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Nous sommes quatorze ans après les évènements de Kingdom Hearts 2. En tant d’années, les choses ont considérablement changé. Les dangers d’hier sont des soucis bénins aujourd’hui, et au fil du temps, les héros ont surgi de là où on ne les attendait pas. Ce sont les membres de la lumière qui combattent jour après jour contre les ténèbres.

Ce n’est plus une quête solitaire qui ne concerne que certains élus. C’est une guerre de factions. Chaque groupe est terré dans son quartier général, se fait des ennemis comme des alliés. Vivre dehors est devenu trop dangereux. Être seul est suicidaire. A vous de choisir.

La guerre est imminente... chaque camp s'organise avec cette même certitude pour la bataille.

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Il y a toujours un chemin

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Avant même d’avoir pu apporter une réponse à la question de Fabrizio, Aqua se releva brusquement dans un état d’excitation presque palpable, le regard brillant d’une lueur enthousiaste. Il avait réussi ! Chen venait de parvenir à bloquer l’assaut d’un orbe de lumière. Un grand sourire réjoui se dessina sur ses lèvres et s’intensifia lorsque, d’une nouvelle frappe de son arme, il repoussa un second orbe ! Quand son élève lui adressa un regard triomphant, elle sentit se répandre en elle la joie qu’il ressentait face à son succès. La jeune femme s’apprêtait à l’encourager de tout son cœur… Mais déchanta rapidement au moment où, surgie de nulle part, une sphère lui arriva en pleine tête pour le renverser au sol ! La bouche ouverte de stupeur, l’air affolée, elle tendit spontanément la main dans sa direction pour essayer en vain d’empêcher la chute. Reprenant rapidement ses esprits et son visage concentré, la jeune femme matérialisa sa Keyblade dans sa main. Il était temps de mettre un terme à l’exercice. D’un coup sec, elle fendit l’air devant elle et les trois orbes disparurent simultanément. Légèrement inquiète, Aqua fit un pas en avant pour s’assurer que Chen allait bien… Et elle se sentit aussitôt rassurée quand elle vit son air penaud et légèrement hébété par le choc. La Maîtresse de la Keyblade dut porter un poing fermé à ses lèvres pour masquer le sourire amusé qui commençait à s’y dessiner et se retenir de pouffer.

Tout allait bien, si ce n’était, peut-être, son amour-propre.

« Et bien ! » Sa voix était rieuse. Tout en faisant disparaître l’arme qu’elle avait en main, Aqua se fit violence pour essayer de retrouver son sérieux mais, malgré tous ses efforts, elle ne parvint pas à réprimer son sourire. Elle espérait, en tout cas, que le Consul ne penserait pas qu’elle se moquait de sa performance. « Au moins, tu y es arrivé ! » dit-elle de manière encourageante. Et c’était bien là le principal. En l’observant, Aqua avait noté le subtil changement de posture qu’il avait de lui-même adopté… Il s’agissait de la base qu’ils allaient devoir cultiver. Si elle pouvait lui apprendre de nombreuses choses, chaque porteur de la Keyblade avait sa propre façon de tenir son arme, de l’utiliser afin d’agir avec en harmonie. Et pour cela, il n’y avait pas de règles. Elle-même avait découvert son affinité avec la magie, Terra avec la force brute… Chen quant à lui - elle eut un petit sourire tendre à cette pensée - semblait plus proche du style de Ven. Même si l’exercice avait été court, ils avaient fait un grand pas en avant en trouvant la façon dont il allait la manier. Aussi « Je crois que tu as bien mérité une petite pause. » ajouta-t-elle d’un air complice en lui proposant d’un signe de la main de venir de nouveau s’installer avec eux.

La jeune femme se retourna vers Fabrizio et leva légèrement les yeux vers le ciel, songeuse face à la question qu’il lui avait posée plus tôt et qui demeurait en suspens. Est-ce que les Maîtres de la Keyblade connaissaient les moindres recoins de leurs cœurs ? Il lui semblait bien connaître le sien, cependant elle n’aurait pas cette prétention. Qui pouvait d’ailleurs l’affirmer ? Un cœur était plus qu’une simple chose à comprendre, il n’était pas réductible à une somme d’informations. Son mystère faisait partie de beauté.

« Nous faisons de notre mieux pour l’écouter, mais il peut toujours nous surprendre. » finit-elle par décréter d’une voix douce et bienveillante avant de poser son regard vers le jeune homme.

Elle considéra le membre du Sanctum quelques instants. Il lui semblait comprendre désormais ce qui l’avait poussée à lui poser cette question. Elle s’était attendue à ce qu’il évoque les Éternels ou son devoir auprès de sa faction, mais Fabrizio se révélait plein de surprises. Les motivations qu’il lui avait exposées étaient peut-être plus simples, plus naïvement sincères, mais la moindre de ses paroles trouvait en elle un écho familier. Préserver la vie et non détruire, faire preuve d’abnégation pour protéger les autres… Elle comprenait tout cela. Elle comprenait ce qu’il avait ressenti lors de l’attaque sur le Domaine Enchanté. Et, tristement, elle comprenait que ce jour elle aurait dû être là elle aussi pour lutter contre les ténèbres. Heureusement, il existait des personnes comme lui. Et c’était cela, l’intuition qui l’avait menée à poser cette question. Inconsciemment, elle avait senti que « Tu as un bon cœur Fabrizio. » Elle lui adressa un léger sourire et un regard doux mais appuyé pour insister sur le poids de ce qu’elle allait dire. « Ne laisse personne te convaincre du contraire. »

Quand Chen les rejoignit finalement, la Maîtresse de la Keyblade se réinstalla genoux à terre. Elle ne savait pas encore s’ils allaient reprendre d’autres exercices par la suite... Après tout l’après-midi était déjà bien entamée. Peut-être ferait-elle mieux de lui faire visiter les nombreuses pièces du manoir tout d’abord ? A moins que son élève n’ait de nouvelles questions auxquelles elle pourrait répondre. Elle décida finalement qu’ils aviseraient après cette courte pause. Peu importait, au final, la suite des évènements, Aqua avait une certitude qui la réjouissait :

« Tu viens tout juste de faire tes premiers pas sur le chemin des Maîtres de la Keyblade. » Encore une fois, son regard se perdit dans le vague pour plonger vers l’horizon, vers l’avenir. « Il sera long... Mais un jour, toi aussi tu seras un Maître et tu transmettras ton pouvoir pour que de nouveaux porteurs l’empruntent. »

Elle sourit joyeusement. Parcourir ce chemin était décidément une bien belle perspective.
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« J'ai un bon cœur... » répondit le soldat, laissant ses paroles se faire recouvrir par le silence. Il hocha la tête, lentement comme pour se faire à cette idée. En réalité, ce n'était pas quelque chose qu'il s'était préparé à entendre. Pas aujourd'hui, jamais, en tous cas. Il avait tué plus qu'à son tour et sauver la peau de quelques personnes au cours des années ne changeait rien. Il était d'ailleurs surpris que son cœur n'était pas un vieux morceau de charbon à l'heure qu'il était. Bien qu'il soit prêt à écouter son cœur, l'idée de prendre de son temps pour s'arrêter et penser à tout ce qu'il avait fait jusqu'à maintenant était.... des plus malaisantes. « Mais le Consul cherche la merde, c'est que du bon sens de lui faire voir que mon cœur, faut pas le prendre à la légère. »

Il se leva rapidement, un sourire aux lèvres. Il était blessé dans son ego, c'était vrai, mais il ne doutait pas que le Consul ne cherche pas vraiment à le critiquer. Enfin, seulement l'espérait-il. Peut-être qu'au final, toutes ces années de lente reprise de confiance – grâce aux exploits de Chen aux Enfers notamment ! Avaient étés vaines et que tous les consuls étaient des cons. Des cons qui construisaient des jolies statues et qui, selon Aubrey, avaient un magnifique sens de la mode ; cela ne les aidait aucunement.

« Maître Aqua, je vous emprunte votre élève quelques instants. Il a fait affront à mon honneur et je me dois de réparer ce méfait par l'épée. »

Se levant, le soldat exagéra grandement ses gestes, à la mesure de ses paroles. Il n'avait jamais parlé comme ça. Pas qu'il se souvienne en tous cas. « On va dire que ça fait partie de ton entraînement, Chen. Garde les yeux bien ouverts cette fois-ci. » dit-il en accompagnant ses paroles d'un geste moqueur et dégainant son épée, sa main gauche allant de ses yeux vers les yeux de Chen.

Ne s'arrêtant néanmoins pas sur sa lancée pour tergiverser de plus belle. Il prit une garde résolument basse et stable, n'ayant eu que peu de preuves du style de combat du Consul. Il ne savait pas ce que lui réservait un porteur de la keyblade : selon lui, il y avait autant de styles que de lames. Roxas avait porté la sienne en usant d'une hégémonie sans pareille. Il avait été rapide, il avait été puissant. Il se battait dans un autre cercle que celui des simples épéistes. Aqua, elle, il n'en savait rien. Sereine et calme, il avait ressenti une puissance magique sans pareille en elle. Si l'un des deux finissait avec une lame entre les deux yeux, aucun doute qu'elle arriverait à gérer la situation de manière efficace. Enfin, il espérait que ses suppositions tapent dans le mille sinon ils étaient cuits.

L'idée de se battre sans avoir à se battre pour sa vie avait quelque chose de libérateur. Dans son esprit, il y avait les entraînements à l'aube alors que la brume peinait à s'effacer. Des coups d'épées d'entraînement contre le bois des boucliers qui rebondissaient contre les murs. D'une assurance presque enfantine que tout allait bien se passer.

Sa sommation était passée et lui, désormais, passait à l'attaque d'un large coup de taille dans la direction de l'ours – qu'était-il ? Jamais il ne lui avait demandé, mais ça ne se faisait pas de demander ce genre de choses. Ces attaques, c'était une danse à laquelle il était rodé, et qui dépendait de la réaction du Consul. Un algorithme, en quelque sorte. Tout dépendait de sa réaction mais il n'avait aucun doute qu'elle allait être à la mesure de ses attentes.
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Bon, d’accord, c’est le moment où j’vais prendre ma part. Probablement que, c’était pas l’bon moment pour l’titiller. Il ne reste plus qu’à nous dire que c’est une leçon, c’est ça ?

Est-ce que trois plaies et dix commotions est une leçon suffisante ?!

Là, j’le vois dans son regard, il va pas jouer les tendres avec moi. De plus, j’doute que d’rester immobile avec ma bouche en cul-de-poule risque de bien m’aider. Après tout, j’viens pas d’la Cité des Rêves, le fanion blanc n’est pas mon drapeau. P’tet que j’vais éviter d’le dire tout d’suite, v’là qu’il commence les hostilités. J’vais commencer par faire c’qu’il me dit, n’pas le lâcher du regard.

À moins que ce soit ça, le piège. Sur l’coup, mes yeux glissent quand même de son regard jusqu’à sa lame, histoire de pas m’retrouver embrocher dès la première seconde. Keyblade dans la patte droite et couchée sur mon avant-bras, j’pose un genou à terre et plie mon bras en équerre pour encaisser l’choc. Dans l’idée, comme j’suis recroquevillé sur un point et semblable à un gros caillou, j’peux sentir la force du coup résonner dans mon corps et m’relever pour la contre-attaque. Ouais, un peu comme un diable qui sort d’sa boîte à musique, ma position est parfaite pour jaillir et repousser son attaque !

Pourquoi est-ce que j’fais ça ? Boh. L’Maître Aqua vient d’me dire d’écouter mon coeur et la Keyblade pour qu’elles me guident. C’est l’cas, j’pense.

Bref, qu’est-ce qu’il fait l’diable, une fois qu’il bondit ? Il tourne sur lui-même ! L’arme qui n’se colle pas à mon avant-bras pour un plus gros angle de frappe et m’voilà à faire trois tours dans les airs avant d’retomber. Comment ? Comme un héros ! Un genou au sol pour amortir et ensuite m’redresser avec l’sourire du vainqueur.

À la différence que l’tonton Fabri à bloquer chacun de mes coups et il m’réponds la provocation d’un renvoi dans la face.

Tu sais, j’disais ça pour la blague… Hein ?!
Tentative désespérée pour ne pas prendre un mauvais coup ? Probablement. En attendant, c’est p’tet suffisant pour ne pas qu’il donne un coup d’bistouri à l’échelle de son épée dans mon gras.

Bon, au final, nous n’sommes pas là pour rigoler. Mon arme revient contre mon avant-bras et l’panneton fait l’prolongement d’mon coude, ça doit bien marcher sur lui après avoir fonctionné sur des boules de lumière. Ensuite ? Mon corps s’élance en avant et j’garde aussi vite que j’peux m’le permettre.

C’est l’avantage quand les gens remarque un gars comme moi, gros et grand, il s’doute pas que j’suis capable d’aller aussi vite.

Avec ça ? Mon bras armé par en arrière et j’le ramène d’un mouvement sec pour l’frapper d’un coup direct. Genre, j’suis comme un bucheron sur un rondin d’bois, de haut vers le bas. Là, c’est l’choc, il bloque le coup et un son proche d’un coup d’tonnerre résonne autour de nous. Promis, j’exagère pas, c’est comme s’il y avait une vague de force qui s’dégageait et nous en sommes le centre.

J’recule, j’tourne sur un pied pour donner une nouvelle attaque avec toute la force et accompagner d’une touche d’élan. Le tonnerre frappe encore. Sauf que j’subis à mon tour, il fait un truc chelou avec ses mains et m’balance un truc que j’ai pas vue v’nir. Cette fois, c’est lui qui provoque le son contre ma Keyblade. C’est pas pour m’vanter, mais j’trouve que j’cogne dur, rapport à ma race. Mais lui, là ? Il frappe plus fort que moi.

Nos regards s’croisent et j’pense que l’on comprend la même chose, on n’est pas des fiottes.


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« Faites attention à ne pas vous blesser surtout ! » leur recommanda-t-elle avec bienveillance, élevant calmement la voix afin qu’ils puissent l’entendre au milieu du fracas de leurs armes qui s’entrechoquaient.

