Sisyphe était un homme, un habile fermier, un bon parleur et était doté d’une ruse sans pareille. Sa force ne résidait pas en ses bras mais en son intelligence, aussi il devint très riche, accumulant les richesses des autres… Mais son heure arriva un jour, Hadès, Dieu du royaume sous-terrain vint chercher Sisyphe. Et lorsqu’il allait abattre ses serpents donneurs de morts sur le malheureux, ce dernier supplia Hadès, il pleurait de toutes ses larmes la pitié du dieu… Hadès stoppa son geste et hésita un instant. Mais si sa richesse lui venait de son royaume vaste, il ne pouvait pas se permettre d’en laisser un lui échapper. Donc il envoya les serpents mordre Sisyphe, mais ce dernier, on ne sait comment s’arrangea pour qu’Hadès soit mordu par ses propres serpents. Ce dernier fut neutralisé sous le regard des dieux de l’Olympe.
    Après cela, Sisyphe clama partout dans le monde que la mort n’existait plus, que tout était permis ce qui amena une vague de folie sur la terre. Zeus le foudroya alors et libéra son frère de l’emprise des serpents…

    Dans les enfers, Sisyphe courtisa alors Perséphone, lui disant qu’il n’avait pas pu dire adieu à sa femme, à ses enfants. La déesse se laissa séduire et permit à Sisyphe de retourner une journée sur terre. Mais le fourbe se cacha alors des dieux et continua à échapper à la mort. Hélas, Zeus voit tout et lorsqu’il le trouva, le foudroya une nouvelle fois. Hadès, pour s’assurer que jamais il ne recommence et qu’il soit puni pour être le seul à avoir trompé la mort à deux reprises, lui donna un devoir dans les Enfers. Pousser un rocher jusqu’en haut d’une montagne et tandis qu’il s’approcherait du sommet, à quelques pas près, le rocher dévalerait jusqu’au pied de la montagne.

    Xaldin se sentait comme cet homme… Il avait accompli de grandes choses en son passé, il était maître dans l’art de la guerre et après avoir échappé à la mort, se devait de la vivre d’une façon incomplète… Depuis peu, sa vie était un amas d’échec, d’abandon, de traîtrise… Il était entouré de gens dont il doutait, devait les diriger tout en se doutant de la volonté de ces quelques membres… Ils ne devaient tous souhaiter qu’une occasion durant laquelle Le Numéro III serait en proie à leurs attaques. Après tout, bien que ce dernier soit puissant, il ne pouvait à lui tout seul battre trois membres de l’Organisation. Sans doute était-ce pour cela qu’il n’était pas aussi respecté que son prédécesseur, pourtant moins clément.

    Que la vie lui semblait absurde tout à coup, c’était tout à fait cela. Un échec, deux échecs, des centaines d’échec. En effet, nous sommes bien peu de choses, si ce n’est des êtres dressés, amusants au regard de Dieu.
    Et soudain, alors que Xaldin se trouvait dans sa chambre monochrome, une phrase ressurgit de son lointain passé. Il n’était plus le même qu’avant, c’était la raison pour laquelle il ne méritait plus de s’appeler Dilan.


    « Je déteste voir les choses qui stagnent, ces gens qui n’agissent pas, qui réfléchissent trop longtemps. Je me fous de cette fatalité. »

    Oui, il s’en souvenait. C’était il y a déjà bien longtemps, lors d’une sombre nuit. Le Jardin Radieux était à l’époque en guerre contre une contrée voisine. Les ennemis avaient réussi à former un blocus contre l’armée pour laquelle Dilan se battait. Tandis que les habitants de la forteresse devaient supporter la faim et la soif, tenant sur des maigres réserves.
    A l’époque, Dilan et Aeleus ne se connaissaient pas encore, bien que combattant sous le même drapeau. Le chef d’armée avait alors demandé dans toutes les unités disponibles, quelques fous prêts à mener une offensive et ainsi créer une brèche dans le blocus. Selon ce chef militaire, plus d’une centaine de guerrier aurait été un suicide, cela aurait été remarqué et il n’y aurait plus eu d’effet de surprise. Alors il est facile de comprendre qu’une petite centaine de guerrier entre des milliers de combattants ne se dévouerait pas d’elle-même. Le Lancier fut le seul à se lever, disant la phrase citée plus haut avec la fierté d’un bourgeois. Aussi tôt, une montagne de muscle le rejoint, suivi d’une bande de guerriers admirant la force de ce titan. Combattre avec un tel homme donnait un courage incommensurable. Et ainsi, une dizaine de guerriers tenta la manœuvre. Il serait inutile de raconter la fin, ce fut après cela qu’Aeleus et Dilan furent transférés dans l’unité d’élite.

