- Ça faisait une semaine que je les avais sauvés. Certes, c'était très bien, mais c'était pas ça qui allait sauver ce monde. Il commençait a s'éteindre peu à peu, je ne voulais pas qu'il finisse comme le Pays des Merveilles, ou pire, comme la Jungle Profonde. Depuis peu, j'avais pensé qu'agir de mon propre chef pourrait aider. Je voulais juste que la coalition comprenne qu'il y avait quelqu'un pour les arrêter, qu'ils ne pouvaient pas rester impunis.
J'aurais du me secouer plus tôt. A cause d'eux, il y avait déjà un monde, sur, qui avait sombré dans les ténèbres, et nous n'avions rien fait. Je ne savais même pas s'il était encore possible de le sauver... Notre devoir de guerrier de la lumière... Nous ne faisions pas face au problème majeur auquel l'univers était confronté. Mais il y avait tellement de choses qui se passaient... Nous ne pouvions pas être partout.
C'était exactement la même nuit que je retrouvais. La même que la dernière fois. Le quartier du tram était toujours bercé par la lumière du clair de lune, et par les bruits de pas des soldats de la coalition. Des bruits de pas violents, qui enfonçaient les pavés a longueur de journée. Dissimulé dans l'ombre, je les regardais défiler fièrement, terrorisant la plupart des habitants. Ariez... Elle l'était la cheffe de tout ce merdier.
Une patrouille passa. Vêtu de mon manteau noir, je courus jusqu'à ma prochaine cachette. Ils ne m'entendirent pas, et ça m'arrangeait. Je n'avais nullement l'envie de reproduire ce qu'il s'était passé dans le bois. Non pas que cela m'aurait dérangé, mais dans le bois, il était facile de faire disparaître tout témoin. Ici... il y avait trop de soldats pour que je risque a me faire repérer, ou même a dégainer mes armes. Tout ce que je faisais, la coalition ne devait pas être au courant que c'était moi, et donc la Lumière qui en étaient les auteurs.
Je rejoignis un autre « point de contrôle », difficilement. Les patrouilles se faisaient plus nombreuses a mesure que nous approchions du manoir. Peut-être je devais prendre de la hauteur. J'essayai de grimper sur le toit d'une maison, mais des gardes postés sur les toits me dissuadèrent assez vite.
Je continuais d'avancer, à me rapprocher du manoir sans encombre. Oui, jusqu'à ce que je tape dans une canette vide avec mon pied. La poisse. Il ne fallut que trois secondes pour que deux patrouilles débarquent, armes en mains et prêtes a en découdre. Moi, je m'étais éclipsé. Juste au dessus d'eux, sur un balcon à l'abri des rayons de lune. Ils ne me voyaient pas.
Qu'est-ce que c'était que ça bordel ?
Je ne sais pas. Sûrement un chat....
Sûrement ? Et si c'était autre chose qu'un chat ?
Comme quoi ? Que veux tu que ce soit ? Il y a un couvre feu, personne ne peut sortir à cette heure là. Ils savent ce qu'ils risquent sinon.
Ouais. Je pensais pas forcément a un civil, moi.
Oh arrête d'être parano. Qui veux-tu qu'il vienne ici ? Tous font dans leur froc lorsque l'on mentionne la coalition !
Ils rirent. Ils rirent, puis repartirent. J'avais quand même une patrouille suspicieuse sur les bras. Cet incident. Il ne fallait pas que ça se reproduise, putain ! Je devais faire attention !
La suite du parcours se passa sans trop d'embûches. Il me fallait surtout trouver quelque chose pour colmater ce trou. Effectivement, le seul accès au manoir était un trou dans un mur assez épais. Derrière, il y avait le bois, et enfin le manoir. Or, s'il était impossible de passer ce mur, alors, sortir du manoir et aller en ville leur serait impossible. Pour une courte durée, mais ça pourrait nous être utile. D'un autre côté, la dernière fois que j'ai été dans ce bois... j'y ai laissé environ une demi douzaine de cadavres... J'étais prêt a parier qu'ils avaient renforcé la sécurité.
