- • La dernière fois que ce songe avait posé pied sur ce monde, c'était pour s'attaquer à la Coalition Noire... Cette fois-ci, il venait pour le Consulat dans un but tout autre qui lui échappait totalement. Ukiyo n'était pas le premier consul à qui lui fut assignée cette étrange mission. Il devait certainement avoir une raison pour envoyer plusieurs hommes à tour de rôle. La première venue ici a dû bien se passer pour qu'après un Général, Genesis choisisse d'y amener un Lieutenant. Dans son fort intérieur, le peintre espérait qu'il y ait une logique à tout cela, être un pion, cela pouvait être admis, être utilisé stupidement en était une autre. Ukiyo pourrait en apprendre énormément au Tragédien, lui montrer tout ce qu'il sait, peut-être que le Consulat se porterait mieux, mais bien évidemment, il n'allait pas le faire. Pas seulement parce qu'il est en réalité un "ennemi", non, il n'y a seulement aucun intérêt à ses yeux pour agir de la sorte.
Il était là bien avant qu'il fasse nuit, pour tâter à son tour le terrain, bien qu'il soit déjà venu et qu'il ait pu avoir une bribe de rapport de la passionnée. Ce qui motivait le peintre des rêves, c'était de savoir ce qu'il allait se produire et si par la suite, il allait pouvoir s'en servir à son tour. Des choses étranges comme cela, il y a forcément quelqu'un pour tirer les ficèles derrière. S'il ne peut apprendre comment faire de même, il utiliserait alors cette personne ou quoi que ce puisse être comme il le faisait si bien avec les sirènes et autres créatures. Le Consulat étant un groupe sur l'art, l'art étant abstrait, l'abstrait étant un outil au multiples pouvoirs dont les répercussions peuvent être bénéfiques ou maléfiques, il s'intéresse à tout ce qui est mystique. C'est là qu'Ukiyo voit la réelle utilité de ce groupe, il lui permet de s'enrichir. Le plus difficile serait d'user de ce qu'il assimile en mission par la suite sans qu'aucun soupçon ne pèse sur ses épaules, mais chaque chose en sont temps.
Malgré le froid de l'hiver et le vent soufflant, les éclaircis réchauffaient légèrement la peau du songe. Entre le chaud et le froid, il préférait la fraicheur, pour lui, à cet instant c'était parfait. Son souffle embué lui masquait parfois la vue, mais au moins il gardait l'esprit focalisé sur sa mission sans être contrarier par quoi que ce soit. Il aurait bien eu envie de chercher des informations dans le village concerné, mais il était déjà persuadé de ne pas en apprendre plus qu'il ne sache déjà. Toutes ces gens crasseuses et puantes, très peu pour lui, sans se donner un côté trop hautin, il ne supportait pas les personnes ne prenant pas soin de leur physique. Lui-même ayant eu une métamorphose subite, lui donnait des cheveux gris, une marque étrange sur le front ne s'est pas arrêté là et à continué à prendre soin de lui. Ce n'est pas parce qu'on vit dans la misère que tout cela devient superflu, le peintre le savait pour avoir longtemps vécu dans la rue avant de connaître les songes.
Alors oui, il était certain qu'il observait cette populace avec un grand mépris, même les "crève la faim" du Jardin Radieux savaient mieux se tenir. Si c'était ici la place de l'empire de la coalition, c'était bien triste à voir, un château et rien d'autre à côté. Comment un tel groupe pouvait prospérer dans ce genre d'activité sans être soutenu ? Le jour où les petites gens se révolteront contre les artistes et leur muses, le Consulat ne tiendra pas bien plus que deux mois, en restant optimiste.
Le consul pouvait sentir cette atmosphère sinistre rien qu'en croisant le regard des paysans. Ils étaient stressés quand un étranger venait, ils avaient peur quand une journée se passait trop bien. Petit à petit, ils devenaient tous superstitieux et cela aussi était visible. Ils ne voulaient pas que le malheur s'abatte sur eux et à la moindre chose qu'ils regrettaient vite, une action bienfaisante était faite pour rétablir la balance. C'était quelque chose que pouvait comprendre Ukiyo, étant croyant dans le Shintoïsme. C'était une voie emplie de superstitieux, qui mène à croire qu'en chaque chose, il y a la vie et qu'elle est là grâce aux divinités, il fallait alors respecter la nature.
Aujourd'hui, il n'était pas songe mais consul, il allait donc jouer son rôle de "gentil" peintre et se mêler aux gens comme il n'oserait jamais le faire en temps normal. Il pouvait apercevoir une femme en larmes près du lac, sûrement une des personnes aillant perdu un enfant avec les récents évènements. Il savait quoi faire pour redonner un certain "espoir" ou du moins aider les personnes à faire leur deuil. Dans ces moments de doutes, il est facile de croire en beaucoup de choses qu'elles viennent de religions pratiquées, d'autres ou encore dans tout ce qui est spirituel.