    Xaldin… Il n’était pas Xemnas, il ne l’avait jamais été et ne le serait jamais. Puisse-t-il en remercier le ciel, étant tout simplement le lancier le plus puissant de tous, un homme de guerre et non un homme de politique. Xemnas lui avait pu se permettre de laisser faire ses hommes à sa place, tant il était parfait. Xaldin avait la chance de ne pas l’être, et en mémoire de cette vie antérieure, se devait d’accomplir de grandes choses de lui-même.

    Il se leva promptement de son lit ou il ne faisait jusqu’à présent que réfléchir. Sans attendre, il fit apparaître un portail sur le mur le plus proche et s’y engouffra presque en courant.

    Dans un monde ou il faisait nuit, il avait réapparu. Comme un enfant en pleur, il s’était dirigé vers une direction selon un instinct immature, faisant en sorte de se diriger dans le monde ou il avait presque vécu pendant une année, oubliant que plus personne n’avait visité ce pays depuis près de trois ans. Il en avait déduit qu’il était tombé à son tour, mais il n’en était rien. Le Château était toujours aussi resplendissant devant lui, tandis qu’il se trouvait sur un pont. Il ne dit mot, enleva doucement sa cagoule, laissant tomber ses cheveux en dreadlocks. Il se plaça alors au centre du pont. C’était là. Là qu’il avait failli, mort sous les coups de Sora, ses deux compagnons, la Bête et le Roi Mickey.

    Comme s’il revoyait le combat du début à la fin, il tourna la tête de temps en temps, scrutant le pont comme si deux êtres invisibles menaient un combat enragé. Revoyant ici et là quelques griffes sur les parois du pont, un fin trou dans le sol provoqué par les coups de Xaldin. Certaines statues avaient perdu un bras, une tête, à nouveau à l’avantage du lancier.

    Il cessa alors d’y penser et scruta l’horizon. A sa droite, il y avait une porte blindée qui donnait accès au Château de La Bête. A sa gauche, une grille donnant sur une forêt immense. Il n’y était jamais allé.


    « Dis-moi, la Bête… Tu es resté à peine quelques heures dans cette forêt, a repoussé de tes griffes, de ton hurlement et de tes bras puissants les créatures qui s’y trouvent. Tu n’as pas pu tenir d’avantage, n’est-ce pas ? Soit… Faisons un pari, je fais gage d’y rester sept jours, de m’abaisser à ton niveau brute, abandonnant donc ma magie… »

    Xaldin avait dit cela d’un ton étrange. Un ton qu’il n’avait plus pris depuis maintenant trois ans, ce même ton qu’il utilisait pour parler à cette créature régnant sur ce monde. Un ton méprisant, charismatique tout en étant rempli de sadisme.
    Si Xaldin venait à se faire surprendre par la Bête, ils se battraient très certainement. Xaldin gagnerait sans l’ombre d’un doute, La Bête n’étant pourvu que de ses poings, de ses griffes, de ses crocs. C’était le combat d’un tigre contre un dragon. Le tigre essayant toujours d’atteindre le dragon qui s’envolait, crachant des flammes. La question étant, est-ce que le dragon pourrait battre le tigre, sans ses ailes, sans ses flammes, sans ses écailles ?