Aqua eut un léger sourire jovial. Elle ne s’était pas attendue à ce que Fabrizio prenne ainsi les devants, mais il semblait décidément tenir à son duel avec Chen ! Aussi l’avait-elle laissé faire, se contentant de le regarder d’un œil amusé entraîner son élève dans ce nouvel exercice. Il y avait quelque chose de communicatif dans sa fougue, son énergie. Pendant un instant elle avait d’ailleurs sérieusement envisagé de se joindre à eux pour cette session d’entraînement ! Malheureusement, la Maîtresse de la Keyblade avait dû rejeter cette idée aussi vite qu’elle lui était venue. Après tout, si elle pouvait en ce moment être à la Contrée du Départ c’était grâce au temps qui lui était accordé par sa convalescence… Et elle aurait certainement bien du mal, une fois de retour au Château Disney, à justifier que ses blessures aient empiré. Non, c’était définitivement une mauvaise idée, mais elle faisait contre mauvaise fortune bon cœur. Ainsi elle aurait tout le loisir d’observer la technique de Chen ! Et elle devait bien admettre qu’au fond, elle était également curieuse de voir celle de Fabrizio...

Épée contre Keyblade, les deux combattants semblaient pris dans un duel de force pure. La jeune femme retint sa respiration, dans l’attente de savoir lequel l’emporterait. Ce fut finalement le membre du Sanctum qui parvint à briser la garde de son élève, repoussant la clé sur le côté avant de porter un nouveau coup. Dans un mouvement qui semblait accéléré, le Consul ramena sa patte devant lui et dévia la frappe de son arme avant d’enchaîner des assauts rapides. Pendant un instant, le jeune homme sembla mis en difficulté par le rythme que Chen lui imposait. Il tentait maladroitement d’esquiver, mais alors qu’une ouverture se dessinait dans sa garde et que la Keyblade s’y engouffrait... Fabrizio parut soudainement anticiper cette nouvelle attaque et déplaça habilement sa lame afin de la bloquer net.

Absorbée par le spectacle qui s’offrait à elle, Aqua pencha légèrement la tête sur le côté. Elle avait déjà vu Chen combattre au Jardin Radieux, aussi n’était-elle pas surprise par ses capacités - elle notait tout de même qu’il semblait déjà plus à l’aise avec sa Keyblade, ce qui était encourageant. En revanche elle découvrait celles plus brutales et précises du jeune homme, et cette approche n’en rendait l’exercice que plus intéressant. Tous deux allaient être poussés à développer leurs affinités respectives pour rivaliser l’un avec l’autre.

Un sourire amusé s’afficha au coin des lèvres d’Aqua. Son regard se perdit dans le vague jusqu’à ce que le combat se déroulant sous ses yeux ne soit plus qu’une image floue. L’un misait sur une posture audacieuse qui lui permettait des mouvements rapides, l’autre sur l’efficacité de la force... Elle avait déjà vu cela auparavant... Aux silhouettes de Chen et Fabrizio se substituaient désormais, comme une réminiscence, celles de Ven et Terra. Aqua eut un air attendri. Elle les revoyait si distinctement faire les même gestes, afficher la même volonté de se perfectionner... Soudain il y eut un flash, sous ses yeux ou dans son esprit, et deux nouvelles silhouettes vinrent les remplacer. Deux enfants, un garçon brun et une jeune fille aux cheveux bleus, qui riaient en brandissant des Keyblades de bois agitées si maladroitement qu’elles ne parvenaient pas à s’entrechoquer. Son sourire fut soudainement empreint d’une vague tristesse alors qu’elle se remémorait cette image innocente surgie d’un lointain passé.

Cela lui semblait remonter à une éternité. Cela lui semblait être hier…

Elle soupira longuement, replaçant ses regrets à la place qu’ils occupaient habituellement dans son cœur, et reporta de nouveau son attention sur les deux combattants. Son expression se radoucit. Même si ces instants d’insouciance étaient révolus, ils renaissaient aujourd’hui au travers de Chen et de Fabrizio. A leur manière ils revivaient ce qui avait été son enfance, ce qui avait probablement été celle de Maître Eraqus. Par leur duel ils incarnaient l’héritage de générations de porteurs de la Keyblade venus s’entraîner sur ce terrain même. Ils étaient l’avenir. La jeune femme eut un sourire face à cette pensée rassurante. Dans son regard brillait un mélange d’admiration enthousiaste et de fierté.

La réalité glissa de nouveau sous ses yeux, jusqu’à se superposer à une nouvelle image. Aqua entrouvrit la bouche, surprise. Elle pouvait toujours voir Chen et Fabrizio, suivre le moindre de leurs mouvements, mais quelque chose chez eux semblait changé. Ils lui apparaissaient tous deux légèrement plus âgés. Plus mûrs. Plus assurés. Cela ne dura qu’une seconde et la vision s’estompa, laissant la jeune femme à sa stupéfaction. Elle cilla, songeuse. Le bruit de leurs armes revenait peu à peu à ses oreilles. Avait-elle eu une simple absence ? Non. Même si elle n’aurait su l’expliquer la Maîtresse de la Keyblade pressentait au fond d’elle que cette vision du futur n’était pas qu’un tour de son imagination, que son cœur essayait de lui dire quelque chose.

Toute à sa réflexion, Aqua continua d’observer silencieusement l’exercice.
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Il était rapide. Trop rapide. Et ça contredisait peut-être la moitié de ses plans, honnêtement. Même s'il avait paré quelques coups, rien n'était moins sûr quant aux suivants. Les lames de leurs armes s'entrechoquaient dans un bruit qu'il n’appréciait pas, mais alors pas du tout. Le son en lui-même, aucun problème ; évocateur et presque mystique, c'était ce qu'il signifiait, le problème. Son épée allait finir par s'émousser au contact de l'étrange lame de Chen ! Et ça c'était pas une bonne nouvelle !

« Désolé Chen, j'ai jamais été doué pour le second degré ! »

Il n'avait pas d'armure. Pas de bouclier. Juste son épée et des réflexes qui, somme-tout n'étaient pas mauvais. Plutôt que de parer toutes les attaques, il en évitait quelques une à grand renfort de sorts et et d'esquives qui tenaient plus du combat de rue que du combat à la loyale. Tout, mais pas la défaite. Cette pensée lui traversa l'esprit alors qu'il se jeta sur le côté et exécuta un magnifique roulé-boulé afin d'éviter un coup magistral de la part du Consul. Putain ce qu'il était rapide.

Les coups de keyblade, ça faisait un mal de chien. Fabri ne pouvait pas éviter l'intégralité des coups de Chen, aussi il dut se résoudre. Essayant d'approcher son opposant à chaque fois. Il préférait risquer un coup que de rester à distance. Merde c'était un combat, pas une danse ! Il avait pris plus cher que ça. Coup après coup, il gagnait centimètre par centimètre sur son adversaire. Faire des défaut de sa défense un avantage ? C'était un bon plan, un excellent plan même !

Il se rapprocha de Chen, se baissant pour éviter un coup de clef. Il aurait aimé lui dire le fond de sa pensée mais il n'avait pas le temps ; son épée parlerait pour lui, alors. Faute de bouclier, il parait les coups du consul en plaquant la lame de son épée contre la paume de sa main gauche, bloquant la keyblade sans la dévier, mais se protégeant ainsi des coups. C'était mieux que rien. Une épée ne se tenait pas que par la garde.

Il se glissa dans le dos de Chen ; une chance de lui en foutre plein la gueule ! Il assena un puissant coup de taille, une fois encore, sur le dos non protégé du Consul avec le plat de son épée.

Et il avait paré le coup en se retournant comme une tornade. Le son distordant des lames se rencontrant frappa l'aire d'entraînement. Un coup sec, métallique. C'était pas possible.

« Ma grand-mère frappait plus fort que toi, paix à son âme ! » Il recula, lui lançant une remarque à la volée. C'était pas suffisant ; Chen était trop rapide pour qu'un coup tout bête l'atteigne. Il l'aurait sur l'usure, alors. Il en était sûr ; si le Consul était indéniablement plus rapide que lui, il ne pouvait pas garder ce train très longtemps.

Il repartit à l'assaut avec un sourire en coin. Sans vraiment se presser ; il marcha à la rencontre de Chen, se mettant en garde après avoir dégagé les cheveux lui tombant devant le visage et recommençant à l'attaquer de plus belle. Déterminé à ne pas lui laisser la tangente, il l'attaquait sans cesse. Mais lui aussi commençait à fatiguer ; il était sûr que son adversaire tomberait avant-lui, cependant. Ça allait, encore. Il était essoufflé, tout au plus. Aussi se persuadait-il.
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S’il y a la moindre entité divine sur la surface de ce monde, qu’elle entende mes prières, j’suis déjà à bout.

Pas que j’sois en train d’ramper, pas encore !

Sauf que là, j’dois donner tout c’que j’ai pour tenir face à Fabrizio. Quand j’parle de tout ? J’parle vraiment de tout ! Limite, j’ai l’impression qu’il y a un deuxième moi qui traîne sur mon épaule en m’disant ce qu’il va s’passer. Même si j’ai envie d’gagner de bon mollet en disant que l’coup dans l’dos à été prévisible et que j’ai paré sans difficulté, ce serait plus odieux des mensonges.

La vérité ? J’me suis retourné à cause de l’élan d’mon précédent coup et j’ai eu la chance à c’que ma Keybade soit au bon endroit.

L’tonton Fabri, il va m’coller la raclée la plus mémorable d’ma vie. Tiens, j’viens justement d’me prendre un coup d’pommeau dans les côtes et sa fait pas du bien. On va dire que, l’effet de surprise du géant plus rapide que la norme est passé, il me faut autre chose. V’là que dans un grondement, j’recule de plusieurs pas en m’tenant l’point d’impact dans une vilaine grimace.

Là, j’remarque que tu frappes aussi fort qu’elle ! Paix à son âme.
La raillerie entre bons amis. En attendant ? Qu’est-ce que j’déguste ! Forfait à volonté et il s’arrête pas. C’est la garde de son épée glissant l’long d’ma Keyblade et qui vient d’me coincer les doigts qui m’le rappellent. Après, c’est bon, j’le touche. De temps à autre. V’là un temps que la fatigue ne m’a pas assailli comme ça, j’ai les bras et les jambes molles pendant que j’suis en train de calmer la pulsion dans mon pouce en l’amenant à la gueule.

Il est p’tet temps d’arrêter d’passer pour la victime et d’montrer ce dont un Maître-Brasseur est capable.

Fabrizio tente d’me faire une balayette et j’évite le bazar en bondissant dans les airs, un p’tit salto accompagnant le mouvement pour la frime et j’me retrouve assez loin. L’bras avec l’arme passe dans mon dos et j’offre l’plus beau des jets à mon compagnon, d’quoi faire voler la Keyblade comme un hachoir et en visant l’torse.

Il va l’éviter, c’est bon.

Surtout, j’profite de la distraction pour un truc, guider l’vent dans mes doigts. Paume vers le sol, j’fais un genre de moulinet jusqu’à ce qu’un vent frais se lève et passe juste à côté du maître. Rien de grave, juste de quoi faire bouger ses mèches, c’est pas mon objectif. Le but ? Le baluchon ! L’vent s’engouffre dans l’draps et pousse mon tonnelet jusqu’à mes pieds pendant Fabrizio envoie la Keybade virvolté.

Un habile jeu d’patte et j’lance le tonnelet dans ma main. Un clin d’oeil à mon adversaire, j’ressers un poing et j’brise l’sommet du contenant pour déverser le contenu dans ma gueule. Biture express, ma gueule.

Là, j’lâche le reste de bois et j’tends la patte pour que la Keyblade revienne dedans. Ouah, j’ressens déjà l’effet dans mes bras, comme des millions d’fourmis. Depuis l’temps que j’bois, mon cerveau s’rends pas vraiment compte que ça doit attendre une heure pour me rendre ivre. Il s’croit malin dans la caboche, mais c’est moi l’patron ! Alors, Fabrizio et son clone n’ont qu’à bien s’tenir.

Un pas sur le côté exagéré et v’là que j’tangue comme un navire en pleine tempête. Mes yeux pétillent et j’pue la bière. L’avantage et pour moi, j’vais devenir aussi imprévisible que la marée ! Ou l’vent, p’tet la pierre, j’sais pas trop. Bref. Mon corps s’en va en arrière pour que j’bondisse en avant pour frapper comme un demeuré ! Sauf que j’le loupe et que j’me prendre un coup d’latte dans l’cul. Pas d’soucis ! Une patte au sol et j’me roule comme un danseur de rue pour faire pleuvoir les coups d’pieds et d’Keyblade en tout sens. Vas-y, j’suis beurré comme une tartine et j’vais rien sentir !

Ma dignité ? Elle est enterrée depuis longtemps, ma gueule. Il reste plus qu’à espérer que j’tienne encore longtemps debout. Après ? Une bonne sieste et une tisane.


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D’un air sidéré, Aqua observa le fût rouler jusqu’à elle. Est-ce qu’il venait de se passer ce qu’elle croyait qu’il venait de se passer... ? Non. Impossible. Ses yeux avaient dû l’abuser ! Et pourtant... Comme pour répondre à sa question, le tonneau s’immobilisa et tourna lentement sur lui-même jusqu’à ce qu’elle puisse en voir le contenu par le sommet fracturé. Vide, il était complètement vide. Chen avait tout bu, jusqu’à la dernière goutte. Tout ! La Maîtresse de la Keyblade ouvrit de grands yeux ronds de stupéfaction et demeura interdite pendant quelques secondes.

Mais… Mais comment pouvait-il seulement être encore conscient !?

Le choc passé, elle reprit ses esprits et reporta son attention sur le duel qui opposait son élève à Fabrizio. Ses sourcils se froncèrent. Ses traits devinrent soudainement sérieux et concentrés. Le style de Chen était désormais beaucoup plus agressif et nettement moins orthodoxe. Sa force paraissait décuplée, mettant à mal la technique du membre du Sanctum... Et elle n’aimait pas ce qui était en train de se passer. Dans cet affrontement il essayait de prendre le dessus. Ce n’était pas ce qu’elle attendait de lui. Ce n’était pas non plus de cette manière qu’il allait progresser. Il était temps pour elle d’intervenir afin de l’aiguiller dans la bonne direction, tout comme lorsqu’il avait repoussé les orbes de lumière sans suivre ses consignes.

« Ça suffit, Chen. » fit-elle d’une voix ferme sans toutefois hausser le ton alors qu’elle se redressait.