Ce que le consul allait leur offrir ne vient pas du shintoïsme mais d'une religion assez proche tout en restant différente; le Bouddhisme. Dans cette croyances, il y a une statue nommée le Jizõ bosatsu qui a pour rôle précis de veiller sur les morts en les éloignant des enfers. Si à l'origine Jizõ s'était donné pour mission de vider les enfers pour parvenir à l'illumination, il s'est ensuite focaliser sur la protection des enfants morts. Sa présence ici serait donc tout à fait plausible si chaque nuit, un enfant meurt comme le disent les rumeurs. Bien évidemment, il n'a pas pour but d'empêcher un décès, mais ça peut permettre à la famille en deuil d'y voir une aide pour la progéniture perdue, de savoir qu'elle n'erre pas seule, qu'elle n'est pas réellement perdue.
Pour comprendre sa réelle valeur, il faudrait qu'Ukiyo leur explique qui représente cette statue mais dans la situation où ils sont prêts à croire en tout et n'importe quoi, ça suffisait comme ça. Il s'éloigna un peu du lac, pour se mettre près d'un petit muret. Il sortit alors son pinceau pour commencer sa création qui ne faisait pas plus d'un mètre. C'était un vieil homme chauve qui protégeait un enfant sous sa longue tunique. Contrairement aux vraies, Ukiyo y ajouta une inscription qui disait que cette statue était là pour la protection des enfants. Ce n'était pas grand chose, mais déjà ça.
Il alla ensuite s'assoir sur ce muret sans que personne ne vienne lui adresser la parole. Il ferma alors les yeux, prenant le temps de méditer avant que la nuit ne tombe. Il pensait à la voie à suivre pour libérer Amaterasu. Ne prenait-il pas trop d'assurance au point de faire ce que bon lui semble et ne plus être ce qu'il fut autrefois ? Non, c'était impossible, il l'avait vu, elle lui avait dit qu'il était dans la bonne direction, aucune inquiétude à avoir. Sans qu'il ne s'en rende compte, la nuit était déjà tombée, tout était fermé, seulement il n'y avait aucun chant, aucun enfant.
Les heures passaient, il était déjà presque minuit maintenant et toujours rien... Ukiyo trouvait ça étrange alors que c'est ce qui devait se passer qui aurait dû l'être. Tous les soirs, un enfant allait se noyer tandis qu'une musique silencieusement oppressante voguait dans les airs. Rien, cette nuit n'était pas comme les autres, le peintre s'en rendit bien vite compte. Alors qu'il aurait pu se satisfaire de ce manque d'activité, il décida d'en savoir un peu plus, de comprendre ce qu'il se passait alors qu'il avait espéré bien plus qu'un silence de mort.
Soudainement, des dizaines voire des centaines de rats sont apparus. Horriblement laids, puant la crasses, ils avançaient à une vitesse folle. Avant qu'il n'ait pu faire quoi que ce soit, le consul se retrouva entouré, dépassé par les évènements. Ces animaux ne venaient pas l'attaquer lui, ils dévoraient juste tout ce qu'ils trouvaient. Allant des ordures, au morceaux de bois, tous se retrouvait détruit par les dents acérées de ces rongeurs macabre.
Là se posait un dilemme pour le peintre, devait-il utiliser ses pouvoirs tenus secrets pour aider le Consulat ou faire le minimum, tenir un rôle ? Tout le monde douterait si Ukiyo, Lieutenant, arrivait à éradiquer ces monstres à poils courts. Il opta pour la demi-mesure, en faire ni trop peu, ni trop. Pour cela, il allait limiter ses compétences, il n'allait user que de peinture, pas de force psychique. Dans une étroite ruelle, il créa un petit pont passant d'un toit à l'autre avec un vice de construction. A peine fini, le pont étant peu solide, il s'effondra sur bon nombre de rats.
Très vite, des hurlements se firent entendre. Aucune lumière ne s'alluma, mais les villageois sortirent de leur demeure respective. Bientôt, des torches furent allumées, les personnes présentes tentèrent d'effrayer les rongeurs grâce au feu. Ce la marchait, mais ils étaient bien trop nombreux. Ukiyo saisit à son tour l'un des flambeaux pour faire de même, il aurait pu continuer ainsi des heures sans ressentir de fatigue, mais au bout de dix minutes, il s'arrêta. Il était temps pour lui de prendre congé, d'effectuer un repli stratégique. Quelques minutes plus tard, à bord de son vaisseau, il s'en alla. Tout ce brouhaha, cette hystérie générale lui aurait empêché d'en savoir plus même s'il était resté. Il devait faire son rapport, d'autres consuls seraient envoyés. Le peintre espérait être de nouveau appelé pour cela, qu'il termine sa recherche personnelle. Pour lui, il n'y avait eu aucune mélopée macabre...