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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Bon, c'est super mauvais. Mais les débuts et moi, ça fait onze millions.

Ézéchiel marchait les yeux fermés, mais pourtant ses pas étaient déterminés et précis. Il connaissait cette forêt comme le fond de sa poche, une forêt qui s'avérait être un dédale pour les étrangers. Il se dirigeait vers le village du Domaine Enchanté, la tête affairée par les souvenirs. En effet, revenir ici engendrait toujours cette même nostalgie, nostalgie qui le hantait incessamment. Il revoyait sa mère, verre à demi-vide d'alcool à la main, puis Philémon, sourire radieux aux lèvres, prêt à foncer dans la vie avec enthousiasme. L'Historien adorait venir à cet endroit, mais regrettait à chaque fois d'y être allé... Tout était si beau et si magnifique au Domaine Enchanté. Partir de ce lieu merveilleux le rendait mélancolique, abattu, triste. À contrecœur, il cheminait donc vers le fameux marché général. Les nuisibles obscurs qu'il devait abattre ne s'y trouvaient probablement pas, mais Ézéchiel savait très bien qu'il pourrait y obtenir des renseignements sur la localisation de ces derniers.

Quelques minutes plus tard, Ézéchiel parvint à sa destination. Comme à l'accoutumée, le marché était bondé de passants, et plusieurs kiosques temporaires y étaient établis. Il regardait les enfants courir dans tous les sens et rire bruyamment, alors que leurs parents faisaient quelques achats dans les différentes boutiques du quartier. Il remarqua aussi que certains résidents paraissaient éviter la boutique de l'épicier, alors que des abeilles volaient furieusement, prêts à piquer tous les individus daignaient leur approcher. Mais il n'en porta pas plus attention, et se dirigea viscéralement vers un orfèvre du marché général, un vieil ami à lui lorsqu'il était plus jeune. Il hésitait à accoster des inconnus, non pas parce qu'il était timide, mais bien parce qu'il appréhendait leurs réactions. Cela faisait plus de dix ans qu'il avait discuté à quiconque, et depuis la fameuse année noire, il ne savait pas comment il devait agir avec ces derniers... Quoi qu'il en soit, l'Historien se fraya donc un chemin difficilement entre les passants et les marchands jusqu'à ladite boutique du bijoutier, léger rictus dans le coin de la joue.

Lorsqu'il pénétra dans le bâtiment, l'orfèvre qui se tenait devant le comptoir resta médusé quelques instants. Son teint passa de rouge au blanc, du blanc au rouge. Il bondit par-dessus sa table de travail et se rua aux côtés d'Ézéchiel, qui sourit à son interlocuteur. En effet, il s'agissait bien de l'orfèvre le plus illustre du Domaine Enchanté; le compagnon d'antan d'Ézéchiel. Le bijoutier semblait heureux et comblé, mais à la fois intrigué. Peut-être avait-il peur de se tromper sur la personne. Il affirma donc, d'un ton un peu trop enjoué :


- Ézé... Ézéchiel? C'est bien toi?! Ézéchiel d'Andromède... c'est impossible!
- C'est bien moi, monsieur Siméon. Je suis heureux de vous revoir!
- Mais quel bon vent t'amènes ici, jeune homme?
- Le travail, soupira-t-il trop sérieusement. Je suis à la recherche de créatur...
- Les sans-cœurs? Oui, ils sont près du Château, et ça fait plusieurs jours que l'armée essaie de les détruire, mais en vain... Le travail... Je n'aurais jamais cru que ce mot aurait pu sortir de ta bouche de sitôt...
- Oh, merci monsieur Siméon. Je reviendrai une fois ma mission accomplie.
- Oui, cela fait des lustres que nous avons discuté! À bientôt, Ézéchiel!

L'Historien salua solennellement son interlocuteur et quitta tout bonnement la boutique. Lorsqu'il déboucha sur la grande place, un visage en particulier parmi la foule attira son attention. Ce visage... Il lui semblait familier, mais pourtant, il n'arrivait plus à se rappeler d'où il l'avait vu. Intrigué, Ézéchiel s'approcha donc de ladite demoiselle, et la dévisagea discrètement quelques instants, tentant de l'identifier du regard. Alors que la jeune femme se dirigeait vers la boutique de l'épicier, Ézéchiel voulut faire demi-tour et retourner à sa mission, mais Lémuel, qui observait des enfants un peu plus loin, le poussa à lui parler, ce qu'il fit. L'Historien marcha donc d'un pas chancelant jusqu'à l'inconnue connue, et rendu à destination, il voulut tapoter l'épaule de son interlocutrice, mais au moment fastidieux, un cri d'homme se fit entendre partout dans le marché général :

- SANS-CŒUR! Mettez-vous à l'abri!

Les parents prirent à peine le temps de récupérer leurs enfants qu'ils se ruèrent tous à un endroit sûr, dans les boutiques adjacentes. Tous se mirent à l'abri sauf Ézéchiel, un homme on ne peut plus costaud et la gente dame qu'il n'arrivait pas à identifier. Alors que les sans-cœurs s'approchaient à vue d'œil, l'homme athlétique se précipita subtilement dans le magasin du bijoutier, effrayé parce les créatures des ténèbres. Prêt à tout pour sauver son village natal des griffes du Mal, Ézéchiel dégaina une vieille épée de son fourreau, et attendit que les sans-cœurs soient à une distance raisonnable avant d'entamer le combat. Contre toutes attentes, l'Historien oublia ses bonnes vieilles méthodes de combat et lança un assaut inopiné, alors qu'usuellement, il aurait attendu. Ainsi, le combat s'entama, un combat qui s'avérait ardu et difficile, mais ô combien utile...

Les sans-cœurs étaient au nombre de cinq, et tous portaient un court pendentif où scintillaient des cristaux magnifiques, à faire frémir toutes les princesses de l'univers intersidéral. Ils étaient plutôt imposants, et se mouvaient avec une dextérité et une rapidité incroyables. Ézéchiel élimina l'un d'entre eux d'un coup d'épée puissant. Alors qu'il s'occupait du cas d'un autre, il sentit comme une pression dans son dos, pression qui le propulsa dans les airs avant de retomber durement le sol. Il leva ses yeux vers le ciel, et tout ce qu'il parvint à voir, c'était le visage de la gente dame non-identifiée, celle qui brillait avec une telle ardeur...
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    Une nouvelle tâche l’attendait, peu de temps après être rentrée de sa première expédition, et malgré les blessures qui l’avaient quelque peu mutilée, son envie de découvrir plus de mondes dépassa la peur qu’elle avait déjà bien souvent ressenti lors de l’approche du danger. Ce fut pourtant dans un des seuls mondes qu’elle avait déjà pu découvrir qu’on l’envoya. Un monde ayant une signification toute particulière dans sa tête car il était celui de sa naissance, des ses premiers mots et gestes, de ses premiers battements de cœur et frémissements. Et c’est pourquoi, elle n’en fut nullement déçue. En y allant, elle avait un mince espoir d’y ressentir à nouveau ce qu’elle avait pu ressentir lors de son court séjour au château. Mais ce n’était pas au château qu’elle devait se rendre, c’était dans un village qui en était voisin. Elle dut donc cacher sa déception. Mais après tout, quelle aurait été la chance qu’il soit là, même au sein du château, sans doute n’y allait-il que rarement, peut-être même jamais ?

    *Mais à quoi vais-je donc penser ? Si je veux bien agir contre ces abeilles, il me faut me concentrer et ne penser à rien d’autre que cela… ! Je ne peux me permettre d’être distraite.*

    Elle était alors assise sur un siège du vaisseau gummi qui aborderait bientôt les terres du Domaine Enchanté, une petite voix se fit même entendre.

    -Nous arrivons au Domaine Enchanté, les visiteurs seront débarqués dans la forêt, le village se trouve non loin, veuillez ne rien laisser sur vos sièges et faites attention à vos affaires.

    La forêt, cette fameuse forêt qui l’avait vue tomber, la seule sans doute qui avait regardé vers le ciel en cette nuit dégagée et étoilée. Lorsque l’étoile descendit du transport accompagné de quelques autres « visiteurs », elle se contenta de les suivre, devinant qu’ils la mèneraient certainement au village. En chemin, ils se trouvèrent nez à nez avec un spectacle qu’elle connaissait bien pour en avoir été l’auteur.

    -Mais… Mais qu’est-ce donc que cela ?

    -Mon cher ami… Je suis certaine que ça n’y était pas lors de notre dernière visite !

    -Pour sûr non, je crois que je l’aurais remarqué s’il y avait eu un pareil phénomène sous mes yeux.

    -On dirait une sorte de… champs de bataille.

    -Je pencherais plutôt pour un cratère, Madame, regardez le creusement plus prononcé vers le centre.

    -Vous plaisantez ? Un cratère ? Mais comment cela se peut-il ? Et qu’est-ce qui a pu causer une telle chose ?

    -Il faut croire que nous ne le saurons jamais… Eh bien venez, peut-être qu’au village, ils en sauront plus.

    Ils n’avaient pas semblé se soucier de la jeune fille qui se tenait derrière eux, se tortillant et blêmissant plus à chacun des mots prononcés. Une raison de plus pour ne pas dire mot à tout cet échange. Qu’aurait-il pu comprendre ? Est-ce que quelqu’un comprendrait jamais ? Existait-il une seule personne pour croire en son histoire et ne pas la traiter de folle ? Elle continua son chemin, les suivant malgré tout, mais gardant une certaine distance pour ne pas avoir à répondre à l’une de leurs questions. Elle préféra baisser la tête et réfléchir seule, sa lumière diminuant un peu de son intensité au fur et à mesure que grandissaient sa déception et son affliction. Elle sentit également la fatigue l’atteindre, on était alors en pleine journée et il n’était pas facile pour une étoile de s’adapter si rapidement aux mœurs des humains. Mais une source de vie et de bruit attira son regard et anima son attention, les visiteurs arrivaient à l’entrée du village. Et ce fut une nouvelle surprise pour elle, tant de vie à sa portée, une animation locale, du bonheur à chaque coin de rues, des sourires, des rires, même des cris d’exclamation, d’enthousiasme, d’ébahissement. Elle s’arrêta un instant pour observer plus longtemps ce curieux spectacle. Ils vivaient dans une certaine harmonie qui lui paraissait idyllique et qui lui rappela quelques instants l’histoire d’un monde qu’elle avait bien connu. Elle ne se laissa pourtant pas piéger par la mélancolie, et un léger sourire aux lèvres, sentant ses forces lui revenir et donc son auréole grandir, elle progressa dans la foule.

    -Pardon Monsieur, l’épicier, où se trouve-t-il ?

    -Continuez tout droit, et dans quelques pâtés de maison, vous l’verrez, vous ne pouvez pas l’rater, j’vous assure, tout le monde s’écarte en passant d’vant, faut pas avoir peur des piqures. D’ailleurs, je ne vous conseillerais pas d’vous y rendre, jeune d’moiselle.

    -Merci, je crois que ça ira.

    Elle continua alors son avancée sentant la chaleur du soleil couvrir son cou et lui donnant plus de confiance, de sérénité. C’est alors que se fit entendre un cri de stupeur, d’effroi, on appelait aux sans-cœur. Dans les premiers instants, Mérope ne sembla pas réagir, effrayée par tout le mouvement qui la bloquèrent, l’immobilisant presque, les gens criaient et courraient pour se réfugier et échapper à une destinée tragique. Elle s’était raidie et ressentait presque la blessure de la précédente expédition lui revenir à hauteur du ventre. Et quand il n’y eut plus personne ou presque dans les environs, elle respira profondément pour tenter de se reprendre. Elle se tourna pour chercher les sans-cœur du regard. Elle ne pouvait pas fuir, ces gens ne savaient de toute évidence pas se défendre contre une telle menace, et si elle pouvait apporter une aide, aussi modeste soit-elle, elle interviendrait. Mais alors qu’elle apercevait quelques sans-cœur s’approcher, elle reconnut une silhouette qui n’avait pu disparaître de sa mémoire. Etait-ce bien lui ? Elle ne pouvait en être certaine, déjà il bravait l’un des ennemis sans perdre de temps et lui tournait le dos. Il était d’ailleurs peu conseillé de rester si longtemps immobile à observer l’autre sans agir. Elle sortit donc son arc et visa le sans cœur le plus lointain avant de relâcher la corde et ainsi la flèche qui alla frapper la cible. Cette dernière, perturbée par sa blessure, décida donc de se diriger vers la source de lumière qui venait de l’attaquer histoire d’en être débarrassée définitivement. Mais Mérope ne se laissa pas intimider par l’être maléfique qui s’approchait un peu plus d’elle à chaque instant et tira encore trois flèches avant de réussir à s’en débarrasser.

    C’est alors que non loin, elle entendit un bruit sourd puis un corps s’écraser au sol. Le jeune homme qu’elle avait croisé quelques temps plus tôt gisait sur le sol alors que le sans-cœur qui venait tout juste de lui porter atteinte ainsi que celui auquel il s’était attaqué s’approchaient de lui dangereusement. Sur le moment, un frisson lui parcourut le dos. La jeune fille tira donc rapidement une flèche dans l’un puis dans l’autre pour les perturber quelques instants le temps de pouvoir courir à ses côtés pour voir s’il n’avait pas perdu connaissance. Quand elle baissa les yeux sur lui, et malgré le fait qu’elle se trouvait dans une situation qui laissait peu de temps à l’innocence des jeunes filles, elle ne put empêcher ses joues de s’empourprer et de prononcer une phrase avec une certaine difficulté…


    -Vous…Vous allez bien ?

    Elle ne savait pas s’il l’avait aperçue ou s’il la reconnaitrait même. Après tout, leur première rencontre avait été d’une brièveté impressionnante et l’étoile avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour ne pas marquer une image dans sa mémoire. Elle l’aida à se relever n’osant croiser son regard et dès qu’il fit sur pied, puis par nécessité se retourna vers leurs ennemis pour tirer plusieurs flèches dans l’un deux. Et malgré sa véritable volonté, ses jambes la forcèrent à s’éloigner le plus possible du jeune homme pour ne pas avoir à le sentir proche, ou risquer de rentrer en contact avec lui. Elle sentait le regard des habitants du Domaine Enchanté se poser sur les deux combattants, ce qui eut pour effet de la perturber un peu plus et de rendre ses coups plus imprécis. A plusieurs reprises, elle se prit quelques coups, sans trop de gravité mais qui ne la mirent pas plus en confiance. Elle parvint tout de même au final à se débarrasser d’un nouveau sans cœur.
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- Vous…Vous allez bien?

Ézéchiel marmonna quelques mots qui même mis bout à bout ne voulaient rien dire. Aidé par la gente demoiselle qui scintillait dans l'horizon, il se remit sur pieds aussi promptement qu'il était chuté. De fait, il se sentait parfaitement bien, mais l'assaut avait été si imprévu que la perte d'équilibre avait été inévitable. Pendant qu'il se rétablissait d'étourdissements, il avait observé de loin son interlocutrice se battre avec volonté, et encaisser les coups comme une véritable guerrière. Elle semblait prête à tout pour supprimer les nuisibles, et avec même abattu l'un d'eux avec brio. Impressionné, l'Historien retourna eu sein de la mêlée et se positionna juste devant la brillante, afin de prendre les coups à sa place. À toutes les fois qu'un enfant des ténèbres tentait de charger sur la jeune femme, il plongeait dans la ligne de mire et bloquait ainsi les coups portés, prévenant les blessures inutiles. Pendant ce temps, installée un peu plus loin, la demoiselle continuait d'utiliser son arc avec une dextérité accrue, les flèches atteignant parfois les deux derniers sans-cœurs. Pour en finir avec un nuisible obscur, Ézéchiel concentra son énergie élémentaire aqueuse sur ses paumes et d'un claquement de doigt, un jet d'eau destructeur traversa le corps du sans-cœur visé, ce dernier explosant dans une nuage de fumée ébène.