Mais il continuait de faire pleuvoir les coups sur son adversaire sans se soucier de son rappel à l’ordre. A moins qu’il ne l’ait tout simplement pas entendue, le bruit de leurs armes paraissait s’amplifier à chaque choc. Aqua sentit ses muscles se tendre alors qu’elle voyait Fabrizio reculer difficilement sous les frappes. Si Chen continuait ainsi, il risquait d’y avoir un accident ! Elle devait mettre un terme à leur duel, dès maintenant. La jeune femme amena d’un geste sec sa main droite au niveau de son épaule gauche et serra le poing. Elle se concentra brièvement, faisant apparaître autour une douce aura bleutée. « Ça suffit ! » répéta-t-elle avec plus d’autorité avant de tendre la main en direction de Fabrizio, projetant vers lui la lueur qui laissa sur son trajet de longs filaments scintillants. Il y eut une lumière éclatante à l’instant où le sort toucha le jeune homme, et aussitôt une bulle protectrice se matérialisa autour de lui. Hélas le Consul n’eut pas le temps de retenir son coup. Quand sa Keyblade entra en contact avec la paroi cette dernière vola en éclat, lui renvoyant de plein fouet sa propre force.

Pour la seconde fois de la journée, Chen fut propulsé en arrière avant d'atterrir lourdement sur son postérieur.

Le calme était revenu. La jeune femme prit une grande inspiration. Même si elle avait été nécessaire et efficace, Aqua aurait préféré que son intervention soit moins brutale... Les armes s’étaient tues et ne laissaient derrière un elle qu’un silence lourd, grave. Tout semblait suspendu dans l’attente de ce qu’elle allait faire désormais. La Maîtresse de la Keyblade regarda Chen au sol et, d’un pas lent, marcha jusqu’à lui. Elle s’arrêta face à son élève qui semblait un peu perdu, le regard brillant et éméché, et le considéra d’un air strict pendant quelques instants.

« Il me semblait t’avoir dit… » Aqua marqua une pause, laissant sa phrase en suspens pour en accentuer la sévérité. Mais, très vite, ses traits se radoucirent et un sourire en coin apparut sur ses lèvres. «… que je préférais que tu gardes les idées claires. » finit-elle d’une voix amusée en lui donnant une nouvelle fois un petit coup taquin dans l’épaule. « Et tu aurais au moins pu en laisser pour Fabrizio ! » ajouta-t-elle dans une feinte réprimande.

Sur ces mots, la Maîtresse de la Keyblade posa un genou à terre pour se mettre à son niveau et lui adressa un regard bienveillant. Elle avait une remarque véritablement sérieuse à lui adresser, pour autant elle ne souhaitait pas se montrer trop dure avec lui. Ce n’était après tout que son premier jour d’entraînement.

« Tu as cependant fait une erreur. » lui dit-elle d’une voix douce. Plutôt que de la lui reprocher, elle préférait en tirer une source d’enseignement, lui expliquer calmement pourquoi elle avait mis fin à l’exercice. « Ce n’était pas une compétition. L’important était d’agir en harmonie avec ton cœur. »

Chen savait peut-être se battre, mais en ce qui concernait la Keyblade il n’était encore qu’un débutant. Et Fabrizio n’avait pas ce désavantage. Le voir triompher du jeune homme aurait été surprenant, mais peu importait au final l’issue qu’aurait pu avoir ce duel. Son intérêt ne résidait pas dans sa finalité. Et pourtant il avait commis l’erreur d’essayer de surpasser son adversaire.

« Ne pense pas à la victoire quand tu te bats. », car la perspective de la réussite allait de pair avec celle de l’échec. Et, comme le lui avait dit plusieurs fois Maître Eraqus, la peur de perdre conduisait à la soif de pouvoir, qui conduisait elle-même aux ténèbres. Elle lui expliquerait cela, une prochaine fois. « Concentre-toi sur ce qui est juste, ici. » Elle posa un doigt sur sa fourrure à l’emplacement de son cœur pour illustrer son propos. « Pas ici. » ajouta-t-elle en tapotant du même doigt le sommet de son crâne.

Dans un dernier sourire rassurant elle se releva et lui tendit la main, prenant sa patte pour l’aider à se redresser. Un bref instant il sembla perdre l’équilibre et Aqua eut un regard inquiet... Mais il parvint finalement à se stabiliser. En tout cas il n’y aurait plus d’entraînements aujourd’hui, à sa manière de tituber Chen ne semblait plus en état de continuer. Finalement elle aussi avait appris d’une erreur aujourd’hui. Dorénavant elle savait que le laisser venir au terrain d’entraînement avec un tonnelet était une mauvaise idée. Elle veillerait à ce que cela ne se reproduise plus lors de leurs prochains exercices ! Enfin, hormis ce détail « C’était une belle performance ! »

Avec un sourire encourageant et chaleureux, son regard passa successivement de l’un à l’autre avant de se fixer sur Fabrizio. Il paraissait épuisé mais n’avait pas démérité de la réputation que lui attribuait Chen. Décidément, c’était un jeune homme très talentueux. Son habileté au combat était, à vrai dire, aussi remarquable que les aspirations de son cœur. Alors qu’elle l’observait, son regard se perdit petit à petit dans le vague. Plongée dans ses pensées, la jeune femme fit quelques pas jusqu’à venir se placer bien droite au bord du précipice. Elle regarda de manière absente les montagnes baignées par la lumière orangée du soleil qui commençait à décliner. Enfin, au bout d’une minute, les coins de ses lèvres s’étirèrent doucement alors que sa réflexion prenait fin. Le regard brillant, elle se retourna vers eux.

« Il y a encore une chose que j’aimerais vous expliquer. » Un fond d’excitation joyeuse teintait ses intonations, transparaissant sur le calme qu’elle essayait d’afficher. « Vous n’y voyez pas d’inconvénient ? »

Si elle les regardait tous les deux, sa question s’adressait d’avantage à Chen. Ce qu’elle comptait leur dire était important, et elle espérait qu’il avait les idées suffisamment claires pour l’écouter.
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Il para, par chance peut-être, ou Etro avait guidé sa main et il ne le savait pas. Il n'avait pas le temps d'y penser car d'autres coups arrivaient déjà. Et pas des coups en demi-teinte, non. Il ne pouvait pas être battu, c'était inscrit dans son esprit comme gravé par une lame. Ses mouvements étaient rapides, autant qu'il le pouvait mais son opposant était plus rapide encore.

Le problème venait de ses coups ; erratiques, illogiques. Ils ne venaient de nulle part. Rien n'avait de sens, il était complètement ivre. Et la logique de Fabrizio ne pouvait pas analyser une méthode aussi... peu commune. Il bloquait et paraît, mais en laissait passer quelques uns ; même s'il ne pensait pas vraiment au jour d'après qui amènerait probablement son lot de bleus. Mais à l'heure actuelle, peu de choses comptaient. Son souffle lui brûlait la gorge, il avait l'impression que ses bras pesaient une tonne. Pourtant, sa poigne sur son épée restait solide alors qu'il attendait, presque patiemment, pour l'ouverture de la garde de son adversaire. Une ouverture qui viendrait en temps et en heure parce que ce foutu Consul était bourré comme un coing.

Au premier signe ; un espace trop grand dans un coup, un pas trop faible, il plongea comme un oiseau de proie, rapide et silencieux. Il se mit sciemment à la merci de son adversaire, ainsi sans armure et si proche de lui. Mais c'était sa seule chance. Il frappa d'estoc.

Il savait que son regard était sur eux, au cœur de l'action, il ne se rappela qu'à moitié. Un être doux, une aura des plus puissantes. Il la sentait là, toute proche.

Fabrizio recula un instant mais ne fut pas assez rapide alors que le coup de keyblade de Chen le cueillit et l'envoya par terre. Il atterrit sur le dos et vit les étoiles, pendant quelques secondes alors que sa tête venait de frapper le sol dallé. Il y en avait plus que par une magnifique nuit d'hiver. Il n'attendit pas que ce malaise temporaire se dissipe et roula sur le côté, se redressa et repartait à l'assaut. Énervé d'avoir reçu plus que ce qu'il n'avait réussi à administrer au Consul.

Il stoppa net son geste, le souffle court, alors que la voix d'Aqua fut accompagnée, un court instant plus tard, par une lumière soudaine ainsi qu'une bulle magique qui l'entoura. Coupé dans son élan, il resta coi un instant. Chen ne s'était, lui, pas arrêté et tenta un coup qui fut son dernier avant que son énergie ne se retourne contre lui et l'envoie en arrière.

Ça lui apprendra, déjà, constata le soldat avec un sourire mauvais.

Mais Aqua avait déjà repris la correction, car ils étaient allés trop loin selon elle. Une déclaration qui n'était pas vraiment des plus justes selon lui. Il n'y avait rien de mal à chercher la victoire dans un combat, au contraire ! Mais il l'écouta, silencieux alors que la bulle autour de lui s'affadissait. Il toucha la matière avec le bout de son épée, curieux de savoir comment une paroi magique pouvait bien résister à un coup comme celui de Chen armé de sa keyblade. Il rengaina son arme et leva les mains en un signe de paix, haussant les sourcils, se dégageant du combat, de la tension. Laissant à Aqua la parole qui lui revenait.

D'eux trois, elle était la personne ayant le plus brillé par sa sagacité jusqu'alors. C'était plutôt vexant à remarquer.
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Aïe. Ouais, c’est plus ou moins qui s’passe dans ma tête à l’instant.

Deux Aqua, ou trois Aqua ? Combien d’Aqua. Beaucoup d’Aqua. C’est une réunion d’professeur d’vant l’élève ? Il est où mon bulletin de notes. Oh. Ma mère risque pas d’le voir, j’espère. Non, c’pas possible, il n’y a pas d’rouge autour de moi. Pas d’mauvais point. Aussi, maman doit s’occuper d’papa. Elle risque pas d’perdre du temps avec moi. Il est quelle heure ? Elle doit boire l’thé, mes notes seront en secret au sommet d’cette montagne qui tangue.

P’quoi la montagne bouge, d’ailleurs. Ça doit pas bouger. À moins que, ce soit moi qui bouge ? Impossible. Il y a trois Aqua pour m’tenir droit. À moins qu’ce soit mes jambes. Il y c’picotement, l’même que celui qui vient quand tu restes trop longtemps sur les toilettes, qui m’fait mal aux jambes. Pourquoi est-ce la montagne bouge, encore.

Outch. C’est plutôt la tête qui m’fait mal.

Ma main, elle grimpe et… Ouah ! La montagne bouge encore plus fort !!! Bon, j’vais reste droit, contrairement au sol, pour comprendre la suite.

Sauf que j’comprends pas c’qui se passe. Il y’a pourtant les lèvres qui bouge et qui s’agitent dans une danse ! Sauf que dans mes oreilles, il n’y a que le bruit au ralenti d’une abeille qui butine. Elle doit pas parler comme ça. Idée ! Parfait. Un oeil fermé, j’comprends enfin c’qu’elle raconte. Oh, j’dois écouter et faire un peu plus que semblant. D’accord, il faut d’la concentration. Si fermer un oeil fonctionne, alors…

Oh. Il faut noir maintenant. C’était pas l’bon plan.

Un oeil ouvert, c’est toujours bien. L’son est raccord à l’image et j’me rends de plus en plus compte de l’étendue des dégâts. L’tonneau ? Il est en miettes. Un splendide tonnelet de manufacture maison. Maintenant ? Détruit ! Un cadeau d’papa ! Ou du cousin. À moins qu’il vienne du Jardin Radieux ? Mh. Ça doit pas vraiment être l’moment d’penser à ça.

Là, l’patron en short m’regarde avec instance et il doit attendre quelque chose. Un mot ? Un geste ? Des cris ou des balises de détresse ?! C’est pas l’moment pour les alexandrins ou l’gain de temps. Elle attend, j’le sens et j’le ressens au plus profond d’mon être. Oh, non, c’est pas ça. On va éviter d’le laisser sortir. Plutôt… Oui ! J’vais laisser mon coeur parler, d’puis l’temps que j’suis ici, c’est bien un truc que j’dois retenir. Alors, comme avec la Keyblade, on respire et écoute c’qu’elle va m’souffler pour pas faire jeter du haut d’cette montage qui bouge.

… Non …
Parfait. Merci à toi, l’coeur ! Promis, j’fais gaffe, plus d’gras avant vingt heures.

V’là, comme ça. Tu tiens debout, tu fermes un oeil histoire d’être toujours concentré et tu écoutes avant d’somnoler. Ouah, ma tête. P’tet que j’aurai dû mettre moins de houblons dans cette cuve, ou p’tet que j’me suis vraiment fait mal en tapant l’truc qui y avait encore une minute sur l’Fabrizio.


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Aqua haussa un sourcil perplexe. La réponse de Chen avait mis… un peu trop longtemps à venir pour sa brièveté. Et à sa manière hagarde de la regarder, un oeil fermé et la tête penchant de plus en plus vers le côté, elle en venait à se demander s’il était réellement en état d’écouter ce qu’elle avait à lui dire. Il était peut-être plus mal qu’elle ne se l’était imaginé... La Maîtresse de la Keyblade baissa les yeux brièvement, honteusement. Au terme de la première leçon de la première journée, elle se retrouvait avec un élève ivre mort... Vraiment, quel excellent professeur elle faisait ! Mais elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même. Elle aurait dû réagir bien plus tôt, le retenir dès qu’elle l’avait vu attirer le tonneau vers lui. Maintenant, elle ne pouvait hélas plus y faire grand chose. Devait-elle attendre qu’il ait pris du repos... ? Cet enseignement était important, aussi bien pour lui que pour Fabrizio, et elle aurait préféré ne pas avoir à le reporter. Cependant, c’était à l’évidence la seule possibilité qu’il lui restait.

… A moins, bien sûr, qu’elle ne puisse en définitive y faire quelque chose.

Dans un éclat de lumière, Aqua matérialisa sa Keyblade dans sa main. Elle venait d’avoir une idée. Doucement, elle ferma les yeux et concentra sa magie en ressentant la présence de Chen à ses côtés... « Esuna. » prononça-t-elle calmement en levant sa clé en l’air. Aussitôt, une aura blanche apparut autour de son élève et scintilla quelques instants avant de s’estomper. La jeune femme baissa son arme mais ne la fit pas disparaître. Elle ignorait si ce sort se révélerait utile. Il était efficace pour purifier quelqu’un du poison, mais l’alcool... C’était une toute autre histoire. Enfin, cela ne pouvait pas lui faire de mal. Dans le meilleur des cas, il aurait les idées un peu plus claires. Du moins elle l’espérait.

