Pas la peine de lire, c'est pas finit.

    Auron entendait des gargouillements... qu'on aurait presque confondu avec de l'eau si le bruit eut été plus élégant. Lentement il ouvrit les yeux, allongé sur un sol étrange. C'était sombre, ça sentait mauvais... le mercenaire s'aida d'une main pour se relever. En forçant, il remarquait que celle-ci s’enfonçait légèrement dans ce... sol. Lorsque son corps endolori était debout, le premier réflexe du mercenaire fut de chercher son sabre. Dieu soit loué, il était là, par terre. L'aurore se baissa pour ramasser son arme et la soulevant, cala sa lame sur son épaule.
    Le choc et la surprise passé, l'Aurore rouge finit par comprendre. Auron était toujours au prise avec Moby Dick... il ne put s'empêcher d'afficher un rictus mauvais.

    Il a survécu et atterri à l'intérieur de ce monstre... la situation s'est complètement inversé. Pour la première fois il a l'avantage sur la Baleine. Juste en levant les yeux, Auron voyait la colonne vertébrale et les côtes de ce roi des mers.

    L'Aurore rouge se décida à explorer plus en avant les entrailles de cette baleine, laissant derrière lui les cadavres de marins.

    Devant lui se trouvait une étendue d'eau... surement mélangé à autre chose. On aurait juré un petit lac... rempli de carcasse de bateau. Plus étrange... on voyait aussi des morceaux de bois empilés formant des sortes de plates-formes. Le revenant n'est certainement pas le premier à arriver ici. Ça a tout l'air... d'une fin longue et atroce que de passer le reste de sa vie ici.
    Non... il y a forcément un moyen de sortir.

    Comme un signe du destin... Auron poussa du pied un morceau de bois qui ferait office de radeau de fortune. La grotte dans laquelle il naviguait était faite de parois violacées et mouvantes, l'odeur qui emplissait la zone était bien plus irritante que le derrière d'un putois, et le fleuve rose sur lequel il se trouvait maintenant était parsemée d'une multitude de petites bulles qui explosaient sporadiquement ça et là. Le décor a vite bien changé...


    « Je dois être dans l'estomac... »

    Le radeau improvisé se mit soudain à fondre.

    ...

    Le revenant se mît à regarder dans toutes les directions dans l'espoir de trouver quelques aspérités auxquelles s'agripper rapidement. Par chance, une petite cavité semblait se dessiner dans la parois à quelques mètres sur sa droite, de quoi laisser passer un homme. Le petit couloir se situait au dessus du niveau de ce qui devait être des sucs gastriques, ce qui dans l'immédiat tombait à point nommé.

    Auron bondit d'une impulsion jusqu'à la cavité, posant un regard sur ce qui était autrefois son radeau. C'est après plusieurs minutes d'une marche prudente que le mercenaire déboucha sur ce qui semblait être totalement improbable en ces lieux, une ville ! Une énorme ville grouillante de vies ! Les habitats étaient faits de restant de navires pirates et marchands, certains étaient à l'envers, entiers ou à demi démantelés, transformés en bar, restaurant, atelier en tout genre, commerce. On pouvait y distinguer une faune variée, avec des individus n'ayant que la peau sur les os et les souillés troués, d'autres gras et bien habillés se déplaçant en ville avec une escorte de près d'une vingtaine d'hommes. Des catins dansaient sur le ponton du premier bordel en vue alors qu'en face une bagarre venait de se déclencher à la suite d'un différent sur qui devait être le propriétaire de cette épave nouvellement arrivée.

    Auron n'en revenait pas, se demandant s'il n'avait pas d'hallucination. L'avenue principale de la cité intra-gastrique offrait un spectacle saisissant. Une multitude de lanternes en papier de différents coloris, rouge sombre, bleue enchanté, orange passion ou violet mystique, trônaient tout du long. Elles donnaient au lieu une allure à la fois macabre et festive, pendues à l'avant de ces ex-monstres des mers, éclairant de fabuleuses figures de proue de leurs lumières tamisées.