Il ne restait plus qu'un sans-cœur, les humains ayant donc l'avantage de la situation. Soudain, une flèche fendit l'éther et empala avec une délicatesse sadique le buste du dernier ombre, celui-ci chutant durement sur le sol. Profitant du désavantage de son opposant, l'Historien plongea sur ce dernier et planta son épée bestialement, une fumée noire aveuglant de nouveau Ézéchiel. Après avoir balayé les lieux du regard, pour certifier de l'absence de dangers, il fit signe aux passants qu'il pouvait sortir et rejoignit la demoiselle scintillante, qui entretemps s'était approchée de la boutique de l'épicier. Une fois à ses côtés, le jeune homme voulut prononcer quelques mots, mais ses cordes vocales ne semblaient pas vouloir obéir à ses ordres. Lémuel s'esclaffa, se moquant des bégaiements de l'Historien. Après plusieurs tentatives, celui-ci parvint finalement à dire :


- Je vous remercie pour votre participation au combat...

Puis, malgré les résidents du Domaine Enchanté qui couraient et riaient autour de lui, il n'entendait plus rien, mis à part le son de ses battements. Ézéchiel se perdit dans les yeux profonds de son interlocutrice, un regard innocent, majestueux... Un regard satisfait mais curieux... Un regard à faire frisonner même les princes charmants. Se fut une insouciante abeille qui vint ramener l'Historien à la réalité, qui sursauta à cause du léger pincement. Le dard de l'insecte n'était pas parvenu à transpercer la peau de diamant d'Ézéchiel, mais la douleur minime occasionnée par cette tentative avait été assez prononcée pour le réveiller. Quoi qu'il en soit, voyant qu'un malaise volait cette chimie singulière qui régnait entre les deux corps, l'Historien dit, d'un ton exaspéré :

- Maudites abeilles...

Lémuel, dans une démarche spectrale, s'approcha d'Ézéchiel, qui observait la résidence des insectes volants avec une admiration particulière. La conscience marmonna :

- Allez Ézéchiel... Demande-lui son nom. C'est ce que tu veux, non?

En effet, Lémuel, étant la conscience d'Ézéchiel, savait tout ce que ce dernier ne disait pas à voix-haute. À plusieurs reprises au cours de leur périple, se fut grâce à Lémuel que l'Historien parvint à se rendre plus loin, à ne pas abandonner avant d'avoir tout tenté. Il avait été décisif dans le cours de son existence, et Ézéchiel commençait tranquillement à comprendre l'Importance de sa conscience dans sa vie... Bref, après une pause marquée par la timidité, le jeune homme aux cheveux dorés se redressa et demanda :

- Je crois vous avoir déjà aperçu, ai-je tort? Il soupira un instant, et continua : Je suis Ézéchiel d'Andromède, et j'ai passé toute mon enfance ici... Je suis désolé si je puis être indiscret, mais puis-je connaître votre nom?

Une autre abeille parcourut le ciel avant de se poser sournoisement sur la main d'Ézéchiel et le piqua de nouveau, engendrant cette fois-ci une douleur un peu plus intense. Un peu furieux, l'Historien pestant contre les insectes, puis contre la nature en tant que telle quelques instants et s'exclama de sa voix angélique :

- Saleté d'abeilles...

Alors que la voûte céleste se couvrait d'une épaisse couche de nuages gris, certains passants retournaient déjà dans leurs résidences. Certains enfants suppliaient leurs parents de rester au marché un peu plus longtemps, alors que plusieurs habitants portaient dans leurs mains de lourds sacs bondés d'aliments et de vêtements achetés au cours de la journée. Cette scène rappelait à Ézéchiel des tendres mais rares moments passés aux côtés de sa mère, mais par le fait même des souvenirs un peu moins joyeux, des souvenirs ensanglantés...
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    Le jeune homme sembla lors de la suite du combat s’intéresser à l’étoile dans la mesure où il bloqua toutes les tentatives d’attaque vers sa personne. Acte de bravoure que Mérope ne put qu’admirer, rougissant légèrement de sentir par moment son regard sur elle. Elle-même, alors qu’elle visait un des derniers sans cœurs ne pouvait s’empêcher de l’observer. Lorsque le jeune homme porta le dernier coup fatal au sans-cœur, Mérope baissa les épaules et soupira. Néanmoins, sa tâche n’était pas finie au sein du Domaine Enchanté, elle n’avait d’ailleurs même pas encore commencé. Elle jeta donc un dernier coup d’œil vers le jeune être humain qui semblait aller fort bien et elle décida de s’approcher de l’épicerie. Elle observa quelques minutes les abeilles voler autour d’elle. Comme elle restait calme, les bêtes ne s’en prirent pas à elle dans un premier temps. Elle repéra le nid à l’origine du problème, c’est alors qu’elle sursauta lorsqu’elle fut interpellée par le fameux jeune homme qui, elle commençait à le croire, devait se rappeler ne serait-ce qu’un peu de son visage. Elle laissa apparaître un sourire quand il la remercia et la lumière qui émanait de son corps s’intensifia perceptiblement.

    -Je vous remercie pour votre participation au combat...

    -C’est bien normal… Si je peux aider des êtres qui nécessitent un soutien, j’en suis heureuse…

    Tous avaient repris leurs activités presque comme s’il ne s’était rien passé. Ce fait lui suggéra qu’ils n’étaient sans doute pas étrangers aux attaques des sans-cœur. D’après ce qu’elle avait entendu lors de ses contacts avec d’autres membres du groupe qu’elle avait rejoint, la plupart des mondes étaient confrontés aux attaques de ces sombres êtres. Elle se rappelait sa vie d’étoile lorsqu’elle n’avait aucune inquiétude à se faire et qu’elle enviait la vie palpitante des humains. Tous ces gens devaient craindre pour leur vie et celles de leurs proches chaque jour. Sans doute pour être heureux, ne devaient-ils voir trop loin et vivre leur vie au jour le jour. Mérope aurait tant aimé elle aussi vivre ce genre d’existence, bien sûr sans la peur permanente mais le fait de ne vivre que pour le présent était une vision qu’elle aimerait connaître. Elle sentait le regard du jeune homme chercher le sien et elle ne pouvait s’empêcher de mélanger les sourires timides et des regards furtifs. C’est alors qu’une abeille vint s’en prendre à sa peau, ce qui sembla l’irriter mais il ne sembla pas souffrir plus que cela.

    -Maudites abeilles…

    -Elles sont en fait, la raison de ma venue ici… Je suis sensée débarrasser l’épicier de ce nid d’abeille. Quand j’y pense, c’est étrange qu’on m’ait choisi pour régler ce problème et je ne sais pas trop comment je vais m’en débarrasser…

    Elle réfléchit aux possibilités qui s’offraient à elle pour se débarrasser de ces petites bêtes qui semblaient tant nuire au bonheur des habitants et surtout aux affaires de l’épicier. Mais une autre question de la part du jeune homme aux apparences d’ange la sortit de sa réflexion. Il ne se rappelait donc pas où ils s’étaient rencontrés et bien que rappeler les tristes évènements où elle se ridiculisa en fuyant comme une voleuse ne lui plaisait pas trop, elle se résolut à lui avouer les circonstances de cette fameuse première rencontre.

    - Je crois vous avoir déjà aperçu, ai-je tort ? Je suis Ézéchiel d'Andromède, et j'ai passé toute mon enfance ici... Je suis désolé si je puis être indiscret, mais puis-je connaître votre nom?

    -C’était… Il y a quelques temps, au sein même de ce monde… Je venais d’arriver tout récemment au château mais j’ai du repartir peu de temps après, nous nous sommes rencontrés assez brutalement quand j’ai failli vous rentrer dedans. Mais nous n’avons pas pu réellement parler… J’imagine que vous devez vous souvenir désormais. Et je m’appelle Mérope, tout simplement Mérope.

    Elle ne mentionna rien au sujet de ses origines de peur d’être confrontée à nouveau à la question qu’il lui avait posée la dernière fois. Son doux prénom résonnait désormais dans sa tête, contre ses tempes. Sans doute se souviendrait-il de ses vagues réponses, de ses hésitations. Ou peut-être pas. Après tout, il n’avait pas réussi à mettre un visage sur les évènements. Elle détourna le regard vers la rue qui se vidait progressivement avec le ciel qui s’assombrissait. Sans doute la pluie ne tarderait-elle pas. Un nouveau regard vers Ézéchiel lui suggéra qu’il était certainement perdu dans un souvenir, une certaine mélancolie avait pris place sur son visage.

    -Et pourrais-je savoir la raison de votre retour dans le monde qui vous a vu naître ? De la famille, des amis, une fiancée peut-être ?

    Elle avait dépassé le stade de la discrétion dont elle faisait habituellement preuve et qu’elle avait toujours voulu garder jusque là. Cette dernière proposition était à vrai dire presque sortie de sa bouche sans qu’elle ne l’ait souhaitée. Mérope pâlit subitement, baissant les yeux, tentant de se concentrer à nouveau sur le problème des abeilles.

    -Sauf si vous avez une alternative plus réjouissante, je pense être contrainte de percer ce nid à l’aide de quelques flèches et je crois pouvoir deviner qu’elles ne s’en réjouiront nullement. Il vous faudra donc vous écarter, le temps que je fasse cela et que je brûle le nid une fois tombé à terre à l’aide d’une torche.

    Elle se recula de quelques pas ressortant son arc et prête à viser le nid qui s’était accroché à une des charpentes de l’enseigne de l’épicier. Elle sentir alors les premières gouttes de pluie lui tomber sur le visage.
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Mérope avait changé de sujet si rapidement qu'Ézéchiel n'avait guère eu le temps de répondre à sa question. En moins de deux, elle se trouvait déjà à quelques mètres de la boutique de l'épicier, arc à flèche à la main, prête à détruire le nid d'abeilles. Mais soudainement, quelques gouttes d'eau émergèrent de la voûte céleste et terminèrent leur chute sur l'interminable chevelure dorée de la scintillante. Le ciel s'assombrit davantage, alors les cumulus dissimulaient les dernières parcelles de lumière. Puis soudain, des bourrasques violentes survinrent, frappant les murs de la ville avec une puissance inouïe. Entretemps, Mérope s'était réfugiée sous le toit extérieur de l'épicier, alors que Mère Nature se déchaînait encore plus. L'innocente et fine pluie d'il y a quelques secondes s'était transformée en une averse incroyable. L'Historien, qui ne pouvait croire à un changement de température aussi drastique, resta médusé plusieurs instants, à observer le panorama qui se vidait de toutes formes de vie. Voyant qu'un malaise embarrassant s'installait entre eux, Ézéchiel décida d'entamer la conversation :

- Je crois que le nid d'abeilles pourra atteindre...

En effet, toutes les abeilles s'étaient réfugiées dans leur résidence et il était beaucoup trop risqué de les perturber ainsi. D'un geste de la main, Ézéchiel fit signe à Mérope de ranger son arme. Inopinément, il empoigna délicatement le bras de son interlocutrice et l'invita du regard à entrer dans la boutique de l'épicier, où il pourrait se réchauffer un peu en attendant des conditions climatiques plus favorables. Le bâtiment était plus grand, mais désert et silencieux. Il n'y avait qu'un préposé au comptoir et quelques passants, mais rien de plus. L'Historien s'installa de façon à pouvoir garder un œil sur l'extérieur et perpétua le dialogue. Même si cela faisait peu de temps qu'il s'était rencontré, il sentait en lui qu'une certaine chimie régnait déjà entre eux, comme si les deux compagnons de choc avaient déjà été amis dans une autre vie. Quoi qu'il en soit, de sa voix rassurante, Ézéchiel décida de revenir sur le sujet d'auparavant, où Mérope parlait de leur première « rencontre » :

- Mais oui, je me rappelle de vous... Comment oublier un visage aussi joli, un regard aussi radieux? D'ailleurs, je tenais à m'excuser pour vous avoir brusquée... J'étais concentré, et je venais de vivre une époque plutôt... mélancolique dans le cours de mon existence...

Il revoyait sa séquestration dans les bibliothèques dans sa tête, une goutte de sueur perlant sur son front. Il regrettait amèrement cette période de sa vie, période où il avait été battu à maintes reprises, et même confronté à toutes sortes de tests scientifiques pour la Coalition Noire. Cette expérience l'avait presque corrompu; son cœur naguère pur aurait pu être affecté par les ténèbres. Mais heureusement, Lémuel avait été là, présent à ses côtés pour l'aider à faire les bons choix... Puis, il revoyait la première fois où il avait aperçu Mérope, dans le château du Domaine Enchanté. Il se rappelait des paroles naïves, de sa violente réplique, de son doux témoignage, de sa voix à faire frissonner... Soudain, il revint à la réalité et répondit à l'autre question :

- Et concernant la raison de ma venue ici, c'est également pour une... mission. On m'a envoyé ici pour supprimer les sans-cœurs que nous avons éradiqués ensemble toute à l'heure. D'ailleurs, je ne me rappelle plus si je vous ai remerciée... Si j'ai oublié, je m'en excuse et je le fais maintenant...

Il prit son souffle, et essuya un peu son front, qui avait été légèrement trempé par la pluie intense. Au moment où il voulut reposer ses mains dans ses poches, il effleura de nouveau le bras de la scintillante... Son cœur chavira, son souffle se stoppa net, son sang se mit à bouillonner... sentiment étrange qui le bouleversa quelques instants. Voyant que son interlocutrice semblait également déconcertée, il décida de parler de nouveau.

- Une fiancée? Non, surtout pas... De la famille? J'ai essayé il y a quelques années de retrouver ma mère, mais elle est alcoolique et... Enfin, je vous épargne les détails de ma triste existence. Et des amis? J'en avais lorsque j'étais plus jeune, mais les temps ont changé, et les gens aussi malheureusement...

Ézéchiel détourna le regard et observa le paysage extérieur. La pluie ne s'était pas du tout calmée, mais le soleil semblait avoir repris son trône dans la toile céleste, parsemant ainsi le sol du village d'une peinture lumineuse. Un peu plus haut dans le ciel, on pouvait également observer un arc-en-ciel plutôt visible qui surmontait les tours du Château du Roi Stéphane... L'Historien jugea que d'ici une dizaine de minutes, ils pourraient retourner à l'extérieur, et ainsi effectuer la tâche que Mérope devait accomplir pour... pour qui d'ailleurs? Et pourquoi? Intrigué, Ézéchiel ne put s'empêcher de s'interroger à voix haute, au risque de briser l'intimité de son interlocutrice... Il posait tant de questions, et avait peur de harceler la brillante, mais Lémuel l'avait poussé sans cesse à ne pas hésiter durant ces dernières années, et cette curiosité était devenue un réflexe :

- D'ailleurs, qui vous a demandé de détruire ce nid d'abeilles?

L'Historien fit virevolter l'une de ses mèches rebelles de ses cheveux, afin de plus clairement voir Mérope. Il attendait sa réponse avec une telle impatience... Quelques mètres plus loin, Lémuel observait la scène avec admiration, se mordillant la lèvre en espérant voir la suite de l'histoire. Ézéchiel, quant à lui, attendait tout simplement en faisant valser ses doigts dans ses poches, le regard plongé dans l'infinité des yeux de Mérope...
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    Il ne lui laissa néanmoins nullement le temps de s’occuper du nid d’abeille puisque par le bras il l’emmena à l’intérieur même de l’épicerie qui hébergeait les êtres nuisibles. Mérope ne réagit pas à cette invitation, se laissant mener sans broncher, légèrement perturbée par la sensation étrange que lui procurait la main qui tenait son bras. Lorsqu’ils furent entrés dans la boutique, l’étoile passa une main sur son visage. Les gouttes de pluie avaient déjà eu le temps de ruisseler sur elle, se réchauffer ou même se protéger à l’intérieur n’était sans doute pas une mauvaise idée. Mais au lieu d’observer la boutique ou même le temps qui sévissait dehors, elle ne pouvait s’empêcher d’observer Ézéchiel avant qu’il ne réengage la conversation afin de lui répondre. Réponse qui la fit d’ailleurs rougir dans les premiers mots. Alors elle avait marqué son esprit, et d’une façon plus positive de toute évidence, elle ne put toutefois pas répondre aux compliments qu’il lui fit et se contentant de sourire nerveusement, elle parla d’une façon à peine audible.