La Maîtresse de la Keyblade regarda une dernière fois les montagnes, y cherchant la certitude de ce qu’elle allait dire et faire. D’un geste lent, elle leva sa clé à l’horizontale et posa le panneton dans sa main libre. Elle prit une longue inspiration, jusqu’à se sentir uniquement emplie de calme. Une lueur brilla dans son cœur. Aqua eut un sourire pour elle-même. Oui. Oui, elle en était certaine. La jeune femme s’éclaircit la gorge avant de dire d’une voix douce « Je vais vous parler de l’origine de la Keyblade. »

Une nouvelle fois elle se retourna vers Chen et Fabrizio alors que son sourire s’élargissait. Elle leur avait déjà parlé des premiers porteurs, de la légende des mondes, mais il leur restait encore beaucoup à découvrir... Son élève ne devait probablement même pas savoir d’où lui venait ce don, ni ce qu’il allait impliquer à l’avenir. Aqua réfléchit un bref instant, cherchant par où commencer. Ce qu’elle leur avait annoncé n’était d’ailleurs pas tout à fait exact car « En réalité, nul ne sait quand et comment a été forgée la première Keyblade. » C’était un mystère même pour elle, même pour Maître Eraqus ou Maître Yen Sid, une histoire perdue, érodée par le temps. « Cependant… » La jeune femme marqua une courte pause, rassemblant tout ce qu’elle savait à son sujet avant de poursuivre en pesant l’importance de chaque mot. « Vous devez savoir que tous le monde n’est pas en mesure de la manier. Il y a deux conditions pour devenir un porteur de la Keyblade. La première… » Aqua apposa doucement sa main sur sa poitrine pour illustrer son propos. « La force du cœur. La Keyblade possède sa propre volonté et elle n’entrera en harmonie qu’avec un cœur digne de la porter. »

La jeune femme fit quelques pas dans leur direction et les regarda tour à tour avec un air bienveillant. « La seconde… » Elle leur adressa un nouveau sourire. « … dépend des Maîtres de la Keyblade. » Aqua laissa un court instant flotter un silence énigmatique pour les laisser appréhender cette information, consciente des nombreuses questions qui devaient leur traverser l’esprit. Voilà qu’ils en arrivaient au point le plus important. « La Keyblade est un don qui se transmet au travers des générations, et chaque Maître a le pouvoir d’accorder ce don afin de former ceux qui seront ses successeurs. C’est l’un de nos devoirs pour assurer l’existence des porteurs. » Son regard s’attarda sur Chen. Quelqu’un lui avait donné ce pouvoir. Elle ne savait pas qui, ni quand… Cela pouvait être très ancien. Sans formation, combien fallait-il de temps pour que la Keyblade se manifeste d’elle-même ? La jeune femme repoussa cette question dans son esprit. Elle n’avait plus vraiment d’importance. Désormais elle l’avait trouvé, et lui aussi deviendrait un Maître de la Keyblade, lui aussi accorderait son pouvoir à quelqu’un.

Aqua regarda la clé entre ses mains et eut un sourire amusé. Elle leur avait dit l’essentiel, aussi était-il temps pour elle de conclure. D’une voix enjouée, elle reprit :

« Aussi, lorsque notre intuition nous pousse à désigner un nouveau porteur, nous procédons à ce que nous appelons la Cérémonie de la Transmission. Gravez ces mots dans votre esprit… »

La Maîtresse de la Keyblade serra la poignée de son arme et en amena la garde au niveau de son visage. Tout en fermant les yeux, elle prit une grande inspiration et laissa le silence s’installer. Enfin, lorsqu’elle se sentit prête, elle prononça d’une voix calme et sur un ton solennel ces mots qu’elle connaissait par cœur... Ces mots entendus encore enfant lorsqu’elle-même avait été choisie… Ces mots qu’elle avait fait le serment de répéter un jour.

« Je te fais don de cette clé... Tant que tu en auras l’étoffe, car par cet acte je te l’offre, un jour tu seras son porteur... »

La lueur dans son cœur s’était intensifiée au fil de ses paroles. Aqua rouvrit les yeux lentement. Son regard passa de Chen au jeune homme du Sanctum. Dans un geste mesuré, elle fit pivoter la Keyblade dans sa main jusqu’à tendre la poignée dans sa direction. De la même manière que lorsqu’elle avait pris le Consul sous son aile. Dans la lumière orangée du soleil déclinant, elle ajouta quelques mots dans un murmure.

« Je te fais don de cette clé, Fabrizio. »
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Il était prêt à répondre. Mais que répondre à ça ?

En toute franchise, il ne savait pas. Toujours avoir un coup d'avance, c'était quelque chose de logique, mais que faire quand la logique était en réalité beaucoup plus loin qu'il ne l'avait visée ? Fabrizio avait songé à partir. C'était un moment entre Chen et Aqua. Il n'avait rien à faire ici. Il s'était même inquiété ; ne s'occupait-elle pas de ce qu'il pouvait aller raconter à March, à son retour ? Il ne lui aurait trop rien dit, mais ça, ça ne tenait qu'à lui. Il aurait été logique qu'en tout bon soldat du Sanctum il aille faire un rapport complet à son dirigeant.

Et soudainement, l'incompréhension laissa sa place à une pointe d'inquiétude. Le soleil allait se coucher, la nuit état proche. Jamais n'avait-il eu peur de la nuit, au contraire. Ce n'était pas ça. Aqua voyait donc en lui tout ce qui incombait à un porteur de Keyblade ? Avait-il un cœur digne de la porter ?

Il recula presque, cilla plus exactement.

Il était prêt à la croire, évidemment, parce qu'Aqua faisait figure de vérité, immédiatement à son esprit. Sans raison, vraiment, autre que sa puissance et sa sérénité. Comment avoir appris la sérénité sans s'être départie de son sourire ? Alors s'il devait croire Aqua, qui à son tour croyait en lui, la vérité était tout juste là devant lui. Mais il ne l'acceptait pas. De ce geste, elle répétait quelque chose de beaucoup plus ancien. Comme son père lui donnant son épée – la dernière fois qu'il l'avait vu, pensa-t-il, comme un coup de vent. Qui était-il pour douter de quelqu'un ?

Qui était-il pour douter de quelqu'un qui, en retour, ne doutait pas une seconde des qualités de son cœur ? Il avait envie de sourire, 'putain elle est bien bonne' ; dans sa tête, ça avait sonné comme ça. Il avait accueilli la phrase d'Aqua – d'abord avec surprise, puis par un très léger sourire, nerveux probablement. Comme un gamin, simplement. Son cœur battait la chamade dans sa poitrine. Son combat contre Chen était encore plus que récent certes, mais c'était pour une toute autre raison.

Que devait-il faire, maintenant ?

Pris au dépourvu, il avait l'impression que le monde entier le regardait. De la honte, oui, envers lui-même. De l'hésitation. Pour le répéter encore une fois, évidemment. De l'hésitation ? Pour se répéter encore une fois. Il avait envie d'être aussi serein qu'Aqua. Il essayait, tentait de chasser ses pensées. Mais autant qu'il aimerait le faire, il n'y arrivait pas. L'acceptation était peut-être la meilleure stratégie. Un algorithme, pensa-t-il avec un sourire. N'importe-quoi. Si tout était aussi simple qu'un algorithme, tout aussi logique. Peut-être l'étais-ce, dans l'esprit de ces deux étrangers qu'il connaissait bien plus que bien de ses alliés du Sanctum.

« De tout mon cœur, j'espère que votre choix sera le plus juste. »

C'était plus net que de l'espérance mais plus clair que de l'aveugle déraison. Tout ne reposait pas sur le choix d'Aqua et ça il le savait bien. Il avait sa part du travail à accomplir, se disait-il, tendant le bras pour prendre la poignée de cette arme qui lui était tendue céans. Son cœur n'était peut-être pas le meilleur. Mais il devrait le présenter mieux que ça s'il pouvait espérer ne pas décevoir Aqua.

Maître Aqua.

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L’truc du Maître ? Encore mieux qu’un cachet, l’truc de médecine que donnent les docteurs au Jardin Radieux ! Pas que j’suis requinqué, mais j’suis plus trop en train d’osciller. Aussi ! L’mal de crâne à eu le temps de s’ancrer et c’est pas l’cadeau d’Aqua qui arrange la douleur.

Après les tambours de mon coeur, les cymbales dans mes oreilles. Au moins, j’comprends ce qu’elle raconte.

Et là, j’vous promets, j’ai eu l’souffle coupé. Elle était là pour prononcer ses mots et tendre la Keyblade à Fabrizio. Le moindre orifice capable d’aspirer de l’oxygène à arrêté de fonctionner le temps que l’gars réponde à la question. Alors, on peut s’moquer du panda éméché ! Sauf que lui, il a pris plus de temps pour répondre.

D’accord, je l’accorde, c’était autrement plus classe que c’que j’ai dit.

Ensuite, j’le vois prendre la garde et j’me reprends à respirer dans un soulagement. Pourquoi ? Pour la simple et bonne raison que Fabrizio va d’venir mon meilleur pote ! Un peu comme Ulthane, deux mètres et quatre-cents kilos de moins. Pas de marteau, aussi. À moins qu’il en cache un derrière lui ? Bref, c’pas la bonne question et la bonne réaction. Là ? Il est chaud pour s’joindre à nous et j’vais avoir un gars avec qui partager des pintes au sommet d’cette montage !

Ouch, ça Sonne creux dans ma tête et il y a les os qui m’rappel l’coup que j’me suis mangé.

Il est des notre !
Pas l’plus original et j’suis à deux doigts de sauter en dressant l’poing pour exprimer ma fierté. L’ton d’ma voix doit suffire pour qu’il comprenne que j’suis de tout coeur avec lui. Attends, j’vais pas m’contenter d’ça ! Une tape sur l’épaule et j’me colle à lui pour l’enlacer à la façon de deux frères !

Le bémol, c’est qu’il reste crisper avec une boule de poil qui vient d’le choper.

Pardon, c’est juste… Voilà ! C’est trop cool de t’avoir avec nous, maintenant.
Ensuite, regard en direction du maître et j’lui fait l’plus beau sourire qui m’est donné d’faire avec les piques de douleur qui s’pointe quand j’bouge le corps. C’est pas tout ça, mais je n’ai plus vingt ans. À la limite, j’ai envie d’lever le pouce et d’murmurer que c’est un excellent choix d’le prendre avec nous. Bon, elle est au courant, elle vient d’le faire ! Ce n’est pas pour rien.

Par contre, j’ai un truc qui m’brûle les lèvres et c’est pas les restes d’alcool sur les babines. Oh, ça attendra une autre fois. Aujourd’hui ? C’est la fête à Fabrizio !

Alors, tu t’sens comment. Hein ? On va casser du sans-coeur sans s’casser l’un l’autre, ou on décide maintenant de celui qui hérite de la couchette du haut.
Attends, j’vais probablement un peu vite en besogne et j’ai peut-être interrompu l’reste de la cérémonie avec mon affection intempestive.


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« Je n’en doute pas un seul instant. » répondit-elle à Fabrizio avec un sourire calme et chaleureux alors que sa main quittait la poignée de l’arme qu’elle lui tendait.

Aqua sentait encore dans son cœur le lien qui venait de s’établir entre eux lorsqu’il avait touché sa Keyblade. Lorsqu’elle lui avait transmis ce don. Si elle avait encore eu la moindre hésitation, cette sensation aurait suffi à la dissiper. Mais en vérité elle n’en avait plus eu aucune dès lors qu’elle avait décidé de procéder à la Cérémonie de la Transmission. Au fil de la journée son instinct l’avait guidée, son intuition s’était précisée, affinée, pour la mener à le désigner en tant que nouveau porteur… Au plus profond d’elle-même, elle savait qu’il en était digne. Elle était certaine de son choix. Et il l’avait accepté, il s’en était remis à elle avec humilité. Il ne lui en fallait pas d’avantage. Aqua considéra le jeune homme avec bienveillance, essayant d’un simple regard de le rassurer sur cette nouvelle voie qu’il avait décidé de suivre. Au fond de son esprit elle décelait un vague pressentiment, celui que leur rencontre devait être prédestinée. Combien y avait-il eu de chances pour qu’elle rencontre Chen au Jardin Radieux ? Et que tous deux croisent le chemin de Fabrizio ici, à la Contrée du Départ ? Non, décidément elle ne croyait pas à un hasard.

« Il est des nôtres ! »

La jeune femme manqua de sursauter en entendant l’intervention tonitruante de Chen ! Et elle ouvrit de grands yeux ronds en le voyant se jeter sur Fabrizio pour l’enlacer. Un court instant elle resta médusée face à ce débordement d’affection, à cet enthousiasme qui tranchait radicalement avec la formalité de la Cérémonie de la Transmission. Puis, une fois le choc passé, elle sentit un sourire poindre aux coins de ses lèvres. De sa main libre elle tenta vainement de le masquer alors qu’il s’élargissait. Elle ne put toutefois se contenir d’avantage. Aqua éclata d’un grand rire franc face à la joie communicative de Chen et à la réaction crispée de Fabrizio qui semblait minuscule dans les bras du panda. Quand ce dernier lui adressa un sourire ravi, elle le lui rendit en acquiesçant d’un hochement de tête comme pour approuver son euphorie. Elle était heureuse de le voir heureux, tout simplement.

D’un regard aussi fier qu’enjoué, Aqua regarda Chen accueillir parmi eux son nouvel élève. Un bref instant, elle sentit sa respiration se couper à cette pensée. Deux élèves ! Elle l’avait choisi, mais il lui semblait ne le réaliser que maintenant. Peu de temps auparavant elle ne faisait qu’envisager de former un jour un porteur de la Keyblade... Et voici qu’en quelques semaines elle se retrouvait avec deux successeurs dont elle allait devoir assurer l’apprentissage. Pour autant cette perspective ne l’effrayait pas, au contraire. Elle avait vu dans cette première journée de formation qu’il lui suffisait de laisser leur curiosité les guider, et de la réajuster sur la bonne voie au besoin. Elle se sentait fin prête à embrasser tous les aspects de son titre de Maître. Et elle était impatiente de découvrir les liens qu’ils allaient tisser. La jeune femme eut un sourire. Peut-être que d’ici quelques années, au fil des entraînements, Chen et Fabrizio apprendraient à se considérer comme des frères, tout comme elle considérait Terra et Ven comme les siens.

Elle avait hâte de découvrir cet avenir.