    Au moment même où il franchirait la grille, il redeviendrait Dilan, qui se battait comme un humain certes, mais un combattant exceptionnel, un tigre à son tour.
    Il courut sans attendre vers la grille, fit apparaître une unique lance et fit un gigantesque bond de ses jambes puissantes, passant sans soucis au-dessus de la grille mais déjà un problème survint, il ralentissait en général ses sauts grâce à la sphère de vent mais était condamné à ne plus utiliser la magie. Ayant oublié cela, il n’eut pas le temps de plonger les pieds en avant et heurta violemment son épaule droite contre un arbre, laissant échapper un gémissement rauque, retombant lourdement sur le sol. Le choc le plongea

    Le Premier Jour…

    Qu’il était en train de dormir, il n’en avait pas conscience et pourtant il vivait ce rêve, toujours ce rêve étrange. Les similis n’avaient pas droit au rêve, ils ne pouvaient ressentir la peur, l’envie, l’amour, le désir, la quiétude. Leurs rêves n’étaient que d’effroyables heures à passer, une chute sans fin dans le néant. A la différence près que cette fois-ci, Xaldin ressentait des picotements sur les visages, des picotements humides. Il ne se posa pas de question mais il sentit alors un vent frais sur son visage qui le tira de son sommeil.

    La pluie tombait en crachin, pluie fine, agréable pour sa fraicheur et extrêmement désagréable, tombant par milliers de gouttes, ruisselant des cheveux de Xaldin, de ses favoris. Celui-ci se leva difficilement, son épaule déboitée l’empêchait de faire le moindre mouvement…


    « C’est stupide… »

    Mais au moins, il était en vie, la nuit passée l’avait mis à l’insu de toutes les bêtes sauvages du coin, les plus à craindre étaient sans aucun doute les loups. La pluie avait très certainement dissimulé l’odeur du simili et forcé les loups à se réfugier dans une caverne…

    « L’aube… Le crachin ne les retiendra plus d’avantage… Qu’ils viennent donc… »

    Un hurlement se fit alors entendre dans ce frais matin, Xaldin se retournant vivement vit trois loups rodant, tournant autour de leur future proie, montrant des crocs, semblant vociférer par des grondements agressifs.
    Soudain et sans plus attendre, les loups chargèrent à une vitesse incroyable, dépassant sans mal la vitesse du simili. Ce dernier leva alors son bras gauche vers le ciel pour matérialiser ses lances mais se ravisa en repensant à la première contrainte de cette semaine. Un loup lui sauta dessus, essayant de mordre son visage, il n’eut que le temps de se protéger de son bras gauche le repoussant par la même occasion. Les deux autres loups moins voraces ne purent l’attaquer tandis qu’il fit un saut sur le côté. Il attrapa de sa main apte la lance qu’il avait matérialisée la veille et repoussa à nouveau un des loups en bloquant l’attaque du manche de la lance.
    Soudain une douleur atroce lui vint de son bras droit, les loups sont discrets, c’est bien leur plus grande qualité. Et l’un d’eux, le chef de cette petite meute éclaireuse, parvint à mordre de toutes ses forces le bras déboité de Xaldin.

    Ce dernier laissa échapper un cri rauque de douleur, le loup accroché à son bras. Il se dirigea avec violence vers un arbre, bras droit en avant et écrasa le loup sur le tronc, lui coupant le souffle, ne le lui laissant que quelques gémissements si pathétiques.

    Le Loup s’effondra, tentant quelques instants de se relever, titubant et tomba une nouvelle fois… Xaldin observa le loup vivre ses derniers instants, comme devaient le faire ses deux compagnons. Il y eut un silence, le vent ne soufflait plus, la pluie avait cessé… Les blessures que chacun des combattants de cette bataille ne faisaient plus souffrir… Il n’y avait que le silence.
    Le loup respirait difficilement et bruyamment, il n’avait plus rien d’un prédateur… Il n’avait plus rien d’une proie… Il partait…

    Xaldin n’eut pas besoin de se retourner pour comprendre que le combat était fini, il entendit les deux derniers loups geindre et partir. Ils devaient sans doute adresser quelques regards de tristesse à leur chef, quelques regards haineux à leur ennemi…

    Le Lancier ne quitta pas l’animal des yeux, il ne les avait pas fermés lorsqu’il s’était tu. Le simili s’abaissa, posa sa main sur la fourrure de la bête, un froid intense s’était emparé de cette créature inerte. Il remonta jusqu’à la gueule du loup et ferma ses paupières, comme s’il eut s’agit d’un de ses compagnons d’arme, lorsqu’il combattait… Il posa doucement et sans plus réfléchir sa main droite sur son épaule déboitée et d’un coup sec la remit en place, lui arrachant un cri de douleur… Il demeura ainsi, courbé, frôlant la créature qu’il venait d’abattre…

