« Tu réalises que ça fait presque quatre ans que l'on ne s'est pas vus ? » Elle était grande et mince, une longue chevelure auburn avec des taches de rousseur. Les sourcils froncés à l'extrême, cette femme gesticulait en agitant ses bras dans tous les sens. C'était troublant pour elle, pensant que cette journée n'arriverait jamais. « J'ai été très pris ces derniers temps. » La rousse n'appréciait pas ces mots, elle ne les digérait pas. « Ce n'est pas une excuse Ukiyo, tu as dit que tu reviendrais. »

    Le peintre ne put s'empêcher d'esquisser une sourire. « Je suis là maintenant. » Chaque phrase qu'il prononçait semblait l'agacer de plus en plus. « Et avec des années de retard ! J'aurais encore préféré que tu ne reviennes pas ! » Lâchant un dernier soupir, Ukiyo se leva de sa chaise. « Il faudrait savoir ce que tu veux Anna, tu m'énerves. » Il se levait, prêt à se diriger vers la sortie. « Non, reste, s'il te plaît. » Un sifflement strident résonnait dans la pièce, il marcha jusqu'au fourneau et prendre la théière. Retournant vers la table, il se servit une tasse ainsi qu'un autre pour Anna. Malgré la tension palpable, ils étaient tous deux heureux de se revoir.

    « Ceux avec qui tu es parti, ils sont sympas ? » Ukiyo ne s'attendait pas à cette question et jamais il n'avait parlé des songes à quelqu'un d'autres. Après tout, elle était la seule au courant, bien qu'elle ne connaisse pas le nom de ce groupe ou des membres, elle ne sait rien d'eux. « Oui, malgré nos différences flagrantes, disons que nous sommes sur la même longueur d'onde. Jamais je ne les aurais rencontré sans toi. » Anna restait fixée sur sa tasse, ne voulant pas affronter le regard du peintre. « Probablement... » Un long silence s'installait, ils buvaient sans dire mot. Après tout ce temps, ils devraient avoir tant de chose à se dire, mais c'était troublant, autant pour Ukiyo que pour elle. Personne n'a connaissance de son existence, que ce soit les songes ou les consuls, absolument personne.

    « Et sinon, qu'est-ce que tu as fait tout ce temps à part vagabonder avec tes amis ? » De l'amertume était perceptible dans ses propos. Suite à une grande inspiration, Ukiyo décida de répondre. « Le Consulat... J'imagine que tu connais ? J'y suis entré en tant que peintre. » La réaction ne se fit pas attendre. « Ah oui ? Tu peints toujours ? » Cette question semblait étrange, il ne comprit pas. « Bien sûr, le contraire t'aurais étonné ? » Anna baissa de nouveau les yeux. « Eh bien, partout où tu allais, tu laissais un tableau ou même un peinture sur un mur, un rocher ou autre chose. Ça fait longtemps que je n'en ai pas vu. » En effet. Il bût une gorgée. « Je me suis peut-être perdu en route. J'ai d'autres objectifs et je n'ai jamais été un artiste au sein des consuls. J'airais pu... Non, j'aurais dû l'être, mais je n'y étais pas allé pour ça. »

    « Remets-toi à la peinture, le reste n'a pas d'importance. » Les pupilles d'Ukiyo devinrent subitement noir pour finalement reprendre une couleur normale. « Si... » Anna repoussa sa tasse. « Tu ne comprends pas, ton rôle n'a jamais été de sauver Amaterasu ! » Il se leva d'un bond en jetant sa tasse contre le mur. « Quoi !? » Sous le joug de la peur, elle fit un pas en arrière. « Oublie ce que je viens de dire, tu ne comprends pas... » La respiration du peintre se calma, mais il ne reprit pas sa place sur la chaise. « J'ai fais un rêve, cette nuit. » L'incompréhension se lisait sur le visage d'Anna. « Un... Rêve ? » Elle déglutit. « Tu sais ce que je veux dire... » En revanche, elle, elle reprit place sur sa chaise. « Oui, justement. Dis-m'en plus. »

    « Je te voyais, tu avais un flash, une... prémonition et ensuite, tu me disais quelque chose. » Anna tapa du poing sur la table. « J'aurais dû m'en douter, tu n'es venu que pour ça, tu me déçois. » Ukiyo n'aimait vraiment pas qu'elle lui parle ainsi, surtout en voyant à quel point elle était dans l'erreur en étant réduit qu'à un simple profiteur. « Non, je suis venu car je suis inquiet. » Anna le regardait, elle était peinée et semblait vouloir s'excuser.

    « Milena... Enfin, tu la connais sous le nom de Camilla. » Elle tremblait sous le poids de ses propres mots... « Reste loin d'elle, s'il te plaît. » Le peintre peina à se retenir de rire, mais il reprit son calme le plus stoïque. « Elle ? Pour le peu que je sais que elle, rester loin d'elle ne me dérange guère. Pourquoi cette mise en garde ? » Le visage de la femme était tel que l'on aurait cru qu'un coup de poignard lui avait été asséné dans le dos. « Il ne faut pas, tu ne seras plus le même après ça, elle est dangereuse, rien ne pourrait être comme avant après ça. » Le songe fronçait les sourcils, incompréhensif. « Comme avant quoi ? » Des frissons si puissants parcouraient le dos d'Ana qu'elle se rapprocha de la cheminée pour tenter de les arrêter. « Comme maintenant. Je sais que tu pense n'avoir rien à craindre de personne et plus particulièrement d'elle, mais je t'en conjure, éloigne toi le plus possible d'elle et de tout ce qui la concerne. »

    « Tu sais qu'avec ce que tu as dit, je suis obligé de vérifier tes dires. Je suis conscient des risques, mais ils ne m'effraient pas et tu verras que tout ira sans le moindre mal. » Plus la conversation avançait et plus Anna était triste. « Je vais te dire la première chose que je t'ai dit, ça concernait Amaterasu. » Ukiyo, quant à lui était de plus en plus absorbé par la conversation. « Je ne me souviens pas. » Elle prit un grande et longue inspiration. « Je t'avais dit, qu'Amaterasu t'avait sauvé et que si elle t'a demandé de la sauver en retour, ça ne se passera pas comme tu le penses. » Le songe haussa les épaules. « Et ça se passera comment ? » Le regard de la jeune femme était fuyant. « Je ne peux t'en dire plus, désolé, ça, je ne peux pas. »

    En réalité, le peintre ne prenait pas ça au sérieux bien qu'il ait un profond respect envers cette amie. « Eh bien, ne t'inquiète pas, je ferais attention en allant la voir et après j'aiderais Amaterasu ''pas comme je le pense'' » Disait-il sur un ton amusé sans vouloir heurter Anna. « Attends, comme tu y vas, j'ai des choses à te dire sur Milena. »

    « La tragédie, une princesse, un lys et le balafré.... Si tu vas lui parler, retiens ces trois éléments, ils te seront utiles. » Même s'il ne connaissait pas le sens de ces mots, le peintre savait aussi que si Anna lui disait tout ça, c'était pour avoir des moyens de pressions conséquents. Il se pensait trop fort, il se savait fort. Alors, quand il ira voir Milena, il lui proposera quelque chose pour que sa victoire contre elle ne soit pas trop aisée. Ce qu'Ukiyo n'a pas su, en partant ce soir là, c'est que son amie, sous le coup des remords mit fin à ses jours avec une corde deux jours. Il ne s'était pas rendu compte d'avoir perdu quelque chose et ce sera toujours ainsi.