« Nous allons avoir beaucoup à faire. » déclara-t-elle d’une voix réjouie. « Mais nous reprendrons demain. » Le soleil commençait à décliner derrière les montagnes. Cela suffisait pour aujourd’hui. « Oh, et… » elle marqua une petite pause, un air amusé s’affichant sur son visage tandis qu’elle adressait à Chen un regard complice « Inutile de vous battre pour la couchette du haut, vous aurez une chambre chacun. » Il y avait après tout bien assez de place dans le manoir, même en comptant les pièces déjà occupées. Il fallait d’ailleurs qu’elle le leur fasse visiter ! A moins qu’elle ne les laisse dans un premier temps prendre un peu de repos pendant qu’elle préparait leurs chambres ? Aqua décida de repousser cette question à plus tard, ils auraient le temps de se décider sur le chemin du retour.

Avant de tourner les talons, son regard passa successivement de Chen à Fabrizio. Elle pensa, avec amusement, que c’était un bien curieux trio qu’ils formaient. Un membre de l’État-major de la Lumière, un porte-parole du Consulat à intermittence et un guerrier du Sanctum... Aqua baissa les yeux jusqu’à fixer l’arme qu’elle tenait toujours en main, et un sourire serein se dessina sur ses lèvres alors qu’elle prenait conscience de ce qu’ils étaient réellement. Dans ce monde loin des groupes et des conflits, ils n’étaient pas des représentants de leurs factions.

Ils étaient des porteurs de la Keyblade.

Dans un éclat de lumière, la jeune femme fit disparaître son arme et quitta d’un pas léger le terrain d’entraînement.


Dernière édition par Maître Aqua le Jeu 28 Fév 2019 - 15:15, édité 1 fois
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Décontenancé, il regardait Aqua partir. Chen l'avait lâché depuis quelques secondes ; et il regrettait de n'avoir partagé cette... accolade, que par une surprise non feinte mais peu réactive. Alors que la surprise laissait place à quelque chose d'autre, quelque chose qu'il ne savait pas s'il comprenait. Peut-être que oui. Honnêtement, il était perdu, il n'en savait rien. Fabri regardait donc la jeune femme partir. Là, il ne venait de nulle part et n'allait pas ailleurs qu'ici. Il était là, soleil couchant, brise qui ramenait des odeurs de fin d'hiver. Il était comme inconscient du monde.

Des mondes.

Quelque part, les prêtresses offraient du lait et du miel aux champs pour assurer une bonne récolte. Dans ce monde qu'il avait eu du mal à considérer comme le sien. Cela lui semblait déjà si lointain.

« J'y crois pas, Chen... »

De tout ce qu'il aurait pu dire, il avait dit ça. D'un air aussi neutre que possible. Les épaules tombantes, comme s'il venait de soupirer. Mais il sentait en lui monter une joie indescriptible. Et aussi un amusement bien marqué pour cette magnifique blague qu'il était probablement le seul à comprendre. Oh, lui, il n'y croyait pas. C'était bien une première, et une des plus magnifiques.

Il ne croyait pas à toutes les choses qui avaient rendu cet événement possible. Croiser Chen, déjà. Suivra un ordre du Primarque, aller sur un monde qu'il ne connaissait pas du tout – sans compter l'unique fois où il y avait été – et là encore, est-ce que c'était un signe !? Maintenant il était prêt à tout croire et il avait un besoin subit désormais d'aller demander à maître Aqua ce qu'elle en pensait. Mais qu'est-ce qu'il avait fallu pour que tous ces chemins se croisent là, maintenant et ici de surcroit !? Ce n'était plus de la chance ; il n'étaient pas chanceux. Il ne croyait pas non plus au destin. C'était bien plus compliqué que ça. Il croyait.... pas, il n'y croyait pas, oui déjà d'une.

Etro était là, quelque part. Dans l'air qu'il respirait et les plantes qui renaissaient. Dans lui, dans Chen et Aqua aussi. Dans leurs yeux, leur âme. Grande tisseuse de vies, de hasards impénétrables. Peut-être l'avait-elle souhaité, ce qui n'en faisait pas du hasard en définitive. Peut-être avait-elle juste placé quelques pièces il y a quelques années, attendant avec curiosité ce qu'il se passerait. Ces pièces, conscientes ou non de Sa présence découvraient désormais et là, serais-ce le destin ? Non.

Il pensait à tout ça, mais c'était lointain. Tout ça. Tout se faisait discret, pour un instant il ne pensait même pas à s'admonester, à s'insulter d'irresponsabilité. Il était décuvert, sa mission tombait à l'eau. Il n'en attendait vraiment rien, de cette mission. Certaines choses arrivaient sans frapper.

Ou elles frappaient d'une autre manière, en l’occurrence, celle d'un ours bicolore ivre avec une épée scintillante en plante et d'une magicienne aux cheveux bleus qui lui donnait un pouvoir dont il n'avait qu'à peine conscience de la profondeur jusqu'à maintenant.

La Keyblade.

Qu'est-ce que c'était, pour lui ?

« J'y crois pas Chen ! »
Il ne songea pas plus avant de se jeter sur le consul comme un gosse à Noël, s'accrochant à lui. Il avait raté une première accolade alors n'avait plus le droit à l'erreur désormais !
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Ahaha ! Au moins, il n’a pas été perturbé par mon élan de gentillesse. Par contre, j’vais pas vous mentir et vous dire la vérité vraie de cette nouvelle accolade.

C’est qu’il ne manque pas d’biceps, le bon Fabrizio !

Déjà que c’est bras se sert autour de moi qu’il y a une lumière qui tend vers le rouge, celle de la douleur que j’ressens sous l’craquement de mes os. Là, j’suis pas loin de vendre ma Keyblade pour cinq minutes d’alcoolisme supplémentaires afin d’éviter la douleur de notre bagarre au sommet de la cour de récréation.

Mon gars, c’est que l’début ! Il nous reste encore tant à apprendre et à découvrir…
Oh, j’crois que c’est l’alcool qui parle encore à ma place. Il n’y avait pas moyen que j’raconte quelque chose de plus horrible. Donc ? Sourire crispé et j’tape doucement son épaule.

Aussi, j’ai une p’tite surprise pour terminer la cérémonie
Un bon brasseur ne se contente jamais d’un seul tonnelet ! Et puis, on est jamais à l’abri de quelque chose à fêter. Bon, j’espère quand même qu’il n’y aura pas trop de festivité parce que j’suis pas venu avec un alambic. Et puis, il me faudrait plus d’un mois pour faire quelque chose à boire. Oh, ça m’donne une idée du tonnerre.

Une cuvée spéciale depuis le coeur même du lieu ayant vu naître les porteurs de la Keyblade !

Attends, deux minutes, nous sommes au sommet d’une montagne et il y a un bête de manoir. Donc, il doit y avoir une source d’eau. Avec de la chance, j’suis déjà avec quelque chose de frais ! De plus, il y a moyen de trouver des herbes un peu rare pour pimenter le goût du liquide. Avec ça ? Purée, j’dois poser la question à Aqua. Il doit y avoir un verger ou quelque chose du style. En plus, j’vais avoir ma propre pièce dans l’endroit.

La semaine prochaine, j’reviens ici avec mon propre alambic ou avec une cuve et j’commence la cuvée des moines de la montagne. Bon, la seule difficulté, c’est d’faire passer l’idée à mon maître. Opération pour demain, être le meilleur des élèves et oublier d’faire des erreurs. Il me reste plus qu’à espérer que ce mal de crâne ne soit plus dans ma caboche, à moins que…

Une bonne rasade ! Et j’te jure, c’est bien meilleur que votre vin de messe, certifier par le brasseur.
Avec ça, c’est lui qui aura le mal de crâne et qui va avoir du mal pour le lendemain ! Mon plan est parfait ! Donc, la p’tite bouteille en verre avec le bouchon noir dans la main de Fabrizio. Et la semaine prochaine, la Contrée du Départ se retrouvera avec une bière exclusive !


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« Voilà… » Légèrement penchée en avant, un air concentré sur le visage, Aqua accrocha consciencieusement un petit emblème à la ceinture de Chen. Elle le plaça sur la boucle de la sacoche qu’il portait, un endroit où cet ornement discret demeurerait bien en vue, d’autant qu’il lui semblait qu’elle ne quittait jamais le Consul. La Maîtresse de la Keyblade se redressa et se tourna vers Fabrizio. Elle l’observa quelques instants, songeuse, puis fit un pas dans sa direction avant d’accrocher le même emblème au niveau de son cœur. « Et voilà ! » fit-elle avant de reculer pour avoir une vue d’ensemble afin de mieux juger de son œuvre. Son regard passa de l’un à l’autre, rivé sur ces symboles identiques qu’elle venait de leur donner. Celui qu’elle-même portait au croisement des lanières qui ceinturaient sa poitrine, une forme dont le sommet évoquait un cœur et qui se terminait en trois pointes. Elle leur adressa un sourire réjoui, satisfaite de la fière allure qu’il leur conférait. Il leur allait comme un gant !

La jeune femme les laissa ensuite reprendre leur souffle. Ils venaient d’arriver tous les trois au terrain d’entraînement. Une nouvelle journée commençait, qui s’annonçait chargée… Mais elle n’avait pas voulu commencer tout de suite. Ils devaient être encore sous le coup de la pénible ascension. Aussi avait-elle choisi ce préambule, à la fois pour honorer les traditions de l’Ordre mais aussi pour lui permettre de leur fournir de nouvelles explications.

« Cet insigne est le symbole des porteurs de la Keyblade. » exposa-t-elle d’une voix calme en effleurant du bout des doigts celui qu’elle arborait. « Il est également appelé Symbole de Maîtrise. » Aqua marqua une courte pause, croisant tour à tour leurs regards avant de continuer sérieusement. « Au terme de son apprentissage, chaque porteur de la Keyblade est soumis à un examen au cours duquel il doit faire preuve du Symbole de Maîtrise. Ensuite, et seulement ensuite, vous serez en mesure d’obtenir le titre de Maître de la Keyblade. » Ses intonations s’étaient faites plus graves, comme pour souligner l’importance de cet enjeu qui constituait leur avenir.

Devenir un Maître de la Keyblade était ce qui l’avait animée lors de son apprentissage, ce qui avait aussi animé Terra et Ven. Ce devait être leur objectif également.

Alors qu’elle les regardait, visiblement encore fatigués de leur affrontement de la veille et de la marche jusqu’au terrain d’entraînement, son visage se radoucit. Aqua lâcha un léger rire. « Évidemment, nous en sommes encore loin ! » Même s’ils avaient déjà leurs forces, même s’ils portaient maintenant l’emblème de l’Ordre, ils demeuraient des apprentis faisant tout juste leurs premiers pas. Cela demanderait beaucoup de temps, « Mais n’oubliez pas qu’un jour vous serez des Maîtres de la Keyblade... » leur dit-elle avec un regard bienveillant.

La jeune femme fit quelques pas sur le terrain, faisant machinalement apparaître son arme au creux de sa main. Il allait être temps de commencer. Elle s’éclaircit la gorge avant de se retourner vers ses deux élèves.

« Il y a certaines techniques que je pourrais vous enseigner lorsque vous serez prêts. » Elle pensait évidemment à l’utilisation du planeur Keyblade, mais également à toutes les formes que leurs clés pouvaient adopter. « Tandis que d’autres pouvoirs s’éveilleront d’eux-mêmes avec le temps. » Du bout du doigt elle pointa le fragment d’armure sur son bras. « Comme celui-ci. » Alors qu’elle s’apprêtait à poursuivre, Aqua s’interrompit face à une réalisation subite. Elle avait oublié un léger détail ! Si Chen l’avait déjà vu utiliser son armure, Fabrizio ignorait totalement de quoi il retournait. Aussi, elle reprit à destination du jeune homme « Ceci, Fabrizio, est une armure propre à chaque porteur. Elle nous protège des ténèbres et nous permet de voyager sans danger dans les entrechemins. » Suite à cet aparté, la Maîtresse de la Keyblade resta un instant perdue, essayant tant bien que mal de rassembler le fil de ses pensées. Où en était-elle… ? Ah, oui ! « Dans les deux cas, cela demandera de l’investissement. Et beaucoup d’entraînement. »

Sur ces mots, elle prit sa Keyblade à deux mains et concentra sa magie, faisant scintiller la pointe de son arme avant de faire apparaître une nouvelle fois sur le terrain des orbes de lumière. Il y en avait cinq cette fois, et leurs mouvements étaient légèrement plus rapides que ceux de la veille. Voilà qui corserait légèrement l’exercice, mais Chen s’en était plutôt bien sorti jusqu’ici. Et la répétition lui permettrait de s’améliorer encore. Aqua le regarda et, d’un petit signe de tête et d’un sourire encourageant, l’incita à se mettre à l’ouvrage avant de s’éloigner. Même si elle garderait un œil sur lui, il allait devoir en grande partie se débrouiller seul puisque aujourd’hui il lui faudrait se concentrer d’avantage sur Fabrizio.

Aqua vint se placer face au jeune homme, lui adressant un sourire rassurant. « Assieds-toi, je t’en prie. » fit-elle avant de l’imiter, s’installant genoux à terre et posant sa Keyblade au sol. « J’espère que tu as bien dormi. » commenta-t-elle sans se départir de son sourire. Avait-il fait des rêves ? Parfois, le don de la Keyblade s’exprimait par ce biais avant de se manifester physiquement… « Avant de commencer ton entraînement… » reprit-elle d’une voix douce « Tu vas devoir apprendre à faire apparaître ta Keyblade. » Elle hocha la tête, pensive, avant de dire d’une voix plus lointaine « Cela prendra peut-être du temps… » Son regard se fixa de nouveau sur lui et son sourire s’élargit. « Mais tu y arriveras. »

La Maîtresse de la Keyblade ferma les yeux et prit une grande inspiration. « Respire. » lui intima-t-elle dans un souffle comme elle l’avait fait la veille. « Respire profondément... » Elle laissa s’écouler de longues secondes pour que Fabrizio l’imite, pour qu’il retrouve cet état dans lequel il avait déjà plongé. Elle laissa ses sens dériver, portés paisiblement par la lumière qui l’habitait. Elle sentait sans la voir la présence de son élève face à elle. Elle sentait également qu’elle n’était plus tout à fait la même qu’hier. En lui, il y avait désormais le pouvoir de la Keyblade. « Quelque chose de nouveau s’éveille dans ton cœur. Le ressens-tu Fabrizio... ? » Doucement, sans ouvrir les yeux, Aqua tendit sa main devant elle. « Concentre-toi... » Et, alors qu’elle se concentrait sur cette sensation dans son propre cœur, sa Keyblade disparut du sol pour réapparaître dans la paume de sa main.