Et oui, ils l'avaient fait. Caché à un angle d'une maison, je voyais tout. Une escouade de dix soldats étaient présents autour de la brèche. Alors même si passer ces soldats s'avérait être un vrai défi, passer avec quelque chose pour colmater était presque impossible. Il fallait vraiment que je les vire, sinon je ne pourrais pas opérer librement. Je réfléchis. Attirer leur attention ailleurs fut la première idée qui me traversa l'esprit. Le problème étant que jamais ils ne se déplaceraient tous... D'un autre côté... certains n'étaient pas réputés pour leur intelligence...
Je rejoignis un autre coin de maison, fouillai une poubelle... Vide. Ouais... si personne ne sortait, c'était évident que y'avait rien dedans... Bon, va falloir improviser.
Je repartis quelques dizaines de mètres en arrière et localisais une patrouille. Ma cible, c'était le garde qui fermait la marche. Il était un peu en retrait par rapport aux autres. Du tout cuit. Je me rapprochais discrètement du peloton, à couvert, et sortis de l'ombre. Mes pas ne s'entendaient pas, camouflé par le tintement des armures des soldats. Arrivé à sa hauteur, je le saisis, couvrant sa bouche de ma main, et disparus à l'aide d'un portail. Personne n'eut le temps de se rendre compte de quoi que ce soit.
Nous réapparûmes dans l'angle de maison de tout à l'heure. Ici, je pouvais faire ce que j'avais a faire librement. Non rien de bien complexe, la première partie du plan consistait à lui mettre une bonne droite pour le faire tomber dans les pommes. Je le retenus dans sa chute pour éviter qu'il ne fasse trop de bruit et j'enfilai son armure. Oui oui, j'allais bien les prendre pour des cons.
J'ouvris la poubelle sus-citée et y déposa le corps du soldat endormi. J'utilisais de petits sorts d'eau pour remplir la poubelle et gelai le tout. Avec ça, il ne se réveillerait pas, et ne viendrait pas m'emmerder. J'utilisais un nouveau portail pour arriver dans le bois. J'espérais qu'il seraient assez crédules.
Je me dirigeai vers la brèche où étaient postés les soldats. J'accourus vers eux, essoufflé.
Hé les mecs... y'à une réunion improvisée dans le château !
Quoi ? Oh, merde. Les mecs y'en a deux qui vont rester ici. Qui se dévoue ?
Tous levèrent la main. Le chef de l'escouade haussa la voix et désigna ceux qui resteraient. Parmi les heureux élus, un grand costaud, et un autre un peu simplet.
Chef ? On reste ici pour garder l'entrée ?
Bien sûr que non triple buse, t'es censé compter les pavés !
Ah d'accord chef ! Excusez-moi, ça m'était sorti de la tête.
Le chef fit un signe de tête au grand costaud. Ce dernier attrapa l'autre garde et lui mit un coup de poing dans l'estomac. Le soldat fut transformé en équerre.
Chef ! I... Il m'a frappé.
Ah bon ? Je n'ai rien vu ! Soldats ! Nous revenons très vite, s'il se passe le moindre truc...
On vous appelle.
Et je viendrai avec des renforts.
Il se mit au garde à vous, et les soldats partirent. Moi, j'étais là, à observer la scène.
Le bleu ! Tu viens avec nous ! Ça te fera pas de mal d'apprendre un peu les techniques de défenses urbaine !
* Si tu savais en combien de temps le bleu pouvait te tuer... *
Oui, chef !
Je les suivis à travers le bois. Il fallait que je sorte de là. A jouer au con, je m'étais mis dans la merde. Si je passais la porte de ce manoir, j'allais être grillé d'office. Ah voilà !
Je fis mine de trébucher sur une racine, faisant le maximum de bruit possible, avant de mimer la douleur. La troupe s'arrêta, et le chef soupira.
Seigneur... Qu'est-ce qu'il y a LE BLEU ??!
Je... je crois que je me suis tordu la cheville, je vais mourir ! Fis-je d'une voix plaintive.
Bordel de dieu, on est déjà a la bourre, on à pas le temps de t'emmener a l'infirmerie ! Toi, tu restes avec lui, on doit filer.
Et un garde de plus sur le dos. Celui-ci n'avait pas l'air bien méchant. Il m'aida même a me relever. Si je voulais m'en débarrasser je devais agir avant de sortir du bois auquel cas un garde ou autre posté a une fenêtre du manoir pourrait me voir. Le soucis était que l'autre partie de l'escorte n'était pas assez loin pour que je puisse faire quoi que ce soit, aussi, après m'être relevé, je m'assis sur un tronc, histoire de gagner du temps.