    -Non…non… c’était bien de ma faute, vous n’avez aucune excuse à me faire.

    Mais il semblait trop absorbé dans ses pensées pour avoir entendu les paroles de l’étoile qui n’avaient après tout pas grand intérêt sinon celui de s’excuser encore et encore pour un évènement désormais bien révolu. Le jeune homme au regard à la fois doux et triste n’était alors plus dans l’épicerie aux abeilles, il devait penser à son passé qui semblait à Mérope bien sombre tant cela se lisait sur son visage. Car Ézéchiel avait beau avoir été jusque là plutôt discret sur sa vie, ses émotions ne pouvaient qu’éclater au sein de son visage d’avoir été trop cachées auparavant. Elle ne voulait cependant pas le brusquer ou le blesser, à vrai dire, elle ne voulut rien faire qui aurait pu le pousser à partir. Il avait eu jusque là plusieurs raisons de s’en aller, après tout, sa mission était finie. Il s’était débarrassé des sans-cœurs. Et pourtant, il se tenait là à ses côtés, mais elle ne préférait pas se faire d’illusions. Après tout, c’était son lieu de naissance, il était compréhensible qu’il veuille en protéger ses habitants.

    -Vous l’aviez déjà fait, vous m’avez remerciée…

    Au moment où elle prononça ces mots, leurs épidermes rentrèrent à nouveau en contact, par pur accident, mais cela eut pour effet de fixer son regard sur la main du jeune homme qui se retira aussitôt, elle frémit un instant, un ressenti qu’elle cacha autant qu’il lui était possible. Et comme pour rétablir la situation qui s’avérait délicate, il évoqua des faits de son passé, ce qui en apprit un peu plus à l’étoile qui ne pouvait que se poser des questions sur son histoire mais sans oser les évoquer. Cependant, ces faits n’avaient rien de bien positifs. En effet, qu’avait-elle à envier à un être qui n’avait en somme plus personne, comme si toute relation avec le reste de l’humanité était devenue impossible, comme si l’amour, de quelque nature qu’il soit, ne faisait désormais plus partie de sa vie. Qu’était-il devenu maintenant ? A quoi passait-il son temps, quelle cause servait-il maintenant qu’il n’avait plus personne à qui se rattacher ? En déduire des choses était sans doute un peu précipité mais elle ne pouvait s’empêcher de faire fuser en elle toutes ces questions sans réponse, toutes ces questions qui n’osaient passer la barrière de ses lèvres. Il détournait régulièrement son regard vers l’extérieur, ce qui la fit regarder elle aussi le temps qui s’améliorait. En un sens, elle en était légèrement déçue, car dès l’instant où ils auraient vaincu le nid d’abeilles, quelle raison les tiendrait encore ensemble ? La volonté peut-être… Mais comment savoir s’il souhaitait réellement sa présence ? La question qui suivit la sortit de ses réflexions et de ces questions incessantes, il semblait s’intéresser à ceux qui avaient bien pu l’envoyer pour cette mission. Effectivement, il y avait de quoi après tout. Elle ne savait pas trop s’il était bien prudent de lui faire confiance et de lui parler des personnes avec qui elle s’était alliée mais son cœur ne pouvait mentir en cet instant.

    -Eh bien… Peu de temps après vous avoir rencontré, je suis partie en quête de découvrir les mondes qui entourent celui-ci, comme je vous l’ai dit je viens de loin, et je ne connais personne en ces terres. Il se trouve donc que j’ai fait la rencontre de personnes servant une cause qui me semblait juste, cause à laquelle j’ai décidé de me rattacher… Ils se font appeler « membres de la lumière ». Sans doute, mon adhésion à leur groupe n’est pas étrangère au fait que j’espère bien obtenir quelques informations de la part de celui qui les dirige, un grand savant, un magicien…

    Mais elle ne voulut pas aller plus loin. Cela l’aurait forcé à apporter des explications supplémentaires, ce qui l’aurait mise une fois de plus dans une position dangereuse.

    -Et vous… Vous m’avez parlé d’une mission. Qui serait donc le « On » qui vous a envoyé ? Enfin, si ce n’est pas trop indiscret…

    Elle savait qu’elle prenait le risque de couper toute forme de paroles en entrant dans cette confidence qui lui révélerait peut-être ce qu’il était devenu depuis qu’il avait perdu sa famille, ses amis. Mais après tout, ne venait-elle pas de lui révéler une partie de son identité ? Pas la plus importante, certes, mais s’il avait été ennemi de sa cause, elle venait de faire preuve d’une confiance aveugle et mettait peut-être sa propre vie en péril. Elle balaya de ses pensées cette possibilité qui réduirait fortement son espérance de vie. Elle se leva donc du siège où elle s’était assise et remerciant la personne au comptoir avant de prendre la porte comme direction. Le temps semblait vouloir presser les choses, elle eut quelques ressentiments en pensant aux abeilles qu’elle s’apprêtait à déranger d’une façon qui ne leur plairait certainement pas. Elle caressait la corde de son arc tout en posant un regard sur Ézéchiel avant de sortir.
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Ézéchiel avait l'impression que tout se passait trop promptement, mais pourtant, il semblait être à l'aise dans ce genre de situation. En général, plutôt difficile d'approche et étant l'antithèse de la naïveté, il n'aurait jamais dévoilé de telles informations personnelles à une inconnue, à une étrangère qui pourtant lui faisait vivre tout ce qu'il n'avait pas vécu pendant la décennie qu'il avait passée au fond des cachots, bouquin sous le nez. Et c'est quelques secondes plus tard à peine que la scintillante sembla vouloir quitter la boutique de l'épicier, qui se vidait tranquillement de toutes formes de vie. Le propriétaire de l'édifice en soit était lui-même sur le point de retourner chez lui, alors que le ciel se dégageait doucement. En effet, le soleil reprenait graduellement son siège au sein de son royaume céleste, alors que les nuages commençaient à se dissiper dans l'éther. Ézéchiel invectiva la nature intérieurement : si cette mission se terminait, qu'en serait-il de leur relation? Relation... pouvait-on réellement désigner cette rencontre pour une relation quelconque? L'Historien n'en avait aucune idée, mais cela ne l'importait peu. Ce qui occupait toute son attention pour l'instant, c'étaient les répliques franches et féminines de son interlocutrice, c'était son visage aux traits fins, c'étaient ses yeux céruléen à faire rêver...

Ainsi, Mérope sortit définitivement de la boutique de l'épicier, d'un pas décidé mais pourtant timide. Ézéchiel, par pure galanterie, tint la porte bien ouverte pour permettre à la brillante de pouvoir s'y frayer un chemin, et ainsi se retrouver à l'extérieur. Quelques secondes plus tard, Ézéchiel se trouvait lui aussi dehors, les cheveux virevoltant légèrement sous les brises glaciales. Tout en observant Mérope, il réfléchissait; il songeait à une méthode pour pouvoir faire disparaître ce fameux nid d'abeilles, sans devoir à subir toutes les blessures que les malicieux dards pouvaient engendrer. Mais il ne trouva aucune solution logique à ce singulier problème. Il prit donc l'initiative de se « sacrifier » pour le bien de son interlocutrice. Il allait en effet utiliser une méthode plus brute, mais qui n'allait heureusement pas blessé la scintillante. Afin d'avertir la jeune femme, l'Historien dit tout simplement :


- Bon. Je n'ai pas l'habitude de tout dévoiler aussi rapidement, mais je n'ai pas d'autres choix. Je suis né avec une peau de diamant, un peau qui résiste à toutes les chutes et à tous les coups. Je ne ressens pas, ou très peu la souffrance physique. Donc, je vais détruire ce nid d'abeilles, et je vais faire en sorte que toutes les abeilles s'attaquent à toi et non et moi. Ézéchiel marqua une pause, remarquant qu'il venait de tutoyer Mérope, et continua : Je vous... enfin je te... il est conseillé de s'éloigner un peu... Je ne voudrais en aucun cas qu'une de ces abeilles atteignent votre peau et blesse ton intégrité... Je... Oui, c'est ça...

Ce discours bondé d'incohérences fit rire Lémuel, mais Ézéchiel n'en porta pas attention, et fit signe à la brillante de se reculer de quelques pas, afin d'éviter toutes piqures. Ainsi, il dégaina le morceau de fer rouillé qui lui servait d'épée et s'élança dans la gueule du loup : il bondit à quelques mètres dans les airs et frappa violemment la ruche, qui éclata avant même d'atteindre le sol encore mouillé par la pluie. Aussitôt, les furieuses abeilles se ruèrent vers leur assaillant et commencèrent à implanter leurs dards un peu partout sur le corps de l'Historien. Curieusement, chaque piqure était pour lui un véritable martyr, comme si de si frêles insectes parvenaient à transpercer cette épiderme qui avait donné du fil à retordre à tous durant toutes ces années. Quoi qu'il en soit, afin de mettre fin au martyr, il concentra son énergie élémentaire et engendra une onde de choc aqueuse, qui fut si puissante que toutes les abeilles terminèrent leurs chutes beaucoup plus loin ou sur les murs du village. Satisfait, Ézéchiel s'approcha de Mérope. Il énonça d'un ton légèrement brisé par l'arrogance :

- Voilà... Le problème est réglé.

Non, Ézéchiel n'avait guère oublié de répondre à la question de Mérope, qui s'interrogeait sur la raison de sa venue ici. Comme cela faisait que peu de temps qu'il faisait partie du Consulat, il ne connaissait pas encore toutes les règles et le crédo de l'organisation, et ne voulait pas briser l'une des lois en parlant librement du Consulat. Il décida donc de se taire et de passer à autre roche. l'Historien étant beaucoup trop concentrée sur le visage de la brillante, il oublia presque le silence qui commençait à régner sur la grande place. Plus le temps avançait, plus il avait l'impression de la connaître, comme s'ils étaient des amis depuis toujours. Mais malgré tout, Ézéchiel se mordit la lèvre : et si Mérope considérait toute cette rencontre pour de harcèlement? Et si elle ne voulait simplement partir du Domaine Enchanté depuis déjà plusieurs minutes, mais qu'Ézéchiel lui en empêchait? Un frisson parcourut la nuque de l'Historien, qui voulut néanmoins en connaître plus sur elle avant de la laisser partir vers d'autres lieux, avant de la quitter définitivement et de peut-être ne plus jamais la revoir...

- Et toi?... Tu as de la famille, des amis, un amour?

Le souffle de vent vint s'infiltrer à l'intérieur de sa veste, et Ézéchiel frissonna bruyamment, à la plus grande surprise de Mérope. L'Historien abhorrait le froid au plus au point, et rester à l'extérieur sous une telle température sans ne rien le rendait malade. Il prit donc inopinément la main de la scintillante, et avant même qu'elle ne puisse réponde à sa question, il l'amena dans un café un peu plus loin, café qui avait clairement marqué son enfance. Il avait en effet passé de merveilleux moments ainsi, et revenir à la source lui faisait énormément de bien, surtout quand il pouvait faire en sorte de partager ces moments avec une telle invitée... Tout s'était passé si vite qu'il en avait même oublié ses bonnes manières, et son soucis de harcèlement... Bref, une fois entré et assis dans le restaurant, à la table la plus près de la fenêtre, Ézéchiel ne tarda pas une seconde plus avant de rentamer la conversation :

- Parle-moi un peu de toi... J'en connais si peu de toi, et j'aimerais en connaître plus...

Ézéchiel regretta ardemment ses paroles, et renchérit pour se reprendre :

- Non... Ce n'est pas nécessaire. Désolé, je m'infiltre trop intensément dans ton intimité. Je... Tu n'es pas obligée de répondre si tu ne veux pas que... Enfin, je suis sincèrement navré...

Il ne dit plus rien, et attendit avec effroi la réponse de Mérope.
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    Comment ne pas succomber au charme de celui qui a le courage de se sacrifier pour vous ? Comment agir autrement qu’en palissant de confusion mais aussi d’inquiétude pour le jeune homme qui voulait s’occuper seul des abeilles ? C’était sa mission et voilà qu’elle le laissait agir seul, lui qui semblait vouloir la protéger. Dans sa tête, tout s’embrouilla, les explications qu’il donna à sa courageuse initiative parurent irréelles à Mérope qui ne comprenait pas que celui qui se tenait devant elle, si humain en apparence, avait un tel épiderme. Mais à ses yeux, l’explication n’avait pas tant d’importance, elle ne voyait que sa silhouette s’élancer à l’attaque des abeilles avec un courage incontestable.

    Elle ne pouvait nier la générosité dont il semblait vouloir faire preuve, au moment où il avait vu qu’elle voulait vraiment s’en charger, il avait décidé d’intervenir. Et malgré tout ce qu’il avait pu dire, malgré ses belles paroles chevaleresques où il soulignait l’intention de la protéger, où il souhaitait qu’aucun mal ne lui soit fait, malgré tout cela, elle vit dans son visage lors de son assaut, de la douleur apparaître. Il n’était pas insensible à ces petites bêtes, elle en était certaine, tout se passa pourtant très vite, mais elle ne put retenir des gémissements de peur à son égard. Quand enfin tout fut terminé, et cela avait du être pour lui une éternité, Mérope soupira de soulagement. Elle le regarda revenir vers elle et ne sut comment lui montrer sa gratitude, elle était tant gênée qu’il ait fait ça pour elle, elle avait envie de s’excuser mille fois de n’avoir pas su le faire tout seule. Elle aurait tant aimé l’aider, faire en sorte qu’il ne souffre pas… Le voir souffrir, elle avait beau le connaître depuis peu, ne presque pas le connaître en fait, elle ne supportait pas un tel spectacle. Sur l’instant, tellement honteuse, elle n’osa rien répondre. Devait-elle s’attendre à ce qu’il s’en aille désormais ? Ils restèrent quelques instants face à face sans dire mot, Mérope contemplait le beau visage d’Ézéchiel qui ne semblait plus affecté par ses douleurs. Elle se surprit un instant à espérer pouvoir toucher ce visage. Puis, une fois de plus, balaya cette idée de ses pensées. C’est alors qu’il lui posa une question personnelle supplémentaire. Une question qui allait la mettre dans l’embarras, car en cet instant, il lui fallait choisir entre mensonge et vérité. Vérité qui lui coûterait certainement sa réputation et sa santé mentale.

    -Euh… Je…

    Elle le vit frissonner, il ne semblait pas supporter le froid qui régnait alors, amplifié par le fait qu’ils avaient précédemment été victimes de cette pluie brève mais presque torrentielle. Et sans lui laisser le temps de répondre à sa question, une fois de plus sans lui demander son avis, il l’emmena ailleurs. Mérope ne niait pas commencer à prendre goût à ce jeu. Même si elle ne savait pas si c’était réellement un jeu pour lui. Sentir sa main lui procurait une véritable chaleur qui lui parcourait le corps, elle ne pouvait savoir si c’était habituellement ce qu’on ressentait au contact de la main d’un autre humain, mais cela lui donnait encore plus envie de rester avec le jeune homme. Quand ils arrivèrent dans un restaurant à la mode de l’époque, c'est-à-dire celle de l’époque du Domaine Enchanté, Mérope s’émerveilla quelque peu devant un spectacle à vrai dire plutôt simple au final mais qui avait tout d’un paradis pour elle. Elle se trouvait avec quelqu’un qu’elle voulait connaître, dans un endroit chaleureux. Quand ils furent assis, Mérope put enfin respirer.

