- J'ai poussé les portes du salon de thé et je suis entré. C'était calme dedans. Y'avait quoi ? Trois mecs qui étaient allongés sur des paillasses en train de fumer des narguilés ? Et aucun d'entre eux a trouvé étrange de voir débarquer un écureuil, je suppose qu'ils étaient un peu trop défoncés à je sais pas quoi pour le remarquer de toute façons. Y'avait de la fumée un peu partout et... Et y'avait aussi une odeur bizarre. Je me suis arrêté sur le pas de la porte et j'ai respiré plusieurs fois, ce qui devait me donner un air un peu con avec mon sourire de rongeur et mon museau qui remuait. Heureusement qu'ils étaient trop défoncés pour le remarquer, je suis sûr qu'il y en a un qui aurait ri, et j'aurais dû lui faire sa fête. Alors ça sentait... Berk! Les herbes, le thé, la vapeur. Y'avait aussi un relent de vomi quelque part mais c'était discret, il devait être là depuis quelques jours et avoir été nettoyé. Dommage tiens, avec ça j'me serais peut-être senti dans mon élément. Bordel! Mais c'était quoi ce monde?! Vous essayez de me faire croire que ces putains de niaks venaient s'amuser dans ce genre d'endroits?!? Elles étaient où les danseuses ? Il était où l'alcool qui coulait plus vite qu'un éléphant qui pisserait ? Et putain de nom de Dieu, elle était où l'ambiance?! Leur seul délire c'était de venir boire du thé en écoutant une musique asiatique de merde qui passait à l'arrière ? Lopettes!
Déjà, ça m'a gonflé. Quand j'avais entendu parler de saké et d'alcooliques, la mission m'avait pas mal plu. Mais quelle arnaque en fait! Bon bah j'avais plus qu'à faire ma mission, empocher ma paye et me barrer de ce monde pour aller dans un pub décent je sais pas où. Donc je me suis avancé dans le salon de thé, avec mon éternel air d'abruti sur le visage, et je me suis assis au comptoir. Le barman, un petit mec bedonnant chauve et avec une moustache, une face de nem de plus, est venu me voir pour me demander ce que je voulais. Inutile de vous dire qu'après avoir marché pendant bien une heure dans ce putain de pays et cette putain de montagne où il neigeait comme vache qui pisse, j'avais envie de me réchauffer avec un truc bien corsé.
« Whisky. Et un pur, pas un made in rizière. »
« Désolé monsieur, nous pas avoir ça, nous faire thé. » dit-il avec son accent qui me donnait envie de lui en coller deux tout de suite.
« Ok, alors tu vas me dire où sont les déserteurs qui sont venus ici, fissa. »
« Moi pas savoir, moi juste faire thé. »
J'l'ai choppé par le col et je lui ai écrasé la tête contre le bar. Faut pas trop me prendre pour un con non plus! J'ai quand même été gentil, j'ai répété une dernière fois ma question en lui laissant la tronche contre le bois.
« Et ma main dans ta gueule elle fait du thé aussi ? Si tu veux pas finir en porc sauté t'as intérêt à accoucher. »
Le type tremblait tellement qu'il arrivait même pas à articuler sa réponse. Je lui ai mis une claque, et il s'est calmé. Il m'a montré du doigt une porte un peu plus au fond du salon de thé et il s'est mis à chialer. Putains de vietcongs, tout dans la bouffe et rien dans les couilles. Je l'ai lâché et je suis allé voir dehors, il y avait une petite cours et au milieu quatre mecs qui rigolaient bêtement entre eux. Vu les armures qu'étaient posées un peu plus loin, fallait pas être Sherlock Holmes pour comprendre que j'avais mis la main sur mes déserteurs. Maintenant restait plus qu'à leur botter le cul pour qu'ils retournent à leur poste.
L'un d'eux m'a vu, et il s'est marré. Ok, je m'occuperais de lui en premier. Ses potes m'ont à leur tour regardé et sont partis dans le même délire. L'un d'entre eux, le plus loin, a gerbé. D'accord, ils étaient tous complètement beurrés. Hé, me regardez pas comme ça, c'est pas un reproche hein... Je m'en tape qu'ils boivent trop, le truc c'est que j'allais avoir du mal à leur faire comprendre qu'ils devaient rentrer chez eux. J'ai sorti un cigare de ma poche et je l'ai allumée avant d'avancer vers eux. Ils rigolaient toujours, alors moi je me suis mis à rire aussi. Parce que vous savez, j'aime bien les mecs bourrés. D'ailleurs, j'aurais bien aimé me joindre à la fête si seulement... Y'avait pas tant de fric à y gagner. Alors j'ai arrêté de me marrer et je leur ai fait un regard méchant (aussi méchant qu'un écureuil puisse faire, parole). Du coup, ils ont arrêté aussi. Règle numéro un de l'alcoolique qui essaye de passer pour sobre : toujours imiter les autres.
Bref, j'ai craché un peu de fumée et je leur ai dit banco.
« Écoutez bien faces de raies. Soit vous rentrez chez vous et vous vous faites botter le cul par votre chef, soit vous restez ici et c'est moi qui m'occupe de votre cul, mais je suis pas sûr que vous puissiez chier pendant une semaine ou deux après. Alors, vous décidez quoi ? Rapidement les mecs, j'ai pas que ça à foutre! »
Je crois bien les avoir énervé un peu. Y'en a un d'entre eux qui s'est levé subitement et qui m'a foncé dessus avec un katana. Moi ? Bah j'ai fait le premier truc qui me passait par la tête! J'ai foutu ma main dans ma poche, j'en ai ressorti un flingue et j'ai tiré. Fin de l'histoire.
Le mec gisait par terre. Une balle dans la caboche. Merde... La bavure quoi, j'étais censé les ramener tous au camp, entier ou pas, mais j'avais pas le droit de les exterminer. Y'a eu un de ces silences d'un coup. Plus personne osait bouger. On regardait tous le sang qui commençait à s'étendre sur la neige. N'empêche... La mort c'est con, mais c'est beau parfois! Bon, alors puisque j'en étais à la menace, autant jouer le jeu jusqu'au bout. J'ai pointé mon flingue sur eux et j'ai dit d'une voix dure, genre je m'en fous qu'un mec vienne de crever là devant moi (parce que je m'en foutais en fait).
« On continue comme ça ou vous vous barrez ? »
Ils ont choisi de sa barrer. Tant mieux parce que j'avais pas spécialement envie de les buter tout les quatre. Pas que ça change quoi que ce soit à ma moralité, mais je me souciais plutôt de mon salaire. J'ai attendu un peu dehors. Ça allait être difficile de camoufler ça en accident quand même... Bah tant pis, j'dirais que c'était de la légitime défense... Ou mieux! Je dirais que que c'était le général de l'armée qui m'avait demandé de le tuer pour qu'il serve d'exemple. Ah ouais, c'est bon ça...
Mon excuse trouvée, je suis rentré dans le salon de thé et j'ai commandé un saké. Je pouvais avoir un transport gummi d'ici une heure alors d'ici là il fallait bien s'occuper... J'ai donc avalé le verre cul sec et... Bordel! Mais c'est qu'il était bon! Bon, bah disons que je prendrais plutôt celui qui passe dans deux heures...