    Un simili ne connaissait la faim, et même si ça avait été le cas, il n’aurait pu se résoudre à manger la créature. C’était à ses yeux comme cracher et danser sur le corps d’un ennemi qui lui aurait offert une longue et éprouvante bataille… Et alors que la pluie reprit de plus belle, Xaldin prit la peine de se lever, affichant un regard sévère mais compatissant… Il retira son long manteau, l’accrochant à une branche dominante d’un arbre. Il ôta ses bottes et ses gants qu’il déposa au pied du même arbre et il se mit à l’ouvrage…

    Soulevant la terre de ses mains, essuyant son front de son bras, essayant de ne pas le salir de ses mains pleines de boues. Et torse, pieds, mains nues, il creusait profondément, n’étant plus protégé du froid, de la pluie…
    Sa lance était plantée juste à côté du trou et bien qu’il doute de la moindre venue, il ne se laisserait plus avoir...

    Cela lui prit une dizaine d’heure. Il avait creusé si profondément, d’une manière si minutieuse alors qu’il devait se contenter de la force de ses bras. Lorsqu’il eut enfin fini, ressortant difficilement du trou, il posa toutefois le cadavre du loup avec une extrême douceur.

    Et alors qu’il ne tenait plus sur ses jambes, repoussant ses limites, il reboucha lentement le trou qui eut finalement raison de son sommeil…

    Le Deuxième Jour…

    Il ne se leva que lorsque le soleil fut au plus haut de sa course. Il ne prit pas la peine de prendre ses affaires, le but étant de survivre pendant une semaine, il n’avait que faire de ce costume. Certes, il n’avait plus rien de ce membre toujours fier, digne, propre, minutieux. Il n’avait qu’un pantalon, une lance à la main, son corps tout entier taché de boue, ses dreadlocks n’en étaient plus, il les défit le matin… Il n’inspirait plus la crainte d’un homme mystérieux, ténébreux… Il inspirait celle d’un sauvage… Et cela ne faisait que deux jours… Pour ne pas être gêné, il déchira une petite parcelle de son manteau pour en faire un bandeau qu’il mit de sorte à avoir une tresse.

    S’il devait combattre les loups chaque jour, il n’y survivrait pas… Et comme il venait d’abattre le chef de la meute, il devait s’attendre à être traqué… Aussi, il prit la fuite aussitôt, tenant sa lance d’une main. Il prit une direction toute autre que celle menant au village ou au château, il se dirigeait vers une destination tout à fait inconnue, mais la forêt était immense en ce monde.

    A peine avait-il couru quatre kilomètres qu’il fut essoufflé, certes, il était allé trop vite mais cela ne lui avait pas toujours posé problème… Certes, il contrôlait maintenant la magie mais ses sauts gigantesques, par exemple, ne dataient pas de sa transformation en simili. Il pouvait courir des kilomètres sans jamais s’essouffler, combattre des heures sans ressentir la fatigue…


    « Vous êtes désormais plus puissants qu’avant… Je t’en foutrais… »

    Et alors qu’il s’appuyait à un rocher, une immense masse sortit de nulle part.

    « Un sans-cœur ? »

    Mais la chose n’avait rien d’un sans-cœur, c’était un grizzli affamé. A la vue de cette créature, Xaldin esquissa un sourire…
    Il ne laissa pas une seconde à l’animal, il courut en sa direction et bien que n’étant qu’un piètre attaquant rapide, il parvint à atteindre l’animal avant que celui-ci ne puisse lui porter un coup. Il voulut frapper l’animal de sa lance en un coup tranchant fatal mais ce dernier fit un revers de patte, projetant Xaldin à quelques mètres.

    Par chance, les griffes ne l’avaient pas touché et le coup ne fut pas vraiment douloureux, mais cela était une belle preuve de la chose… Et se levant, affichant un regard arrogant, il lança la lance sur un arbre, s’y enfonçant.