    Elle avait du mal à réaliser la vitesse avec laquelle tous les évènements s’étaient produits. Quelques instants plus tôt, les deux jeunes gens s’étaient trouvés au milieu de la rue en train de combattre quelques sans-cœur et elle avait revu le garçon auquel elle avait longuement pensé avant son arrivée dans le monde. Mérope tourna son regard vers la fenêtre et donc la vue de la rue. Le soleil miroitait sur les vestiges de la pluie et faisait briller les alentours ainsi que les tuiles du château au loin qui brillaient. Elle aussi brillait, spectacle qui fit détourner les yeux à plusieurs des occupants du restaurant, ce à quoi elle rougit. Ézéchiel se rendait-il compte lui-même de la nature étrange de cette lumière qui grandissait avec le bonheur que lui apportait ces instants passés en sa compagnie ? Qui aurait pu imaginer un tel scénario ? Le silence ne dura pas longtemps car il décida de l’interroger à nouveau sur son identité, sur des pans de sa vie. Question qu’il sembla vouloir retirer aussitôt qu’il l’eut prononcée. Il avait l’air si confus, gêné d’avoir été indiscret. Peut-être sentait-il qu’elle avait elle-même des secrets ? Il était après tout clair qu’elle était partie dans le but évident de ne pas dévoiler son lieu de provenance lors de leur première rencontre. Exactement comme lui en fait, car après tout, elle avait remarqué qu’il avait détourné sa question sur ce qui l’avait envoyé pour accomplir sa mission. Et bien qu’il fût vrai que Mérope avait des secrets, elle se sentit si mal pour lui que ses mains traversèrent la table pour aller chercher celles du jeune homme. Sur le moment, elle ne réalisa pas ce qu’elle venait de faire. Chercher pareil contact sans aucun but particulier si ce n’était celui de le réconforter aurait pu paraître ambigu aux yeux d’Ézéchiel. Elle prit la parole, le tutoyant comme il venait de le faire à plusieurs reprises.

    -Comme je te l’ai dit… Je viens d’un endroit bien lointain, nos vies sont très différentes là bas. J’ai eu une vie qui devrait sembler parfaite à n’importe qui pendant les premières années. J’étais heureuse, j’avais tout ce dont une jeune fille pouvait rêver… Une famille qui m’aimait, quelques amis, y compris un amour sincère… Tout cela me parait si lointain quand j’y pense, comme si cela faisait des milliers d’années que je n’ai plus revu leurs visage. Mais j’ai tout perdu… Ma famille, mes amis, mon monde…Eden… et mon amour, tous engloutis dans la nuit, une nuit sombre sans issue… Moi seule ai survécu.

    Son histoire bien que légèrement modifiée représentait bien les sentiments qu’elle avait alors pour son histoire révolue, son autre vie. Elle n’avait voulu risquer d’avouer sa véritable précédente nature mais se sentait tout de même gênée d’avoir avoué à un inconnu ou presque tous les souvenirs de sa vie qu’elle avait encore dans sa mémoire. Sans doute n’avait-il pas idée de ce que cela représentait, et c’était mieux comme ça. Elle baissa les yeux quand on vint les aborder.

    -Vous désirez ?

    Elle revint si rapidement à la réalité devant la question bien banale de l’homme qui tenait le café.

    -Un verre d’eau s’il vous plait…

    Mérope se sentait désormais si fébrile devant le regard perçant du jeune homme. Elle n’arrivait pas à lui mentir lorsqu’elle plongeait son regard dans le sien, comme s’il contrôlait ses actes et ses pensées, comme s’il avait une emprise totale sur elle. L’étoile n’osa rien ajouter à cela, elle tenait encore les mains d’Ézéchiel dans les siennes, quand elle le réalisa, elle les ramena vers elle comme pour les cacher d’avoir commis un crime ôdieux.

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Elle avait parlé, parlé de sa vie, de son passé, de l'histoire de son existence. Chaque mot qu'elle avait prononcé avait eu une répercussion sur les sentiments d'Ézéchiel, qui buvait ses paroles comme un assoiffé engloutit un verre d'eau; comme un érudit devant une nouvelle découverte. Mais pourtant, malgré tout ce que Mérope avait pu dire, seulement deux ou trois mots innocemment alignés l'un après l'autre l'avaient percuté telle une gifle au visage. Un amour sincère... La perte d'un amour... Pouvait-on ressentir une certaine envie, une jalousie sans avoir été confronté à la situation en tant que telle? Pourquoi le cœur de l'Historien s'était resserré lorsqu'elle avait prononcé le terme « amour », un terme qui ne le concernait pas directement? Toutes ses émotions étaient encore inconnues pour Ézéchiel, qui n'avait réellement vécu qu'une courte enfance. Mais Mérope semblait être la clef vers l'inconnu, le chemin à prendre vers un destin heureux. À ses côtés, il se sentait bien, bercé par ses paroles et par son regard réconfortant. Et auprès d'elle, il faisait la découverte de sentiments inconnus et de sensations étranges qui bouleversaient incessamment son cœur. Mais était-ce beaucoup trop... soudain? Comment définir une relation? Quant peut-on qualifier deux êtres comme étant intimes, liés par l'âme? Tant de questions, mais peu de réponses. Mais Lémuel, qui était toujours de bon conseil, n'eut rien dit. L'Historien songea quelques instants, et en conclut finalement qu'il serait préférable de laisser le temps décider des choses, et non la raison et la logique... Parce qu'au fond de tout, l'abstrait a beaucoup plus de choses à dire que le concret...

Puis, perturbant la réflexion d'Ézéchiel, un serveur du restaurant vint à leurs côtés, s'interrogeant sur le désir. Car oui, s'ils étaient ici, logiquement ils allaient manger. Mérope, clairement déconcertée, commanda pour sa part un simple verre d'eau, alors que l'Historien ne demanda rien du tout à l'employé, qui retourna dans les cuisines, faux rictus parcourant son visage. Pendant l'espace d'un instant, Ézéchiel eut envie de se rapprocher de son interlocutrice et de sentir son souffle se mêler au sien. Désir plutôt curieux, et surtout très soudain... Mais logiquement, il s'y résigna, ayant peur de briser le peu d'intimité qui lui restait... Étrangement, l'Historien ne voulut pas revenir sur le passé de Mérope immédiatement, et en profita plutôt pour parler encore un peu de lui. Non, Ézéchiel n'était pas de nature égoïste en temps normal, mais ce que la scintillante avait divulgué à propos d'un amour antérieur l'avait vexé, provoqué, pour des raisons qui lui étaient inconnues. Donc, il continua :


- Moi aussi j'ai été fou amoureux dans le passé.

Il avait terminé cette phrase avec une telle direction que cela créa tout de suite une sorte de froid entre les deux âmes. Lémuel, quant à lui, se frappa durement la tête, ayant clairement honte de l'attitude de son disciple... Et en plus, l'Historien n'avait jamais vécu de relations amoureuses, alors pour quelles raisons ces innocents mensonges avaient-ils été énoncés? Les secondes se mirent à défiler, à défiler tranquillement, péniblement, atrocement... La brillante ne semblait pas savoir quoi répondre à cette affirmation, alors que le malaise s'amplifiait au fur et à mesure que le silence reprenait son règne. Quelques instants plus tard, pendant que le Soleil était déjà sur le point de se coucher, Ézéchiel se rendit compte de tout l'embarras qu'il avait causé, et prit la décision de se reprendre en changeant une fois de plus le sujet, brisant ainsi la quiétude du restaurant :

- Le ciel commence déjà à s'assombrir, et la nuit aura bientôt envahi le Domaine.

Qu'est-ce que cela voulait bien signifier? Évidemment, que Mérope allait bientôt devoir quitter le Domaine Enchanté pour se diriger vers le Château Disney, au sein de la confrérie dans laquelle elle avait été admise. Mais bizarrement, Ézéchiel ne voulait guère la laisser partir... Il voulait en savoir plus sur elle, et être sûr de pouvoir la revoir un jour. Mais au fond, il savait très bien que le moment fastidieux s'approchait à grands pas, et il redoutait ardemment cet instant. Bref, Ézéchiel avala bruyamment sa salive, comme pour témoigner de la mélancolie qui envahissait graduellement son esprit. Aussitôt, le serveur du café revint à leurs côtés, et vint déposer un simple verre d'eau sur la table, avant de repartir vers les cuisines sans ne rien ajouter de plus.

- En tout cas, je ne te laisserai pas partir seule en pleine nuit. Je ne voudrais pas qu'il t'arrive du mal... parce que c'est tout de même moi et uniquement moi qui t'a si retardée... Et j'espère que les membres de la Lumière ne t'en voudront pas. Il sourit. Et de toute façon, si jamais ils sont fâchés, je viendrais leur parler, et je t'assure que ton retard sera rapidement oublié! Pas que j'vais les tuer, mais...

Encore une fois, ce discours décousu sembla à la fois faire plaisir à Mérope, mais son regard témoignait aussi d'une certaine intrigue, comme si elle aussi désirait en connaître plus. Les deux compagnons de choc se regardèrent plusieurs secondes. Ézéchiel était probablement trop intense du regard, mais encore une fois, cela ne l'importait peu. Alors qu'une certaine passion commençait à prendre place entre les deux corps (en tout cas, du point de vue de l'Historien), le propriétaire de la boutique marcha jusqu'à leur table et vint alerter les deux seuls individus présents dans le café, soient Mérope et Ézéchiel de partir du bâtiment :

- J'vais fermer le café, je vous demanderais de partir.

Ézéchiel se leva donc de son siège, suivit de la scintillante qui l'imita. L'Historien, quant à lui, décida de laisser quelques munnies sur la table, tout simplement pour bien paraître devant Mérope, qui se trouvait déjà sur le seuil du restaurant. Ensemble, ils sortirent du café et se fut Ézéchiel qui rentama de nouveau la conversation :

- Alors, tu veux aller où maintenant? Tu ne veux pas partir... j'espère?

L'Historien prit compte de ses paroles et se reprit :

- Si, tu peux partir... Mais pas que je veux que tu partes... Enfin... Je veux que tu restes, mais je vais quand même pas t'obliger à le faire, hein! Enfin bon, c'est toi qui décides...


Dernière édition par Ézéchiel le Jeu 13 Jan 2011 - 2:41, édité 5 fois
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    Il lui aurait été impossible d’ignorer une certaine frustration qui apparut sur le visage du jeune homme après qu’elle eut parlé de sa vie antérieure, comme si elle l’avait blessé en rappelant son triste passé. Elle fut alors confuse et n’osa plus rien dire, baissant les yeux jusqu’à ce qu’on lui apporte le verre d’eau qu’elle avait demandé. Elle le leva à ses lèvres et en but une gorgée, avant de se retenir de recracher lorsqu’il évoqua lui-même son passé à nouveau mais avec une certaine froideur. Elle n’arrivait pas à cerner s’il lui était désagréable d’évoquer son histoire ou s’il y avait une autre raison pour qu’il en parle de cette manière, qui ne donnait aucune possibilité à Mérope de répondre. Qu’aurait-elle pu répondre à une telle exclamation presque une revendication ? De plus, l’adjectif qui avait accompagné le mot « amoureux » avait particulièrement retenu son attention dans la mesure où elle connaissait sa signification. Un amour fou. Elle avait vécu cela et de savoir que l’homme par qui elle se sentait fortement attirée l’avait déjà ressenti eut un étrange impact sur elle, au niveau de la gorge. Elle avait l’impression qu’une boule se formait et l’oppressait, l’empêchant de dire quoi que ce soit sans trembler ou même balbutier.

    C’était comme si elle en voulait à l’être si chanceux qui avait été aimé de lui, comme si elle avait peur qu’il soit encore épris de cette personne. Bien entendu, elle n’avait le droit de rien revendiquer et elle ne pouvait en vouloir au jeune homme d’avoir lui aussi une histoire. Eux-mêmes, installés ensemble à cette table n’étaient rien l’un pour l’autre, bien sûr depuis leur première rencontre son visage avait marqué les nuits de la jeune fille. Mais qu’étaient-ce que ces échanges et ces sous-entendus ? Que représentait-elle désormais pour lui ? Il aurait été trop hâtif d’en parler, ou de lui signifier que bizarrement, elle se sentait magnétiquement attirée par lui et que le reste n’avait aucune importance. Sa lumière diminua car elle savait que leur histoire avait peu de chance d’éclore. Il était si proche et à la fois distant, si gentil et à la fois si secret. Ils étaient tous deux trop étrangers pour espérer quoi que ce soit. Quand il fit remarquer que la journée arrivait à son crépuscule, Mérope leva les yeux vers le ciel, une lune apparaissait doucement, berçant ses joues d’une douce clarté qui se reflétait et la faisait briller plus encore. Il sembla alors vouloir veiller sur elle pour ne pas qu’il lui arrive malheur, il ne voulait pas la laisser partir seule.

    Etait-ce une manière de la retenir ? Elle savait également très bien que les membres de la lumière se soucieraient peu du fait qu’elle mette du temps à rentrer d’une mission à priori normale car ils avaient d’autres occupations bien plus importantes. Mais le fait qu’il tienne tant à lui éviter quelques ennuis lui réchauffa le cœur, accélérant son rythme, comme s’il allait exploser de sentir qu’Ézéchiel cherchait en un sens son bonheur. Leurs regards entremêlés qui oublièrent ce qui les entourait pendant plusieurs instants ne purent continuer cet échange qui les avait quelque peu rapprochés. En effet, l’aubergiste émit le souhait qu’ils quittent l’endroit comme il se faisait tard. Ils ne bronchèrent pas, et même si Mérope sentait la fin de cette merveilleuse rencontre arriver, elle ne dit rien avant qu’ils soient sortis. Et dés l’instant où ils eurent passé la porte, il fit mine de souhaiter qu’elle reste. C’était inespéré, elle n’y croyait pas. Il semblait réellement vouloir que cette rencontre ne s’arrête pas, comme si sa compagnie ne le dérangeait pas, comme s’il la cherchait même, comme s’il souhaitait qu’elle reste à ses côtés. Elle ignorait toujours quel sentiment Ézéchiel pouvait bien ressentir envers la jeune fille pour lui demander de rester, peut-être était-ce simplement de la noblesse d’âme, comme s’il voulait veiller à ce qu’il ne lui arrive rien en tout bon gentleman, mais le fait qu’il le demande lui permettrait de passer un peu plus de temps en sa compagnie. De délicieux instants en son cœur, si délicieux qu’elle ne pouvait s’empêcher de briller sous la nuit qui prenait le dessus sur le jour. Après qu’il soit revenu sur ses paroles en modérant ses propos pour avoir l’air ainsi plus raisonnable et lui laisser malgré tout le choix de partir, elle ne voulut pas un seul instant de plus lui laisser croire qu’elle désirait partir. C’était sans doute trop entreprenant, mais elle ne put réprimer ce désire. Mérope s’approcha subitement de lui, ne laissant qu’un petit espace entre leurs deux corps pour qu’elle prenne à nouveau ses mains dans les siennes et lui réponde.


    -Non… ! Il n’y rien que je préférerais à rester ici, pourvu que je puisse être avec toi, c’est tout ce que je désire en cet instant.