Dis, le chef il est tout le temps comme ça ?
C'est à dire ?
Il gueule tout le temps ?
Ouais, m'en parle pas... C'est lourd à force !
Je veux bien te croire.
Et hop, plus de chef ni de collègues dans les environs !
Oh... c'est étrange, c'est quoi cet oiseau a la con ? Ça serait pas... un simili ?
Hein ?
Il se retourna et en moins d'une seconde, il se retrouvait transpercé de part en part. Du sang coula en masse de sa bouche et vint saillir son plastron.
J'espère que ça ne fera pas rouiller une si jolie armure...
Pourquoi ? T'es qui ? Dit-il d'une voix étouffée par la douleur.
Je mis fin a ses souffrances d'un coup dans la nuque et dissimulais le corps dans une poubelle portable. Enfin... disons qu'à force, j'allais repeupler la Fin des Mondes quoi... Bon, je me frottais les mains. Le plus chiant restait a faire.
Je retournais auprès de la brèche. Là y'avait encore les deux gardes. Rien n'avait changé depuis tout à l'heure.
Je me sens vraiment pas bien.. Pourquoi tu m'as frap...
Simplet courut quelques mètres plus loin pour se vider dans un bruit immonde. J'en eus des haut de cœur. C'était pas le moment de faire pareil ! Je devais en profiter. Je bondis de ma cachette et donnai un coup de pied dans le derrière de la cuisse du gros costaud. Il se courba vers l'avant, mais j'attrapais son crane, et vint me caler le dos contre le sien. Là, je tirai un bon coup, brisant sa nuque sur mon épaule. C'est que je faisais des progrès sur le meurtre de coalisés ! Fier de moi, je jetai le corps sur le côté, sans voir qu'il y avait un poste de garde... Il y eut un raffut pas possible, et une de ces canettes que j'affectionnais tant roula jusqu'à moi. Simplet ayant fini son affaire allait se retourner. Je ramassais la canette sur laquelle il était inscrit « coa-cola » et la lançait sur lui. * Ponk * Il tomba a terre. Je cachais le corps dans la cabane, et la fermais.
J'avais maintenant le champ libre ! Avec toutes les difficultés rencontrées, je peux vous dire que j'allais prendre un malin plaisir a les emmerder ! Je quittai cette armure trop serrée pour retrouver mon joli manteau adoré. Les choses sérieuse allaient commencer !
Je me rendis dans le bois. De si jolis arbres... C'est triste ! A défaut d'une tronçonneuse bruyante et handicapante, j'invoquais mes armes et je me mis a couper les arbres. Un trait propre vint sectionner les troncs qui chutèrent non sans bruit. Notez que je mis quand même un point d'honneur a l'atténuer, en me plaçant en dessous du tronc pour le rattraper lors de sa chute.
Une fois mon forfait commis. Je partis entasser un joli tas de bois haut de plusieurs mètres devant cette fameuse brèche autour de laquelle j'avais passé ma soirée à tourner autour. Je fis ça bien. Oui, les arbres étaient merveilleusement bien entassés, et donc bien difficiles a enlever. Combien de temps s'était-il écoulé depuis le départ des gardes ? Il me fallait terminer assez vite sous peine de me retrouver nez à nez avec eux. Si me faire passer pour l'un des leurs avait porté ses fruits, je doutais fortement qu'ils soient idiots au point de s'asseoir dans une salle et d'attendre pendant plusieurs heures.
A l'aide de mes armes, je gravais au dessus du tas d'arbres, comprenez à une demie douzaine de mètres, un petit mot à l'intention de la coalition. « La réunion était sympa Ariez ? ». Bien évidemment, j'espérais très fortement qu'elle soit mise au courant d'un tel mot et qu'elle y voit ce double sens.
Petite touche finale : piéger un des arbres qui explosera en un sort d'eau des plus puissant au moindre contact, histoire qu'ils soient bien trempés. Debout en face de mon œuvre, les mains sur les hanches, je la contemplais. Je n'avais plus qu'à partir maintenant...