Suite à cette démonstration, elle rouvrit les yeux pour regarder le jeune homme. Il n’y arriverait évidemment pas aussi facilement. Il lui faudrait chercher ce pouvoir en lui, le découvrir, l’effleurer à plusieurs reprises avant de finalement pouvoir s’en saisir et l’utiliser à sa guise. Mais il y arriverait.

Tout n’était qu’une question de temps.
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C'était en ces moments particuliers qu'il semblait avoir deux voix dans sa tête. Pas deux voix distinctes, de deux 'personnes' différentes. Plutôt deux fils de pensée parfaitement indépendants l'un de l'autre. Fabri pouvait les entendre nettement, particulièrement après que Aqua lui eut demandé de se concentrer. Comme un fait exprès.

C'était un fait exprès, il allait devenir fou.

« Quelque chose de nouveau, genre... en bien ou en mal ? C'est quelque chose de précis ou... de plus... nébuleux, je sais pas ? » demanda-t-il à voix basse.

Une indication, un conseil, une antisèche.

N'importe quoi.

Elle avait dit que ça pouvait prendre du temps. Elle avait dit qu'il y aurait besoin d'entraînement.

« Aqua... qu'est-ce qui arrive si j'y arrive pas ? » Et là encore, il parlait comme s'il avait peur qu'Etro l'entende. Ou même Chen, qui était un peu plus proche.

Mais là, il était face à un mur. Il n'était même pas capable de se taire deux secondes. Pas lui-même, non. Là il ne disait rien. Mais intérieurement. Il avait toujours besoin de faire quelque chose, de penser à quelque chose. Il y avait des moments où ce n'était pas nécessaire, évidemment. Où il tombait dans un marasme et où bouger même lui demandait une détermination de la taille d'une montagne. Aucun équilibre n'existait entre les deux. Il était tiré ou se tirait au travers de la vie dans un déséquilibre permanent qui lui apparaissait désormais. Sans aucun équilibre, fait de hauts et de bas.

Il y avait des mots pour tout ça, autrement que de dire qu'il était fou à lier bien évidement. Il les avait tous trouvés, quasiment, durant la nuit plutôt que de dormir. Pourquoi dormir, alors qu'il possédait désormais une Keyblade ? Métaphorique, certes. Il ne l'avait jamais vue et la faire apparaître était un défi qu'il n'arrivait même pas encore à concevoir. Aqua lui montrait tout ça comme si c'était quelque chose qu'elle avait réussi à six ans.

Peut-être qu'elle l'avait réussi à six ans. Et lui, il était là, plus de quinze ans de plus et pas possible de le faire. Il était peut-être juste trop con ? Aqua, Chen, ils partageaient une sagacité qu'il n'avait pas. Comme eux, il avait un cœur qui fonctionnait. Qui supportait tout assez vaillamment sans lui faire défaut. Il battait inlassablement. Coup après coup dans un rythme placide, alors qu'il ne se battait pas. Là, juste sous l'insigne que Maître Aqua venait d'accrocher à sa poitrine. Peut-être qu'elle avait eu tort, en fait, que son cœur était pourri comme une vieille poire et que la Keyblade, il pouvait se la mettre où il pensait.

Il observait Chen, qui se battait avec sa Keyblade contre les orbes de la veille. Il aurait du lui demander. Des conseils, vraiment.
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La main d’Aqua vint se poser sur l’épaule de Fabrizio alors qu’elle se penchait légèrement dans sa direction. Doucement elle la serra et attendit qu’il relève la tête. Quand enfin leurs regards se croisèrent, elle lui adressa un sourire bienveillant.

« Tu y arriveras. » lui assura-t-elle une nouvelle fois d’une voix douce et rassurante, emplie d’une sereine certitude.

Il y avait eu quelque chose dans ses mots prononcés à voix basse lorsqu’il lui avait posé sa dernière question. Du doute, de la crainte, comme s’il avait peur de ne pas y arriver. La Maîtresse de la Keyblade espérait pouvoir chasser ses incertitudes. Elle, elle ne doutait pas un seul instant de lui. Elle avait l’intime conviction qu’il y parviendrait, elle était certaine que son intuition avait vu juste en lui transmettant ce pouvoir. Elle le ressentait, au plus profond de son cœur. Aussi voulait-elle lui transmettre cette confiance. Une image s’imposa dans l’esprit d’Aqua. Alors qu’ils n’en étaient qu’aux prémices de sa formation, le jeune homme semblait déjà appréhender l’avenir. Elle avait l’impression de se tenir à ses côtés au début de ce chemin qu’ils allaient arpenter ensemble, qu’ils le contemplaient tous deux sans savoir jusqu’où il les mènerait. Et Fabrizio semblait hésiter à s’y engager, comme un enfant qui n’oserait pas faire ses premiers pas. Alors elle s’imaginait lui tendre la main, l’inciter à la suivre. C’était à elle de le guider sur ce chemin, de lui faire comprendre qu’il pouvait s’y aventurer sans craintes.

« Je crois en toi. » lui dit-elle en resserrant doucement sa prise sur son épaule. Puis sa main glissa lentement et elle alla tapoter du bout du doigt son torse, là où elle avait placé l’emblème du Symbole de Maîtrise. « Je crois en ton cœur. » Aqua pencha légèrement la tête sur le côté et son sourire s’intensifia alors que son regard brillait de cette confiance sans faille qu’elle lui accordait. « Toi aussi tu dois y croire Fabrizio. » conclut-elle avec dans la voix une pointe d’optimisme amusé.

La jeune femme jeta rapidement un coup d’œil à Chen. Il semblait s’en sortir pour l’instant, ce qui allait lui permettre de continuer de se consacrer à son nouvel élève. Aqua demeura songeuse quelques instants, réfléchissant aux questions qu’il lui avait posé sur ce qu’il devait découvrir en lui. Elle regarda sa propre Keyblade posée au sol, comme pour y chercher la réponse. Comment définir ce lien ? Il était si ancré en elle, si naturel, qu’elle avait du mal à l’expliquer. Bénéfique, précis ou nébuleux, aucun de ces termes ne lui semblait convenir pour l’exprimer. Ce n’était pas quelque chose qui s’exprimait avec des mots. Des mots auxquels Fabrizio semblait trop se raccrocher au lieu de suivre son cœur. Un sourire en coin se dessina sur les lèvres d’Aqua alors qu’il lui semblait comprendre ce qui se passait dans la tête du jeune homme. Il cherchait, réfléchissait, s’inquiétait quand tout ce qu’il lui fallait faire était de se laisser porter, d’accepter de lâcher prise. Elle savait comment l’orienter.

« Unique. » finit-elle par lâcher d’une voix absente. Elle reporta son attention sur lui et reprit d’une voix plus affirmée « C’est quelque chose d’unique. » Son sourire s’élargit pour se faire amusé face à la réaction du jeune homme. La Maîtresse de la Keyblade laissa échapper un petit rire clair. De toute évidence, il s’était attendu à une réponse moins mystérieuse ! Son visage se radoucit. Il comprendrait, en temps et en heure. « Ne t’inquiètes pas. » lui dit-elle d’une voix chaleureuse « Quand tu le trouveras, tu le sauras. »

Mais pour cela il devait se débarrasser de ses préoccupations, comprendre qu’il lui faudrait du temps pour faire apparaître sa Keyblade. Qu’il lui fallait suivre son cœur.

« Ferme les yeux. » lui intima-t-elle doucement tout en faisant de même. Aqua inspira et expira longuement. « Vide ton esprit… » Elle laissa ses pensées s’égarer jusqu’à ce qu’elles se fassent lointaines. Jusqu’à ce qu’il ne reste plus que la lumière qu’il y avait au plus profond d’elle. « Écoute ton cœur… » Elle s’entendait parler, mais déjà ses propres mots s’estompaient pour la laisser dans cet état d’absence qui lui permettait d’entrer en harmonie avec son cœur. Celui que Fabrizio devait atteindre également pour découvrir le don qui s’éveillait en lui.

« Ressens. » souffla-t-elle.
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Ce n'était même plus qu'il avait envie de la croire. Il ne se posait même plus la question en réalité ; la voix d'Aqua semblait ne pas pouvoir mentir.

« Est-ce que c'est un truc de maître de parler par énigmes où ça t'es venu comme ça ? »
demanda-t-il. C'était con. « Pardon. »

Fabrizio se demanda si le vouvoiement était devenu de mise, maintenant que la relation avait évolué de 'bonjour je viens espionner chez vous' au très sobre 'maître et élève'.

Mais avant qu'il ne puisse se demander clairement le pourquoi du comment de la chose, comme il l'aurait fait habituellement, il sentait la voix d'Aqua se faire de plus en plus lointaine. Lentement, son esprit se faisait plus clair, seconde après seconde. Même s'il n'avait pas conscience du temps, il sentait les battements de son cœur s’égrainer comme les grains de sable dans un sablier. Comme le soleil qui parcourait le ciel. Il avait conscience de la présence d'Aqua à ses côtés. Maître Aqua, plus justement. De celle de Chen, aussi, un peu plus éloignée. Mais leurs deux présences semblaient frémir, se ternir comme si une plaque de verre les séparait désormais.

C'était un combat, du genre de ceux qu'il pouvait avoir en s'endormant. Un combat contre la pensée, contre ses nerfs qui ne se calmaient pas comme si un ennemi était tapi dans l'ombre, prêt à venir l'égorger. Il devait se le répéter, que rien n'arriverait. Le vent le ramenait au présent, et il devait aussi composer avec. Comme si chaque sensation voulait le ramener à la surface, le tirer de ce songe qu'il cherchait presque avidement.

Il composait avec, chaque coup de vent, chaque bruit, il le laissait passer. L'action de forcer son esprit au silence devient plus natuelle ; moins forcée. Comme un repos bien mérité plutôt qu'un musèlement sommaire le temps d'écouer une consigne, de comprendre quelque chose. Comme si ces rares moments de calme qui lui arrivaient parfois devenaient accessibles, des moments d'éternité ou le temps se dilatait, se distendait. De la poussière dans le rayon de lumière d'une fenêtre entrouverte. Tournoyant au gré d'un vent si fait qu'il ne se sentait pas.

Le contraste des nuages par une journée agitée.

Les flots noirs d'encre de la Seine au cœur de la nuit, les nuées d'étoiles éclairant le ciel.

Il ne voyait plus le soleil ; ses songes étaient obscurs, mais une douce chaleur les enveloppait. Il tombait dans une rivière faite d'étoiles. Son cœur ne s'agitait pas, gardait un rythme d'une constance sereine. Mais il le ressentait au plus profond de lui ; ce sentiment qui confinait à la plénitude.

Les fleurs séchées entre deux pages d'un livre ; il ressentait son cœur s'ouvrir comme un bourgeon. Lentement, timidement. Son cœur n'était pas mort, jamais il ne l'avait été. Pas lavé de tout péché, simplement existant malgré les tumultes. Comme un navire sur une rivière. Battu par les flots, ne sombrant pas.

Sa main droite était entrouverte, paume vers le ciel. Mais il n'y avait ni ciel ni terre dans ce songe dans lequel il était plongé, comment pouvait-il savoir ? Il était simplement à l'écoute d'un instinct qui était plus fort que lui. Il était si simple de le suivre. Comme la voix d'Aqua, il suivait les directives muettes. Il tendit l'autre main ; comme avec une certitude.

Les coups d'une épée d'entraînement contre un bouclier raisonnant ses oreilles, ne faisant qu'un avec son cœur. Les vibrations dans son bras, montant dans son épaule alors qu'il paraît les frappes. Il n'y avait qu'une lame, pas de bouclier. Mais il la soutenait de deux mains comme s'il se fut agi de ces deux armes auxquelles il était familier.

Le poids au creux de ses mains le rassura, et là enfin il sut qu'il pouvait rouvrir les yeux. Mais rien ne pressait. Pendant un instant encore il resta dans cet entre-monde dont il ne savait rien mais qu'il ne cherchait à comprendre. La plénitude l'assaillait. Chaque chose en son temps ; encore quelques instants.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, la lumière l'assaillit. Dans ses mains, une arme qu'il n'avait jamais vue mais qui lui semblait familière comme s'il avait rêvée. La large poignée nécessitait en effet deux mains pour être tenue mais pour l'instant, seule sa main droite la soutenait alors que sa main gauche restait sous la lame. Des entrelacs de motifs métalliques, au bout de la poignée ;une chaîne, du bout de laquelle pendait un médaillon de métal. Un bouclier scintillant.

Il n'osa rien dire, ne regarda pas Aqua directement. Resta silencieux.

Son cœur, lui, explosait.    
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De longues heures s’étaient écoulées depuis la dernière prise de parole de Fabrizio. Désormais ses yeux étaient fermés, sa respiration régulière, ses traits paisibles. S’il n’avait pas été assis il aurait pu sembler endormi. Aqua se contentait de le regarder silencieusement pour ne pas le troubler. Il avait réussi à se défaire de ses pensées, à plonger dans son cœur pour l’écouter comme elle le lui avait dit. La jeune femme se demandait ce qu’il était en train d’y découvrir. Elle était cependant certaine qu’il était sur la bonne voie. Tout au fond il y trouverait le pouvoir de la Keyblade, peu importait le temps que cela prendrait. Il fallait le lui laisser, ce temps, faire preuve de patience.

Alors elle attendait. Parfois elle quittait son nouvel élève du regard pour observer Chen. A d’autres moments elle fermait les yeux, prenait de longues inspirations, et se laissait porter par cet instant de calme, faisant le vide dans son esprit, flottant dans un état méditatif. Le soleil était maintenant bien haut dans le ciel et elle sentait ses rayons venir caresser agréablement son visage, tout comme la brise légère. Elle se contentait de ressentir, de vivre l’instant en faisant abstraction des bruits de l’entraînement de Chen. Soudain il y eut un son familier, proche d’elle. Un son qu’elle aurait reconnu entre mille et qui ne pouvait signifier qu’une chose.

Aqua ouvrit les yeux doucement.

Les paupières de Fabrizio étaient encore closes. Son regard descendit lentement jusqu’aux mains du jeune homme et un air émerveillé illumina son visage. Il y était parvenu ! Là, entre ses doigts, une Keyblade avait fait son apparition. Aqua observa longuement la forme particulière de cette arme. Elle était étonnamment imposante, plus longue que la sienne ou celle de Chen de plusieurs centimètres. La poignée également était massive permettant à deux mains de la soutenir. Voilà qui était surprenant ! La jeune femme n’en avait jamais vu de pareilles. Tous les porteurs de la clé qu’elle avait pu rencontrer maniaient leur Keyblade d’une main, elle ne pensait pas qu’il pouvait en exister d’autres types. Décidément Fabrizio lui réservait de nombreuses surprises ! Ainsi donc, c’était cette forme qui était le reflet de son cœur… Tout cela promettait d’être intéressant ! Un léger sourire se dessina au coin de ses lèvres alors qu’elle réalisait que, malgré son titre de Maître, il lui restait encore beaucoup à apprendre et à découvrir.