    Elle regretta aussi vite ses propres paroles et sa position. Elle avait alors fixé droit dans les yeux le jeune homme alors que leurs visages étaient si proches qu’elle pouvait sentir sa respiration caresser ses joues. Sa douce respiration. Elle aurait presque pu toucher, ses joues, ses lèvres…Elle baissa aussitôt son regard honteuse de s’être approchée si cavalièrement et avant qu’un réel malaise ne prenne place entre eux elle lâcha une de ses mains, gardant l’autre et lui tournant le dos, décida d’avancer dans la rue. Qu’allaient-ils faire maintenant qu’ils avaient décidé de rester ensemble ? Où iraient-ils alors que toutes les enseignes fermaient leur porte ? De nouveaux sans-cœur allaient-ils apparaître maintenant qu’ils étaient à leur avantage ? Peu lui importait en vrai du moment qu’elle sentait sa main dans la sienne, et qu’elle pouvait retarder l’échéance de leur séparation. Elle se rendit compte alors qu’elle ignorait totalement où elle se dirigeait.

    -Je… Euh… je ne sais pas du tout ce que je suis en train de faire ni quel itinéraire je prends…Où pourrions-nous aller maintenant ?

    Elle se tournait vers son compagnon mais n’osait plus affronter son regard. C'était comme si par un échange, il aurait pu la posséder, comme si elle ne savait faire autrement en le voyant que d'avoir une envie incontrôlable de s'offrir à lui...

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À quel instant peut-on déterminer qu'on ressent quelque chose envers un autre individu? Comment peut-on savoir si cet intérêt est plus puissant, plus passionné qu'une simple relation? Ézéchiel se posait intérieurement toutes ses questions, et ses interrogations étaient incessantes depuis le début de la rencontre avec la scintillante. Il songeait, réfléchissait, cogitait de toutes ses forces, mais n'arrivait guère à comprendre. Et si l'Historien éprouvait... beaucoup d'affection envers Mérope, qu'adviendrait-il? Dans la même ordre d'idée, si cette dernière était bien loin d'être intéressée par lui, désirant abandonner Ézéchiel depuis le tout commencement? Tant de faux espoirs pour des tentatives réduites à néant... Mais l'Historien continuait, perpétuait de lui envoyer des signes discrets, des messages presque subliminaux afin qu'elle comprenne qu'il ressentait quelque chose envers elle. Du point de vue d'Ézéchiel, la jeune femme ne paraissait pas répondre à tous ces développements, à la plus grande prostration du consul, qui continuait néanmoins d'espérer. Rien n'est mort avant d'avoir tout tenté, et un feu ne peut pas survivre si on ne lui accorde pas tout l'oxygène qu'il a besoin... Mais parmi tous ces questionnements, Ézéchiel était certain d'une seule chose : Mérope, il ne la considérait point comme une inconnue, et encore moins comme une amie. Il y avait plus, bien plus qu'une simple amitié, bien plus qu'une relation normale...

Mais la brillante avec commis l'irréparable, l'impardonnable, l'irréfutable. Alors qu'elle s'était positionnée à quelques centimètres d'Ézéchiel, elle avait osé prendre délicatement l'une de ses mains, la serrant avec passion mais douceur. À ce moment-là, un frisson d'une intensité inégalable avait parcouru tout le corps de l'Historien en moins de quelques secondes, et le consul dut retenir la vigueur qui gonflait en lui... Oui, il avait envie de la toucher, de palper sa peau, son visage, ses mains jusqu'à l'éternité. Mais si le moment où elle avait touché sa main était involontaire, et si elle regrettait à présent son geste? C'est qui poussa Ézéchiel à se calmer, à éviter de brusquer Mérope. Cette dernière s'était d'ailleurs enfuie légèrement, délestant par le fait-même les mains de l'Historien, qui put de nouveau respirer. Cette jeune femme avait la singulière faculté de faire perdre tous les moyens du blond que par la force de la pensée, des paroles et des gestes... Et évidemment, la perte de contrôle était imminente lors d'un rapprochement semblable. Par la barbe de Merlin, il avait espéré que se moment s'éterneriserait... Il l'avait espéré, et n'avait pas honte de le dire...

Puis après avoir commis l'irréparable, elle affirma l'impardonnable. Elle avait affirmé d'un ton qui avait fait frémir Ézéchiel qu'elle voulait rester auprès de lui. Il s'était senti aussitôt bercé par le bonheur, la satisfaction, le regard passionné de Mérope. « Pourvu que je puisse être avec toi. » Dans sa tête, cette phrase s'était répétée incessamment, et elle se dirigea droit vers son cœur. Parce que les souvenirs se trouvent dans la tête, et que les souvenirs inoubliables sont mémorisés dans le cœur. L'Historien acquiesça à cet énoncé par les yeux, et la jeune femme sembla comprendre. Toutefois, il paraissait que la timidité s'était emparé d'elle, et qu'elle avait changé aussi brusquement de sujet, comme Ézéchiel l'avait fait à plusieurs reprises auparavant... Où aller? Où se diriger? Le consul n'en avait aucune idée... Et dieu du ciel, il se foutait royalement de l'endroit où il serait, qu'il pleuve, qu'il neige, que le ciel s'abatte sur eux... Il s'en foutait. Qu'il y ait des sans-cœurs, des créatures sanguinaires, des meurtriers... Il s'en foutait. Que sa vie soit mise en danger, que sa mère sorte ds prisons... Il s'en foutait. Puisqu'au fond de lui, il savait très bien que peu importe ce qui pourrait survenir, il pouvait traverser toutes les épreuves à ses côtés, comme si la simple présence de Mérope lui donnait toute la force et toute la volonté du monde... Comme si c'était la source inépuisable d'un désir de vivre perdu...

Mais il devait faire son choix bien vite, car il ne voulait plus faire attendre la lumineuse. Ézéchiel se mit donc à fouiner dans les entrailles de ses songes, dans les profondeurs de ses pensées, à la recherche d'un lieu de prédilection. Il fallait que cet endroit représente son passé, sans trop le rendre nostalgique. Il fallait que cet endroit soit merveilleux à regarder, idéal pour une veillée, sans que cette magnificence captive tout l'attention de Mérope. Quelques secondes plus tard, il avait déjà fait son choix, et avait déterminé le lieu utopique. Il la partagea avec elle, d'un ton brisé par la joie, mais également amplifié par ce qui semblait être de l'affection :


- J'ai une idée. Nous irons ce soir dormir à la belle étoile. Non pas dans à l'extérieur, car nous pourrions mourir de froid. Nous irons plutôt dans une vieille auberge, mais une auberge bien particulière... Il marqua une pause, regarda Mérope et s'approcha légèrement. Et de toute façon, si j'ai envie de dormir à la belle étoile, je n'aurai qu'à plonger mon regard dans le tien pour admirer toute la lumière du ciel...

Il approcha son visage du sien et les lèvres d'Ézéchiel frôlèrent la joue de Mérope, sans plus. Il ricana nerveusement, et emmena la scintillante vers ladite auberge. Cette fois-ci, il ne l'avait pas pris par le bras, ni même par le poignet. Non, cette fois-ci, il tenait fermement la main de la jeune femme. Et tous deux se dirigèrent vers la fameuse destination. Le trajet avait été laconique, mais ô combien plaisant. Le Domaine Enchanté était si merveilleux pendant le règne des étoiles, et la lueur qui entourait Mérope - lueur qui intriguait Ézéchiel d'ailleurs -, ne faisait que décupler la beauté des panoramas. Plus ils s'enfonçaient dans les bois, plus l'Historien se sentait bien et à l'aise, plus Mérope semblait vivre les mêmes émotions. Quelques minutes plus tard à peine, le consul et la lumineuse parvinrent débouchèrent ultimement sur une vaste clairière, une rivière mystique en son centre. L'ambiance était parfaite, idéale, utopique : il n'y avait pas le moindre son, mis à part le bruit agréable du courant de l'eau, et les cris des quelques animaux toujours éveillés. Ézéchiel prit quelques secondes pour observer les paysages, et se dirigea aussitôt vers ledit gîte, qui se trouvait à à peine une dizaine de mètres de leur position.

Mais de fait, que signifiait cette auberge pour le consul? C'était à cet endroit qu'il était né, dans l'édifice-même. C'était bien avant que sa mère ne tombe dans l'enfer de l'alcool, bien avant que son père ne meurt dans d'étranges circonstances. C'était lorsque la famille semblait heureuse, comblée... Même s'il venait de voir le jour, Ézéchiel semblait avoir des souvenirs curieusement clairs de cette fameuse journée. Il pouvait facilement voir le visage de son père, le sourire radieux de sa génitrice, les rires et les joies engendrées par la naissance d'Ézéchiel. Cette auberge avait donc beaucoup de valeur sentimentale pour le blond, et même si l'édifice était fermé et désert depuis déjà plusieurs années, Ézéchiel tenait néanmoins à faire part de cette partie de son existence à Mérope, qui contemplait également les panoramas fabuleux avec ardeur.

Et l'Historien mena la jeune femme tout près de la rivière, et alluma un feu en deux temps et trois mouvements. Il lui proposa de se seoir, mais annula l'offre aussitôt et accourut à l'intérieur de l'auberge. Il en ressortit quelques secondes plus tard avec une dizaine de couvertures à la main, prêt à réchauffer Mérope qui semblait déjà affectée par le froid extrême des lieux. Il installa donc un interminable drap sur le sol, tout près du feu qui se consumait tranquillement, et s'assit confortablement. À peine assis, la scintillante l'imita et pour s'assurer qu'elle n'ait pas froid, Ézéchiel déposa une autre couverture sur ses épaules et sur les siennes, englobant leurs deux corps, comme un cocon géant, comme deux âmes qui ne font qu'une. Après un long moment de silence, de regards un peu timides, d'attouchements innocents et de rires clairement satisfaits, l'Historien finit par dire :


- C'est ici que je naquis, et c'est la dernière fois que j'ai « vu » mon père. C'est pour cette raison que je t'ai amenée ici. Je voulais que tu sois la première à connaître mon repère; l'antre d'Ézéchiel d'Andromède...

Le consul prit la main de la jeune femme, et cette fois-ci, il n'eut aucun malaise. Il commença à flatter la paume dans tous les sens, sentant les frissons parcourir le bras de Mérope. Ézéchiel voulut rajouter quelque chose, mais ne voulait pas gâcher le moment majestueux et la sorte de passion qui régnait entre les deux corps. Ils se regardèrent pendant de longues minutes, l'Historien admirant chacune des qualités physiques de la scintillante, tout en faisant un résumé rapide de tout ce qu'il avait vécu depuis le matin-même. De l'autre main restante, il déposa le bras autour des épaules de Mérope et s'approcha légèrement, sentant pour la première fois autant de chaleur féminine. Il frémit viscéralement et divulgua finalement :

- C'est magnifique, n'est-ce pas? Mais je trouve que c'est un peu injuste pour toi... Parce que moi, en plus de pouvoir contempler les panoramas incroyables qui se dressent devant mes yeux, je peux également admirer la jeune femme la plus radieuse de toutes. Toi, tu ne vois qu'un frêle inconnu, un petit gars bien normal...

Il ne put empêcher un rire satisfait, et attendait une réponse, physique ou verbale, de Mérope.
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    Comment pouvait-il exister en ce monde qui connaissait tant de cruauté et de malveillance un pareil être ? C’était pour Mérope comme s’il était sorti d’un rêve car toutes ses attentions et ses regards profonds ne pouvaient la rendre que plus heureuse. Chaque instant supplémentaire passé en sa compagnie rimait avec bonheur infini. Elle avait par instant même du mal à reconnaître qu’il pouvait exister vraiment. Après avoir vu tant de mal dans les mondes lorsqu’elle était étoile, elle n’avait jamais pensé qu’il pouvait exister pareil plaisir d’être simplement aux côtés d’une personne qui lui plaisait. Mais c’était plus que plaire… C’était au-delà d’une simple attirance, elle ne pouvait cependant l’exprimer. Elle se rappelait à peine de ses moments d’amour de sa vie précédente, elle ne savait plus ce que cela procurait. Mais en cet instant, elle se sentait revivre plus que jamais. Comme si sa véritable vie ne pouvait être qu’au côté de ce jeune homme aux yeux bleus. Bien qu’elle aurait été prête à se rendre dans n’importe quel lieu pourvu qu’elle restait avec lui, la proposition qu’il lui fit alla au-delà de tous ses espoirs. Ce programme semblait si idyllique car passer de longues heures à pouvoir l’observer et contempler la beauté de l’environnement ne pourrait que la combler. Dormir à ses côtés, sans se soucier du temps qui passait relevait presque du rêve. Et c’était bien ce qu’il semblait vouloir faire, la plonger dans un rêve… Il semblait également si bien lire en elle, le sous entendu sur le ciel la perturba d’ailleurs quelque peu. Sans doute ne se doutait-il pas de la véracité de ce qu’il venait de dire.

    L’instant qui suivit sa décision, il surprit l’étoile en s’approchant si près de son visage avec le sien que ses joues, touchées par ses douces lèvres se consumèrent littéralement. Elle aurait voulu se cacher sous terre plutôt que de montrer sa fébrilité lors des contacts qu’ils avaient tous deux. Mais à la fois, elle aurait tant souhaité que le contact dure, qu’il ne fasse pas que les frôler, elle aurait voulu qu’ils restent collés l’un à l’autre quelques secondes supplémentaires. Mais la suite de la soirée les attendait, et à vrai dire, elle ne pouvait que se réjouir et s’émerveiller de ces instants bénis qu’elle vivait avec ce jeune homme, un prince charmant comme on en parlait dans les contes, à ses yeux. Elle éprouva tant de bonheur à sentir sa main dans la sienne comme s’ils se connaissaient depuis bien longtemps, comme si leurs destinées étaient à jamais mêlées, comme s’ils seraient à jamais unis… Elle n’osait dire mot, de peur de le décevoir ou de le déstabiliser, elle contemplait juste les environs, émerveillée par la nuit, domaine qu’elle connaissait pourtant si bien, son domaine, son royaume. Mais qu’était-ce qu’une nuit sans quelqu’un avec qui la partager ? La nuit ne serait plus jamais aussi belle qu’en compagnie d’Ézéchiel, rien ne serait plus jamais aussi beau qu’à ses côtés, elle le savait. En cet instant, elle sentait son âme s’embraser pour celui qui se tenait à ses côtés, celui qu’elle connaissait à peine. Ils avaient quitté le centre du village pour regagner les bois. Il semblait si bien connaître les lieux, et c’était logique après tout mais elle ne pouvait s’empêcher de s’émerveiller. Elle se sentait en sécurité, protégée, rien qu’en sentant sa main douce et à la fois forte, elle savait qu’il la défendrait, qu’elle ne risquait rien à ses côtés. Quand ils arrivèrent au lieu en question, elle ne put contenir son émerveillement d’assister à un spectacle pareil.


    -C’est… C’est si magnifique…

    C’était comme si en l’emmenant en ce lieu, il lui faisait un cadeau, le cadeau d’un moment idéal et parfait, un moment de beauté rare et qui ferait envier bien des mondes, un moment rien qu’à eux en ce lieu isolé et abandonné. Ainsi, ils étaient désormais seuls, devant ce si joli lieu. La pénombre de la lune et des étoiles faisaient briller l’eau, et ses clapotements enchantaient leurs oreilles comme une douce mélodie enchanteresse. L’auberge à présent abandonnée devait avoir été vraiment accueillante du temps de son ouverture, elle trouva même dommage qu’il n’en fut plus ainsi mais cela leur permettait leurs instants de tranquillité et de solitude, et elle ne pouvait décemment pas s’en plaindre… Il était si prévenant. Elle rougissait et s’attendrissait plus devant chacune de ses attentions. Il préparait tout, veillant à ce qu’elle soit bien installée, il l’emmena alors s’asseoir au bord du cours d’eau mais sans permettre qu’elle n’attrape froid. Quand il revint avec les couvertures, elle dut une fois de plus reconnaître quelle chance elle avait d’avoir rencontré pareil être. Elle ne savait toujours pas si c’était de la bienveillance ou plus que cela mais quoi qu’il en soit, c’était parfait. Quand ils s’assirent tous deux sur cet drap épais et qu’ils partagèrent la même couverture, côte à côte, Mérope réalisa qu’elle vivait le plus parfait des instants, sans doute n’aurait-elle plus jamais cette chance. Par moment, leurs épaules se touchaient par mégarde et à chaque contact, Mérope désirait plus qu’ils s’approchent encore plus. Elle avait même de plus en plus de mal à contenir ce désir, ce besoin presque de le sentir. Quand il évoqua la raison de leur venue en cet endroit, le lien qui le liait avec ce lieu, Mérope fut partagée par un sentiment de bonheur car il lui faisait partager des moments privilégiés à elle et à elle seule mais également par un sentiment de compassion à son égare. Par moment, elle pouvait presque sentir les tourmentes de son esprit.