    L'avenue grouillait de monde, à croire que Moby Dick avait pris pour habitude de dévorer tout équipage mal préparé à la navigation ou assez fou pour se risquer dans son térritoire. C'était l'heure du marché et tous se bousculaient afin d'y déloger la trouvaille du jour qui agrémenterait leurs quotidien si particulier. Des étalages se situaient de part et autre de la passe, souvent faits de bois de récupération terni par le temps et l'hostilité du paysage. Chacun proposait un tas d'objets très divers, allant d'une simple fourchette en cuivre, le plus souvent tordue, au vieux drapé blanc maculé et parsemé de trous, en passant par l'indémodable livre de chevet au papier froissé par l'humidité.

    Toutes ces breloques étaient en majeur partie issues d'un nouvel arrivage. Un véritable métier était né dès lors que le troque était redevenu le moyen de paiement le plus courant. La fréquence d'apparition de nouvelles épaves bien que relativement lente provoquait une sorte de "ruée vers l'or", sauf qu'ici il était question de recycler tout ce qui passait sous la main.
    Il était d'ailleurs régulier de voir un ou deux étalages vides de leurs propriétaires au moment du marché. Ceux-ci étaient en général retrouvés quelques heures plus tard égorgés, éventrés ou tout simplement dissous par les sucs gastriques de Moby Dick. En revanche, leurs trouvailles, elles, se retrouvaient sur l'étale d'un concurrent au marché suivant.

    Auron passait inaperçu dans la foule... de plus en plus sceptique quand à la possibilité de sortir d'ici. De toute façon... il lui fallait un moyen, le plus horrible soit-il.

    Nombre de bagarres explosaient tout autour, les gens se disputaient le moindre objet. On se serait cru à Tortuga, mais en pire... quoique Tortuga sente moins bon que le ventre de cette baleine.
    Les gens discutaient tout autour... un sujet revenait souvent. Ils avaient sentis la baleine bougé et ça été une catastrophe naturelle dans leur petit village. Tout le monde se demande ce qui est arrivé à Moby Dick.

    Ils sont déçus... Moby Dick n'a pas avaler grand-chose d’intéressant à récupérer. Auron était perdu... il ne savait ni où allez, ni à qui demander son chemin. Le mercenaire vit un bar au loin et se risqua à y entrer. En silence il alla s'installer au comptoir alors que le bar était plongé dans un joyeux bordel.


    « Soif ? » Lança le serveur.

    « Je veux savoir comment on sort de ce merdier. »

    « Bah... on est pas resté ici par choix. Y a plusieurs chemins pour s'en allez, mais personne n'a jamais réussi. Ça fait un moment que je suis ici... alors je pourrais te le dire, j'imagine. »

    « Combien ? »

    « L'argent ne vaut rien ici. Tout fonctionne par le troc. Tes lunettes sont sympa cela dit. »

    Auron attrapa ses lunettes et les posa sur le comptoir. Quelle chance incroyable qu'elles aient survécu à toute cette histoire.

    « Vendu. »

    « Je connais trois chemins. Le premier c'est la bouche... c'est la fausse bonne idée. On a retrouvé les cadavres de trois gars qui sont partit par la gueule. Ils se sont refais bouffer direct ! Le deuxième c'est le nez... mais il est infesté de monstre. »

    « Des sans-cœurs ? »

    « Peut-être. Le troisième moyen c'est la voie naturelle. Quatre mec y sont allés... un seul est revenu. Les trois autres morts. »

    « Mort comment ? »

    « Je dois te faire un dessin ? »

    « Très bien, j'essaye la deux. »

    « En direction de la bouche, tout en haut y a un passage. Une espèce de grotte remplie de monstres. Si tu réussis à la traverser t’arrivera dans son nez et tu pourras sortir... probablement. »

    Auron se leva et partit en direction des narines de la baleine.