LA FORCE DU CŒUR.
« A genoux devant un Dieu. »
Une longue semaine avait déjà filé depuis son retour à la Terre des Dragons et depuis, Mila n'avait qu'une idée en tête. Elle s'était rendue au Colisée de l'Olympe pour assister au Tournoi de Léto. Sur place, elle en avait profité pour visiter et s'intéresser de plus près à la mythologie omniprésente et chère au Consulat. Les légendes qui circulaient proliféraient mais seules quelques unes avaient retenu l'attention de la brunette. Mila s'était rendue dans une taverne, ce qui restait encore et toujours selon elle le meilleur endroit pour obtenir des informations, et un ivrogne lui avait parlé d'une histoire, celle d'un dénommé Orphée. Fils de Calliope, la muse de la poésie épique, Orphée était un grand poète, aimé et favorisé par les dieux. Ses talents étaient si grands qu'ils surpassaient même le chant des sirènes... Lorsque sa bien-aimée, Eurydice, périt, le jeune chanteur descendit aux Enfers pour convaincre Hadès de la lui rendre. Il charma le Cerbère, et le Seigneur des Morts à son tour. Mais, imprudent et impatient, il perdit définitivement son aimée en brisant le pacte passé avec Hadès... De fil en aiguille, la passionnée finit par découvrir que l'entrée des Enfers était étonnamment accessible. Il lui avait suffit de se diriger vers le Colisée puis de suivre le chemin le plus désert possible. Il s'agissait simplement d'une gigantesque porte suivie de longs escaliers... Mais elle se doutait que la descente serait moins aisée. Arrivée aux pieds des escaliers qui, sans être dangereux et effrayants, restaient froids et lugubres, Mila fit face à une immense étendue d'eau. Mais ce n'était pas une eau ordinaire. De couleur verdâtre, il s'agissait en réalité d'un flot d'âmes damnées dont les plaintes retentissaient dans cette caverne de taille démesurée. Les murs étaient creusés directement dans la roche, l'ensemble était peu éclairé accentuant ainsi la sensation morbide qui se dégageait des lieux. Mais c'était l'écho des suppliques des morts qui donnaient à la jeune femme des frissons d'effroi. Un squelette visiblement doté d'un semblant de vie se tenait sur une barque étroite. Mila s'approcha de lui et lui tendit une bourse pleine. « Pour la traversée. » dit-elle, intimidée par l'atmosphère qui régnait dans ces lieux. Charon le passeur des Enfers. Cupide jusqu'à la moelle, il transgressait les ordres de son maître pour quelques pièces... Mila s'installa dans la barque, un peu anxieuse à l'idée de côtoyer de si près la mort. Des mains se tendaient vers elle, comme pour l'attirer dans les profondeurs. Plus que jamais, la consule restait sur ses gardes. Tout en voguant sur le Styx, le fleuve des morts, Mila songeait que jamais elle n'aurait pu croire à l'existence de tels lieux... Le Passeur ralentit un peu avant une grande arche. Derrière celle-ci, elle le savait, se trouvait le Gardien des Enfers, le Cerbère aux trois têtes. Milena avait bien un plan pour passer cet obstacle non négligeable, mais elle n'était pas sûre que cela fonctionnerait. « Espérons que je ne lui servirais pas de dîner... » murmura-t-elle pour elle-même. Le Cerbère se dressait de toute sa hauteur prêt à la dévorer. Mila se redressa rapidement tout en prenant garde à ne pas tomber dans le fleuve et fixa son regard dans celui de la seconde tête. Sans un mot, elle s'adressa à lui par la pensée. Malgré son imposante stature et une réflexion plus grande qu'un simple chien, cette créature restait un animal. La jeune femme avait donc envisagé de détourner la difficulté de compréhension en projetant directement ses pensées dans les siennes afin de mieux exercer son pouvoir de persuasion. « Je suis le Dieu des Enfers, Hadès. Laisse moi passer. » Un grognement tonitruant s'éleva et se répercuta dans tout l'espace qui les entourait, manquant de faire chuter la petite brune. « Je suis ton maître ! Laisse moi passer ! » La créature ne semblait pas convaincue, mais le doute s'était immiscé dans son esprit. Le Dieu des Enfers n'étant pas magnanime, le Cerbère s'écarta avec méfiance. Bientôt Charon s'arrêta près d'une corniche qui s'élargissait pour devenir une plateforme