    -Merci… De m’avoir emmené ici, c’est si parfait… si beau, et cela me touche beaucoup, vraiment…

    D’une certaine manière, elle comprenait dans sa phrase qu’il l’avait choisie pour être la première. Elle ne savait pas exactement ce que cela signifiait mais elle savait que ce moment comptait pour lui, autant que pour elle sans doute. Elle en rêvait. S’en suivit alors un moment de tendresse durant lequel, assez innocemment, il caressait sa main. Ce n’était peut-être pas grand-chose mais ce contact lui faisait ressentir à elle tant de choses, frissons, désir, bien être. Quand il la serra contre elle en passant ses bras par delà ses épaules, ce fut un signe pour elle de plus de l’attachement qui avançait entre les deux êtres. Il ne pouvait pas n’y avoir rien entre deux, c’était évident. Les faits le montraient. Le regard du jeune homme, si bleu, si profond, lui faisait perdre toute notion de réalité, elle ne voyait plus que lui désormais, et le reste importait peu. Elle pouvait sentir son cœur battre et son corps frissonner. Elle aurait tant aimé elle aussi l’étreindre… Elle sourit timidement à la provocation qu’il voulut lui faire en se dépréciant et en lançant des éloges à l’étoile.

    -A vrai dire, c’est merveilleux, te voir est merveilleux… tu es merveilleux.

    Ils étaient à présents si proches, leurs regards se croisaient mais c’était à ses lèvres qu’elle pensait, celles-ci à présent si proches qu’il lui suffirait d’avancer à peine pour les atteindre. Ainsi Mérope ferma les yeux et ignorant tout de la réaction prochaine du jeune homme, elle posa ses lèvres sur les siennes. Cela faisait si longtemps qu’elle avait totalement oublié la signification de ce geste. Tout ce à quoi elle pensait était le fait qu’elle le désirait, ardemment, au-delà de tout ce qu’elle avait pu imaginer, elle le voulait, elle voulait le sentir contre elle… Elle sentait en elle une chaleur si forte, un amour montant et éclatant qu’elle ne pouvait plus cacher désormais. Était-ce précipité ? Certainement. Voulait-il la même chose ? Elle voulait y croire. Où cela les mènerait ils ? Tout était à construire. Elle n’osa ouvrir les yeux quand elle quitta ses lèvres, se contentant d’appuyer sa tête sur l’épaule d’Ézéchiel pour les rouvrir seulement lorsqu’elle savait qu’elle ne devrait affronter que les flammes du feu que le jeune homme avait allumé, et non son regard.

    - Ézéchiel…Je…

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- Merci… de m’avoir emmenée ici, c’est si parfait... si beau, et cela me touche beaucoup, vraiment...

Ézéchiel ne répondit pas par des mots, mais uniquement par un regard attendrissait qui voulait en dire bien plus que n'importe quel des romans. Leurs souffles se mêlaient, et au fil que les secondes s'écoulaient, les deux corps s'approchaient l'un de l'autre tranquillement mais sûrement. Plus il la sentait près de lui, plus l'Historien se sentait bien, heureux, comblé. Il aurait pu mourir à cet instant, et il aurait été heureux pour le reste de l'éternité. Leur rencontre avait été pour le moins radicale, mais une relation ne se créé pas par le temps, mais bien par le cœur. Ils étaient passés à une vitesse inimaginable d'inconnus, à amis, puis à confidents, pour finir tels des amoureux. Pour la première fois depuis l'exorde du jour, Ézéchiel sentait que les sentiments curieux qu'il éprouvait envers Mérope était réciproques, semblables. Elle répondait déjà bien plus aux messages subtils qu'il lui lançait, aux touchers délicats. Et les minutes continuaient de vivre leur éphémère existence au présent, avant de ne faire partie que de l'histoire passée de deux êtres. Le consul était aux anges, au septième ciel, et avait atteint le nirvana terrestre. La voir partir le tuerait, l'accablerait jusqu'à la fin des temps... et plus longtemps encore. Oui, bien plus longtemps que l'éternité.

Elle avait ensuite parlé, dit quelques mots qui semblait insoucieux mais pourtant qui ne venaient que de confirmer tout ce qu'Ézéchiel pensait au sujet de leur relation. Mais ce qui se passa par la suite allait bouleversé à jamais l'existence de l'Historien, et même celle de la scintillante. C'est à ce moment qu'elle posa ses lèvres sur celles du consul, qui répondit pas un tendre baiser. Leurs lèvres entamèrent ainsi une valse, une danse amoureuse qui faisait envier même les petites créatures sauvages qui daignaient regarder la scène. Une scène digne de plus grands théâtres. Alors que la passion de l'instant était à son apogée, les frissons étaient inévitables et firent frémir intensément Ézéchiel, qui ne stoppa pas pour autant le baiser. Ainsi, ce moment magique, que dis-je, mythique se perpétua durant de courtes secondes. Même s'il n'avait jamais... embrassé quiconque auparavant, il n'avait point du tout besoin d'expérience pour caresser les fines lèvres de Mérope, parce que de toute façon, à cet instant précis, c'était son cœur qui contrôlait son corps...

Alors que le baiser se terminait, au plus grand désarroi d'Ézéchiel, la scintillante prononça quelques mots, quelques mots qui semblaient vouloir annoncer qu'elle l'appréciait. Mais Ézéchiel ne voulait pas lui laisser terminer sa phrase, et posa délicatement la main sur sa bouche. Romantique, il voulait être le premier des deux à lui avouer toute son amour, attendant le moment idéal pour ladite annonciation. Par la suite, il admira Mérope de nouveau, caressant de ses mains ses mains, ses hanches, ses épaules, puis ultimement son visage. Ils restèrent ainsi à se regarder passionnément quelques secondes, jusqu'à ce qu'Ézéchiel intensifie la situation en embrassant pour la seconde fois la lumineuse. Lémuel contemplait également la scène, tout aussi comblé qu'Ézéchiel. Alors que rien dans la vie n'était certain et certifié, l'Historien était à présent sûr d'une chose : Il aimait Mérope, de tout son cœur, de tout son âme... Mais ce qu'il y avait de plus fabuleux dans toute cette histoire, c'était que la jeune femme semblait également l'apprécier plus que tout... Parce que l'amour n'a rien de spécial, mais que l'amour réciproque est le rêve de tous... Il affirma avec passion inégalable :


- Mérope... Je ne serai plus capable de te quitter à présent. Je suis dépendant à ta présence...

Contrairement à ce qu'il avait cru quelques minutes plus tôt, la température glaciale ne pouvait concurrencer avec la chaleur qu'engendraient les deux... tourtereaux. Ézéchiel fit en sorte que le dos de Mérope se retrouve sur le sol, et se coucha par la suite à ses côtés. Ils étaient à présent si près l'un de l'autre qu'ils ne semblaient former qu'un, une fusion corporelle, au-delà de la passion et de l'Amour. Il monta une des couvertures jusqu'à leurs épaules, et l'Historien allongea tranquillement son cou, de façon à pouvoir embrasser Mérope de nouveau. Le simple fait de fait de coller ses lèvres à celles de la scintillante lui procurait plus de sensations fortes que n'importe quel des combats, que n'importe quelle des montagnes russes. Ses mains, quant à elles, baladaient un peu partout sur le corps brûlant de Mérope, alors que leurs jambes s'entrelaçaient. Pas même la plus forte des tempêtes n'auraient pu gâcher ce moment à cet instant précis... Il eut envie à plusieurs reprises de lui avouer tout son amour, mais se résigna à attendre un peu plus... Question de faire durer le plaisir.

Ils s'embrassèrent tendrement durant plusieurs heures, plusieurs heures qui ne semblèrent durer que quelques innocentes minutes. Pendant tout ce laps de temps, ils ne prononcèrent pas le moindre mot, pas le moindre son. Ils parlaient avec le regard, avec les touchers, avec leurs lèvres... Ils se comprenaient comme s'ils parlaient d'une langue étrangère, et rien ne paraissait pouvoir bouleverser ce moment inoubliable. Car oui, ce moment était clairement inoubliable. Non pas pour le premier baiser d'Ézéchiel, mais pour le fait que ce soit avec une jeune femme aussi radieuse, aussi authentique, aussi merveilleuse, aussi parfaite... Ils s'endormirent finalement aux petites heures du matin, collés solidement l'un contre l'autre. Même lorsqu'il rêvait, un sourire comblait le visage d'Ézéchiel. Il n'avait jamais été aussi heureux de toute son existence, et les mots manquaient pour décrire tout ce qu'il ressentait intérieurement et toute la passion qu'il éprouvait pour Mérope...


* * *
À l'autre bout du Domaine Enchanté, dans une lugubre résidence du quartier défavorisé, deux individus discutaient autour d'une table, un verre d'alcool à la main. Ils étaient revêtus de noir, et dans la lumière absente de la nuit, on ne pouvait pas distinguer les traits de leur visage. Leurs voix étaient rauques à faire fuir les plus téméraires du royaume. Alors que l'un d'eux avait sorti des allumettes de son sac et allumait une chandelle qui traînait sur un meuble, l'autre avalait la dernière gorgée de bière qui subsistait au fond de son verre. Quelques secondes plus tard, l'obscurité de la pièce fut chassée partiellement par une lumière presque rassurante. Une carte du Domaine recouvrait à présent toute la table, et les deux hommes paraissaient avoir une conversation à propos dudit plan... Ils chuchotaient, comme s'ils voulaient ne pas être entendus par qui que ce soit. L'un des deux pointa un endroit sur la carte. En chœur, ils s'esclaffèrent d'un rire gras...
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    Ce qu’elle ressentit par la suite allait bien au-delà de l’imaginable… D’abord sa main qui l’empêcha de continuer sa phrase, puis ce nouveau baiser qui suggéra à l’étoile qu’il la désirait lui aussi, et enfin ses mots, si tendres, si espérés, des sentiments qu’elle ressentait elle aussi. Car s’il lui était possible, elle aurait tant aimé elle aussi être à ses côtés éternellement. Rester près de lui. Ce nouveau besoin naissant de sentir sa peau. Comment lui résister ? C’est alors que les mouvements devinrent de plus en plus tendres, quand ils s’allongèrent, sur le drap, collés l’un à l’autre, cœur contre poitrine, des sensations qui faisaient s’embraser son visage, son corps et son cœur qui s’emballait plus à chaque fois que ses mains parcouraient son corps. Elle ne pouvait trahir un désir toujours plus grandissant tandis que sa lumière grandissait à chaque seconde. Il faisait tant attention à elle, veillant à ce qu’elle n’ait pas froid, qu’elle soit bien installée, toutes ces précautions ne faisaient que le rendre plus beau aux yeux de l’étoile. Elle pensait même désormais avoir trouvé la plus belle chose à voir, celui dont elle était éprise. Le seul qui pourrait désormais prendre son cœur, le seul qui pourrait faire s’enflammer son corps. Comment aurait-il pu en être autrement maintenant qu’ils étaient unis ?

    Unis à jamais, c’était ce qu’elle désirait le plus au monde. Le temps qu’ils passèrent, rendus muets par l’amour et la passion, fut plus que merveilleux. Et aucun d’eux ne ressentit le moindre froid, se laissant peu à peu engourdir par l’amour qui parcourait leur corps et les invitait à songer dans les bras de Morphée. C’était pourtant seulement dans les bras d’Ézéchiel qu’elle voulait être désormais, et c’était le paradis qu’il lui offrait. Ils s’endormirent paisiblement, sachant tous deux désormais que rien ne pourrait les séparer… Ils ne s’étaient pas encore avoué les sentiments qui les unissaient mais Mérope sentait le cœur de son élu battre à l’unisson avec le sien. Elle voulait y croire. Les étoiles bien loin dans le ciel devaient envier sa nouvelle existence, admirant leur amour naissant, sans doute riaient-elles également de la rapidité avec laquelle la jeune femme s’était laissée avoir par les ravages de l’amour. Mais le regard que quelqu'un aurait pu lui porter en cet instant importait peu, du moment qu’elle pouvait sentir ses bras autour d’elle.

    Et ce fut toujours le cas quand elle se réveilla quelques heures plus tard, elle sentait ses bras la tenant comme pour qu'elle ne s'enfuie pas. Elle n’avait pas ouvert les yeux mais elle sentit les premiers éclats du soleil qui avaient traversé les quelques feuilles des arbres qui les séparaient de la clairière. Ces derniers caressaient sa joue si merveilleusement qu’elle sentait en elle-même qu’elle ne vivrait probablement plus jamais pareil instant. Si triste cela pouvait-il paraître. Ainsi, la nuit passée n’avait pas été un rêve. Elle y aurait pourtant difficilement cru si on lui avait conté un jour plus tôt les évènements. Comment aurait-elle pu croire qu’un amour réciproque qui l’avait frappée littéralement en plein cœur allait être partagé par un être si merveilleux et attentionné ? Quand elle ouvrit les yeux, elle admira le doux spectacle qui s’offrit à elle. Les feuilles dansaient avec le rythme de la douce brise qui régnait en cette merveilleuse matinée. Le ciel était d’un bleu immaculé. La rivière coulait doucement comme pour réveiller les deux jeunes amants avec douceur et faire continuer cet instant magique autant que possible.

    De fait, Mérope ne voulait penser à ce qu’il adviendrait quand ils seraient forcés de se séparer. Après tout, ils étaient dans des situations bien différentes et avaient des horizons probablement tout aussi éloignés. Bien sûr, elle ne savait pas ce qu’il était devenu et à quelles personnes il s’était lié mais elle craignait tant que cela les pousse à se séparer et à prendre des chemins divergents. Elle ne voulait y penser… Elle tenta d’oublier à nouveau ses soucis et de réfléchir à la chance qu’elle avait de vivre pareil moment. Elle l’observa plusieurs minutes, ébahie par tant de beauté et de douceur dans ce visage qui pourtant devait avoir tant vécu. Elle caressa ses joues avec délicatesse pour ne pas le réveiller mais quelques instants plus tard, ses paupières se mirent à bouger et elle comprit qu’il allait se ouvrir les yeux. C’était un instant si précieux pour elle de le voir naître en cette journée, de n’avoir cet instant que pour elle et d’en être la seule spectatrice…


    -Comme tu es beau Ézéchiel, s’il m’était donné de voir pareil spectacle en me réveillant tous les matins, je pourrais aisément prétendre être la femme la plus heureuse de l’univers. Si seulement nous pouvions toi et moi... comme tu l'as dit cette nuit, rester ensemble...

    Elle s’assit pour pouvoir contempler l’environnement qu’elle n’avait pas encore pu admirer à la lumière du jour.

