- Je laisse échapper un rire nerveux. J’avais quitté Auron trente secondes plus tôt pour retourner à ma couchette, dans la cale, pour y chercher mon équipement. Et tout en mettant ma cape sur mes épaules, je remonte sur le pont et… tout était changé. Le ciel grouille de nuages menaçants, la pluie tombe de nouveau violemment sur le navire, et le vent est… incroyablement puissant. Je lève la tête pour regarder les mâts, et j’y vois une demi-dizaine d’hommes défaire les nœuds et larguer les voiles…
Et ce vent qui nous dirigeait vers cette masse de nuages aussi sombre que la nuit… Aucun marin prudent n’aurait accepté de foncer dans la tempête, et en cet instant, ce n’est pas tant la tempête que je crains, c’est ce danger plus imminent encore, plus effrayant et ô combien mystérieux pour nous tous
Pourtant, les voiles déployées, c’est là-bas que nous irons. Je regarde l’horizon et bon sang, je crains le pire.
Pas le choix, je dois trouver le capitaine… Je cours sur le pont, en direction de sa cabine, sauf que non… Juste avant que je parte, Auron avait demandé à lui parler. Bon sang, il choisissait bien son moment pour discuter avec le capitaine du navire ! Je cours vers eux, ils « discutent » dans cette tempête… Je n’entends rien et ce qu’ils se disent ne m’intéresse pas. Je pose ma main sur l’épaule du capitaine Achab et la tire pour qu’il me fasse face.
« Capitaine ! Nous ferions mieux de nous sortir de cette tempête ! »
« C’est là-bas que nous allons, matelot ! »
Je le regarde fixement, les sourcils froncés… Son regard est stricte, certain, sévère. Il ne veut pas m’entendre, dirait-on.
« C’est insensé, capitaine. Cette tempête est p…
« Ne craignez pas la tempête ! »
Il me pousse violemment sans que je n’en comprenne la raison, et il se retourne vers notre direction, cet horizon sombre.
C’est une chose de partir à l’aventure, je le sais mieux que quiconque mais… un capitaine doit savoir mettre la survie de son équipage en priorité absolue, qu’il soit pirate ou pêcheur. Tout le monde le prévoit, ça se voit dans les regards effrayés, si nous y allons, il y aura des morts parmi nous.
Je regarde Auron qui lui aussi fixe la mer. Il est sans doute le plus calme de tous, semble ne rien craindre. Si je dois en prendre de la graine ? Je ne suis pas paniqué, juste inquiet pour les autres. Ce n’est pas ma vie que je risque sur ce navire. Vous le savez maintenant, la mer est ma meilleure amie, je ne la crains pas… Jamais elle ne m’emportera.
Les nuages sombres se rapprochent du navire avec la vitesse d’un ouragan. Les vagues secouent de plus en plus puissamment le bâtiment… Bientôt je vais rejoindre les marins pour les aider à braver cette tempête mais… tout comme Auron et le capitaine, quelque chose retient mon regard dans cet horizon.
Petit à petit, c’est tout l’équipage qui commence à regarder. Personne ne respire, tout le monde s’attend à découvrir le vrai visage de la tempête.
« Enfin on se retrouve… »
Je regarde brusquement le capitaine Achab… Son regard, je ne suis pas prêt de l’oublier… Il semble en plein délire, les yeux injectés de sang, grand ouverts, pleins de folie.
« Moby Dick ! »
Des flots surgit une masse incroyable. Au premier coup d’œil, cela aurait pu être une montagne qui naissait dans l’océan mais… les même yeux que le capitaine trônaient sur le monstre.
Ce n’était pas une montagne… C’était une baleine ou…
Bon sang… je n’avais jamais vu un tel animal.