Fabrizio rouvrit les yeux mais ne la regarda pas tout de suite, observant la Keyblade qui reposait au creux de sa main. Elle demeura silencieuse également, lui laissant le temps de réaliser ce qu’il venait de réussir à faire. Lorsque enfin son visage se releva vers le sien, Aqua lui adressa un regard empli de bienveillance, de fierté. Elle n’avait pas besoin de la voir pour savoir exactement quelle était l’expression sur son visage. C’était la même que celle que Maître Eraqus leur adressait souvent, qui venait adoucir ses traits sévères quand il constatait leurs progrès. Oh, comme elle le comprenait maintenant. Comme elle savait ce qu’il avait dû ressentir en voyant ses élèves s’améliorer pas après pas, grandir jusqu’à devenir de véritables porteurs de la Keyblade. Une douce chaleur éclaira son cœur. Chen et Fabrizio, eux aussi allaient devenir grands. Et elle se réjouissait d’avance de savoir qu’elle aurait de nombreuses occasions de leur adresser ce même regard.

« Tu vois… » finit-elle par dire d’une voix légère, rompant le silence qui s’était installé entre eux. Un sourire amusé apparut sur ses lèvres alors qu’elle repensait aux doutes qui l’avaient habité plus tôt, qui n’avaient jamais eu de raison d’être. « Tu y es arrivé ! »

Son sourire s’intensifia. Il avait réussi et cela ne lui avait demandé que quelques heures, ce qui constituait en soi un véritable exploit. Faire apparaître sa Keyblade aurait pu lui demander plusieurs jours d’entraînement, pourtant elle était bel et bien entre ses doigts. Son cœur devait en être véritablement digne pour qu’il y parvienne aussi vite, pensa-t-elle. En moins d’une journée, Fabrizio venait de faire une avancée considérable. C’était très bien ! Ainsi, lors des prochains jours il pourrait pratiquer de nouveaux exercices aux côtés de Chen. A cette pensée Aqua se releva brusquement. Chen ! Il ne devait pas rater ce moment ! Il ne serait que trop heureux de constater le succès de Fabrizio !

« Chen ! » cria-t-elle pleine d’entrain tout en faisant un signe de la main pour l’interpeller « Viens voir ! »
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Allons bon. Aujourd’hui ?! L’grand panda et sa gueule de bois contre les orbes de Lumière.

Deuxième round.

Pas d’surprise, j’ai bien compris qu’aujourd’hui serait pas ma journée. Parce que, d’une, j’ai mal au bras et mal la tête. Et que de deux ? Il faut bien qu’on s’occupe du gamin ! Enfin, qu’le maître s’occupe du gamin. Moi, j’dois faire c’que j’dois faire.

Ressentir.

Alors, j’peux te l’dire ! J’vais en ressentir des choses en ce jour. Et j’vais pas tirer au flanc.

Bien, bien bien.

L’patron et l’collègue dans l’fond, j’me concentre. Cinq boules de Lumière rien qu’pour moi et ma keyblade. Hop, d’un coup, j’la fait v’nir et elle est déjà dans la position d’la veille. C’est à dire ? La tige le long d’mon avant-bras et l’panneton qui prolonge la pointe de mon coude. Attends, qu’est-ce qu’elle avait dit, Aqua ? M’laisser guider et arrêter d’chercher à tout contrôler.

Un gros soupir, j’me relâche et c’est partie ! Ah, non. D’abord, le bandeau sur les yeux. Là ! C’est vraiment partie !

Bon, j’vais pas m’étaler sur les détails, mais on va dire que l’échauffement était plus long prévu. Il a fallut quarante-huit coups d’lumière dans les fesses pour que j’commence vraiment à réfléchir. Ou plutôt à ressentir. Enfin, on s’comprend ! J’ai pas mal ressentit les décharge. Sauf qu’aujourd’hui, j’dois être d’un calme olympien et pas r’commencer à m’énerver.

Donc,lentement mais sûrement, j’commence à laisser ma grosse paluche avec la keyblade guider mes mouvements et pas l’inverse. Surtout que, j’peux pas frapper comme un sourd le même endroit, elles tournaient toujours d’une façon différente et v’là le schéma qui s’dessine au bout de deux heures.

Un pas d’côté, une torsade, un coup d’keyblade pour renvoyer la première boule et reculer afin d’donner un coup large pour la seconde attaque. Souvent, la troisième cible s’ramenait dans dos ! Bien entendu, dès que j’prend le mouvement comme acquis, elle vient donner un coup d’jus sur l’museau. Du coup ? On r ‘commence.

Devant, derrière, sur l’côté, j’laisse l’énergie s’dessiner autour de moi et j’capte la quatrième attaque.

Après, j’vous raconte ça, on dirait que c’est l’meilleur moment de ma vie ! Alors que, non, pas trop. S’il y avait un journaliste de l’Eclaireur pas loin ? Ce serait juste un panda qui joue au flipper avec des boules de lumière, avec un cri, approximativement toute les deux minutes. En attendant, il y a une grande nouvelle !

J’me suis pas énervé inutilement.

Les moines des steppes n’avaient qu’à bien s’tenir, j’suis aussi imperturbable que l’vent qui souffle au sommet des montagnes de ce monde. Enfin, qu’j’suis pas comme un idiot à mouliner dans l’vent. Bref. L’plus important est que, au bout d’la troisième heure d’entraînement et une pause bien mérité, j’parvenais à tenir tête à quatre boules sur cinq ! Et ça, sans échec entre temps.

Alors, j’vais dire que pour la forme ? C’est l’troisième round entre moi et les boules.

Et du coup, j’suis plutôt confiant.

Là, j’me craque les phalanges et j’roule les épaules. Il est question d’enchaîner les cinq boules et sans interruption. Bon, si ça continue, j’vais pas parvenir a y arriver avant qu’Fabrizio découvre sa keyblade.

Bon, j’ai quand même eu b’soin d’un an pour la faire apparaître. Ainsi qu’une expérience de mort imminente de sans-coeur. Donc, ça va, j’suis large.

Alors, on s’prépare.

Présence dans l’dos ?! Hop, un coup et j’évite le coup ! J’ressens, elles viennent à deux, cette fois. D’quoi m’rouler en boule et les esquiver d’un p’tit et frapper avec l’ascendant ! C’est qui l’papa ! Attention, j’vais m’emporter. La dernière boule tourne autour d’moi, j’le sens et fonce ! Ma patte glisse sur le sol alors que j’entame plus grand mouvement pour l’rendre pareil à un ballon d’basket ! Et là, c’est la débâcle. Il me restait la dernière qui m’pique les fesses.

Bon, on balance un nouvel essai !

Schéma différent, mais j’vais balancer la sauce. Un, deux, trois et quatre… Rah !!!

Bon, on balance un tout nouvel essai !

Schéma différent, mais j’vais pas m’laisser avoir ! Un, deux, tro… Rah !!!

Bon, il faut pas être pressé !

Schéma différent, mais j’suis pas en sucre ! Un, deux et… Rah !!!

Bon, c’est l’moment ou jamais !

Mince, j’ai trébuché.

Bon, j’vais recommencer à ressentir et… Maintenant !

Schéma inédit. Un coup d’face et j’le gère. Il passe dans mon dos à trois ? Boum, j’fais la touper et j’laisse ma fidèle keyblade les repousser ! Et là, j’le ressens. La cinquième boule, qui est bien plus rapide, commence sa course et vient pour m’attaquer par le flanc !

L’bruit d’la keyblade qui s’ramène par miracle.

Et voici une victoire du panda qui s’élance vers les cieux ! Hop, j’vais balancer l’arme et j’la rattrape dans une pose digne des danseuses du Moulin Rouge.

Yeah !

Dans la folie du moment, j’enlève le bandeau et j’regarde les boules qui s’en vont. Ouais. V’là que l’exercice est terminé ? C’est pas plus mal, j’peux bien vous avouez que la fatigue prenait du terrain. Mais c’est pas ça, la raison. Derrière moi ? Fabrizio à dégainer sa keyblade ! Bon, il a été plutôt rapide et j’vais taire l’épisode sur le temps que j’ai pris à la faire apparaître.

Ah, on m’appel d’ailleurs !

Du coup, j’avance dandinant et pesant pour voir l’copain qui brandit son nouveau jouet.

Oh. Là, ça keyblade est quand même vachement grande. Dans un soupir, j’fais v’nir la mienne et j’commence à laisser mes yeux s’rendre de l’un à l’autre. Attends. Il faut signaler un truc.

Pas mal ! Enfin, après tout, c’pas la taille qui compte. Hein ?

Bon, j’fais l’ronchon ! Mais en vrai, c’est top. Aujourd’hui, c’est un vrai bonhomme. Du coup ? J’prends ma pose de victoire et j’fixe l’maître.

Alors ? C’est quoi la suite ! Un nouveau duel ou j’vais préparer le repas ?! Ce matin, j’ai trouvé des champignons des montagnes, une tuerie.


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Le retour à la réalité était... étrange. Pendant un moment, Fabrizio ne fut que spectateur. Son corps était là mais lui, à l'intérieur, n'était pas encore tout à fait réveillé. C'était comme si le contact n'était pas simple, comme si quelque chose ne passait pas, prenait son temps. Il se leva, sans trop réfléchir, souriant aux remarques de Chen.

Ce n'est qu'après être retombé comme une loque après avoir tenté de se redresser qu'il comprit. Alors que son dos craquait, que toute sensation miraculeusement disparue revenait – l'impression de s'être transformé en pierre et de se briser en mille morceaux en fait. Il aperçut le soleil qui avait bougé d'un quart de ciel – au moins. C'était ce qui lui fit se poser la question – ça et l'impression que son derrière allait mourir par exsanguination. Combien de temps était-il resté dans cet espèce de monde onirique qui semblait s'éloigner un peu plus à chaque seconde ? Alors qu'il sentait le vent dans ses cheveux, il pensa à une vague réponse. Longtemps. Pour l'instant ça lui suffisait.

Il se redressa. Il aurait voulu se redresser d'un bond, mais physiquement ? Non, pas possible. Il avait pris dix ans dans les limbes de la Keyblade.

Cependant, s'il y avait bien quelque chose qui était tangible et plutôt certain, certain dans le sens « existant » c'était l'arme qu'il tenait dans la main. La pointe au sol, le pommeau lui arrivait quelques centimètres sous le coude. Faite de métal, de toute évidence ; sa couleur était grise, argentée. La lame était droite. Il l'observa quelques secondes, au clair alors qu'il la leva, pris d'une curiosité qui lui fit oublier ce qui se passait autour de lui.

La lame n'était tranchante que sur l'un des deux côtés ; le creux au centre de cette dernière n'existait simplement pas. Dans une forme fascinante, qui l'aurait probablement rendue impossible à forger, la lame se composant d'une pièce de métal qui s'étendait de la garde à la pointe, formant la partie plate de la lame, et revenait vers la garde, se terminant par un arc élégant afin de former la lame. Elle ressemblait dans sa forme à celle de Chen, et même celle de Roxas ; c'était une Keyblade après-tout. Elle possédait, juste sous la pointe, la lame s'écartait pour former l'extrémité de la clef.

« Je me demandais... » commença-t-il. «  - je refuse pas le duel hein, c'est pas mon genre ! » y'avait besoin de préciser. « Les Keylades, ça a des noms, c'est ça ? »

Il n'avait jamais été familier des porteurs de la Keyblade – d'aucuns d'entre eux. Mais il avait entndu parmi les Templiers les discussions sur la nom que porteraient la leur s'ils en avaient une. Il se rapellait de ça surtout parce qu'il se souvenait clairement ne jamais avoir eu d'idée claire tant la possibilité semblait faible pour lui d'un jour posséder une telle arme. L'épée de son père n'avait pas de nom. Il se souvenait de la phrase 'seuls les idiots donnent un nom à leurs armes'... C'était pas gagné.
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Aqua ferma les yeux, croisa les bras et poussa un soupir qui se mua bientôt en un petit rire amusé. « Décidément… » Elle rouvrit les yeux pour les regarder dans une expression aussi réprobatrice que pétillante. « Vous ne pensez qu’à vous battre ! » Elle rit de nouveau, de bon cœur. Il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre ! Qu’il s’agisse de Chen qui proposait un nouveau duel ou de Fabrizio qui relevait aussitôt le défi. N’en avaient-ils pas déjà eu suffisamment la veille ? La Maîtresse de la Keyblade leur sourit avec bienveillance. Elle avait l’impression d’être avec deux enfants sur le point de se chamailler. Mais elle comprenait la fougue qui les habitait. Ils avaient tant à découvrir, tant de progrès à faire… Elle ne pouvait pas le leur reprocher. Terra et elle-même, et Ven par la suite, ils s’étaient tous entraînés durement, n’avaient jamais manqué une occasion de se mesurer les uns aux autres pour se perfectionner. Et elle retrouvait cela dans ses élèves, cette envie de s’améliorer, de découvrir leur potentiel. Elle ne les en empêcherait pas, ils progresseraient bien de cette manière, mais…

« Pas tout de suite. » leur dit-elle d’une voix douce, comme si elle ne voulait pas les décevoir. Ils en auraient bien l’occasion plus tard, mais pour l’heure ils ne devaient pas sauter des étapes. Fabrizio venait tout juste de réussir à faire apparaître sa Keyblade. Avant d’apprendre à l’utiliser il allait tout d’abord devoir apprendre à l’écouter, comme elle avait essayé de l’enseigner à Chen. Ce dernier s’en était d’ailleurs bien sorti aujourd’hui, de ce qu’elle avait pu en voir. Il ne s’était pas énervé et avait même réussi à tenir tête à tous les orbes de lumière. Aqua lui adressa un sourire. Il commençait à comprendre ! Ce qui lui donnait une légère longueur d’avance sur le jeune homme. Quand Fabrizio aurait atteint ce stade également, quand il aurait appris à agir et réagir en harmonie avec sa Keyblade, alors ils pourraient combattre l’un contre l’autre. Mais pour l’instant « Nous pouvons faire une pause. » annonça-t-elle.