    « M’est d’avis que je n’arriverais à survivre ici qu’au pain et à l’eau… »

    Et la lance disparut dans une explosion de vent, condamnant Xaldin à survivre sans arme pendant ces jours. Il prit une nouvelle fois l’initiative dans la bataille, sautant sur la bête telle une créature enragée, il lui encocha un coup de la droite à la gueule de l’animal, suite à cela il asséna de multiple coups de poings au ventre de la bête, qui laissa échapper un cri rauque et de fureur. Elle voulut frapper Xaldin mais une nouvelle fois, ce dernier prit la bête de justesse, et attrapant la patte de la créature, il mit toute sa force dans une entreprise folle. Il se laissa tomber en arrière, tirant et déséquilibrant le grizzli lui tombant dessus, il interposa son pied, fit une roulade et éjecta de toute sa force l’animal dans le sens de la roulade. L’ours se fracassa à un rocher et se levant péniblement prit la fuite.

    « Bel endroit… Que ce soit la lumière ou les ténèbres, rien ne peut s’emparer de cette forêt, seule la loi du plus fort règne… »

    Il entendit alors un aboiement furieux, suivi de dizaine de ce même cri. Il aperçut alors une troupe de loups, une dizaine peut-être galoper vers lui. Il ne pourrait rien contre autant de créature, aussi à son tour, il courut aussi vite qu’il le put, ne savant ou il allait…
    Il n’avait que deux centaines de mètre d’avance sur les canins, et cela ne suffirait que quelques minutes, étant beaucoup moins rapide et endurant qu’eux.

    Les minutes passaient aussi vite que les mètres parcourus, Xaldin atteignant une vitesse encore jamais atteinte pour sa survie. Mais comme dit plus haut, les loups furent bientôt à quelques mètres à peine du fuyant. Il frappa vivement l’un d’eux qui s’approchait de tout près, ce dernier dérapa de sa course et tomba de la falaise…

    Enfin, Xaldin ne sut que c’était une falaise qu’en faisant tomber l’animal, détail qu’il n’avait pris la peine d’envisager. Un autre loup le griffa au bras gauche, encore une fois, stimulant de plus bel le lancier à accélérer. Et alors qu’il crut sa dernière minute arriver, il entendit le bruit d’une chute d’eau. Il tenta alors ce dernier effort, et la dizaine de loup courant derrière lui, il se dirigea vers la source de bruit.

    Plus le temps d’analyser la situation, et dès lors qu’il ait vu le cours d’eau rapide et violent, il le longea et sauta dans ce trou béant devant lui, accompagnant les eaux dans leur chute.

    Le Troisième Jour…

    Xaldin se réveilla à l’aube, n’ayant trainé à s’endormir la veille, il se coucha au pied du premier arbre, tassant quelques feuilles trainant là. Cette longue course, sa chute de deux centaines de mètre jusqu’à atterrir dans des eaux profondes. Il n’y eut qu’un seul avantage, il était déjà plus propre, mais le froid n’en était que plus intense…

    Le troisième jour se résuma à lutter contre ce froid. Et ce fut le jour le plus long, devant lutter contre la morsure de cette température. Il ramassa autant de brindilles qu’il put, cela ne manquait pas. Et entassant à nouveau quelques feuilles, il fit un feu, frappant une pierre contre l’autre, d’une manière tout à fait improvisée…

    La flamme était, fatalement, très maigre, mais la simple vue en était échauffante. Mais cela suffirait à autre chose… Il cautérisa aussi bien qu’il le put ses plaies avec les cendres encore brulantes de la flamme… Une nouvelle série de douleur pour ce jour trop long.

    Le Quatrième Jour…


    « Saletés de loup… »

    Cela ne servait à rien de courir, leur odorat était beaucoup trop fin. Il avait aperçu en se réveillant des loups rodant, reniflant le sol à la recherche de l’odeur, et cela sur l’autre rive… Heureusement, l’eau était trop profonde et le courant trop fort pour qu’ils puissent traverser le fleuve. Et en tombant, deux jours plus tôt, Xaldin avait pu voir le paysage, ils auraient à marcher longtemps avant de trouver un moyen de rejoindre l’autre rive, le cours d’eau devenant assez mince quelques dizaines de kilomètres plus loin… Le souci étant… Ou qu’il aille, ils le retrouveraient…

    Le jour était frais et agréable, en comparaison à la veille. Aussi, pour diminuer l’odeur qui émanait de lui, il plongea avec son pantalon dans l’eau… La seule chose qu’il laissa à la terre ferme, ce fut le morceau de tissu qu’il avait arraché à son manteau pour nouer ses cheveux.