    -Jour comme nuit, cet endroit est parfait… Y être avec une personne qu’on… enfin… y être avec toi, c’est magique…

    Elle avait tant envie de lui en apprendre plus sur elle, lui avouer ce qu’elle était réellement, tout lui dire, ce qu’elle ressentait. Tout cela pour qu’ils puissent s’aimer totalement, en toute honnêteté sans avoir peur de la nature de l’autre ou de ce qu’il cache. Elle aurait tant aimé qu’ils puissent se dire tout. Cependant, elle ressentait encore de la peur de voir lors des aveux du mépris dans le regard du jeune homme, elle craignait qu’il ne la croie pas, comme une personne sensée l’aurait fait. Elle se leva alors et tendit un bras vers Ézéchiel pour qu’il se joigne à elle. Lorsqu’il fut levé, baissant les yeux et rougissant une fois de plus, elle se colla à lui et l’embrassa tendrement et murmura.

    -Garde-moi près de toi... toujours.

    Mais qu'allaient-ils faire désormais ? Quand serait-il temps pour eux de se séparer...? Elle souhaitait tant pouvoir reculer cette échéance indéfiniment, elle savait pourtant en elle-même que cette possibilité n'était pas accessible. Aimer un être aussi secret et tourmenté ne s'avérerait probablement pas être une tâche facile et elle en éprouverait rapidement les premières douleurs. Une nouvelle journée commençait pour Mérope et Ézéchiel, et elle ignorait plus que jamais ce qu'ils allaient faire et quand ils trouveraient la force de se séparer... A cet instant, elle voulait juste songer à cet amour pur et innocent, un amour sans aucune condition, sans aucun mais, un amour qu'elle souhaitait permanent.
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« Je te garderai près de moi pour toujours, chuchota Ézéchiel d'une voix qui laissait transparaître une certaine inquiétude. Pour toujours. Je te le promets, Mérope. Je resterai à tes côtés pour l'éternité, et plus longtemps encore. J'aurai infiniment besoin de tes paroles, de ton souffle, de ta chaleur... de ta lumière. »

L'astre enflammé venait à peine de débuter son règne dans la voûte céleste qu'Ézéchiel était déjà comblé. Le seul fait de se trouver à proximité de cette ange tombée du Nirvana le faisait frémir comme personne n'avait jamais pu le faire. Son cœur se débattait de plus en plus à chaque seconde, retrouvant peu à peu la joie de vivre qu'il avait naguère perdu. Mérope avait ce je-ne-sais-quoi, cette caractéristique qui la rendait ô combien attachante; ô combien désirable. Ses longs cheveux dorés, cet aura brillant permanent, son regard perçant mais réconfortant, sa voix mélodieuse... Ézéchiel frissonnait qu'à l'admirer. À ses côtés, il n'avait plus besoin de rien pour subsister, pas même de s'alimenter ou même de respirer. Le souffle de sa douce lui permettait de prendre vie, alors que les contacts physiques lui octroyaient toute l'énergie du monde.

Mais lorsqu'il se mettait à réfléchir à l'avenir qui lui était attribué, il tremblait avec anxiété. Ézéchiel était effrayé par le futur : qui sait ce qui l'attendait? Il appréhendait avec une telle ardeur une séparation imminente avec Mérope. Il avait quitté sa prison littéraire depuis quelques semaines à peine, mais pourtant il était assuré que des hommes de la Coalition noire était déjà partis à sa recherche. Il était né avec cette capacité - cette peau de fer, cette carapace transparente - qui lui avait coûté le bonheur, l'allégresse, la liberté, le désir... Il craignait que bientôt, cette même calamité allait bientôt le plonger dans un désespoir profond. Néanmoins, il ne parlait jamais de cela avec l'Étoile, par peur de l'inquiéter. Et il conservait cette peur intérieurement, ...

Ézéchiel resserra sa prise, l'embrassant tendrement sur le front. D'un geste délicat de la main, il l'invita à se relever et tous deux se dirigèrent vers les rives d'un petit ruisseau adjacent. L'Historien abandonna quelques instants Mérope et accourut à l'intérieur de l'auberge, fouilla de fond en comble la salle de séjour et ressortit quelques secondes plus tard avec deux cannes à pêche qui le rendaient fort nostalgique. Lorsqu'il était plus jeune, avant le tragique décès de son paternel, ils venaient ensemble pêcher de temps à autre, oubliant les obligations que le travail engendrait. Ézéchiel voulait partager ce souvenir - cette heureuse nostalgie - à son interlocutrice, qui semblait être intriguée par tout cela. Mais ne voulant pas fracasser le silence agréable qui régnait partout à travers la clairière, Ézéchiel ne prononça pas le moindre mot, et se contenta que de tendre une canne à pêche à Mérope. Celle-ci l'empoigna aussitôt avec sa tendresse habituelle.

Puis, l'Historien s'assit doucement sur le sol verdoyant, suivi de Mérope. D'un mouvement presque trop expérimenté pour son jeune âge, Ézéchiel lança l'hameçon dans le ruisseau et détourna le regard pour se concentrer sur les yeux de son Étoile. Il approcha de nouveau ses lèvres des siennes et il l'embrassa avec passion. Il était si comblé par toutes ses sensations qu'il en échappa presque sa canne à pêche, mais heureusement, ses réflexes lui permirent d'éviter le pire. Alors que certains poissons semblaient vouloir s'aventurer vers l'hameçon, Ézéchiel décida d'entamer la conversation :


« Dis-moi, d'où viens-tu? »

C'était la troisième fois qu'Ézéchiel lui demandait. Pourtant, les réponses de Mérope ne le satisfaisaient jamais. Il entendait constamment parler d'un royaume bien lointain, d'un amour sincère, d'un prince, d'un monde presque utopique... mais il voulait à tout prix en connaître plus sur les origines de sa douce-moitié. Il avait passé des années de sa vie la tête entre deux pages, et il s'étonnait lui-même de ne pas connaître le nom du monde natal de celle qui enflammait son cœur, celle qui le rendait heureux depuis l'instant où il avait pris conscience de sa présence. Peut-être Ézéchiel était-il trop direct et curieux dans ses interrogations, mais cette information semblait l'intriguer encore plus que les autres... Il voulait enrichir ce savoir qui lui manquait, découvrir ce renseignement qui l'agaçait. Mais il oubliait de prendre en compte l'intimité de Mérope.

« J'ai... j'ai besoin de savoir. Mais, ... tu peux ne pas répondre.
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    Mérope tenait cet étrange objet qu’elle avait déjà surpris dans les mains de nombreux humains lorsqu’elle les contemplait du ciel, ils s’en servaient pour attraper des poissons. Mais le fait de les observer, comme celui de s’étonner de l’adresse d’Ézéchiel ne lui en apprenait pas plus sur la technique. Elle tenta donc une sorte de lancer peu assuré et peu admirable mais où le hameçon termina malgré tout dans l’eau du petit cours d’eau. Elle sourit timidement, se contentant de son mince essai et se demandant quand le jeune homme avait appris à manier l’objet. Elle ne put s’empêcher de se réjouir à nouveau quand leurs lèvres se retrouvèrent, elle se sentait aux anges, merveilleusement bien. Ce bonheur aurait été parfait si seulement les deux êtres épris l’un de l’autre n’avaient pas en tête leur peur de se quitter inévitablement. La lucidité n’aurait jamais fini d’envahir leurs esprits car chacun avait sa vie et son passé, chacun avait ses devoirs et ses besoins de solitude pour exécuter ses plans… Mérope ne savait rien de la vie du jeune homme et de ses occupations journalières. Ézéchiel pouvait être un être cruel et malintentionné. Sans doute avait-elle pris un énorme risque lorsqu’elle avait commencé à sentir les premiers sentiments naître en elle pour cet inconnu. Et chaque instant passé, elle se sentait rappelée à l’ordre. «Mais enfin Mérope, qu’allez vous faire ? Pourquoi se dire ce genre de choses quand vous ne pouvez nier l’évidence qui vous ramènera à une réalité plus terrienne ? » Ce genre de questions résonnaient sans cesse, martelant son cœur à coup de dures observations qu’elle devrait transformer en acceptation car à vrai dire oui, cette histoire était sans doute vouée à l’échec.

    Mais dans l’instant privilégier qu’ils partageaient tous deux, elle ne se sentit pas le cœur de le laisser hésiter sur son identité. Alors qu’elle restait inconsciente des risques qu’elle prendrait en lui parlant de sa véritable nature, de son origine, elle posa sa main libre sur le poignet d’Ézéchiel, encore hésitante, elle parla d’une manière à peine audible.

    -La vérité… C’est que… C’est une chose qu’on ne raconte pas tous les jours, et elle est presque impossible à croire, ça ressemble à un délire, comme si je m’étais inventée une histoire fantastique pour me sortir d’une existence trop banale. Peut-être te moqueras-tu de moi, ou souriras-tu pour ne pas me faire de peine mais ne pensant pas une seconde à me croire. Il faut… Il faut que tu comprennes Ézéchiel ! Vraiment… ! J’ai besoin que tu comprennes, car c’est la première fois que j’ose en parler, et sur les courts instants que j’ai déjà passé dans les mondes alentour, pas un instant je n’ai senti qu’on pouvait réellement faire confiance aux êtres qui nous accompagnent. Bien sûr, il y a des beaux gestes, et le groupe que j’ai rejoint me parait être d’une juste cause, mais comment savoir qui te jugera… Ces êtres eux-mêmes peuvent juger des êtres sur le simple fait qu’ils sont dans un clan ennemi. Je ne dis pas qu’ils ont tord, à vrai dire je n’ai pas suffisamment de connaissance pour le faire… Tout ça pour dire que… Et j’ai la quasi-certitude que ça va te paraître absurde mais je ne suis pas… L’être que tu penses que je suis.

    Elle marqua une pause, avalant sa salive, brûlant en elle-même. Elle n’avait pas trop idée de ce qu’il pensait d’elle, et de ce qu’il avait pensé de l’aura grandissant qui l’entourait quand elle était contre lui. Peut-être était-ce même cette lumière qui l’avait influencé, peut-être qu’il n’aimait chez elle que cette façon de briller. Cette vision l’effraya, et elle se força à ne plus y penser, de peur de ne plus pouvoir parler, et de se rétracter.

    -Je ne sais même pas si je pourrai rester longtemps, et si je disparais, tu devras comprendre que ce ne sera pas de ma volonté… Ecoute. La vérité c’est que je ne suis pas humaine. Enfin peut-être que je le suis devenue, ou du moins un peu. Ca va te paraître stupide, mais avant de te rencontrer pour la première fois au château du Domaine Enchanté, une heure plus tôt, j’étais encore une étoile. Ce jour là… C’est comme si c’était ma destinée, mais je suis tombée de mon pan de ciel, j’ai chuté à une allure folle et je me suis écrasée dans un immense impact qui a fait trembler les alentours. Je n’ai pas compris au début ce qui m’arrivait, je ne voyais plus la même chose, j’étais perdue, je ne savais plus qui j’étais, ce qui était vrai de ce qui ne l’était pas. J’ai alors senti la dureté du sol, et j’ai compris où j’étais. J’étais là où j’avais toujours aspiré à être, dans ma condition d’étoile, je l’avais tant espéré, être comme vous, sentir, vivre, respirer, souffrir, tomber, avoir froid, ressentir…Tout ressentir, comme les premiers retentissements de mon cœur lorsqu’un jeune homme m’en a voulu de l’avoir bousculé dans les couloirs du château. Mais je ne sais rien des raisons qui ont fait que je suis ce que je suis et de pourquoi je suis tombée. J’ignore si quelqu’un l’a désiré ou si c’est un pur hasard extraordinaire… Mais j’ai brillé des milliers d’années dans mon ciel, avec mes pensées envieuses de la vie que vous meniez, de vos sentiments… Et j’étais coincée là haut avec mes semblables, et je ne pouvais bouger… Je savais que c’était ainsi, et qu’une étoile est faite pour vivre ainsi… Mais je gardais l’espoir fou qu’un jour ça m’arriverait. Et maintenant, je suis là à tes côtés, j’ai rencontré bien des gens depuis si peu de temps, et je réalise la chance que j’ai eue… Mais n’est-ce pas cruel de laisser penser à un être, qui parvient à peine à contrôler cette nouvelle chose que les sentiments, qu’elle peut perdre tout à nouveau… Que je pourrais disparaître, là à l’instant ? Je vis dans cette angoisse permanente. Et maintenant, je vais devoir rajouter à cela la peur que tu ne me croies jamais…

    Elle n’osait plus affronter le regard d’Ézéchiel de peur de voir un regard dur, et de sentir l’amère déception qu’incombe le fait d’appartenir à l’humanité.


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Lorsque Mérope entama le monologue de l'histoire de son existence, Ézéchiel posa sa canne à pêche dans les hautes herbes. Il voulait l'écouter, l'entendre, ouïr chacun de ses mots, toutes les moindres syllabes qu'elle allait prononcer. Si le monde était un univers d'incertitude, Ézéchiel, sans équivoque, adorait entendre la douce voix et les tendres histoires de sa dulcinée. Il en était sûr, certain, assuré. Le simple fait de déposer ce vulgaire instrument sur le sol pouvait en dire long sur ce qu'Ézéchiel ressentait intérieurement, sur toutes les sensations qu'il vivait continuellement lorsqu'il se trouvait aux côtés de Mérope. Et au moment où les regards des amoureux fusionnèrent ensemble, il sembla y avoir des étincelles et l'Étoile ouvrit la bouche pour raconter son passé, aussi impressionnant soit-il. Ézéchiel, quant à lui, s'était confortablement assis sur la rive, les pieds fendant le courant de la rivière.

Plus son histoire avançait, plus Ézéchiel était intéressé et plus il voulait en savoir davantage. À l'opposition, plus le récit de sa vie se perpétuait, plus Mérope baissait les yeux vers le sol, plus elle semblait avoir honte d'une chose qu'Ézéchiel n'arrivait pas tout à fait à saisir. L'histoire de Mérope était certes incroyable, sans aucun doute inimaginable pour quiconque, mais pourtant elle était authentique. N'importe qui dans n'importe quel monde à n'importe quel moment aurait envoyé l'Étoile dans l'asile la plus près pour l'observer de plus près. Néanmoins, s'il y avait bien quelqu'un qui devait y aller, c'était Ézéchiel non pas parce qu'il était schizophrène ou cinglé, mais tout simplement parce qu'il était fou amoureux. Amoureux à un tel point d'en arriver à la passion, à la fusion, aux désirs continuels et à la folie. Amoureux à un tel point d'en arriver aux sacrifices de soi, aux compromis, aux dangers, aux risques et aux périls. Amoureux à un tel point d'en arriver à l'amour véritable et mythique.

Au moment où Mérope prononça le dernier terme de son histoire, elle baissa sa tête encore plus intensément, les yeux rivés sur le sol verdoyant. Ézéchiel resta en silence pendant des interminables secondes, ne faisant qu'observer et admirer la splendide demoiselle qui était là, tout près de lui. L'Historien, fracassant la quiétude comme on détruit un mur de béton, dit finalement d'un ton neutre et sans émotion :

« Une… étoile? Ézéchiel prit une pose, releva le menton de Mérope et continua : Tu sais quoi? j'y crois totalement. J'y crois comme si j'avais vécu cette vie à tes côtés. J'y crois comme si c'était moi qui avait vécu tout cela. Je te fais confiance comme personne ne pourra jamais faire confiance à quelqu'un d'autre. Et même si cette histoire peut sembler irréelle, elle est tout à fait réelle à mes yeux. Pour la seconde fois, il prit une respiration et passant sa main dans les doux cheveux de l'Étoile, il dit franchement : Pour te rassurer, tu n'as pas à t'inquiéter, car tu ne repartiras jamais d'ici. Je te le jure - je te fais l'ultime promesse - que personne ne pourra jamais diviser notre amour. Et même si tu dois partir pour la Lumière, je t'attendrai éternellement. Si un jour on te brusque et si tu disparais sans avertissement, je te promets que je traverserai tous les mondes à ta recherche, peut importe où tu pourras te trouver. De toute façon, un vieil adage du Domaine Enchanté dit que la force la plus puissance et la plus invincible est celle qui provient du cœur... Et moi, Mérope, je t'assure que je t'aime de tout mon cœur. »

Pour la première fois depuis leur rencontre, Ézéchiel avait l'impression qu'il connaissait Mérope sur le bout de ses doigts. Il avait réussi à avoir la réponse à toutes ses questions, et il sentait que la confiance qu'il avait pour elle était tout à fait réciproque. Par les temps qui couraient, entre belligérances et altercations, on pouvait souvent observer des relations basées sur des mensonges et un manque de fidélité. Mais Ézéchiel et Mérope, eux, ils étaient différents, parce que leur amour était vrai. Sans mensonge. Sans infidélité. Sans manque de confiance. Juste, vraie.

