C’était en grognant et tirant la tronche, que l’épervier posa son premier regard sur le monde de la Terre des Dragons. Et rien que de voir cette terre à travers le hublot du vaisseau gummi, le mettait en rogne… Ce monde rond était le premier qu’il voyait, autre que celui qui l’a vu naître. Premier voyage stellaire, première mission pour la Congrégation de l’Ombre, première fois que l’archer allait effectuer une tâche qu’il n’appréciait pas. C’était toutes ses premières fois qui le mettaient de mauvaise humeur.

Trystan, dont le menton était posé sur la paume de sa main gauche, quitta du regard sa destination. En tournant le dos au hublot il croisa ses bras contre sa poitrine, les sourcils froncés et sa jambe droite battait dans de haut en bas. Sur les nerfs, le jeune homme savait que cela ne changera rien de râler ou de se morfondre sur sa mission. Alors il décida d’observer l’intérieur du vaisseau, histoire de penser à autre chose. Il n’y avait rien de particulier dans cet engin ; des simples parois blanches, sans décorations pas même un petit motif, quelques fauteuils rouges pour transporter d’autres voyageurs. Mais le jeune homme était seul et ça lui convenait à merveille.

Il avait pris un vaisseau de la compagnie de la Shinra qui contrôlait quasi tous les déplacements dans l’univers. D’ailleurs la personne qui lui avait donné la mission avait le bras long ; voyager d’un monde à un autre sans que la Shinra vous demande dans quel camps vous êtes, si vous êtes un errant, un ennemi qui va faire exploser leur vaisseau tel un kamikaze… Trystan était passé sans soucis et c’était bien pratique : arrivant là-bas il s’était simplement présenté et avant même d’avoir pu dire où il allait, le garde lui avait pointé un vaisseau du doigt tout en lui souhaitant bon voyage. Il se remémora sa rencontre avec l’individu dont le visage ne lui était pas dévoilé... La colère remonta en lui comme le mercure d’un thermomètre en plein soleil ; il ne s’énervait pas souvent (enfin c'est ce qu'il dit), mais là l’individu du coin de la rue avait touché le point sensible ! Comme si l’archer rêvait du chaos dans tous les mondes afin de ressusciter un reptile non fréquentable. Lui il voulait juste retrouver sa liberté de chasser et de vivre comme bon lui semble. Il l’avait mal jugé, mais Trystan ne lui fit aucunes remarques et allait exécuter les ordres, comme un petit mouton faible. Et c’était en fait son comportement à lui-même qui lui était le plus intolérable.

Ses yeux verts bouillonnèrent tel un thé laissé sur le feu, mais avant qu’il ne se laisse déborder par ce sentiment d’être une simple marionnette honteuse, une voix s’éleva dans le vaisseau annonçant l’atterrissage dans moins d’une minute.  Trystan soupira et se détendit ; s’il voulait gagner quelques munnies il avait intérêt à réussir sa mission et ça n’allait pas être de la tarte, car ce n’était pas dans ses cordes. Se rappelant des informations importantes données, Trystan sortit de l’engin volant, content de mettre un pied sur la terre ferme. L’air frais balaya son visage figé, mais son regard scruta les alentours. Des grandes montagnes dont les sommets devaient être recouverts de neige éternelle, des forêts remplies de longues tiges feuillues, des cultures de riz en étages sur les flancs des montagnes… Tous ses paysages lui étaient inconnus, la faune et la flore aussi. Malgré un petit dépaysement, il avait les yeux qui pétillaient. En effet, son instinct de chasseur voulait partir directement explorer ces grandes forêts et montagnes tel un aventurier, mais il n’était pas ici pour des vacances.

Le moteur coupé, le chauffeur du vaisseau descendit à son tour. Il avança en direction du jeune archer qui était immobile depuis plusieurs minutes déjà, il s’arrêta à côté de Tristan légèrement en retrait. Il était en pleine réflexion sur le mode de vie ici et comment il allait s’y prendre, qu’il ne prêta pas la moindre intention au chauffeur moustachu.


« C’est magnifique n’est-ce pas ? D’ici on ne voit pas la muraille de Chine, mais je vous conseille d’y faire un tour car ça en faut vraiment le détour ! »
« … »
« Vous n’êtes pas là pour faire du tourisme, je ne me trompe ? »

Trystan ne répondu pas de suite, se demandant quand cet homme allait se taire! Mais il se rendit compte que le chauffeur avait l’air de connaître ce pays et ça pourrait lui être utile :

« Exact… Mais j’aimerais en savoir un peu plus sur ce monde avant de m’y aventurer. »

« Oui je comprends… Par où commencer ?
–son regard se figea sur Trystan et le dévisagea de haut en bas-
Tout d’abord le peuple de Chine est en guerre avec les Huns, c’est pour ça que je vous conseille de cacher votre arc et de vous couvrir afin de passer inaperçu. Vêtu comme ça vous allez effrayer les chinois ! »

« Ah… Merci. Vous savez quels métiers pourraient me rapprocher des gens du peuple et qui me permettraient de gagner un peu d’argent ? »

« Vous avez l’air d’un bon archer, vous pourriez vous engager dans l’armée. Quoique, pas sûr qu’ils prennent des étrangers… Travaillez dans les cultures de riz, ou encore dans une forge. »

« D’accord c’est noté, où est-ce que ce trouve le village ? »

« Tu vois la forêt de bambou en face ? Et bien tu suis le chemin qui y rentre, une fois que tu arrives à une bifurcation tu tournes à gauche, à droite c’est le chemin pour aller au campement. Je connais un peu le village car parfois je vais y acheter deux trois trucs… »

Trystan regarda la forêt ; donc ces plantes s’appellent des bambous. Son expression de visage ne changea pas mais dans l’esprit du jeune homme il y eu un léger amusement : dans les « deux trois trucs » il y avait surement la drogue dont on lui avait parlé. Le chauffeur s’en alla d’un pas rapide dans le vaisseau, quant à Trystan il fouilla dans son sac pour dénicher un petit drap afin d’emballer son arc et ses flèches. Il n’aimait pas se séparer d’eux, mais l’épervier ne pouvait pas rater sa première mission ; sa fierté en prendrait un coup et Yamata pourrait lui briser ses sens de chasseur. Le jeune homme mit l’arc et les flèches emballés dans le sac à dos mais son arme étant grande, elle dépassa du sac fermé, comme une petite antenne de tissu. Ce n’était pas si discret, mais ça n’éveillera pas de la crainte envers les gens.

« Attrapez…

« Une cape ? C’est gentil monsieur. Merci pour toute votre aide. »

« Il n’y a pas de quoi, bon séjour ! »

Trystan s’était retourné pour saisir la cape en vol avec la main gauche, tandis que la droite salua l’homme moustachu qui décolla.