    Après s’être suffisamment lavé et être sorti de l’eau, il enroula une pierre dans le morceau du manteau et il lança cette pierre aussi fort qu’il put pour qu’elle atteigne l’autre rive ou il avait vu les loups, le matin même… Du tissu se dégageait une odeur de lui bien plus développée… Les loups retourneraient sur leur pas pour apercevoir qu’ils furent bernés, ce qui laisserait suffisamment de temps à Xaldin d’atteindre sa destination final… Celle là n’était autre que son point de départ, la grille du château, ou demeuraient son manteau, ses bottes et ses gants… Seulement arrivé, son défi serait remporté…

    La prochaine étape de son parcours était bien évidemment de retourner sur ses pas, par conséquent, remonter la falaise qu’il avait dévalé en à peine quelques secondes, quelques jours plus tôt… Hélas, cela serait bien plus ardu… Et à moins de longer la falaise, ce qui lui prendrait probablement plus de trois jours, il devait la remonter directement…

    Celle-ci était rocheuse, de ces rochers pointus et glissants, mouillés par l’éclaboussure de l’eau ruisselante… Il arracha tout d’abord deux bouts de tissu de son pantalon, et y enveloppa ses mains, pour les protéger de la dureté de la roche…
    Ceci fait, il s’engagea directement dans l’ascension… Le début fut aisé, il parcourut le quart de la distance sans problème, s’aidant de ses bras puissants et de ses jambes solides pour monter rapidement. Ensuite, il ressentit une fatigue non dissimulée, et respirant difficilement, avançant de plus en plus lentement. Arrivé à la moitié du parcours, croulant sous la fatigue, il s’accrocha à une parcelle de roche, sans faire attention à sa constitution. Et celle-ci, comme par maléfice, céda sous le poids de Xaldin. Ce dernier avant de s’écraser contre un rocher réussit tant bien que mal à se rattraper à un rocher de sa main gauche. Mais celui-ci déjà dans un état impitoyable, devant en plus supporter ces nonante kilos ainsi que la dure loi de la gravité, la douleur en fut une nouvelle fois intense. La troisième partie de l’escalade fut la plus difficile, ne pouvant plus se fier à son bras gauche, il dut monter avec une seule main, ainsi que ses deux jambes, devant redoubler de force et de vigilance… Il n’avait plus à lutter contre la fatigue, la douleur de tous ses muscles l’empêcherait de dormir.

    C’est ce qu’il crut, du moins, jusqu’à ce qu’il atteigne une plateforme solide et assez large pour contenir un corps allongé.

    Le Cinquième Jour…

    Ou plutôt la sixième nuit, puisque Xaldin dormit une nuit et un jour, chacune de ses nuits s’allongeant davantage, alors qu’elles devaient se réduire, au risque de supporter encore longtemps la dureté de cette vie sauvage…

    Au moins, à cent-cinquante mètre du sol, il ne risquait pas de se faire attaquer… Il ne se leva pas tout de suite, la douleur de ses muscles avait quasiment disparu… Mais elle reviendrait rapidement s’il tentait une nouvelle escalade pour cette dernière partie de chemin… Aussi, après y avoir longuement réfléchi, il prit une décision tout à fait absurde, plus dangereuse que toute autre solution mais plus raisonnable à la fois…

    Il respira calmement et après quelques minutes à attendre le bon moment, il prit une impulsion énorme, posa son bras droit sur la roche et fit un énorme saut, se poussant aussi de son bras droit. Il arriva ainsi jusqu’à la moitié de ces cinquante mètres restants et lorsqu’il fut sur le point de retomber, effleurant à peine la rocaille de ses pieds, il fit un deuxième saut, y mettant tout ce qu’il avait encore dans les jambes. Et il arriva au sommet, dans une herbe presque trop verte, la tête en première… Certes, il n’avait plus de force dans les jambes, mais cela ne durerait que l’espace d’une nuit…