« J'espère que tu ne regrettes pas ton monde à présent, continua-t-il avec une voix teintée d'anxiété et d'inquiétude. Je me sentirai sincèrement et tristement coupable de vouloir te garder près de moi. »
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    Tous les mots qu’il prononçait ne purent que la rassurer, sa douce voix la réconfortait dans sa peur qu’il ne croit pas en elle et surtout, celle d’être séparée de lui. Mais à présent, les promesses qu’il faisait à l’étoile ravissaient ses pensées. Un sourire timide occupait son visage, elle ne pouvait s’empêcher de se demander si ses yeux ne la trahissaient pas, cette situation semblait idyllique. Elle laissa s’installer entre eux ce doux silence alors que front contre front, leur respiration s’entremêlait.

    -On n’a pas perdu son temps, hein Ézéchiel ?

    -Bah ouais, c’est qu’il est efficace le gamin !

    -Gamin…Gamin… N’exagérons rien, c’est qu’il a grandi le p’tit.

    De grosses voix graves étaient sorties de l’ombre, exactement comme dans les histoires, de vrais stéréotypes des méchants. Les deux jeunes gens sursautèrent, l’effroi sembla traverser les traits du visage du jeune homme. L’étoile réalisa alors seulement que les deux voix avaient prononcé son nom. Ils sortirent de l’ombre des arbres et Mérope put alors « admirer » leur apparence. Ils étaient à peu de choses près exactement comme elle les avait imaginés. Grand, larges, globalement négligés, l’un d’eux arborait plusieurs cicatrices sur le visage. Ils ne semblaient pourtant pas stupides, c’était plutôt de la réjouissance qu’on pouvait lire sur le visage, de la pure cruauté.

    -Bon, ça nous aura pris pas mal de temps mais on a fini par te trouver. Tu nous as donné du fil à retordre, tu sais. Il nous aura fallu te suivre dans plusieurs mondes mais en te ratant chaque fois. Et là, c’est bon. La patronne va être ravie quand on va te ramener. T’aurais jamais dû t’échapper tu sais, tu vas certainement le regretter.

    Mérope à la fois effrayée et désappointée ne quittait pas des yeux Ézéchiel, elle s’était relevée, attendant qu’il réagisse. Il ne devait certainement pas s’attendre à ce qu’on le trouve. Mérope ignorait totalement qui était le « on » et elle ne savait pas où ils voulaient l’emmener, ni quel était son lien avec le milieu que ces deux hommes mentionnaient. Soudain, elle réalisa que bien qu’elle lui ait révélé sa véritable identité, Ézéchiel quant à lui était resté très vague. Il disait être né dans le Domaine Enchanté, sans doute était-ce vrai car le jeune homme semblait bien connaître les lieux, mais était-il pour autant innocent de toute accusation. Bien entendu, la jeune fille ne voulait pas le juger sans connaître les circonstances, elle ne le pouvait d’ailleurs pas, chaque partie de son corps ne pouvait qu’aimer et croire le jeune homme, et même s’ils ne se connaissaient pas de longue date, elle voulait avoir confiance en lui.

    -Vous n’avez pas le droit de l’emmener !

    L’étoile venait de se surprendre à riposter sans s’en rendre compte, son âme avait parlé toute seule, elle ne pouvait accepter qu’ils lui enlèvent sa nouvelle raison d’exister. Mais les deux hommes ne furent nullement dupes quand elle s’interposa. Ce n’était qu’une jeune fille à leurs yeux, et c’était après tout ce qu’elle était, une jeune fille pure et lumineuse, sans véritables pouvoirs. Ne savait-elle pas que contre deux hommes de cette envergure, ses fines flèches ne seraient que piqures. Qu’était-elle devant eux ? Sa lumière qui avait tant gagné après ce long moment privilégier, cette lumière qui n’avait jamais été aussi grande avait subitement perdu beaucoup de son halo.


    -Hey ma ptite demoiselle, si t’es pas contente, on te prend avec en bonus, quoi que je ne sais pas trop ce qu’on ferait de toi. Sans vouloir te vexer hein, mais c’est ça ou la mort. Tu comprends hein, on préfère rester propre et ne rien laisser derrière nous. Histoire que personne vienne parler de ce qu’il aurait vu et qu’on se décide à nous pourchasser. Notre anonymat, on y tient.

    Ils commencèrent alors à avancer tandis que le jeune homme qui était à ses côtés restait muet, probablement désarçonné d’apprendre que la nouvelle vie et l’identité qu’il avait réussi à construire venaient de prendre fin à l’instant où ils avaient trouvé sa trace. Mérope glissa sa main dans la sienne et la pressa tendrement.
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De toute son existence - aussi courte soit-elle - Ézéchiel n'avait jamais été aussi comblé, heureux. Aux côtés de Mérope, cette demoiselle qui réussissait à l'intéresser perpétuellement, il avait ressenti des perceptions et des sensations qu'il n'avait jamais vécues auparavant, ou encore des émotions connues, mais qui ne pouvaient en aucun cas égaler l'intensité actuelle. Pour tout dire, il aurait pu passer des heures à la contempler doucement et à l'écouter s'exprimer de tout et de rien. Car en effet, il éprouvait un bien-être incomparable à la connaître davantage, comme si le fait d'en apprendre plus sur sa vie le stimulait et le rendait singulièrement plus fort. Tout s'était certes passé à une vitesse inimaginable. Il avait occasionnellement entendu parler que le réel amour se bâtissait adagio et que cela pouvait prendre des années à se former. Ézéchiel était tout à fait d'accord avec ce vieux ouï-dire : il aimait déjà Mérope de tout son coeur, mais rien au monde ne peut empêcher deux êtres de s'aimer encore plus. Il était même assuré que peu importe ce que le destin pourrait apporter, il aimerait sa dulcinée un peu plus toutes les minutes, un peu plus tous les jours... Mais jamais autant que le lendemain...

Peut-on éterniser un conte de fée? Dans la pure réalité, c'est toute autre chose.

Deux hommes étaient entrés en scène en trombe, brisant leur intimité dès lors indemne. Ils avaient aussitôt interloqué Ézéchiel comme on interpelle quelqu'un qu'on connaît. Et pour la première fois de tout son vivant, l'Historien aurait sincèrement espéré ne pas savoir, ne pas connaître l'ingras visage de ces quidams. Le passé nous rattrape toujours, dit-on. Les deux mâles, aussi corpulents qu'insolents, oeuvraient pour la Coalition Noire, et fatalement, ils avaient passé des mois à retrouver Ézéchiel depuis le fameux attentat qui permit au demoiseau de fuir sa prison. Et maintenant, les poursuiveurs semblaient avoir accompli ce qu'ils avaient tant désiré achever durant si longtemps. Ce fut en choeur qu'ils s'avancèrent vers Ézéchiel, et ce fut avec une telle surprise que Mérope tenta de s'interposer : elle avait empoigné la main de l'Historien, déjà clairement prête à fuguer pour éviter une séparation péremptoire. Le jeune homme, quant à lui, était déboussolé par cette situation, restant aphasique.

« Ézéchiel, tu te laisses entraîné par une femelle? Tu as bien changé depuis l'temps. »

Ézéchiel se retourna, le regard enflammé par la fureur. Une femelle... Comment cet homme avait-pu rabaisser Mérope au simple statut de femelle? Il aurait pu insulter Ézéchiel sans difficulté, et celui-ci aurait encaissé sans ne rien ajouter, mais on ne pouvait s'attaquer à celle qui le rendait heureux. L'Historien serra le poing intensément, et aussitôt, l'un des deux quidams tomba à genoux, se tortillant de douleur. Tel un détraqué, il enfonçait sa tête dans le creux de ses mains et gémissait avec ardeur. On l'entendait geindre de toutes ses forces mais pourtant, rien ne semblait l'avoir atteint... ou du moins, rien de totalement tangible. Ézéchiel, admirant son oeuvre, sourit à pleines dents lorsqu'il vit sa victime se frapper le crâne contre le sol verdoyant. Il lança un regard presque meurtrier à l'autre homme et fit un demi-tour avant de se hâter avec Mérope dans les profondeurs de la forêt.

Main dans la main, ils courrèrent ainsi sur une courte distance, s'enfonça dans la densité des bois. Mais subitement, alors que l'Historien croyait les avoir complètement semés, une salve scinda l'air et s'incrusta dans son épaule. Ézéchiel, comptant uniquement sur sa peau de diamant, crut que la balle allait ricocher et terminer sa chute sur le sol, mais pourtant, on entendit pas le claquement métallique habituel. Curieusement, la balle avait inopinément traversé l'épiderme d'Ézéchiel, engendrant une douleur atroce partout dans son bras droit. Pour ne pas inquiéter Mérope, il fit mine de ne rien sentir durant les premières secondes, mais le martyr devenait de plus en plus pénible, et son fluide vital commençait à recouvrir les hautes herbes d'une patibulaire couche de carmin. Il s'écroula à son tour, n'ayant jamais ressenti cette curieuse sensation de souffrance physique auparavant...

« Mérope... Je ne comprends pas... La balle aurait dû se loger... »

Alors que l'Historien tentait vainement de masquer sa douleur, les deux hommes refirent leur apparition, rictus pervers en coin. L'un d'eux releva avec puissance Ézéchiel, et l'autre, quant à lui, emprisonna Mérope entre sa graisse et ses bras. Tous se regardèrent quelques instants, se dévisageant. Le jeune homme essayait de se débattre pour se libérer, ou encore d'utiliser de ses facultés de torture, mais son énergie était entièrement employée pour contrer sa souffrance. Un homme parla, d'une voix grasse, hautaine et répulsive, fidèle son apparence :

« On fait moins l'malin maintenant, n'est-ce pas? Tu ne te souviens donc pas? On t'a étudié pendant toutes ces années, et crois-moi, nos expériences n'ont pas été que des échecs... Ta peau d'acier n'est peut-être pas aussi indestructible que tu l'as toujours cru. Pauvre petit Ézéchiel! Tu es enfin vaincu. »

Les hommes entraînèrent de force le couple. Était-ce la fin d'un conte de fées?
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    La caractéristique principale d’une aventure est qu’elle peut suivre une trajectoire improbable, qu’on aurait pas pu prévoir en la débutant. L’aventure entamée la veille par l’étoile des pléiades avait choisi de la mener à une rencontre espérée et à la fois crainte, et surtout de nouer entre ces deux êtres un lien presque immédiat, irréel et grotesque aux yeux d’âmes sceptiques. Pourtant, voilà que la jeune fille récemment « née » et qui de ce fait, apprenait chaque jour des ébats et sentiments, n’envisageait plus un jour sans celui qui se tenait à ses côtés et qui défendait sa liberté de ces inconnus à priori peu fréquentables. Et que dire ? Que dire des cette aventure qui lui laissait entrevoir qu’il y avait encore bien des choses qu’elle ne connaissait pas chez Ézéchiel ? L’avenir lui donnerait certainement ces réponses, du moins l’espérait-elle.

    « Depuis le temps », combien d’années est-ce que cela représentait ? L’insulte qui lui était adressée et qui sembla irriter Ézéchiel ne l’intéressa nullement dans la mesure où l’instant était suffisamment peu rassurant que pour s’en préoccuper. Mais avant qu’elle n’ait pu le réaliser, il l’emmena dans une course hâtive pour fuir leurs « agresseurs ». La rapidité avec laquelle ils progressèrent dans la forêt lui fit croire et espérer quelques minutes plus tard qu’ils avaient tous deux, à respiration haletante, semer les deux hommes. Mais elle comprit l’instant d’après que son souhait n’avait été réalisé, criant de stupeur lorsqu’elle vit un liquide rouge maculer l’habit d’Ézéchiel au niveau de l’épaule droite et ce dernier s’écrouler de suite. Les paroles qu’il prononça ensuite lui semblèrent incompréhensibles. Son visage était marqué par une affreuse douleur ainsi qu’une surprise totale. Mérope crut sentir son cœur s’arrêter de battre, sueurs et frissons affluant en elle. Des larmes perlèrent au coin de ses yeux, son monde, sa nouvelle vie, allaient s’écrouler sous ses yeux. Elle ne prêta même pas attention aux paroles qu’ils prononcèrent, elle ne voyait que le jeune homme souffrir et elle ne supportait pas cette vue. Lorsque l’un d’eux s’empara d’elle, elle voulut se débattre, frappant de toutes ses forces. Malheureusement, désarmée elle ne pouvait rien et même dans le cas contraire, elle doutait que ses armes fassent le poids contre ces brutes.

    « Ne le touchez pas ! Vous allez lui faire mal ! »

    Des pleurs étaient mêlés à sa voix teintée de terreur. Elle ne pouvait accepter qu’il meure, elle ne pouvait le tolérer. Rien n’aurait plus de sens, rien n’aurait plus d’intérêt, rien n’aurait plus de saveur. Ni les beaux paysages, ni les instants dits précieux, ni les douces odeurs, ni les mélodies harmonieuses. Rien ne serait pareil. Sans doute exagérait-elle la situation, car après tout, sa blessure ne devait pas être mortelle mais leur destin était très incertain désormais qu’ils étaient pris captifs. Les hommes les emmenèrent en dehors de la forêt, évitant le village pour ne pas être découverts en plein enlèvement et repartant bientôt à bord de leur vaisseau.

    Lorsque l’aventure s’arrête, lorsqu’elle se transforme en cauchemar, ou en drame définitif. Lorsqu’on ne peut plus rien pour changer son sort, lorsqu’on est pris captifs et qu’on ne peut plus réagir, on n’envisage plus d’aventure.


[Village] Retour à la source, pv Mérope. Ezechielmerope02
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    ...

    Woah... Superbe Rp, super début, super milieu, magnifique dénouement.

    Vos missions sont bels et bien accomplis, mais y'a bien plus. La fin est ce que j'ai préféré. J'aime les drames, les choses tragiques et là, j'ai adoré. Bon... ça m'ennuie, parce que je veux faire un beau et grand commentaire bien classe, mais je vais pas pouvoir le faire.

    Je pourrai résumé votre rp à "J'ai adoré" parce que j'ai vraiment aimé, et des défauts... J'en vois pas.

    En fait, si. Le temps. Mais bon, vu que je regarde pas le temps, c'est parfait ^^

    Mérope, Ezechiel, vos styles à tous deux sont très beaux, vous écrivez tous deux extrêmement bien. Le tout a été parfaitement décris, l'histoire est prenante. Non, c'est franchement très bon.

    Donc...

    Mérope : 38 Points d'Expériences, 370 Munnies, 4 PS en Symbioses.

    Ezechiel : 38 Points d'Expériences, 370 Munnies, 3 PS en Psychismes et 1 PS en Défenses.

    Je pense que je peux dire la suite, même si c'est le boulot de Xaldin. Si t'es pas d'accord, je l'enlèverai.

    Lien-D établit entre Mérope et Ezechiel !

    PS : Sympa l'image !
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