donnant sur des escaliers en colimaçon. Mila descendit prudemment et suivit le chemin éclairé par les torches enflammées. Alors qu'elle marchait, la jeune femme prit conscience que son corps semblait plus faible qu'en temps normal, et ce, depuis déjà un long moment... Elle prit une profonde inspiration et dégaina son arme. La consule n'avait rien d'une foudre de guerre à la surface, ici ses coups la blesseraient elle-même plus que son adversaire. Il valait donc mieux s'assurer un minimum de protection... Elle déboucha sur une grande salle sombre au centre de laquelle se tenait une table ronde où était affiché un plan avec des pions représentant des personnes ou des créatures. Mila sourit en songeant à son penchant pour les échecs... Ce n'était pas si différent. Un peu plus loin, un grand trône sur lequel se tenait une silhouette sombre vêtue d'une toge dans les tons bleus et noirs. Une flamme bleutée faisait office de chevelure à cette étrange personne dont la peau était aussi grise que la roche. Il claquait ses doigts semblables à des os, et une flamme en jaillissait. En l'apercevant, la mystérieuse silhouette se dressa devant la jeune femme et lui tendit la main. « Mon nom est Hadès, Dieu des Enfers, ça va toi ? » dit-il en dévoilant un sourire aux dents si aigües qu'on aurait cru voir des crocs. « ... Hm... Oui... » répondit-elle, décontenancée, en serrant sa main. Contre toute attente, le Dieu attrapa son poignet et l'attira vers le sol, la forçant à s'agenouiller. « Ah, j'ai oublié te dire, à genoux devant un Dieu ma belle ! Tu croyais quand même pas que tu pouvais venir ici comme ça, sans même m'apporter des fleurs ?» Mila n'avait aucun moyen de se redresser, la force du Dieu et son impuissance l'en empêchait. « Bon alors qu'est ce qui t'amène ici chérie ? Donne moi une bonne raison de ne pas me débarrasser de toi dans la seconde. » Il avait brutalement retrouvé son sérieux et ne semblait pas du genre à être patient. « Je suis venue vous demander de ramener une personne à la vie. » dit-elle le regard sombre, déterminée. Un grand sourire se dessina sur le visage du Dieu. « Oui oui, j'entends bien... Mais qu'est ce que tu as à m'offrir ? Ne fais pas cette tête, tu ne croyais quand même pas que ça passerait tout seul, comme une faveur ? Et puis franchement, quand je te regarde là, je me dis que tu n'as rien pour moi... Je ne vois aucune raison de t'enrôler dans ma superbe armée ! Alors tu vas me débarrasser le plancher dans l'immédiat ! On ne ramène pas les morts à la vie avec un sourire ma petite. » Il claqua des doigts et deux créatures accoururent. Des diablotins turquoise et pourpre de petite taille, visiblement maladroits et franchement peu futés. Ils s'approchèrent de Mila et, sur un geste du Dieu des Enfers, l'entraînèrent vers la sortie avant de la faire chuter pitoyablement du haut des escaliers d'un coup de pied. Le corps de Mila roula sur les marches et elle finit par s'arrêter au pied des escaliers sur la petite corniche. Endolorie et affaiblie, la jeune femme peinait à se redresser lorsqu'une main féminine se tendit vers elle. « Vous allez bien ? Quelle question, ma pauvre, vous êtes bien amochée. » annonça l'inconnue d'une voix douce et chantante. Mila, chancelante, observa son interlocutrice. Une belle femme sans aucun doute, des longs cheveux blonds et bouclés qui tombaient en cascade sur des courbes superbes masquées par une toge blanche. Son visage comme sa peau était de couleur mauve et une expression de douceur et de peine semblait y être gravée. Elle avait des yeux améthyste brillants, reflétant aisément une certaine vivacité d'esprit. Une coiffe rose composée de cinq parties semblables à des pétales venait compléter sa singulière apparence. En tous cas, cette femme avait bien raison. Mila écopait d'une ecchymose sur sa joue droite et de multiples écorchures sur les coudes et les genoux. Elle n'avait pas bonne mine et ses forces ne cessaient de la quitter peu à peu. « Merci... Mais... Qui êtes-vous ? » bredouilla-t-elle, trop étourdie pour tenir une conversation plus correcte. « Je suis Perséphone, l'épouse d'Hadès. Et je pense pouvoir vous aider. » |