    Le Sixième Jour…

    Il se réveilla peu après midi, bien reposé, il n’avait plus qu’à subir cette tumulte de douleur au bras gauche… Il se mit en marche rapide vers la grille, qu’il savait à au moins deux jours de marche… Il avait écarté le problème des loups, c’était déjà ça…

    Il marcha une vingtaine de kilomètres, à travers forêt de ronce, à traverser cours d’eau tranquille, à sauter par-dessus des torrents. Et lorsqu’il ne fut plus qu’à quatre kilomètres de la grille, il prit la peine de monter sur un arbre pour y dormir, comme il s’agissait à peu de chose près de l’endroit ou il avait rencontré l’ours.

    Le Septième Jour…

    Le dernier jour fut celui qui commença le mieux, ni falaise à escalader, ni odeur à faire disparaître, ni chaleur à procurer, enfin soit… Juste un arbre à descendre et quatre kilomètres à marcher… Le seul bémol étant qu’à son réveil, la nuit tombait déjà… Son rendez-vous était à minuit tandis qu’il devait déjà être dix heures…

    Soudain, un hululement se fit entendre à travers des kilomètres. Xaldin, surpris d’avoir été rattrapé malgré les sentiers qu’il avait pris s’engagea aussi vite dans une course. Il arriva là trente minutes plus tard, devant la grille mais il dut se retourner bien vite, sentant des présences autour de lui… Deux grosses dizaines de loups s’apprêtaient à charger en même temps sur Xaldin tant leur fureur semblait grande.

    Le Lancier sans arme se mit en garde, se demandant bien comment il survivrait pendant une heure… Un des loups chargea alors, claquant déjà sa mâchoire contre le vent. Xaldin fit un léger saut pour passer au-dessus de lui et au moment même ou il atterrit, la vingtaine de loups chargea… Il fut bien vite submergé sous les crocs, griffes de tous ces bestiaux. Dès lors qu’il en repoussait un, deux venaient le remplacer. Il parvint pour finir, tant bien que mal à faire deux coups de pied circulaires, repoussants les bêtes. Mais celles-ci chargèrent une nouvelle fois sans attendre, cependant à moment différents… Xaldin put repousser les loups un par un pendant un certain temps… Devant subir tantôt la douleur d’une jambe mordue, tantôt les griffes affutées d’un loup.
    Le combat bien que désespéré ne fut une partie de plaisir pour personne. Les loups, fatigués d’être repoussés mais voulant venger leur chef. Xaldin, blessé de toute part, fatigué, désarmé…

    Il y eut un moment de pause… Xaldin sentit à ce moment de silence son souffle se raréfier et alors que les loups attaquèrent une nième fois, d’une manière beaucoup moins agressive et tout aussi peu rapide. Et alors qu’il s’apprêtait à ployer, il sentit… Il sentit que c’était fini…

    Il ouvrit les yeux, une étincelle de fureur dans le regard… Et alors que les loups s’apprêtaient à le frapper, il leva ses bras nus vers le ciel… Six tourbillons tombèrent des cieux, gravitant autour de Xaldin… Et à l’instant même ou il écarta les bras, les tourbillons explosèrent pour dévoiler six lances qui disparurent à l’instant d’après, effectuant un saut, retombant sur Xaldin. Ce dernier n’en rattrapa aucune, les loups s’apprêtant à fuir… Il commanda à ses lances de se métamorphoser, et se liant entre elles, elles formèrent un dragon de vent… Xaldin ne bougea pas, au lieu de cela, il mit ses mains derrière son dos, regardant le sol…


    « Je vous offre ma clémence, survivez à cela et nous serons quitte… »

    Le dragon cracha alors une vague de vent immense, balayant les loups, déracinant les arbres. L’attaque étant finie, le dragon des lances explosa sans même un mot de Xaldin… Ce dernier attrapa son manteau au vol, encore intacte, il le mit sur son épaule et après avoir ramassé ses bottes et ses gants, disparut…

    « J’ai gagné mon pari, La Bête… »