La jeune femme étendit doucement ses membres engourdis d’être restés trop longtemps immobiles, prit une profonde inspiration de l’air des montagnes. Cette matinée avait été bien remplie, ils méritaient un peu de repos avant de reprendre. Aqua fit quelques pas pour se dégourdir les jambes avant de se tourner vers Fabrizio en lui souriant. Il lui avait posé une nouvelle question, mais cette fois elle n’avait pas besoin d’y songer pour y apporter une réponse.

« Effectivement. » Elle hocha doucement la tête pour lui confirmer qu’il ne s’était pas trompé. « Comme elle a sa propre volonté, chaque Keyblade possède son propre nom. » Ce n’était pas quelque chose qu’ils allaient devoir choisir. Les Keyblades de Chen et Fabrizio possédaient déjà leurs noms, ils devaient simplement l’ignorer pour l’instant. S’ils les cherchaient en eux, s’ils écoutaient leur intuition, ces noms leur apparaîtraient finalement comme une évidence. Un petit sourire amusé et mystérieux se dessina sur les lèvres d’Aqua. Elle allait encore une fois « parler par énigmes » comme le lui avait fait remarquer son nouvel élève. « Pour le connaître tu devras le lui demander. » Son regard passa de l’un à l’autre, puis un petit rire clair s’échappa d’entre ses lèvres en voyant leur expression perplexe. Mais elle savait qu’ils finiraient par comprendre tous les deux.

Reprenant son sérieux, Aqua enchaîna sur ce qu’ils allaient devoir faire désormais. Elle ne doutait pas qu’ils devaient être impatients de connaître la suite du programme.

« Cette après-midi, vous échangerez vos rôles. Fabrizio… » Elle fixa le jeune homme tout en s’adressant à lui avant de poursuivre d’un air enjoué « Tu vas apprendre à te laisser guider par ta Keyblade. » La jeune femme n’en dit pas plus, il devait avoir compris que cela serait son tour désormais de faire face aux orbes de lumière. Elle reporta son attention vers son autre élève. « Quant à toi Chen… » Un sourire doux éclaira son visage. « J’aimerais que tu prennes le temps d’écouter ton cœur. » Elle lui proposait de méditer de nouveau. Peut-être s’attendait-il à autre chose, mais cela viendrait. Plus il apprendrait à être à l’écoute de son cœur, plus facilement il pourrait découvrir les pouvoirs de la Keyblade qui sommeillaient en lui. Les exercices étaient pour l’instant répétitifs, mais ils devaient avancer doucement, pas après pas.

Elle leur en réservait cependant d’avantage pour les jours suivants.
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Bon, gros soupir et moment de réflexion intense. Pourquoi cela ? Simple. J’me lève le matin, j’descends les marches pour m’faire un p’tit gueuleton et v’là qu’mon maître me fait part de la journée.

Alors, j’vais pas m’plaindre. L’espace d’une minute, j’me voyais encore à jouer avec les boules de lumière.

Ahaha, c’est au tour de Fabrizio de s’amuser avec ça. Moi ? J’passe au niveau supérieur. Et là, on est en droit d’ce demander en quoi consiste la suite de l’entraînement. Combat en armure ?! Nah. Frapper des mannequins ?! C’pas pour les gars comme moi. Broderie ?! Vous allez pas y croire, mais ma grand-mère m’a déjà appris ça.

Non, aujourd’hui. C’est l’second muscle qui devra fonctionner pour que j’passe à l’étape supérieur.

Dans l’doute, j’ai noté c’que Aqua m’a donné et c’que j’dois faire avec. Donc ? Elle m’a regardé avec mon morceau d’pain en m’demandant d’réfléchir à une phrase qui devrait trouver écho en moi.

La Lumière est plus complexe qu’il n’y paraît…

V’là ce qui m’arrive. Ils ce sont barrés en m’laissant derrière pour que j’balance mon exposé. Il ne manquait plus qu’à c’qu’elle m’donne une échéance et j’suis bon.

Bon !
J’claque mes pattes l’unes contres l’autres j’me donne le luxe d’un endroit tranquille. On dirait pas, mais il y a pas mal de bibliothèque dans l’endroit. Alors, j’y suis allé et j’ai commencé à r’garder les reliures cuir. Ma paire de fesses sur une chaise, j’me gratte le menton en réfléchissant à c’que j’dois réfléchir.







Elle attend quoi, d’moi ? Moi, j’répond à la question deux minutes.

Normal que la Lumière est plus compliqué qu’il n’y paraît. Dans c’monde, il n’y a rien d’simple. Suffit d’voir c’qui s’passe quand on s’rends dans une administration du Jardin Radieux. Et v’là qu’il faut un formulaire pour faire un truc, qu’le formulaire s’trouve à une autre bâtiment. Mais comme celui-ci est en rénovation ? Il faut aller voir les archives !!! Vous vous rendez compte ? C’est un enfer.

Alors, j’suis pas en train d’comparer la Lumière à une administration. C’que j’veux dire, c’est que rien n’est jamais simple.



Les livres m’oppressent, j’vais prendre l’air.

Alors, j’vais prendre la grande porte et m’refuser à grimper les marches. Déjà que, j’ai dû l’faire hier et qu’il n’y a pas d’obligation. Donc, j’vais juste faire le grand tour d’la place et m’asseoir sur le muret.

Au moins, ça m’fait du bien d’regarder la vue d’cette chaîne de montagne.

Il faut pas oublier un p’tit truc. Dans la vie ? Il n’y a pas que la Lumière dans la vie. C’est c’que m’a raconté Aqua il y a deux jours. Donc, oui. C’est plus compliqué qu’il n’y parait. Dans un premier temps, s’il y’a de la Lumière ? Il y a des Ténèbres. C’comme la montagne. Elle s’dresse devant l’soleil et il y a une ombre assez grande derrière elle.

Donc, la Lumière est bien gentil, mais elle créer aussi les Ténèbres. V’là pourquoi elle est pas si simple. C’qui nous arrive, ici, c’pas une recette. Il y a pas un truc miracle qui fonctionne à chaque fois.

Alors, oui. Même si on s’dresse contre les Ténèbres avec notre belle keyblade, c’est pas l’tout. Il y a encore un truc à faire. Quoi, au juste ?



Bon, j’vais quand même me taper les marches, ça m’aidera à faire l’vide.

La pire idée.

Alors, oui. V’là que j’ai passé une heure à regarder l’copain Fabri en train d’faire ses trucs. Sauf que j’ai perdu l’fil de mes pensées et j’me retrouve à redescendre les marches pour m’reprendre à ma réflexion.

Bien entendu que rien n’est simple.

Alors, qu’est-ce que c’est réellement, la Lumière ? Déjà, c’pas une bannière sous laquelle j’me trouve. C’est plus que ça. Un état d’esprit, v’là le délire. Sauf que l’but, c’est quoi. Si j’me retrouve à écouter c’que raconte Aqua à la lettre, j’vais passer l’reste de ma vie à m’dresser devant les Ténèbres.

Sauf que, l’panda ? Il est pas con.

Il suffit pas donner des grands coups dans tous les sens pour régler les conflits.



V’là que j’ai faim, maintenant. P’tit détour à la cuisine et on r’prend la discussion avec soi-même.

Alors, qu’est-ce que j’me raconte.

L’pain et l’couteau devant moi, j’me repose à ma discussion. Un bel aura dans la main et v’là que ma keyblade apparaît dans celle-ci. Par ailleurs, c’est d’la Lumière qui vient dans ma paume. Donc, est-ce que c’est plus compliqué qu’il n’y parait.

Au bout d’un moment, j’ai compris qu’ce truc est la représentation d’mon coeur.

Donc, pourquoi est-ce que ça traîne avec moi. C’est simple. C’est que j’ai envie d’en faire quelque chose. Pas seulement casser des sans-coeurs, non. Moi, j’ai vraiment envie d’faire le bien et c’est pour ça que j’me retrouve dans c’monde avec l’maître.

Sauf que, c’est pas aussi simple qu’il n’y parait.

C’est compliqué d’faire le bien, d’être quelqu’un d’lumineux. Il suffit d’voir mon combat avec Fabrizio, j’ai été à un pas d’jouer au con et d’tomber directement dans mes travers. V’là qui n’est pas très lumineux. Donc, c’est aussi simple que ça.

Cherchevent…
Ouais, j’vous raconte l’truc comme ça. Mais, après c’que viens d’raconter Aqua ? Il m’a suffit d’voir la keyblade et d’me dire ça. Un murmure ou une intuition, c’est pareil. Mais, quand j’regarde c’qui représente mon coeur, c’est ça que j’ai en tête.

V’là que j’regarde ma keyblade, Cherchevent, comme elle vient d’se nommer et j’pense que j’ai compris.



Il est temps que j’fasse mon rapport.

Alors, c’est simple. « La Lumière est plus compliqué qu’il n’y paraît ». C’est totalement vrai ! Bon, ça semble stupide, mais j’vais y v’nir. C’que j’veux dire, c’est que, tout n’est pas bon au premier abord. Moi, j’veux faire le bien et j’veux clairement me positionner comme un vrai porteur de la Keyblade avec comme tâche de conserver l’équilibre. Mais, il n’suffit pas d’le dire pour l’faire. Comme il ne suffit pas d’se prétendre quelque chose pour l’être. Oui, j’suis pas claire. Mais… Une bonne action n’efface pas une mauvaise. Si, moi, j’ai envie d’me retrouvé à être la personne que j’ai envie d’être, il va falloir que j’y fasse attention et que j’sois prêt à y parvenir... Donc, quand j’balance que la Lumière est plus compliqué qu’il n’y paraît. Il suffit pas d’se cacher derrière une idée pour s’dire bon, ce sont nos actions qui nous définissent et il faut y travailler.

Bon, par contre, j’sais pas si c’est vraiment la réponse que vous attendiez. Cependant, c’est c’que j’imagine être la bonne réponse. Oui ? Non ? Pour moi. C’est juste qu’il y en a plus que ce qu’on veut y voir et il faut faire attention à c’te volonté qui pourrait y transparaître. Il faut toujours s’poser la question, voilà.


Bien, maintenant… Hum… J’crois que j’vais rester là et attendre. Ouais, c’est pas mal.


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Décontenancé était probablement le mot qu'il cherchait. Celui qui correspondait le mieux à son sentiment. Évidemment, il avait compris qu'écouter son cœur avait l'air d'être le crédo des porteurs de Keyblade. Mais il n'avait pas songé à un seul moment que cela aurait pu être aussi difficile.

Si sa première expérience, assis en silence à attendre une réaction inhabituelle de son palpitant, s'était soldée par une victoire écrasante et l'apparition d'une lame-clef tout droit de nulle part, ce nouvel essai fut de loin plus infructueux.

Son cœur n'avait peut-être pas envie de parler.

Son esprit, en revanche, se lançait dans une envolée lyrique des plus argumentées.

Aqua avait eu tort, elle s'était trompée. D'accord il avait invoqué une keyblade une fois parce que la magicienne était présente à ce moment. Son cœur était noir comme de l'encre et il le savait bien !

Dès qu'il fut seul, sur le terrain qu'avaient depuis longtemps quitté Aqua et Chen, il avait reproduit l'exercice à l'identique. S'assoir, se calmer – pas simple mais faisable, écouter son cœur – que dalle mais pas surprenant.

Devant le ciel qui s'était depuis longtemps teinté de rose, d'orange puis d'un bleu sombre à mesure que le soleil le quittait, les étoiles avaient commencé à luire dans l'obscurité qui s'était installée. Son esprit était alors dans un état similaire à celui qu'il avait éprouvé plus tôt dans la journée. Comme s'il s'aventurait dans un éther onirique, il allait à la recherche de cette arme qu'il avait atteinte ; seulement, il ne trouva rien.

Sa concentration se brisa comme une vitre ; elle éclata, tomba en miettes. Qu'est-ce qui avait raté ?

Pas de cœur, pas de Keyblade, c'était comme ça que ça fonctionnait, alors ?

Une zéphyrine lui fouettait le visage, froide comme un vent d'hiver, surprenante. Hors de question de retourner voir Maître Aqua avec des résultats pareils. S'il lui avait paru difficile au premier abord de devoir progresser ; il devait se rendre à l'évidence que là, il avait carrément régressé. Ce n'était plus un vide dans son cœur qu'il ressentait pas carrément une panique vive, froide à l'instar du vent qui balayait ce monde qu'il aurait juré calme un jour auparavant.

Le soldat se leva, n'y tenant plus. Ses jambes lui firent passer le message immédiatement ; il était resté assis bien trop longtemps. Des heures, en fait. Il ne les avait de toutes façons pas comptées. Il ne quitta pas le terrain, trouvant dans le vent une bénédiction qui venait comme laver ses inquiétudes. Le bruit constant parvenait à assourdir la constante présence de ces pensées. Mais il ne l'empêchait pas de tourner en rond.

Comment je pourrais connaître ton nom si je peux même pas t'invoquer ? 
commença-t-il, hésitant. Ce fut comme s'il n'avait pas parlé du tout. Personne ne répondit et ses mots se perdirent dans les airs.

Écoute, je sais que j'ai pensé qu'il y avait que les cons qui donnaient un nom à leurs armes ! Le prend pas mal ! Pas de réponse.

Un coup de vent : la zéphyrine devenait un slamino et balayait la plaine en contrebas du terrain d'entraînement. Fabri pouvait l'entendre siffler en rasant la cime des arbres. Dans le ciel plein d'étoiles, il n'y avait pas un nuage. Il prit une profonde inspiration et ferma les yeux ; sans chercher à comprendre cette subite volonté d'un essai de plus.

Bientôt, il n'avait plus froid, même si le vent semblait toujours le traverser. Son souffle à lui se calma, alors que le vent ne bronchait pas et continuait à souffler. Les murailles de la Citadelle lui apparurent comme un phare dans la tempête. Les créneaux déchirant les vents et coupant ses habitants du monde extérieur, les protégeant. C'était toute la différence de cet endroit où il était à leur merci.

C'était comme s'il laissait son corps sous leur bonne garde et qu'il partait pour aller chercher son arme. Avec une facilité nouvelle, il retrouva les strates éthérées qu'il avait visitées plus tôt ; lorsqu’il sentit le poids de la Keyblade dans ses mains, le soleil se levait et le vent était redevenu une brise calme, comme dansante dans l'air. Ainsi pouvait-il retourner voir son Maître la tête haute.

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