- « On perd le cap !! »
Mais le vent était trop fort, soufflait terriblement tout contre les voiles du bateau, les déviant totalement de la direction voulue !
« Carguez les voiles ! »
Je n’avais même pas pensé à regarder le fonctionnement des voiles du navire ! Alors je suis les autres hommes et j’attrape un des cordages enroulés autour du mat principal et reliés aux voiles, tout comme eux le font… Le reste, je sais faire même si c’est rarement mon rôle… Je commence à tirer le cordage ! Je mets tout mon poids et toute ma force pour participer du mieux que je peux à l’effort ! Je suis complètement… trempé, la pluie battante me donne l’impression de saigner au visage… Nos vêtements ne servent plus à rien tant ils sont imprégnés d’eau et nous ralentissent ! Mais on tire, même si on ne sent plus nos muscles… On tire et la voile est finalement ferlée autour du mat horizontal par cinq matelots ! Malheureusement le cap est déjà perdu et ça fait toute la différence… Mais au moins les mats ne vont pas se briser !
On laisse tomber les cordages… Je ressens alors tout le poids de mon épaule droite ;
« Le lance-grappin s’est détaché !! »
Comme un seul homme on regarde vers la machine qui se dirige vers nous, glissant sur le pont balloté par les flots ! L’arme énorme renverse deux gars mais on l’arrête en se jetant dessus avant qu’elle n’aille percuter un des mâts, le gouvernail ou pire encore !
On est immobiles, agrippés au lance-grappins, à le retenir… Ma joue contre le bois de la machine, mon bras enroulé autour d’elle… C’est pas énorme mais qu’est-ce que c’est lourd.
Et on essaie de pousser… Une, deux fois…
« On pousse ! »
Un effort commun, on ramène l’arme près de la proue en grimaçant et on l’attache avec trois cordes à la rambarde.
Je regarde les autres gars… exténués, autant que moi… Je leur souris et rigole un peu avant de leur taper l’épaule à tous et de me diriger vers le second du capitaine !
Une tempête… une sacrée tempête qu’on n’a vraiment pas vue venir. Elle nous est tombée dessus super brusquement et là, le navire bien que costaud est en proie aux vagues énormes.
Je regarde autour de moi… La pluie frappe et achève chacun de nous… On glisse sur le pont trempé, on se retient à la rambarde… Parfois même, une vague s’abat sur le pont, assommant des hommes ! Il ne manquerait plus qu’on ait des matelots à la mer… Ca ne serait pas si terrible pour moi d’aller les pêcher mais là, je me sens épuisé !
En me dirigeant vers le second, occupé à crier des ordres, je passe devant la cabine du capitaine… Je vérifie juste qu’on ne me voit pas… Et puis mince ! Je toque à la porte, trop curieux. Au bout de quelques secondes à peine, elle s’ouvre devant moi… Je me redresse devant lui.
« Capitaine Achab… »
Il est super impressionnant. Très serein, plus que nous tous réunis. Il me regarde dans les yeux comme pour me juger de tout ce que j’ai fait dans ma petite vie… Je baisse les yeux quelques secondes, instinctivement et je vois sa jambe de bois…
Une légende humaine, cet homme… Il n’aurait jamais mis les pieds sur terre de toute sa vie et… devant lui je me rends compte que je n’arrive pas à parler. Je souris maladroitement.
« Pardon, mon capitaine. »
« Prends garde, matelot. »
Et il claque la porte devant moi… pour se réfugier dans sa cabine. Prendre garde ? Et quand je pense qu’il vient de m’appeler matelot… Bon d’accord j’ai perdu en notoriété, mais je suis pas un gamin !
Et comme si en me regardant, le capitaine avait mis tout le monde d’accord… La mer s’est tue… brusquement.
Il n’y a plus la moindre vague… et pas plus de vent.
Il y a juste… de la brume qui nous enveloppe dans la nuit, si bien qu’on ne peut rien voir… Pas de terres, pas d’étoiles. On est sacrément perdus !
Mais la vie reprend son rythme… Et faut que je me détende, c’est sûr ! Les marins reprennent leurs occupations… et encore bourré d’adrénaline, je suis au pied de guerre, prêt à aider encore ! Sauf que… plus rien à faire. Personne ne prend la peine de se reposer, trop certain que la tempête va reprendre… Si bien qu’il y a trop de personnel pour trop peu de boulots, et si l’on en croit les logiciens, ça cause une baisse de travail général !
Alors je vois le vieux guerrier, le mercenaire… Assis sur le pont, adossé à la rambarde… J’ignore s’il est resté là tout le long de la tempête mais j’imagine que personne n’a osé l’ennuyer, vu qu’il avait à peu près plier le travail pour la première baleine à lui tout seul…
Si on lui en était redevables ? Bien sûr, il avait évité beaucoup d’efforts à l’équipage.
Si on lui en était reconnaissant ? Ah mais pas du tout ! Tout le monde était énervé contre ce vieux loup solitaire qui avait coupé court à la motivation générale en s’appropriant la cible du bateau !
Bon moi ça va… Je viens d’avoir mon lot d’actions et je peux pardonner !
Avant d’aller vers lui… Je passe par ma « cabine » qui se résume à une couchette sur laquelle sont posés mon sabre, mon pistolet et ma cape que j’ai jetée là quand la tempête a commencé… Puis, parce que je suis marin, pirate surtout, et que j’ai foi en le pouvoir de l’amitié, j’ai aussi une bouteille.
Je la prends et je cours vers lui avant de me jeter à ses côtés et de soupirer bruyamment avant de rire un bon coup et de lever ma bouteille !
« Epuisant ! On s’arrête jamais de bosser sur ce navire, hein ! »
Je le regarde, sourire aux lèvres, me rappelant qu’à part frapper une fois une baleine, il n’avait strictement rien fait !
« Tu nous as tous scotchés, tantôt ! C’était une sacrée mise en scène, j’aurais fait ça plus sobrement ! Mais en tout cas, tu m’as impressionné… et je m’appelle Shanks ! »
Je lui tends ma seule main.
« Shanks le Roux, pirate ! Ca te dit peut-être quelque chose ! T’es de la Terre des dragons ? J’y suis déjà allé ! »