ne fut même pas ouvert et jeter sur le côté à deux pas du garde. Ils leur tournèrent le dos, pendant que Trystan rentrait dans le petit camp rempli de tentes blanches et rouges. Il n’était pas du tout à l’aise sans son arme, il tourna tout le temps la tête de droite à gauche, le regard furtif voyant une fois un homme soigner son épée, un autre méditant, et d’autres marchant simplement. Il trouva au centre du campement, une tente bien plus spacieuse que les autres : aucun doute, c’était celle du général. Après une grande inspiration, il s’avança droit devant l’entrée où il y avait, encore, des gardes postés.

« Bonjour, j’aimerais parler au général, c’est pour une affaire urgente. »
« Est-il au courant de votre visite ? »
« Non. »
« Vous devrez alors passer d’abord par le greffier… »
« Vous êtes sourds : c’est une affaire urgente ! Je ne suis pas ici pour faire tout le tour du campement et attendre d’avoir un rendez-vous. »
« Mais… »

Le bout de tissus servant de porte à la tente ondula et s’ouvrit. Le général sortit, comme si rien n’était, ne prêtant guère attention à Trystan. Les gardes se mirent en garde à vous et le jeune homme salua dignement, comme lui avait appris son hôte, le général.

« Mon général : connaissez-vous cet homme ?»
« Non. Que voulez-vous ?»
« J’aimerais avoir un entretien avec vous général.»
« Si cela n’a rien d’urgent veuillez m’excuser mais j’ai une armée à gérer.»
« Général… »

Celui-ci s’était éloigné de quelques pas des gardes devant la tente, et Trystan le suivait. S’inclinant de nouveau et jetant un regard pour être sûr que les gardes n’entendent pas, le jeune homme reprit :

« Je dois vous parler, c’est à propos de l’hazia, je souhaite comme vous que sa consommation s’arrête. »

Le général baisa le regard et fixa Trystan, comme s’il le passait au rayon X. Après un lapse de temps, il hocha la tête en signe d’approbation et fit signe au jeune homme de le suivre. Ils n’allèrent pas dans la tente, car les murs ont des oreilles. Le général l’amena dans un coin du camp sans tente, une aire d’entrainement sûrement, mais elle était vide :

« Mes soldats sont partis s’entrainer dans la montagne. Bon nous serons bien ici... Cette drogue est un vrai calvaire pour nous les gens de l’armée. Elle les rend faibles d’esprit et lent. Avec l’empereur et les autres hauts gradés nous avons tout tenté, mais rien y faire. »
« Général, je comprends votre désarroi. Je suis venu de loin afin de vous aider à stopper la prise de l’hazia. En observant les habitants, je me suis bien rendu compte que si on arrêtait les trafiquants, ils risquent de se révolter ou autre. Ce qu’il faut ; c’est les écœurer de cette drogue. »
« Oui… Pour qu’ils prennent la décision d’arrêter d’eux-mêmes. Mais comment ? »
« En l’a modifiant. »
« Non! vous voulez la modifier pour qu’elle devienne un poison et tuer tout le monde ? Pour propager la maladie et le malheur ? »
« Ne croyait pas cela, tuer par poison est une chose que je trouve inacceptable. L’hazia amène les gens dans une transe où les rêves sont paisibles, n’est-ce pas ? »
« Oui… »
« Et bien, ce que je pense faire, c’est de les amener dans des rêves désagréables, remplis d’horreurs sans noms. »
« Hum… Cela peut-être en effet efficace et sans réelle danger. »
« Exact. Ce qu’il me faudrait c’est une drogue comme cela. Savez-vous où je puisse en trouver ? »
« Je pense le savoir, mais je préfère en parler d’abord aux supérieurs et leurs demander de me procurer cette hazia inverse. Je ne peux me permettre de vous laisser le champ libre et que vous mettez autre chose tuant la moitié de la population. »
« Je vois… »
« J’envoie de se pas un messager, revenez me voir dans cinq jours. »
« Entendu général. »

Ils se saluèrent tout deux et partirent chacun de leur côté. Comment être sûr que le soldat était quelqu’un de confiance ? Trystan l’avait vu dans son regard, ressenti dans ses paroles et la tonalité de sa voix, ainsi que dans ses gestes. Il était resté un peu plus longtemps dans le camp, tel une ombre jusqu’à ce qu’il voie un messager partir au galop. Rassurez, il rentra chez son hôte, l’air de rien.